Troisième table ronde :

Pour un bon usage des directives dans le cadre du réseau Natura 2000

1. M. Guy Fradin, directeur de la Nature et des Paysages (DNP), ministère de l'Écologie et du Développement durable

Le Conseil des ministres vient d'adopter un projet de loi constitutionnelle intégrant les principes de protection de l'environnement dans la Constitution. Au mois de juin, un Conseil interministériel a adopté une stratégie nationale de développement durable. La loi de décentralisation est en préparation...

Dans ce nouveau contexte politique, Natura 2000, réseau fondé sur les directives de 1979 et de 1992, reste tout à fait d'actualité, la directive Habitats faisant référence au développement durable, et à ses trois principaux piliers : écologique, économique et social, auxquels il faut ajouter les aspects culturels locaux. La co-présence de ces piliers sous-entend des croisements et des interférences de politiques. C'est à cette intersection que se situe Natura 2000, qui implique l'intégration des objectifs de ces deux directives dans les politiques de gestion du territoire. La notion de projet de territoire est inséparable de celle des acteurs, et l'on sait que les principales difficultés de mise en oeuvre de ce réseau écologique européen viennent notamment du manque d'implication des partenaires locaux. La synergie des politiques territoriales nécessitent que l'on travaille autour de projets, projets qui ne peuvent être portés que par des acteurs locaux.

2. M. Alain Moulinier, directeur général de la Forêt et des Affaires rurales, ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales

Nous avons pris des engagements internationaux qui sont aujourd'hui incontournables.

Natura 2000 a fait naître des tensions dans le monde rural, mais celui-ci, et notamment sa part agricole, a aujourd'hui largement pris conscience de ces engagements. La question environnementale est ainsi de moins en moins considérée comme une contrainte, mais de plus en plus comme une priorité, voire une opportunité. Les engagements pris concernent les aspects environnementaux, mais également le développement durable, c'est-à-dire les activités économiques des territoires et leurs conséquences sociales : Natura 2000 est tout sauf une « réserve » !

Si les tensions originelles se sont atténuées, il reste encore beaucoup de travail à fournir sur la communication et sur l'appropriation de Natura 2000 par les acteurs locaux. Parallèlement, des actions concrètes positives se sont montées et se développent, car elles commencent à faire école. On peut considérer que les sites proposés pour le réseau se répartissent en trois tiers : un tiers agricole, un tiers forestier et un tiers d'espaces « naturels » de différentes formes.

La présence d'espèces et d'habitats naturels remarquables sur une large proportion d'espaces ruraux où s'exercent des activités socio-économiques, témoignent ainsi que, loin d'être contradictoires, activités humaines et protection de l'environnement vont souvent de pair.

C'est d'ailleurs en grande partie grâce aux activités agricoles et forestières que 8 % du territoire national ont pu être proposés au titre de Natura 2000. Agriculteurs et sylviculteurs sont ainsi les gestionnaires quotidiens d'environ deux tiers de ces espaces. L'autre tiers du réseau écologique est constitué de landes, de friches, de zones humides, de rivières, d'estuaires ou d'espaces littoraux, où il s'agit d'ailleurs, la plupart du temps, de réintroduire une activité économique pour lutter contre la fermeture des milieux.

Pour que ce réseau réussisse, plusieurs conditions doivent être remplies. Il convient tout d'abord que les opérations se déroulent sans conflit. En ce sens l'opérateur chargé de l'animation et de la concertation lors de l'élaboration et la mise en oeuvre contractuelle du document d'objectifs joue un rôle fondamental pour que les acteurs se rencontrent et que les choses se passent bien. Ces opérateurs sont variés et il s'agit de collectivités territoriales, d'associations, d'établissements publics ...

Il faut aussi des mesures simples, à l'image de la prime herbagère agri-environnementale (PHAE). Cette mesure, d'application facile, vise à promouvoir la gestion extensive des prairies permanentes et constitue ainsi une première réponse partielle aux besoins de Natura 2000. Les CAD, recentrés sur les enjeux prioritaires du territoire, offriront aux agriculteurs la possibilité de contractualiser les engagements complémentaires nécessaires pour la mise en oeuvre des documents d'objectifs.

Il faudra également des moyens budgétaires. Les besoins se révéleront de manière plus précise au fur et à mesure de l'avancement de la mise en oeuvre contractuelle du dispositif Natura 2000. Les enveloppes CAD attribuées aux régions intégreront bien les besoins de financement spécifiques à Natura 2000. Enfin, les symbioses nécessaires doivent apparaître, notamment avec les collectivités territoriales.

