C. JAPON ET ETATS-UNIS

• Le Japon est en tête des investissements publics en matière de nanotechnologies.

Le montant des investissements publics est très significatif car il ne représente que le quart des investissements dans les recherches en nanotechnologie.


Les dépenses publiques ont évolué de la façon suivante entre 2000 et 2004 :

- en 2000 : 262,4 M€

- en 2001 : 484,8 M€ dont le tiers consacré aux nanomatériaux

- en 2002 : 740 M€ environ

- en 2003 : les montants seraient de l'ordre de 1.192,8 M€

- en 2004 : le budget demandé est en hausse de 11,3 % mais pourrait ne pas être atteint.

• Les Etats-Unis

Ils sont très en avance dans un domaine qu'ils considèrent comme éminemment stratégique. Les Etats-Unis ont ainsi placé au coeur de la dominance économique globale pour les années 2010 à 2020 la convergence NBIC (nucléaire biologique, informatique et cognitive) des nanosciences.

Dès 1999, des budgets considérables ont été débloqués. Le budget de la National Nanotechnology Initiative (NNI) est ainsi passé de 270 millions de dollars pour l'année 2001. Pour l'année 2002, l'effort de recherche fédéral américain dans le cadre du NNI s'élève à 604 millions de dollars. Les investissements fédéraux dans les nanotechnologies se montent pour l'année 2003, à 710 millions de dollars, ce qui représente une hausse de 17 % par rapport à l'année 2002.

• Dans les dernières années, les financements gouvernementaux se sont multipliés pour apporter un soutien croissant aux projets nanos, par le biais de la NNI (National Nanotechnology Initiative). Lancée officiellement au début de l'an 2000 par le Président Clinton, la NNI a vu son budget gonfler de façon assez extraordinaire : $ 270 millions en 2000, $ 600 millions en 2002, et $ 710 millions demandés pour 2003 .

Plus de 30 % des sommes engagées pour les nanotechnologies dans le monde par les Etats sont donc le fait des Etats-Unis, à égalité avec le Japon, l'Europe se plaçant en troisième position (22 ( * )) .

De plus, comme dans de multiples secteurs de recherche aux Etats-Unis, le ministère de la Défense (DOD) soutient les activités des laboratoires civils.

Par ailleurs, très explicitement, la guerre contre le terrorisme passe par les nanosciences et les investissements militaires officiels sont considérables.

La dotation globale de la DARPA pour le soutien au développement des nanomatériaux, nanosciences et techniques associées est estimée en 2004 à 445 millions de dollars. L'Institute for soldier nanotechnology a été créé en mars 2002 avec un budget de 50 millions de dollars pour cinq ans auprès du Massachussett Institute of technology (MIT).

L'intervention du gouvernement fédéral en 2004 au titre de la NNI devrait s'élever à 847 millions de dollars (contre 116 millions en 1997) dont 197 millions attribués au département de l'énergie, en progression de 48 % par rapport à l'année fiscale 2003, et 222 millions au département de la Défense. A ces financements s'ajoute l'apport du capital-risque estimé à 425 millions de dollars en 2002 (23 ( * )) .

Les principaux centres de recherche fédérale sont les suivants :

Le Nanobiotechnology Center a été établi à Cornell University en janvier 2000 par la NSF en tant que STC (Science & Technology Center). Six programmes de recherche sont lancés : microanalyse de biomolécules, fabrication de motifs moléculaires, surfaces biosélectives, filtration moléculaire, analyse de cellules rares et moteurs moléculaires. Ce centre est le précurseur dans le domaine des nanobiotechnologies.

Le Center for Biological and Environmental Technology est un des six Nanoscale Science and Engineering Centers (NSECs) créés en 2001 par la NSF, il est accueilli par l'Université de Rice. Les recherches du centre sont centrées sur les interfaces `wet/dry', soit les interfaces entre les nanomatériaux et les systèmes aqueux à des échelles variées : solvants, biomolécules, cellules, environnement. Ces études sont donc largement orientées vers les interactions que pourront avoir les nanomatériaux avec l'environnement en dehors du laboratoire.

