B. LA COOPÉRATION DANS L'ENSEIGNEMENT PRIMAIRE ET LE SECONDAIRE

Au niveau de l'enseignement primaire et secondaire, outre les deux lycées français précités, plusieurs institutions importantes dispensent des cours en français en Turquie. Il s'agit de lycées turcs bilingues, qui bénéficient du soutien de la France :

- l'école et le lycée Galatasaray (soit, à la rentrée 2002, 610 élèves pour l'école primaire et le collège et 561 pour le lycée) ;

- les 3 lycées Tevfik Fikret d'Ankara, Izmir et Bursa 8 ( * ) (lycées bilingues dépendant d'une fondation privée turcs), qui accueillent plus de 2.000 élèves (pour la rentrée 2002, 1.590 élèves pour l'école primaire et le collège et 580 au lycée) ;

- les 6 lycées de la Fédération des Ecoles Catholiques Françaises de Turquie et leurs écoles associées, qui accueillent au total plus de 4.500 élèves (soit, pour la rentrée 2002, 1.520 élèves pour l'école primaire et le collège et 3.070 au lycée).

1. Les lycées congréganistes

Il existe en Turquie six lycées congréganistes, dont cinq sont situés à Istanbul, et un à Izmir. Ces lycées privés, dont le caractère confessionnel s'est progressivement estompé, puisque aucun religieux n'y enseigne désormais, sont de véritables institutions et font partie des plus réputés de Turquie. On y entre par concours et les frais de scolarité (environ 6.000 euros) y sont élevés, quoique plutôt dans la fourchette basse des lycées d'élite privés en Turquie. Ces lycées sont installés dans des bâtiments parfois prestigieux, comme le lycée Saint-Joseph à Istanbul. Deux d'entre eux en sont propriétaires, tandis que les autres relèvent de la loi de dévolution, qui accorde aux écoles un droit d'usage des terrains à condition qu'ils soient affectés à l'enseignement.

Les lycées congréganistes relèvent du droit turc, et les programmes scolaires sont les programmes turcs. Ils assurent toutefois un enseignement bilingue turc et français - plus de 50 % de l'enseignement se fait en français -, ce qui implique notamment la traduction en français des manuels scolaires turcs. Ces lycées bénéficient du concours de professeurs de français, financés en partie par la France. Les lycées de la Fédération des Ecoles Catholiques Françaises de Turquie fournissent un vivier important d'étudiants déjà bilingues pour les universités de Galatasaray (25 % du contingent leur est réservé) et de Marmara.

Ces établissements, qui constituent un outil important au service de la francophonie en Turquie, sont actuellement confrontés principalement à deux types de problèmes :

un problème de recrutement : il leur devient de plus en plus difficile de trouver des professeurs français, en particulier pour les matières scientifiques (chimie, biologie, informatique, physique, mathématiques), car les rectorats sont réticents à autoriser leur départ. Lorsque les établissements obtiennent la venue d'un professeur français, ils ne sont souvent informés qu'au mois de juin ou de septembre. Or, le maintien d'un quota de professeurs français est indispensable pour conserver un bon niveau de français et maintenir une culture française ;

un problème financier : la participation de la France a significativement diminué au cours des dernières années, passant, pour les six lycées, de plus de 2 millions d'euros pour l'année scolaire 1996-1997 à environ 700.000 euros pour l'année scolaire 2003-2004. Or les établissements ont vu leur situation financière se dégrader au cours des dernières années, en raison de la réforme de l'enseignement primaire en Turquie, de l'assujettissement des établissements d'enseignement privés à l'impôt sur les excédents, comme les entreprises, de la crise financière, de la disparition progressive des revenus liés aux comptes placés, et des investissements nécessaires pour mettre en place une pédagogie moderne. Sur les six établissements, trois d'entre eux connaissent une situation financière fragile. C'est le cas, en particulier, du lycée Saint-Joseph à Izmir. Enfin, les lycées congréganistes doivent faire face à une concurrence importante de la part des écoles étrangères (américaines, italiennes, autrichienne et allemande), qui bénéficient d'un soutien important de leur ambassade, et des lycées turcs prestigieux, qui sont souvent soutenus par de grandes entreprises turques. Le maintien d'un enseignement d'excellence est donc une condition indispensable à la pérennité des établissements, dont la réputation se mesure aisément, en raison de l'existence d'un concours général pour l'accès aux écoles privées en Turquie.

