CHAPITRE II :

LE BRÉSIL, FER DE LANCE DU MERCOSUR

Votre rapporteur se propose de présenter à grand trait le pays hôte de la CNUCED 2004, le Brésil, avec lequel les membres de la mission ont pu nouer des contacts, à la fois par le biais des diverses rencontres avec les ressortissants français installés au Brésil et grâce aux entretiens intervenus avec différents interlocuteurs brésiliens.

I. LE BRÉSIL, ENTRE PAYS INDUSTRIEL ET PAYS EN DÉVELOPPEMENT

A. LE BRÉSIL, « GARDE-MANGER » DU MONDE MAIS AUSSI PRODUCTEUR INDUSTRIEL, NOTAMMENT SUCRIER

1. Une puissance agricole reconnue et une capacité industrielle en progression

Le Brésil occupe une place non négligeable sur la scène régionale mais aussi internationale.

Le Brésil, grand comme quinze fois la France et fort de 178 millions d'habitants -ce qui en fait le cinquième pays du monde par la population-, fait partie des pays à revenus intermédiaires : il se situe, selon l'évolution du taux de change, entre le 10 e et le 15 e rang du classement mondial des économies selon le PIB. Le PIB par habitant est de 2.920 euros en 2003.

Alors qu'à l'OMC, il continue à jouer la carte des pays en développement en se qualifiant de grand pays émergent, le Brésil revendique en même temps un siège au Conseil de sécurité de l'ONU.

Il s'affirme également sur la scène économique mondiale comme un acteur de premier plan : il est le premier ou second producteur ou exportateur mondial pour de nombreux produits agricoles, sucre, café, soja, viande de boeuf, poulet, jus d'orange.

Grâce à un taux de croissance proche de 6 % jusqu'en 1980, l'économie brésilienne s'est également créée une base industrielle solide. Le Brésil est ainsi devenu une grande nation industrielle, quatrième puissance aéronautique mondiale, cinquième sidérurgiste, en pleine expansion dans les secteurs de la téléphonie et de l'informatique, bientôt autosuffisant en pétrole, puissance spatiale, aspirant en outre à développer les technologies nucléaires...

Le potentiel du Brésil, très richement doté en ressources naturelles et disposant d'un vaste marché intérieur, est considérable et peut être servi par l'existence d'une vraie classe d'industriels investissant dans leur pays, par une main-d'oeuvre bien formée et aisément motivable, par la qualité du personnel d'encadrement et enfin par un système bancaire solide, ne contribuant toutefois qu'insuffisamment au financement de l'économie. Outre le coût trop élevé du crédit, les milieux d'affaires français au Brésil, rencontrés par les membres de la mission lors d'un petit déjeuner organisé par M. Renaud Muselier, secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, déplorent le poids de la bureaucratie et la déficience des infrastructures, surtout routières et portuaires.

2. Le succès notoire de l'industrie sucrière brésilienne

Votre rapporteur, ainsi que les autres membres de la mission, tiennent particulièrement à faire observer le succès que le Brésil a su construire en matière d'industrie sucrière. Comme l'a présenté aux membres de la mission le président de l'UNICA, organisme réunissant les plus grands producteurs de sucre du Brésil, le Brésil est le producteur de sucre le plus compétitif du monde, avec un coût de revient de l'ordre de 150 à 200 USD par tonne 4 ( * ) , grâce à des conditions de production de canne à sucre particulièrement privilégiées (ensoleillement, pluviométrie, topographie) permettant des rendements et des concentrations en sucre élevés.

Les biocarburants ont rencontré un succès notoire au Brésil, leur essor historique ayant débuté en 1975 grâce au « plan pro-alcool » alors mis en place par le Gouvernement (et démantelé en 1991). Jusqu'à l'extinction de ce programme, l'essentiel de la production de canne était destiné à la production d'alcool afin de réduire la facture énergétique du pays. En 1984, près de 95 % des véhicules produits au Brésil fonctionnaient à l'alcool. En raison de problèmes d'approvisionnements liés à la baisse de production d'alcool du fait de la réduction des subventions, les automobilistes ont progressivement abandonné, à partir de 1988, les véhicules à alcool, dont les ventes avaient atteint un niveau dérisoire. Néanmoins, ces dernières ont recommencé à croître depuis 2001 grâce à des incitations fiscales à l'achat et à l'introduction de nouvelles technologies, notamment le « flex-fuel », qui permet à un véhicule doté d'un seul moteur et d'un seul réservoir de fonctionner indifféremment avec de l'essence ou de l'alcool carburant. Aujourd'hui, le Brésil est le premier producteur mondial d'alcool . La production d'alcool constitue la variable d'ajustement permettant de réguler la production de sucre et les importations de pétrole. Lorsque les cours du sucre sont peu rémunérateurs, la production est orientée vers l'alcool carburant grâce à la modification du taux d'incorporation d'alcool anhydre dans l'essence, fixé légalement entre 20 et 25 %. L'alcool se positionne désormais comme le moteur de la croissance de l'industrie de la transformation de la canne, les perspectives en matière de sucre étant limitées à court terme du fait de la situation excédentaire de l'offre mondiale et du fléchissement de la progression de la consommation domestique.