Plusieurs projets sont en cours, dont l'étude de l'activité biologique des conjugués bio-nano, les membranes nanostructurées et leurs applications, les nanocomposites pour le remplacement d'os, etc...

L' Institute for Nanotechnology comprend deux centres de recherche, dont l'un est aussi un NSEC. Basé à Northwestern University, il a pour but de développer des nanocapteurs chimiques et biologiques, à travers trois sujets de recherche : le développement d'outils pour la fabrication de motifs à l'échelle nano, les phénomènes de reconnaissance biologique (acides nucléiques et protéines) et chimique (petites molécules) sur une surface, et les transmissions des signaux, optiques ou électriques, qui en découlent.

Le MRSEC (Materials Research Science and Engineering Center, créé par la NSF) établi à l'University of Washington est dédié aux matériaux nanostructurés et interfaces. Un des trois grands projets est intitulé « matériaux nanostructurés et interfaces avec la biologie ». Les nouveaux matériaux et méthodes de fabrication développés par les chercheurs pourront être intégrés aux systèmes biologiques, dans le but d'être utilisés pour la culture de cellules ou la fabrication de tissus pour les organes artificiels.

L' Institute for soldier Nanotechnologies (ISN) déjà cité est financé par l'armée américaine. Parmi les projets destinés globalement à améliorer les équipements des soldats, une équipe travaille sur la protection chimique et biologique, une autre sur les biomatériaux et nano-dispositifs destinés à contrôler la santé des soldats (détection de problèmes physiologiques et début de traitement sur le champ de bataille). Ces objectifs sont bien sûr loin d'être atteints et nécessitent beaucoup de recherche en amont.

Par ailleurs, l' Association NanoBusiness Alliance a été créée en octobre 2001 pour assurer la place des Etats-Unis dans cette course économique aux nanotechnologies. Il s'agit de la première association industrielle aidant au développement économique des nanotechnologies et des microsystèmes. Son objectif est de promouvoir l'émergence de l'industrie de la technologie du « petit », et de développer une rangée d'initiatives pour soutenir et renforcer le monde des affaires dans ce domaine, ce qui implique :

o Recherche et éducation : développer des « livres blancs » (documents présentant de futures mesures administratives ou législatives, soumis par le gouvernement à la Chambre), des enquêtes, des prévisions, et des répertoires d'industriels impliqués.

o Politique gouvernementale : organiser des exposés sur les technologies utilisées ; analyser la législation ; fournir des témoignages d'experts aux responsables politiques fédéraux, d'état, et locaux ; aider le développement de centres régionaux pour l'industrie du nano.

o Sensibilisation du public, relations sociales, promotion : lancer des campagnes de sensibilisation du public via les médias, l'internet et les autres moyens appropriés ; promouvoir les leaders industriels et les technologies émergentes.

o Forums / Formation : Former les responsables financiers et industriels comme le grand public ; développer pour les acteurs de la nano industrie des opportunités d'interagir et de s'interconnecter.

o Aide aux nano industries : banques de données pour l'emploi ; action et rôle de mentor ; panneaux de messages ; distribution de fonds (capital access initiatives).

NanoBusiness Alliance a lancé deux grandes initiatives : la création de « Hubs », des plates-formes technologiques, et un NanoBusiness Angel Network.

La formation de trois « Hubs » a été annoncée, en mai 2002, à la conférence NanoBusiness Spring. Ces trois plates-formes seront situées à San Francisco et à San Diego en Californie, et dans le Michigan. Ces grands pôles réuniront des dirigeants économiques, des chercheurs, des membres de l'administration, des investisseurs, des compagnies et des start-up, dans le but commun de faire croître l'économie liée aux nanos dans ces régions. Le nombre de pôles devrait atteindre quinze ou plus d'ici la fin de l'année 2002 ; les régions suivantes sont envisagées : Virginie, Philadelphie, Chicago, Seattle, Boston, Nouveau Mexique, Minnesota et Floride.