Le tableau ci-après retrace l'évolution de l'aide financière accordée par le ministère des affaires étrangères aux 6 lycées de la Fédération des Ecoles Catholiques Françaises de Turquie depuis 1996-1997.

Evolution de l'aide apportée par le ministère des affaires étrangères français à l'association des écoles catholiques françaises de Turquie

Année scolaire

Montant total des subventions accordées aux
6 établissements

Nombre total de postes attribués
aux 6 établissements

Enveloppe financière accordée aux 6 établissements

 

Détachés budgétaires

CSN

CRSP

Conventions-types puis contrats MICEL

 

1996-1997

601.510 FRF

14 postes soit 7.912.800 FRF

5 postes soit 650.000 FRF

1 poste soit 220.000 FRF

38 postes soit 4.187.600 FRF

13.571.910 FRF

1997-1998

240.000 FRF

10 postes soit 5.652.000 FRF

5 postes soit 650.000 FRF

2 postes soit 440.000 FRF

38 postes soit 4.187.600 FRF

11.169.600 FRF

1998-1999

165.000 FRF

8 postes soit 4.521.600 FRF

5 postes soit 650.000 FRF

2 postes soit 440.000 FRF

39 postes soit 4.297.800 FRF

10.074.400 FRF

1999-2000

231.400 FRF

6 postes soit 3.391.200 FRF

4 postes soit 520.000 FRF

1 poste soit 220.000 FRF

43 postes soit 4.738.600 FRF

9.101.200 FRF

2000-2001

214.400 FRF

4 postes soit 2.260.800 FRF

4 postes soit 520.000 FRF

0 poste soit
0 FRF

46 postes soit 5.069.200 FRF

8.064.400 FRF

2001-2002

29.000 FRF

3 postes soit 1.695.600 FRF

4 postes soit 520.000 FRF

0 poste soit
0 FRF

43+2 non attribués = 45 postes soit 4.959.600 FRF

7.203.600 FRF

2002-2003

0 €

0 poste soit 0

0 poste soit
0 €

0 poste soit
0 €

46 postes soit 772.800 €

772.800 € soit 5.069.200 FRF

2003-2004

0 €

0 €

0 €

0 €

46 postes soit 695.474 €

695.520 € soit 4.562.280 FRF

Coûts paramétriques utilisés (référence à un document émis par le Service Culturel d'Ankara le 22/03/01) :

- 1 poste de détaché budgétaire : 565.200 FRF/an

- 1 poste de CRSP : 220.000 FRF/an

- 1 poste de CSN : 130.000 FRF/an

- 1 poste MICEL (50 % - 50 %) 110.200 FRF/an = 16.800 €/an

- 1 poste MICEL (45 % - 55 %) 99.180 FRF/an = 15.120 €/an

En 8 ans l'aide accordée a été réduite de 66,4 %.

Ce tableau montre clairement que si le nombre de professeurs français est relativement stable, les conditions de la participation financière de la France à leur rémunération diminue. Après avoir supprimé les postes de professeurs détachés, la France diminue en effet sa participation à la rémunération des professeurs bénéficiant de contrats avec la Mission de coopération éducative et linguistique (MICEL) - voir infra - : à la rentrée 2003, celle-ci passait de 50 % à 45 %, et devrait progressivement être rapportée à 35 %.

Si ce désengagement semble nécessaire en raison du poids élevé de la rémunération des personnels dans notre enveloppe de coopération, il convient d'éviter qu'il soit trop brutal ou important, de manière à permettre à nos partenaires de s'adapter aux nouvelles conditions de notre participation. C'est toute la difficulté à laquelle est confrontée notre coopération en matière d'enseignement : s'il est nécessaire de trouver les moyens d'une plus grande souplesse d'intervention et de diversifier les coopérations existantes, il convient de faire en sorte que les projets que la France a soutenus de longue date ne soient pas contraints de s'interrompre du fait de notre désengagement.