3. M. Edouard-Alain Bidault, secrétaire général de la Fédération nationale des chasseurs, en charge de Natura 2000

La directive de 1992 nous a rendus heureux puisque la France, via l'Europe, allait nous aider à faire ce que nous faisions depuis des années... Mais nous n'avons été heureux que pendant deux ans !

En effet, en 1994, un avis motivé de la Commission européenne estimait que « les activités de chasse affectent nécessairement les conditions de vie des oiseaux, même s'il est garanti que ceux-ci ne sont pas tués ». Un arrêt de la Cour de justice l'a confirmé et nous en avons été assez déçus ! Nous avions cru en cette directive, mais nous devions participer à sa construction, sans pouvoir jouir de ses bénéfices. Cela n'engage pas à voir positivement l'avenir !

Nous avons parlé de communication, mais sur le terrain, les gens veulent simplement savoir ce qu'ils pourront faire et ce qu'ils ne pourront pas faire. Or aujourd'hui on est incapable de leur répondre. En effet, habituellement les politiques font des lois, et la Justice les applique. Ici, le cas de figure est différent : c'est la Cour de justice des Communautés européennes qui fera finalement la règle, mais si le juge confond une cane colvert et une bécasse des bois, les choses ne seront pas simples... Il serait intéressant que l'État donne accès à toute la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes concernant les directives Oiseaux et Habitats. Il appartient à l'Europe de faire confiance aux gens de terrain, notamment à ceux qui font de l'écologie depuis fort longtemps... sans le savoir.

4. M. Rémi Bailhache, membre du bureau de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture

Parlons encore de communication, pour soulever le problème du dialogue et des mots, puisque c'est le sens des mots qui porte le sens de la démarche.

Pour un agriculteur, un « marais inondé » est sous un mètre d'eau, mais pour un écologiste, c'est un marais où l'eau arrive à fleur de sol... Comment voulez-vous que l'on se comprenne ?

Il faut faire en sorte que tout le monde s'entende sur le sens des mots pour comprendre ensuite le sens de la démarche, à laquelle tous pourront alors adhérer.

On ne sait plus se parler, s'expliquer, s'écouter, s'entendre. Il ne s'agit pas seulement de grands principes, mais sur le terrain, l'essentiel est de comprendre ce que veut l'autre. Les exemples exposés ce matin nous ont montré que les choses fonctionnent si les acteurs se comprennent et comprennent alors, par exemple, que la démarche agricole à travers des signes de qualité a un impact essentiel et indispensable pour mettre en oeuvre une politique Natura 2000. On ne doit pas considérer seulement le strict volet environnemental.

Ainsi la première question n'est pas d'avoir telle ou telle connaissance à propos d'une espèce ou d'un habitat, mais de savoir si demain il y aura encore des hommes et des femmes sur ces territoires, qui pourront vivre de leur métier.

En matière environnementale, il doit exister sur le terrain des gens capables de trouver les points de convergence indispensables pour travailler ensemble. Les demandes et préoccupations essentielles de chacun doivent ainsi être identifiées. C'est comme cela que l'on pourra définir, grâce à l'outil que constitue Natura 2000, une véritable politique globale de développement local. Dans certains départements désertifiés, les agriculteurs ont de la place, mais ont-ils leur place ? Ils attendent que l'on prenne en compte leurs préoccupations. Les propos de ce matin m'ont rassuré en ce sens puisque les agriculteurs deviennent les acteurs incontournables pour faire vivre et entretenir un territoire.

Au-delà du remaniement actuel de Natura 2000, il faudrait que soit inscrit quelque part que la gouvernance locale est un élément indispensable, voire obligatoire. Je souhaiterais que soit aussi inscrit que la gouvernance nationale doit être prise en compte. Il faut en effet que l'on puisse régulièrement se rencontrer et se concerter dans les instances adéquates. C'est seulement ainsi que nous atteindrons la cohérence nécessaire à la démarche Natura 2000.

5. Mme Fabienne Beaudu, chargée de mission développement durable aux Autoroutes du Sud de la France (ASF)

Natura 2000 et le monde des autoroutes : voilà deux sphères qui semblent bien éloignées ! Nous sommes pourtant depuis fort longtemps sensibles au respect des espèces protégées et des zones traversées, que celles-ci soient Natura 2000 ou pas, d'ailleurs. L'enjeu consiste pour nous à trouver les meilleurs tracés dans une bande de 300 m qui traverse des milieux très contraints et nous devons donc parfaitement connaître ces contraintes.