Le NanoBusiness Angel Network est le premier réseau exclusivement créé pour financer le développement des projets de start-up dans le secteur émergeant des nanotechnologies. Ce réseau rassemblera des investisseurs et des start-up à travers le monde, grâce à des meetings réguliers et une forte présence on-line. Une équipe d'industriels et d'experts financiers sera aussi réunie pour effectuer une évaluation efficace des compagnies nanos cherchant des financements à travers le réseau NanoBusiness Angel. Les grandes sociétés d'investissement seront aussi associées, pour consolider le développement du marché lié aux nanotechnologies. Ce réseau a pour but de dépasser les schémas classiques de financement tout en apportant de fortes compétences techniques nécessaires à l'évaluation des start-up.

Grâce à ces initiatives, de très nombreuses start-up ont été récemment créées : on peut citer des spécialistes de nanotubes comme Nanomix en Californie et Molecular Nanosystems. Par ailleurs, une demi-douzaine d'entreprises s'est spécialisée dans la délivrance de médicaments. Il s'agit en Californie de Quantum Dot Corporation et Alnis Biosciences. De son côté, Nanobio Corporation dans le Michigan commercialise des nanotechnologies utilisant des nanostructures de polymères dendritiques (les dendrimères) et qui permettent en particulier de délivrer des médicaments. La société texane Nanospectra Biosciences développe une technologie pour le traitement des cancers à partir de nanoparticules diélectriques avec un revêtement métallique, les « nanoshells », capables de cibler les cellules cancéreuses puis de les détruire par laser. Targesome à Palo Alto étudie des particules à base de lipides polymérisés capables de transporter des agents thérapeutiques. Nanoprobes près de New York commercialise des nanoparticules d'or auxquelles sont attachées des protéines pour la reconnaissance des molécules et Nanofluidics propose des systèmes miniaturisés à l'échelle nanométrique.

Ces dernières années, le budget fédéral aux USA a financé la recherche en nanotechnologie entre 116 millions de $ (1997) et 847 millions de $ (2004). Dans le même temps entre 1999 et 2002, le total des investissements privés dans les entreprises développant des produits en rapport avec des nanotechnologies aura été de 860 M$ (63 M$ en 1999 ; 213 M$ en 2000 ; 177 M$ en 2001 ; 407 M$ en 2002). La part destinées aux nanobio-technologies est importante car elle atteint près de 55 % (473 M$) avec toutefois des différences sensibles selon les années. L'ensemble de ce mouvement se traduit également par l'accroissement très fort du nombre de brevets déposés dans ce secteur (d'environ 400 en 1999 à plus de 1000 en 2002). Les investissements se font de façon majoritaire dans le domaine des entreprises relevant de la découverte de nouveaux médicaments (« drug discovery ») (près de 54 % des investissements entre 1998 et 2002) et celui du diagnostic (près de 37 % des investissements). De leur coté les entreprises s'intéressent à l'amélioration de la galénique des médicament « drug delivery » ne recueillent que 4 % des investissements. A titre d'exemple on peut citer la compagnie Immunicon (Huntington Valley, PA, USA) qui a réussit à lever 86 M$ et qui se consacre au diagnostic par utilisant de nanoparticules et Quantum dots qui a levé 44 M$ et qui développe des nanocristaux à base de semi conducteurs pour des analyses biologiques. Il y a fort à parier que l'ère des nanobio-technologies ne fait que commencer et que les prochaines années verront cette activité croître et multiplier ses réalisations De nombreuses entreprises se créent actuellement sur des concepts liés aux nanobiotechnologies voire de grands groupes investissent en interne sur ce secteur.

Enfin, les Etats-Unis ont établi le 4 mai 2004 à Bethesda une « feuille de route » exclusivement consacrée à la NANOMEDECINE.

Conclusion

Ce rapide tour du monde des moyens financiers consacrés dans de nombreux pays aux nanotechnologies, même s'il souffre de nombreuses imperfections (difficultés d'isoler systématiquement les nanobiotechnologies ; difficulté d'analyser exhaustivement les financements d'origine militaire en particulier ceux du DOD américain...) permet de constater que, si les pays européens, soit en ordre dispersé, soit au travers des initiatives de l'Union européenne ne sont pas absents des recherches ou applications des nanotechnologies, ils sont réellement distancés par le Japon et les Etats-Unis.