Le même problème existe au niveau universitaire, compte tenu du poids de l'université de Galatasaray dans notre dispositif de coopération : il s'agit, là aussi, comme cela est précisé plus loin, de dégager des marges de manoeuvre tout en préservant l'existant.

2. Les lycées de la fondation Tevfik Fikret

Les lycées de la fondation Tevfik Fikret sont des lycées bilingues réputés, relevant d'une fondation privée turque à but non lucratif, créée en 1964 par 14 universitaires francophones, anciens élèves du lycée de Galatasaray.

Votre rapporteur spécial, qui a eu l'occasion de visiter les établissements de cette fondation à Ankara et à Izmir, a constaté qu'ils disposaient de locaux récents et d'équipements modernes.

Ces établissements assurent un enseignement bilingue turc et français. Par ailleurs, l'apprentissage de l'anglais y est obligatoire à compter de la classe de sixième. Ils bénéficient, à l'instar des établissements congréganistes, avec lesquels, à certains égards, ils sont en concurrence, du concours de professeurs français, financés en partie par la France. Le nombre de professeurs français est de 18 dans l'établissement d'Ankara, de 11 dans celui d'Izmir, et de 4 dans celui de Bursa. Par ailleurs, la France aide directement la fondation Tevfik Fikret, pour un montant de 6.900 euros pour l'année 2003. Le passage progressif d'un financement paritaire des professeurs bénéficiant d'un contrat avec la MICEL à un financement à hauteur de 35 % seulement par la France semble avoir été compris et accepté par les responsables de la fondation.

Afin de limiter le poids des rémunérations dans nos dépenses de coopération, ainsi que pour faire face à la difficulté de recrutement de professeurs français dans les matières scientifiques, la France réduit progressivement le nombre de professeurs français pour les remplacer par des professeurs turcs francophones ayant préalablement bénéficié d'une formation en France, financée par les crédits de coopération. Ainsi, 11 professeurs turcs ont été formés en 2 ans pour le seul lycée Tevfik Fikret d'Ankara. Cette solution est, à l'évidence, beaucoup plus économe que la rémunération de professeurs français.

Votre rapporteur spécial considère que la coopération avec la fondation Tevfik Fikret est exemplaire : d'une part, elle s'appuie sur une initiative privée de qualité. Elle est donc parfaitement intégrée au « paysage local » et constitue un mode de coopération efficace pour un coût budgétaire modeste ; d'autre part, notre implication budgétaire se réduit progressivement, mais de manière à assurer la pérennité de l'outil de coopération : en formant des professeurs turcs en France, nous donnons à ces lycées une capacité autonome d'enseignement en langue française, tout en limitant la prise en charge de la rémunération des enseignants pour l'avenir.

Toutefois, ce modèle séduisant n'est pas aisément transposable à l'étranger, dès lors qu'il suppose l'existence d'une initiative privée locale suffisamment solide pour permettre la création d'un outil de qualité.

3. Le lycée de Galatasaray

Le lycée de Galatasaray est l'une des institutions d'enseignement les plus anciennes et les plus prestigieuses de Turquie, qui bénéficie d'une longue tradition francophone. L'établissement actuel, alors lycée impérial, a été fondé en 1868. Il avait pour objet de former les futurs cadres de l'empire ottoman selon les standards occidentaux, et a joué un rôle important dans l'histoire de la Turquie moderne, compte tenu de sa tradition d'ouverture et de modernité et de son caractère multiconfessionnel. La France a, depuis 1868, apporté un soutien constant au lycée de Galatasaray, qui accueille aujourd'hui plus de 1.200 élèves. Elle assure la rémunération d'une trentaine de professeurs français qui enseignent au sein de l'établissement.

* 8 Le lycée de Bursa était, jusqu'en 2002, géré par la mission laïque. Dans une mauvaise situation financière, il a alors été repris par la fondation Tevfik Fikret.

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