3. Moderniser la Russie : les objectifs ambitieux du second mandat présidentiel
Bien que disposant à la Douma de la majorité qualifiée nécessaire, Vladimir Poutine a indiqué à plusieurs reprises qu'il n'envisageait pas de faire réviser la Constitution pour obtenir le possibilité de briguer un nouveau mandat en 2008. Ce second mandat, qui pourrait donc, dans cette hypothèse, être le dernier, sera véritablement révélateur du projet politique qu'il poursuit et sur lequel il a entretenu, jusqu'à présent, une certaine ambiguïté.
Fort d'une solide majorité parlementaire, Vladimir Poutine a constitué un gouvernement compact de 16 ministres présentant deux caractéristiques : une composition reflétant l' accentuation de la prééminence du Président et une structure préfigurant l'ambitieuse réforme administrative voulue par celui-ci.
Sur le plan des hommes, l'influence des derniers représentants de la période Elstine s'estompe au profit de personnalités plus directement liées au Président. Un équilibre est établi entre les tenants du libéralisme économique, partisans de la réforme et du rapprochement avec le monde occidental, les hommes formés dans les « structures de force », plus conservateurs et attachés à un Etat fort, et enfin des ministres techniciens. Le nouveau premier ministre, Mikhail Fradkov, jusqu'alors représentant de la Russie auprès de l'Union européenne, apparaît comme un homme neuf, ne tirant sa légitimité que de la confiance présidentielle, mais fort d'une expérience conséquente dans l'administration et les relations économiques extérieures.
Sur le plan des structures, ce gouvernement « resserré » s'inscrit dans une réforme administrative de grande ampleur visant à réduire de 20% le poids de l'administration fédérale, réorganisée en trois strates. Moins nombreux, les ministères seront « recentrés » sur des fonctions stratégiques visant à définir les politiques générales et leur cadre normatif. La deuxième strate comportera les services et les agences en charge de l'exécution, sous la tutelle de chaque ministère. La troisième strate est celle des services fédéraux en charge du contrôle. L'objectif de cette réforme est de renforcer la responsabilité des ministres et des hauts fonctionnaires.
Le « chantier » de la modernisation administrative sera l'un des axes importants du prochain mandat. Outre la réorganisation de l'administration fédérale, il comportera un important volet concernant les pouvoirs locaux . Lors de son déplacement dans la région de Samara et de ses contacts avec les autorités locales, la délégation a ainsi pu mesurer la sensibilité du débat en cours sur la nouvelle répartition des ressources entre les différents échelons territoriaux et la péréquation entre les régions. À moyen terme, une simplification de la carte administrative est également recherchée, par une diminution du nombre de sujets de la fédération et une homogénéisation de leur statut. Enfin, l'amélioration de l'efficacité de l'administration impliquera aussi de faire reculer la corruption, très répandue du fait de la modestie des rémunérations dans la fonction publique.
L'élévation du niveau de vie, par la modernisation économique et sociale du pays , constitue la priorité essentielle du prochain mandat, le président Poutine ayant fixé au printemps 2003 l'objectif d'un doublement du PIB en dix ans .
De ce point de vue, l'orientation des autorités gouvernementales est clairement libérale . L'adaptation du cadre légal et fiscal a déjà été engagée et devra être poursuivie de manière à encourager le développement de l'investissement et de l'activité.
Le programme assigné au nouveau gouvernement comporte une poursuite de l'allègement de la pression fiscale et des charges sociales, la modernisation du secteur bancaire pour faciliter l'accès au crédit, une réforme du système de santé et des régimes de retraite, l'introduction de la concurrence dans les services publics locaux.
Le gouvernement entend en revanche conserver un rôle régulateur de premier plan dans le secteur stratégique de l'exploitation des ressources naturelles . De ce point de vue, l'affaire Ioukos a moins été interprétée comme le signe d'une volonté de « renationaliser » les grands groupes énergétiques et miniers que comme la démonstration que le pouvoir central, au nom de l'intérêt national, n'entendait pas leur laisser une totale autonomie.