B. L'EUROPE SCELLE DES BASES POUR L'ACTION
Si l'éducation est un domaine relevant de la compétence des Etats, la gestion des politiques linguistiques ne pourrait désormais se réduire au seul cadre national. Aussi les recommandations ont été relayées par des actions et des outils concrets, jetant les bases d'une éducation au plurilinguisme. Il s'agit de catalyser les initiatives nationales et de susciter la coopération entre les Etats, à partir de la définition d'un cadre commun de nature à impulser une évolution conjointe et coordonnée des politiques linguistiques éducatives.
1. Les instruments élaborés dans le cadre du Conseil de l'Europe
En appui
des textes fondateurs, des outils didactiques et pédagogiques ont
été élaborés ces dernières années,
notamment au sein de la division des politiques linguistiques, pour aider les
Etats membres à donner une traduction concrète au sein de leurs
systèmes éducatifs aux recommandations formulées.
- Le
Cadre européen commun de référence pour les
langues
a commencé à prendre forme au début des
années 1990 et s'est concrétisé en 2001 :
l'objectif de cet instrument de référence est d'aboutir à
la convergence et à la comparabilité des systèmes
éducatifs nationaux et de favoriser la mobilité. Introduit dans
les nouveaux programmes en France, le Cadre définit une échelle
de six niveaux de compétences, servant de modèle pour
l'évaluation des connaissances ;
- le
Portfolio européen des langues
impose la notion
même de plurilinguisme ; parmi les tâches qui lui sont
attribuées, figure en effet l'« encouragement à
l'apprentissage du plus grand nombre possible de langues pour contribuer au
maintien d'une Europe multilingue et pluriculturelle ».
LE PORTFOLIO EUROPÉEN DES LANGUES
Instrument élaboré et testé par la
division des
politiques linguistiques du Conseil de l'Europe, le Portfolio est introduit
progressivement dans des pays européens depuis 2001. Il s'agit d'un
document dans lequel toute personne qui apprend ou a appris une langue,
à l'école ou en dehors, peut consigner ses connaissances
linguistiques et ses expériences culturelles. L'objectif est
d'accroître sa motivation en vue de l'inciter à étendre et
diversifier ses capacités langagières à tous les niveaux
et tout au long de la vie.
Il comprend trois parties :
- un passeport qui présente des qualifications linguistiques de
manière comparable en Europe, à travers 6 niveaux de
compétences ;
- une biographie langagière décrivant le parcours personnel
d'apprentissage des langues, en vue de l'améliorer dans l'avenir, de le
planifier tout au long de la vie ;
- un dossier dans lequel les travaux, certificats ou diplômes de
l'apprenant peuvent être inclus.
Le Portfolio a une fonction double :
- un outil pédagogique donnant la responsabilité d'une
auto-évaluation structurée, permettant de se fixer des objectifs
et de planifier son apprentissage futur ;
- un document de compétences permettant aux autres (et en
particulier aux employeurs) d'être informés de façon
claire, transparente et comparable au plan international.
L'introduction et l'utilisation du Portfolio dans tous les pays membres ont
fait l'objet d'une recommandation (résolution adoptée par les
ministres européens de l'éducation réunis à
Cracovie du 15 au 17 octobre 2000).
En France, en raison de son coût élevé, un nombre encore
trop limité d'académies ont commencé à
l'expérimenter. L'académie de Caen par exemple l'a introduit dans
le cadre d'une expérimentation concernant 17 établissements, dans
des classes de 3ème et des sections de techniciens supérieurs,
grâce au financement des documents par le conseil régional de
Basse-Normandie. Le développement de cet outil est donc une occasion
privilégiée d'impliquer les collectivités territoriales
dans la politique linguistique scolaire, en sollicitant leur participation
financière.
- Un « audit linguistique » : les
«
Profils de politiques linguistiques
éducatives
». Ces outils d'analyse et d'action sont le
résultat d'une démarche d'auto évaluation assistée
des politiques linguistiques éducatives nationales, menée sur la
base du volontariat et dans un esprit de dialogue avec des experts du Conseil
de l'Europe agissant en tant que catalyseurs dans ce processus. A partir d'un
rapport national ou régional comprenant une vue d'ensemble de la
politique éducative linguistique et identifiant ses priorités, un
groupe d'experts procède à une visite d'une semaine. Il s'agit
d'accompagner la réflexion sur les orientations souhaitées et
définir des lignes d'action, à partir de l'identification des
ressources disponibles. Un Profil a été établi en Hongrie
en 2002. En 2003, la Norvège, la Slovénie et Chypre se
sont portés candidats. A noter que la France ne s'est toujours pas
manifestée...
- Le «
Guide pour l'élaboration des politiques
linguistiques éducatives en Europe
- De la diversité
linguistique à l'éducation plurilingue »,
élaboré en 2003 par MM. Jean-Claude Beacco et Michael
Byram, exhorte au passage à l'action politique, à partir des
supports didactiques élaborés ; l'objectif de ce guide est
de permettre aux Etats membres d'établir un diagnostic de leurs
politiques linguistiques éducatives. Le guide offre des propositions
concrètes pour parvenir à une éducation au plurilinguisme,
perçue comme une « éducation à la
tolérance linguistique et à la citoyenneté
démocratique en Europe ».