L'augmentation de la production d'alcool vise à répondre aux perspectives de développement du marché international, en particulier au Japon où le Gouvernement a approuvé en 2003 l'incorporation de 3 % d'alcool dans l'essence. De nombreux autres pays envisagent d'utiliser l'alcool comme additif dans leur carburant, afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. A l'horizon de dix ans, l'essence consommée sur l'ensemble de la planète pourrait incorporer jusqu'à 5 % d'alcool. La préoccupation croissante en matière de développement durable et de développement des énergies « propres » 5 ( * ) offre des perspectives très prometteuses à l'industrie du sucre au Brésil, qui est la plus compétitive du monde et qui pourrait augmenter, d'ici dix ans, de 40 % les surfaces de culture consacrées à la canne à sucre, ce qui accroîtrait de plus de 50 % la récolte.

En outre, l'industrie du sucre pourrait dégager de nouvelles sources de revenus grâce à la production d'électricité en co-génération à partir de la bagasse de la canne et grâce à la commercialisation de crédits de carbone, prévue dans le cadre du protocole de Kyoto et visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

B. LE BRÉSIL, PAYS EN DÉVELOPPEMENT ?

Malgré les progrès importants que le Brésil a enregistrés au plan économique, il reste le pays le plus inégalitaire (indice dit de Gini à 58). Les 10 % les plus riches du pays bénéficient encore aujourd'hui de 46 % du revenu total, contre 49 %, dix ans auparavant. Plus du tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté et la classe moyenne basse (25 % de la population) est très vulnérable.

En outre, le Brésil est marqué par de très fortes disparités régionales. Ainsi, les taux d'équipement en biens durables sont deux à trois fois supérieurs dans le sud du pays. Le Brésil « pauvre » comprend 33 % de la population brésilienne, localisée dans neuf Etats du Nordeste et dans les trois Etats amazoniens les plus défavorisés.

Par ailleurs, depuis 1995, le Brésil connaît également une montée du chômage et du travail informel, sous l'effet de l'ouverture économique et des restructurations d'entreprises. Le travail dit « formel » représenterait ainsi, selon les chiffres fournis par le ministère des Affaires étrangères, seulement 45 % de la population active en 2002.

Il convient aussi de noter que le Brésil subit une montée de la délinquance et de la violence criminelle depuis le milieu des années 1990, notamment due aux effets du trafic de drogue. Ainsi, le Brésil est un des pays d'Amérique latine où le taux d'homicides est le plus élevé (20 fois supérieur à celui de la France).

Il faut reconnaître que la situation sociale est une préoccupation prioritaire du président Lula. Son prédécesseur, M. Cardoso, avait entrepris des réformes libérales (« plan Real ») qui, en permettant de contrôler l'inflation, avaient contribué à l'amélioration du pouvoir d'achat des revenus les plus faibles, à une diffusion des biens durables et à certains progrès dans le domaine de la santé et de l'éducation. Toutefois, la répartition du revenu demeure très inégalitaire et le Brésil reste, selon la formule du président Cardoso lui-même, un pays « injuste plutôt qu'un pays pauvre », classé au 73 e rang mondial pour le développement humain. C'est dans ce contexte que M. Luiz Inacio Lula da Silva, candidat de la gauche, a été élu Président de la République en octobre 2002 et s'est engagé à assurer aussi bien une croissance élevée et des créations d'emplois qu'une redistribution de la richesse nationale.

Le président Lula est parvenu en 2003 à reconquérir la confiance des marchés en améliorant la situation financière du Brésil, qui reste entachée par une dette publique égale à 57 % du PIB et des taux d'intérêt élevés. Le défi pour 2004 est de poursuivre la maîtrise de l'inflation mais d'enclencher aussi le cercle vertueux d'une croissance pérenne et plus juste socialement, pour remplir l'objectif « Faim zéro».

* 4 Contre 600 à 700 USD la tonne dans l'Union européenne et 450 USD aux Etats-Unis.

* 5 L'alcool carburant présente un bilan environnemental favorable, dans la mesure où l'on estime que chaque tonne de canne à sucre utilisée pour sa production permet une réduction de 170 kg de rejets de CO 2 .

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