2. Des moyens d'action limités
Cette volonté de préserver ce qui peut l'être de la puissance passée se heurte à un certain nombre de réalités et de faiblesses.
La situation économique de la Russie la place globalement dans une situation de dépendance vis à vis de l'extérieur qui limite sa capacité d'action. Face à l'élargissement de l'Union européenne, elle a du tenir des positions défensives, afin de conserver certains acquis de ses relations économiques avec les pays d'Europe centrale et orientale. Son adhésion à l'OMC, envisagée pour 2006 au plus tôt alors que la Chine a été admise en 2001, est à la fois vitale pour son insertion dans les grands courants d'échanges mondiaux et très exigeante au regard des efforts à consentir pour adapter ses structures économiques.
L' outil militaire russe , élément essentiel de sa puissance, est par ailleurs fortement dégradé , tant en ce qui concerne les équipements que les personnels.
Ses déficiences ont été mises en lumière à l'occasion du conflit tchétchène ou encore lors de récentes manoeuvres des forces nucléaires au cours desquelles, en la présence de Chef de l'Etat, le lancement d'un missile stratégique a échoué. En dépit de la priorité accordée par le président aux forces nucléaires, élément essentiel pour le statut international de la Russie, celles-ci connaissent de graves difficultés. Elles sont révélatrices, sur un plan plus général, du vieillissement des équipements , des lacunes de leur entretien et des difficultés financières pesant sur les programmes de renouvellement.
Au sein des armées, le climat s'est détérioré. La situation matérielle des militaires , en termes de soldes et de logement, n'est plus suffisamment attractive, ce qui entraîne un flux de départ important vers le secteur civil et des difficultés de recrutement. L' insoumission atteint des proportions très significatives, puisque 38.000 jeunes n'auraient pas répondu à l'appel au printemps 2003, alors qu'un Comité des mères de soldats tente de sensibiliser l'opinion publique sur les mauvais traitements subis par les appelés, dans le cadre d'un « bizutage » qui provoquerait, selon elles, près de 3.000 morts par an.
La déflation des effectifs, qui constitue depuis des années l'un des fondements de la réforme des armées, s'est opéré à un rythme beaucoup plus lent que prévu, le nombre de personnels en uniforme étant toujours supérieur à 1.100.000 hommes, au lieu des 850.000 initialement prévus pour 2003.
La restauration d'un appareil de défense crédible constitue l'une des priorités du président Poutine. Le budget de la défense a été revu à la hausse. Il ne représente toutefois que 12 milliards d'euros, soit le tiers du budget français pour des effectifs trois fois plus nombreux. L'objectif est de transformer l'armée russe pour disposer de forces plus réduites mais mieux entraînées et plus mobiles, avec une forte composante professionnelle et des équipements de haute technologie. Le service militaire sera réduit de 2 à 1 an et d'ici 2008, la moitié des effectifs seront professionnalisés, un corps de sous-officiers, aujourd'hui inexistant, étant créé.
Ces orientations voisines de celles retenues par les armées occidentales, suscitent des résistances de la hiérarchie militaire.
Dans l'immédiat, ainsi que l'a indiqué à la délégation le général Balouyevski, 1 er adjoint au Chef d'État-major général, la priorité va à la création d'une composante professionnelle projetable et bien équipée qui aurait vocation à agir sur le théâtre intérieur ou dans les proches pays voisins.