De par la réglementation mais aussi de manière traditionnelle, nous travaillons en collaboration avec les services de l'État et les organismes de protection de la nature pour trouver les meilleurs compromis possibles entre un aménagement d'utilité publique et la préservation des milieux traversés. La mise en oeuvre de ce réseau écologique entre dans cette dynamique de nécessaire concertation.

La difficulté essentielle que nous rencontrons réside dans l'hétérogénéité des lectures et interprétations des textes, d'une région à l'autre, d'une collectivité à l'autre, voire d'une personne à l'autre ! Le décret du 20 décembre 2001 a fixé le rôle de chacun, mais des imprécisions demeurent sur le terrain.

Une autre source de difficultés est le manque de cohérence entre les procédures telles l'utilité publique, la loi sur l'eau, Natura 2000. Dans le cas d'une procédure de désignation d'un site d'intérêt communautaire postérieure à une déclaration d'utilité publique déjà actée, on nous demande parfois de revenir sur le principe de tracés acquis. Ainsi, si une zone Natura 2000 « traverse une autoroute » elle peut oublier les bonnes raisons ayant mené à celle-ci et remettre en cause des choix techniques pertinents. Nous devons alors re-justifier de l'utilité publique. Pour pallier cette difficulté, il est absolument essentiel de faire de la médiation sur le terrain, par des gens de terrain et avec les gens de terrain.

Malgré ce contexte de cohabitation parfois difficile, la démarche Natura 2000 nous paraît fort intéressante. Il faut savoir que nos techniques d'exploitation et d'entretien de nos « dépendances vertes » évitent totalement la banalisation écologique des milieux traversés. Nos techniques extensives et raisonnées permettent la recréation d'écosystèmes qui abritent une vie passionnante, comme le montre une brochure publiée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur nos abords autoroutiers.

Par ailleurs, les sociétés comme ASF consentent des efforts conséquents en matière de mesures compensatoires. Mais si les acquisitions que nous faisons ne trouvent pas de gestionnaires, et que nous ne pouvons rétrocéder les terrains acquis pour être protégés, s'il n'y a pas de partenariats pour cela, tous nos efforts seront vains. En ce sens, la démarche Natura 2000 qui favorise les partenariats et l'anticipation du devenir des milieux à protéger ne peut qu'être positive.

Enfin, si malgré une image tenace de méchants bétonneurs nous parvenons à montrer notre motivation pour protéger des espaces, il est possible que cela ait aussi un impact sur les habitants de ces espaces... et que les choses ainsi avancent dans le bon sens.

6. M. Nicholas Hanley, Chef de l'Unité Nature et Biodiversité à la DG Environnement de la Commission européenne

La directive Habitats est-elle une « usine à gaz » ou un instrument qui présente une valeur ajoutée communautaire ?

La Nature en Europe a ceci de particulier qu'elle est issue de la rencontre entre la nature elle-même et les activités de l'homme. Or la réalité des 40 ou 50 dernières années nous montre que nous avons beaucoup perdu en biodiversité. Nos ministères du développement ont été beaucoup plus puissants que nos ministères de l'environnement et dans les milieux agricoles et forestiers, la recherche de rentabilité et de productivité nous a fait perdre beaucoup de la biodiversité qui était le produit des pratiques traditionnelles. Ces pratiques ont été perdues non seulement par l'intensification mais aussi par l'abandon des terrains marginaux comme par exemple les prés alpins à fauche.

Nous ne pouvions plus simplement laisser faire, c'est la raison pour laquelle a été signée en 1992 la directive Habitats. Cette initiative communautaire a poussé tous les États membres à faire mieux et plus, mais une question demeure : comment faire ? Comment appliquer la directive ?

La directive distingue deux phases. La phase de désignation des sites est menée en accord entre la Commission et les États membres, sous l'égide de scientifiques. Il s'agit de constituer un réseau à la hauteur des ambitions de la directive et de trouver une cohérence entre les États. La phase de gestion des sites doit ensuite s'engager, fondée sur le dialogue au niveau local et impliquant tous les acteurs.

Une crainte est fréquemment exprimée : si un bon travail est réalisé sur le terrain, la Communauté ne risque-t-elle pas de le casser et peut-on assurer que la Communauté n'interfère pas à cause de certaines plaintes ?

