2. ... qui semble ouvrir une période de transition difficile vers un avenir sans perspectives favorables
L'élargissement de l'écart entre dynamique des produits et des charges appelle des mesures d'assainissement qui, en pratique , se révèlent difficiles à mettre en oeuvre . Ce hiatus conduit à s'interroger sur le type d'atterrissage en cours dans le football : atterrissage en douceur ou crash ?
a) Le difficile ajustement de la main d'oeuvre
Le football professionnel est fondamentalement une activité de main-d'oeuvre , faiblement capitalistique . Dans les périodes de retournement cyclique, il est plus aisé d'ajuster les investissements que de proportionner l'emploi aux perspectives économiques. Cette observation, d'ordre général, vaut plus encore pour les entreprises de football. Celles-ci sont liées aux joueurs par des contrats de longue durée qu'elles ont conclus pour se préserver des effets de l'arrêt Bosman (v. supra ) et dont elles ne peuvent aisément s'abstraire. Elles sont conduites, comme on l'a vu, à des expédients prenant la forme d'une multiplication des opérations de prêts de joueurs.
A ces données juridiques, il faut ajouter la prise en compte de la dimension particulière des problèmes de gestion de main-d'oeuvre dans le football. Le capital humain que représentent les joueurs n'est ajustable qu'à la marge, sauf à encourir les risques économiques associés à une chute des performances sportives. L'arbitrage entre réduction des coûts et risques d'effondrement des produits conduit à des comportements conservateurs , compréhensibles, la perte pouvant excéder l'économie et se trouver difficilement réversible.
Le creusement des déficits observé a été extrêmement spectaculaire. Des clubs en sont sérieusement fragilisés. Cependant, la concentration des problèmes financiers est telle qu'un scénario d'atterrissage en douceur peut être privilégié, du moins du point de vue global.
b) Des perspectives peu favorables
Enfin, les perspectives du cycle ne sont pas favorables . Il est plus que douteux que la phase de retournement en cours débouche sur une phase haussière analogue à la précédente. Les booms économiques sectoriels se répètent rarement car les caractéristiques qui les ont fondés ne sont pas reproductibles. Hors élément nouveau , on ne peut compter, pour l'avenir, sur une dynamique des recettes aussi forte que celle observée dans le passé. Une fois les paysages audiovisuels structurés, les ressorts de la hausse des droits de retransmission n'ont plus de raison d'agir 35 ( * ) . Ce carburant manquant, et les restrictions à la mobilité des joueurs ayant disparu, le marché des transferts devrait, à son tour, connaître l'atonie. Le développement économique du football devrait, par conséquent, connaître des rythmes plus en rapport avec ceux de la croissance économique moyenne .
Ce scénario probable pourrait laisser place à un scénario de croissance un peu plus favorable dans l'hypothèse où de nouveaux marchés devaient s'ouvrir reposant, soit sur des avancées technologiques (type Internet ou téléphonie mobile), soit sur la conquête de nouveaux publics. Toutefois, si la mondialisation du football européen offre des perspectives, celles-ci sont réduites . Dans de nombreuses parties du monde, soit les besoins des spectateurs sont satisfaits par des équipes locales, soit ils sont peu solvables. Seule l'Asie apparaît aujourd'hui comme réellement prometteuse.
Ces faibles perspectives pourraient cependant être améliorées si le football parvenait à améliorer ses recettes unitaires. Une telle stratégie dite « yield management » a été adoptée par les compagnies aériennes afin de surmonter l'atténuation de la croissance dans un secteur qui avait lui-même connu le boom. Elle paraît devoir donner des résultats marginaux pour un secteur comme le football, qui reste éminemment populaire.
* 35 Cette considération a été un élément essentiel d'anticipation du lancement du nouvel appel d'offres dans la commercialisation par la LFP des droits TV.