Audition de M. Francis Stephan,
sous-directeur du développement économique et de l'environnement
au Ministère des Affaires étrangères,
le 22 octobre
2003.
M.
Francis Stephan, sous-directeur du développement économique et de
l'environnement à la direction du Développement et de la
Coopération technique du Ministère des
Affaires
étrangères
, a d'abord présenté le champ
d'activité de la direction qui l'emploie. La direction du
Développement et de la Coopération technique a été
créée au moment de la fusion du Ministère des Affaires
étrangères et du Ministère de la Coopération. Elle
gère de nombreux dossiers, ayant trait, notamment, à la bonne
gouvernance et à l'Etat de droit, à la santé, à
l'éducation, à l'agriculture, et à l'environnement. Elle
travaille surtout avec les pays faisant partie de la « zone de
solidarité prioritaire » de la France, c'est-à-dire les
pays africains, des pays de la zone Caraïbe, et trois pays d'Asie du
Sud-Est (Vietnam, Laos, Cambodge). La sous-direction du développement
économique et de l'environnement traite plus particulièrement des
questions liées à la gestion des ressources naturelles et de
l'environnement, aux services publics, à l'agriculture et à la
sécurité alimentaire, et au soutien aux petites et moyennes
entreprises (PME). La stratégie suivie privilégie le
développement durable plutôt que la protection des
ressources ; l'objectif est de définir les conditions d'une gestion
durable des ressources naturelles
Pour illustrer son propos,
M. Francis Stephan
s'est appuyé sur
l'exemple de la protection des massifs forestiers. Il est nécessaire,
pour protéger efficacement les forêts, d'obtenir l'adhésion
à ce projet de ceux qui y vivent, et en vivent. Une approche
fondée exclusivement sur les notions de protection et de
répression ne fonctionne pas. C'est pourquoi l'Agence française
de Développement passe avec les entreprises d'exploitation
forestière des contrats qui prévoient des obligations de gestion
durable des forêts, et une participation des populations locales aux
bénéfices retirés de cette exploitation. La politique de
la forêt mise en oeuvre par le Ministère s'inspire de
l'expérience française des parcs naturels régionaux :
des contrats sont passés entre l'administration et les habitants de ces
parcs pour les associer aux bénéfices de leur exploitation. Cette
approche contractuelle est aussi suivie pour la préservation des
espèces à usage pharmaceutique.
M. Francis Stephan
a rappelé que l'approche de la
biodiversité envisagée par la Convention de Rio fait du
patrimoine naturel un patrimoine national : la biodiversité n'est
pas considérée comme un élément du patrimoine
mondial, chaque nation est propriétaire de ses ressources naturelles.
La direction du Développement et de la Coopération technique
s'intéresse aussi à la gestion des ressources en eau. Elle
défend un modèle de Gestion intégrée de la
ressource en eau (GIRE). Il s'agit d'associer toutes les parties prenantes
(compagnies d'électricité, collectivités locales,
agriculteurs, habitants...) à la gestion durable de la ressource en eau.
La France a pris récemment une initiative relative au fleuve Niger. Le
Mali et le Niger souhaitent depuis longtemps une aide financière pour la
construction de barrages. La France a décidé de suspendre sa
réponse à cette demande à la condition que la dimension
régionale du projet soit prise en compte.
M. Francis Stephan
a ensuite abordé la question de la production
énergétique. Pour la Banque Mondiale, l'énergie est un
secteur économique comme les autres, qui doit être
géré par des entreprises privées. L'Union
européenne a fait sienne cette idée, ce qui explique que les
Accords de Cotonou ne prévoient pas de coopération dans le
domaine énergétique. L'Allemagne et la France souhaitent une
évolution en la matière ; elles considèrent que la
notion de politique énergétique reste pertinente, notamment parce
que les Etats doivent prendre en charge la construction des infrastructures,
qui, peu rentables à court terme, n'intéressent pas le secteur
privé. La France souhaite aussi que les politiques
énergétiques fassent une place aux énergies renouvelables,
et, en particulier, à l'énergie photovoltaïque. La promotion
des énergies renouvelables doit être complétée par
une politique d'économies d'énergie et d'amélioration de
l'efficacité énergétique. La marge de progression en la
matière est considérable : aux Etats-Unis, la production
d'un kilowatt heure d'électricité requiert une consommation de
mazout trois fois supérieure à celle observée en
Europe ; en Russie, une consommation sept fois supérieure est
nécessaire. A ce propos, le dernier accord de coopération
franco-russe inclut, pour la première fois, un volet consacré
à l'efficacité énergétique.
M. Serge Lepeltier, sénateur
, a alors demandé comment il
convenait de gérer les biens publics mondiaux, dont fait partie la
biodiversité. Il a aussi évoqué le thème de la
coopération décentralisée.
M. Francis Stephan
a indiqué que le Ministère était
très intéressé par la notion de bien public mondial. Il
veille de près à l'évolution des conventions sur le
changement climatique, la désertification et la biodiversité. En
principe, la gestion des biens publics devrait se faire au niveau local, tandis
que la gouvernance et le financement devraient être mondiaux. Mais la
pratique des organisations internationales n'est pas toujours conforme à
ce modèle. M. Francis Stephan a cité le cas de l'initiative prise
par la FAO pour la lutte contre les sauterelles en Afrique : l'action de
cette organisation internationale ne peut produire de résultats
satisfaisants sans la coopération des pays africains concernés.
Or, au lieu de s'appuyer sur des ressources locales, la FAO tend à
constituer une lourde structure logistique centralisée.
M. Francis Stephan
a souligné que le Ministère des
Affaires étrangères conduisait nombre d'actions en partenariat
avec les collectivités locales des pays en voie de développement.
Depuis dix ans, le Ministère soutient par exemple un programme de
Gestion locale sécurisée des ressources foncières. Ce
programme a pour objet de pallier l'absence de droits fonciers dans de nombreux
pays du Sud. La question de l'accès à l'eau relève aussi
clairement de la responsabilité des collectivités locales.
Les collectivités locales françaises mènent aussi des
actions de coopération. Mais elles ont eu trop souvent, selon
M.
Stephan
, une approche « humanitaire » de la
coopération. Cela signifie qu'elles ont mené des actions
ponctuelles, alors que l'apport majeur de la coopération
décentralisée pour le Ministère réside dans le
transfert de savoir-faire, qui suppose une intervention de longue durée.
Les ONG sont un autre acteur significatif dans le domaine de la
coopération internationale. Elles sont de plus en plus sensibles au
thème, développé par le Ministère, de la gestion
locale des ressources. La part de l'aide publique au développement qui
passe par les ONG demeure encore modeste en France. Mais elle constitue souvent
une part importante des ressources des ONG, de sorte que la situation
budgétaire tendue que connaît actuellement l'Etat se
répercute directement sur leur action.