Pour cela, il est nécessaire de comprendre comment la Commission traite les plaintes. Lorsque nous recevons une plainte, nous demandons tout d'abord à l'État membre concerné de réagir et 80 % des plaintes sont classées à ce niveau, les explications des États membres paraissant valables et suffisantes. Les 20 % restants se divisent en deux catégories. Pour certaines plaintes, les États-membres ne donnent pas de réponse. Nous cherchons alors l'information qui nous permette de classer la plainte sur motivation raisonnable.

Enfin certaines plaintes portent sur un problème réel et là la Commission se doit de prendre des mesures, comme c'est le cas du Marais poitevin, où la France n'a pas respecté ses engagements.

Si les documents d'objectifs sont bien réalisés et bien gérés, il n'y a aucune raison pour que la Commission ait à intervenir, ce qui n'est d'ailleurs pas son rôle. Nous devrons par contre nous assurer que les autres politiques communautaires viennent en appui de Natura 2000, et non pas en opposition.

7. M. Yann Gaillard, sénateur de l'Aube et président de la Fédération nationale des communes forestières

Nos maires sont responsables de l'aménagement du territoire, et en ce qui concerne notre fédération, responsables de la propriété communale forestière. Ils sont donc au centre des débats, inclus en premier lieu dans les procédures de consultation. L'ennui est qu'ils ont souvent eu l'impression d'être seuls, oubliés par leurs partenaires habituels de la vie rurale.

Nous nous souvenons des manques de concertation depuis 1992 qui ont encouragé la révolte des acteurs de la ruralité, mouvement qui a donné lieu à un recours aboutissant à l'annulation d'une circulaire.

Il semble que nous allons pouvoir bientôt sortir de ce type de difficultés, si l'on s'en tient à la circulaire de juillet 2002, qui enjoint aux préfets de promouvoir les comités départementaux.

Les communes forestières souhaitent disposer d'un DOCOB unique, élaboré avec l'Office national des forêts et inclus dans les documents de gestion pour les aménagements. Nous nous interrogeons par ailleurs sur ce que sera l'indemnisation. Nous savons ce que nous sommes obligés de faire, nous aimerions donc connaître les compensations que nous pourrons obtenir. Dans le Plan de développement rural national, il existe une sous-mesure 1-2-7 sur la protection des espèces liées à la forêt. Cela sera-t-il financé -on peut toujours rêver-, et si oui, comment ?

Il est vrai que sur ces points, comme pour les labels que l'on nous avait fait miroiter à une certaine époque, nous avons perdu quelques illusions, comme les agriculteurs ont perdu les leurs...

Au mois de février 2003, nous avons proposé à Mme Roselyne Bachelot, ministre de l'écologie et du développement durable, une expérimentation des documents d'objectifs sur une dizaine de sites incluant de la forêt communale, ceci dans un objectif pédagogique vis-à-vis des élus. Nous plaçant évidemment dans l'esprit de durabilité et de multi-fonctionnalité, nous avons également proposé de constituer nous-mêmes une réserve biologique forestière de 90.000 hectares. Ces éléments prouvent, s'il en était besoin, que malgré nos mouvements de mauvaise humeur, nous ne sommes pas en désaccord sur le fond des objectifs Natura 2000.

Les erreurs de manoeuvre administrative sont maintenant oubliées, nous souhaitons simplement travailler dans un esprit constructif, ce à quoi le travail du sénateur Jean-François Le Grand contribue d'ailleurs fortement.

8. M. Claude Massoure, maire de Luz-Saint-Sauveur, vice-président de l'Association des communes touristiques de France

Notre canton couvre 38.000 hectares à 20 kilomètres au sud de Lourdes et à 20 kilomètres de la frontière espagnole. Devant la mairie de Luz passent un million de touristes l'hiver, et un million de touristes l'été...

Nous sommes au coeur du Parc national des Pyrénées, qui occupe 13.000 hectares sur nos 38.000 ; Gavarnie-Gèdre est classé « patrimoine mondial de l'humanité » ; le Pic du Midi et la cascade de Gavarnie sont mondialement connus ; nous avons une zone de protection du patrimoine architectural (ZPPAUP) de 10.000 hectares et les propositions Natura 2000 portent sur 10.000 hectares. Dix mille plus 13.000, soit 23 000 hectares au total... cela nous semble beaucoup !