Ni angélisme, ni catastrophisme... mais les pays européens doivent absolument prendre conscience qu'il est urgent de combler ce retard.

En 1997, les budgets annuels gouvernementaux des Etats-Unis, du Japon et de l'Europe pour la recherche sur les nanotechnologies étaient équivalents, soit environ 120 millions de dollars, avec une légère avance pour l'Europe de l'Ouest.

Mais l'Europe n'a consacré qu'environ 200 M € à la recherche en nanotechnologies en 2001. L'effort de recherche de l'Union stagne à 1,9 % de son PIB, quand celui-ci atteint 2,6 % pour les Etats-Unis, et presque 3 % pour le Japon selon les dernières données disponibles (1999). On voit donc à quel point l'écart se creuse entre les Etats-Unis, qui se donnent les moyens de devenir leader dans ce domaine stratégique, et l'Europe.

Les nanotechnologies sont inscrites au 6 ème programme-cadre de la Commission européenne comme l'un des sept grands thèmes prioritaires. Le 6 ème programme-cadre européen 2002-2006 qui vient d'être bouclé, prévoit en effet 1,3 milliard d'euros pour le secteur des nanotechnologies/nanosciences, auquel sont joints les matériaux et procédés de production. Mais cet effort réel qui va porter à 216 M€ par an le budget européen consacré aux nanotechnologies restera néanmoins presque trois fois inférieur à l'effort budgétaire annuel des Etats-Unis au cours de la même période (24 ( * )).

Il faut par ailleurs être très réaliste : les nanotechnologies ne constituent pas une technologie « classique ». Dans une lettre datée du 14 décembre 1999, Neal LANE, conseiller de Bill Clinton, au président : « Les Etats-Unis ne peuvent pas se permettre d'être à la seconde place dans le domaine des nanotechnologies . Le pays qui conduira la découverte et la réalisation des nanotechnologies aura un avantage considérable sur la scène économique et militaire pour les décennies à venir . Les nanotechnologies sont la première révolution scientifique et technologique économiquement importante depuis la Seconde Guerre mondiale dans laquelle les Etats-Unis ne sont pas entrés avec la position de leader. Il est temps d'agir ».

Ce message a été immédiatement compris par les gouvernants américains.

Pour l'Europe aussi, il est temps d'agir le plus vite possible et peut-être plus encore dans le domaine des nanobiotechnologies car, d'une part, elles sont d'une efficacité inégalable et, d'autre part, même lorsque la santé humaine est en jeu, les intérêts en matière de rentabilité financière et/ou de propriété intellectuelle passent trop souvent avant toute autre considération.

On peut concevoir qu'un seul brevet pourrait prévaloir dans de nombreux secteurs industriels en raison de son potentiel à couvrir les aspects technologiques de base (cf. le monopole acquis, lors de leur création, par les puces à ADN de la firme Affymetrix et le grave problème que pose l'utilisation des tests américains de détection des gènes BRCA 1 et BRCA 2 de prédisposition aux cancers du sein).

* 22 « Les soutiens publics à la recherche et au développement civil des nanotechnologies s'élèvent approximativement à 3 milliards de dollars par an dans le monde, non compris les investissements en R&D relatifs aux systèmes microélectromécaniques (MEMS) dont les développements industriels récents utilisent pourtant, d'ores et déjà, des composants à l'échelle nanométrique. Avec le financement privé, l'effort mondial est estimé à 4 milliards de dollars en 2003, dont 1,2 aux USA ».

Source : NanoBusiness Alliance, cité par « Des nanosciences au nanobusiness, une aventure américaine », Ambassade de France aux Etats-Unis, mission pour la science et la technologie, fiche d'information novembre 2002.

* 23 « Synthèse nanotechnologies : environnement international » - Yole développement - septembre 2003.

* 24 Technologies internationales - janvier 2003.

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