2. Les contraintes du pilotage académique
Si l'objectif initial du pilotage académique via la carte des langues est d'élargir l'éventail de langues proposées, à partir d'une organisation cohérente de l'offre, sa traduction concrète se heurte à de nombreuses rigidités qui en limitent fortement la portée. En l'absence d'impulsions nationales claires, la force d'inertie du système et le poids des conventions gestionnaires conduisent le plus souvent au repli sur des solutions minimalistes. Toutefois les situations sont disparates, et le meilleur côtoie le pire.
a) La carte académique des langues, un outil a priori idéal
Mise en
place en 1999 par M. Claude Allègre, qualifiée de
«
clé de la diversification
» par son
successeur, la carte académique des langues doit constituer le principal
support d'une gestion cohérente de l'offre linguistique, renvoyée
au plus près du terrain. La circulaire du 17 juin 1999 en définit
les modalités et les objectifs :
- la carte des langues est la traduction du
pilotage
académique
qui doit se mettre en place «
dans le cadre
des orientations nationales et en tenant compte des spécificités
de chaque académie
», voire de chaque bassin de formation
;
- de plus, la carte des langues doit permettre
d'élaborer des
cursus cohérents
dans les différentes langues et d'
assurer
une continuité
des apprentissages entre les niveaux et les
différentes filières générales, technologiques et
professionnelles ;
- en outre, la carte des langues vise à
organiser une
rationalisation de l'offre de langues
, notamment en vue de préserver
l'offre de langues de moindre diffusion au sein de chaque bassin de formation,
selon une logique de site ; M. Jack Lang demande ainsi expressément
aux recteurs, dans son discours du 27 mars 2001, de trouver des solutions
adaptées à chaque situation et à chaque langue, notamment
en veillant à ce qu'aucun professeur de langue ne soit plus en
sous-service, mais aussi en les appelant à «
surseoir toute
suppression de postes dans les langues où cette suppression mettrait en
péril le maintien de son enseignement
» ;
- enfin, l'élaboration et la mise en place de la carte
académique des langues doivent se prolonger par une
« information systématique des familles », sur les
langues proposées et leur diffusion au sein de chaque académie et
de chaque bassin.
Nobles desseins,
a priori
.
L'académie de Lille parie sur la carte des langues pour organiser une
offre de formation autour de trois grands principes :
- la
diversification
, « c'est à dire le maintien
et le renforcement, chaque fois que les conditions locales le rendent possible
dès la LV1, de l'enseignement de langues numériquement peu
représentées ou en perte de vitesse » (comme
l'allemand, le polonais, le russe, le portugais et l'arabe) et le
développement en LV2 et LV3 de langues traditionnellement peu
représentées à l'école comme le japonais et le
chinois ; 12 langues sont ainsi proposées dans
l'académie ;
- la
proximité
: d'une part au plan de l'organisation,
pour offrir à chacun, dans chaque bassin, la possibilité
d'apprendre la langue de son choix ; d'autre part au plan
géographique, l'académie accordant un soutien particulier
à
l'enseignement du néerlandais en première langue
,
en raison de son statut de langue frontalière ;
- la
continuité
, qui garantit aux élèves la
possibilité de poursuivre l'apprentissage d'au moins deux langues dans
toutes les voies d'orientation après la classe de 3
ème
.
Le site internet de
l'académie permet en outre de
rendre visible la diffusion des langues
proposées au sein de l'académie
, à partir d'une carte
présentant le découpage de l'académie en 14 bassins,
divisés chacun en districts, et de visualiser des parcours
fléchés pour chaque langue, sur l'ensemble d'une
scolarité, y compris au sein des sections européennes.
Toutefois, il faut
regretter que cette traduction ambitieuse ne soit qu'un
exemple trop rare
: la carte des langues est souvent laissée
à l'état d'abandon, et dès lors qu'un tel outil est
effectivement élaboré, il s'avère inégal et peu
transparent, et sert plutôt à consolider l'existant.