Nous vivons du tourisme, avec 3 stations de ski et 3 stations thermales ; nos moutons de la Vallée de Barège viennent d'obtenir une AOC ; nous avons aussi un ours qui a mangé 38 brebis en deux mois dans notre vallée. Natura 2000 est sans doute une belle idée, mais elle a été bien mal déclinée en ce qui nous concerne. Les crédits appelés « périphériques » que percevaient les parcs naturels ont fondu peu à peu, ils ont disparu dans toutes sortes de dotations évanescentes. C'est ce genre d'éléments qui justifie la relative méfiance des élus et des populations vis-à-vis de la directive Habitats.

Aujourd'hui, on assiste à une évolution plus positive puisque le comité de pilotage semble se mettre en place -j'aimerais d'ailleurs que l'on me précise si ce comité peut être présidé par un élu- et notre opérateur est le Parc national.

Nous avons cependant quelques craintes. Que signifie, par exemple, le mot « perturbation » et quels sont les critères de classement en ZPS ? Comment les élus peuvent-ils discuter « scientifiquement » avec des gens du Muséum, par exemple, qui ont des connaissances que nous n'avons pas ?

Ainsi, pour demain nous nous posons encore quelques questions. L'Europe grandit, mais qu'en sera-t-il des crédits dont on nous parle ? Bon nombre de craintes qui se manifestent sont issues essentiellement de la méconnaissance de ce dossier, notamment des aspects financiers.

Notre parc est adossé à un autre parc sur le versant espagnol. Nous avons des accords de pacage depuis le XIIIe siècle. Au moment où se construit l'Europe du XXIe siècle, il serait souhaitable que ce ne soit pas seulement la zone française qui soit concernée par Natura 2000. Il serait dommage que l'Europe se rétrécisse ainsi...

Débat avec la salle

M. Renaud de Laubespin, Syndicat des propriétaires forestiers sylviculteurs de Seine-et-Marne

Concertation et procédure contractuelle sont les maîtres-mots de la mise en oeuvre de Natura 2000, comme cela a été souligné aujourd'hui.

La zone centrale du Parc national des Cévennes, qui couvre 85.000 hectares, a été classée ZPS en 1987, mais nous ne l'avons appris que quelques années plus tard, sans qu'aucune concertation ait été mise en oeuvre ! Si l'on veut jouer pleinement le jeu de Natura 2000, il est essentiel que de tels procédés soient abandonnés...

M. Michel Godron, professeur des universités

Je participe à trois comités de pilotage départementaux, dans le Cher, le Loir-et-Cher et le Loiret. Il s'agit de travailler sur la Sologne, espace proposé comme site Natura 2000, qui couvre 350.000 hectares, superficie qui est susceptible d'engendrer des complications.

La difficulté est de trouver des propriétaires volontaires pour signer un contrat Natura 2000. Nous proposons en ce sens un type de contrat particulier qui tient en trois points :


• « je m'engage à maintenir la gestion passée » ;


• « j'accepte que des scientifiques viennent procéder à des observations régulières et précises sur l'évolution des habitats intéressants » ;


• « puisque je maintiens la gestion passée, je ne demande pas de compensation financière ».

Cette dernière proposition surprend en général l'administration, mais je souhaiterais qu'elle soit signalée par M le sénateur Jean-François Le Grand dans ses conclusions.

M. Jacques Rousseau-Dufour, président de la Fédération des conservatoires d'espaces naturels

Nous pratiquons la concertation et le contractuel depuis déjà 25 ans. Avant de mettre en place la concertation il faut d'abord en établir les conditions et le contexte. Il s'agit de créer une ambiance d'écoute et de dialogue à partir du niveau le plus proche du terrain. C'est ainsi que l'on obtient les meilleurs résultats.

Au niveau essentiel qu'est l'échelon départemental, il est clair que des groupes de pression s'expriment, mais lorsque l'on se rend sur le terrain, les difficultés s'estompent.

La méthode de concertation a certainement manqué jusqu'à présent dans la démarche, mais on a aussi confondu concertation et négociation, qu'il est pourtant indispensable de distinguer.

M. Guy Fradin, directeur de la Nature et des Paysages (DNP), ministère de l'Écologie et du Développement durable

La proposition exprimée par M. Michel Godron me réjouit ! Concernant les financements, il faut bien comprendre que si les pratiques « ancestrales » sont pertinentes pour l'environnement, et que l'on peut donc les faire perdurer, il n'en est pas de même concernant leur adéquation avec le monde économique tel qu'il a évolué ces vingt dernières années. C'est cette incompatibilité qui implique la nécessité de compensations, même si cela est moins vrai dans le secteur forestier, dont les évolutions contextuelles sont plus lentes.

M. Alain Moulinier, directeur général de la Forêt et des Affaires rurales, ministère de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales

Je soulignerai que la concertation vaut aussi en termes de méthode de travail pour l'administration. Je me réjouis en ce sens que le ministère de l'agriculture et celui de l'écologie travaillent en étroite collaboration, et qu'un véritable réseau de gestionnaires Natura 2000 se constitue.

À propos des financements et de l'évolution des bonnes pratiques en agriculture ou en sylviculture, nous devons intégrer les exigences nouvelles de la réforme de la politique agricole commune. Les enjeux environnementaux y sont de plus en plus posés. L'écoconditionnalité va devenir un critère d'attribution des aides européennes.

M. Jean-François Le Grand, sénateur de la Manche, président du Conseil général de la Manche

N'oublions pas que l'homme fait partie de la biodiversité, c'est de lui qu'il faut partir et vers lui qu'il faut mener nos actions. Il s'agit de faire de l'« écologie humaniste ».

En ce sens, il faut aussi éviter de polariser les actions sur une activité. C'est l'ensemble des usages qui est concerné et qui doit continuer d'exister pour converger vers l'objectif de Natura 2000.

Pour répondre à M. Claude Massoure, j'indique qu'une des propositions de mon rapport sera que les élus puissent se réapproprier la présidence des comités de pilotage, de manière à ce qu'ils reprennent la main sur ce qui, légitimement leur revient.

M. Jean-Jacques Laurent, Centre régional de la propriété forestière de Normandie

Engagés sur plusieurs DOCOB, avant même de penser aux financements, nous sommes préoccupés de la situation de nos chargés d'études en 2004 pour qu'ils puissent achever l'élaboration de ces documents.

Par ailleurs, la transversalité des réglementations qu'évoquait ce matin M. Jean-Marc Février est très attendue par les sylviculteurs en termes de simplification.

M. Gabriel Lopez, vice-président du Conseil régional de Bretagne

En tant que maire d'une commune concernée par Natura 2000, je me réjouis de l'appel fait aux élus locaux pour qu'ils s'impliquent dans la mise en oeuvre de ce réseau.

La contractualisation est la voie choisie par la France, mais il me semble, comme cela a déjà été rappelé, que la grande vérité était toujours donnée in fine par la Cour de justice des Communautés européennes. On peut donc se demander si la Cour n'intervient pas pour signaler à la France que cette voie n'est pas la bonne, et qu'il vaudrait mieux emprunter la voie de la réglementation, comme la grande majorité des pays européens.

M. Nicholas Hanley, chef de l'unité Nature à la DG Environnement de la Commission européenne

Dans les faits, chaque État-membre met en oeuvre un mélange de différentes approches. Je rappelle par ailleurs que la CJCE est saisie uniquement sur demande de la Commission ou d'une cour nationale. Si le travail est bien fait dans le pays, si celui-ci sait argumenter pour montrer que les plaintes sont non fondées, il ne peut y avoir de recours de la Commission vers la Cour.

Lors de conférences en France, j'ai entendu des propriétaires menacer de couper leurs arbres avant que n'intervienne Natura 2000. M. Guy Fradin, comment réagissez-vous à cela et que pouvez-vous faire face à de telles menaces ?

M. Guy Fradin, directeur de la Nature et des Paysages (DNP), ministère de l'Écologie et du Développement durable

Je partage votre analyse sur ce débat entre le réglementaire et le contractuel. Précisons que si une zone est désignée pour intégrer le réseau Natura 2000 et que nous avons choisi la voie contractuelle, cela ne signifie pas que les règlements sur la protection de l'environnement ne doivent pas être appliqués !

Revenons par ailleurs aux financements et au devenir des chargés d'études pour confirmer que les DOCOB engagés seront poursuivis et les agents qui y travaillent seront donc maintenus.

M. Pierre-Olivier Drège, directeur général de l'Office national des forêts

Il a été suggéré de faire converger les plans d'aménagement des milieux forestiers et les DOCOB. C'est effectivement une piste très riche à exploiter, au risque sinon de donner lieu à des contradictions et à des polémiques. Cet enjeu me semble devoir émerger de cette journée.

Je signale que l'ONF a développé sa propre expertise de Natura 2000, mettant en oeuvre son expérience de la gestion du secteur forestier. Les résultats de cette expertise sont à disposition, puisque celle-ci offre un outil permettant de s'engager plus facilement dans l'élaboration des DOCOB.