Deuxième table ronde :
Des projets en quête
d'exemplarité
Zone Atlantique - Marais
Atlantique
1. M. Michel Loquet, président de la Chambre départementale d'agriculture de Loire-Atlantique
Protéger la biodiversité tout en maintenant une activité humaine est un enjeu qui concerne notre avenir à tous, enjeu partagé par les agriculteurs que nous sommes. Il est important par ailleurs de bien tenir compte des acteurs locaux, de leurs rôles, et d'aborder clairement la question des moyens.
En Loire-Atlantique, département riche en zones humides, 15 % du territoire sont concernés par Natura 2000. Depuis presque toujours, ces territoires ont été entretenus et gérés principalement par des paysans : leur bon état écologique est l'héritage d'une activité économique d'élevage traditionnel et extensif. Les difficultés sont apparues lorsque des scientifiques se sont intéressés de plus près à ces milieux. Ceux-ci ont souvent voulu imposer leur point de vue, en oubliant parfois que des hommes y vivaient et qu'ils avaient eux aussi une bonne connaissance du terrain.
L'intérêt de maintenir sur ces territoires cette biodiversité, mais aussi une activité humaine est aujourd'hui partagé, ce qui a d'ailleurs facilité la tâche lorsque nous avons mis en place certaines opérations agri-environnementales.
Concernant les moyens, rappelons que nous avons vu des éleveurs quitter ces espaces protégés pour des raisons économiques. Les opérations agri-environnementales sont intervenues alors pour soutenir ou conforter ces entreprises agricoles, leur permettant de continuer à exploiter les prairies humides de façon extensive tout en préservant la biodiversité. La question du renouvellement des opérations locales agri-environnementales (OLAE) se pose aujourd'hui. Qu'il s'agisse du CAD ou de tout autre dispositif de soutien, peu importe : l'essentiel est de maintenir l'activité agricole existante sur ces territoires pour en préserver tout l'intérêt écologique
En ce sens il faut bien comprendre que l'intérêt de cette protection n'est pas uniquement agricole. Il ne s'agit donc pas de mobiliser uniquement des fonds issus de l'agriculture.
2. M. Jacques Oudin, sénateur de Vendée
Je vous parlerai ici du bassin versant de la baie de Bourgneuf, zone remarquable située entre le sud de la Loire-Atlantique et le nord de la Vendée. Ce site, regroupant littoral, marais et bocage, permet le développement de divers usages parmi lesquels l'agriculture, l'aquaculture et le tourisme.
Il y a quatorze ans, les élus locaux ont créé l'Association pour le développement du bassin versant de la Baie de Bourgneuf, tant il est vrai qu'il était nécessaire de s'engager ensemble pour bâtir notre avenir. Ce sont donc les élus qui se sont tout d'abord réunis, mais seuls ils ne pouvaient rien faire. Nous avons donc mobilisé tous les acteurs de la zone. L'intérêt de la démarche était de compléter, corréler et superposer nos actions.
La première action mise en place concernait l'élaboration d'un schéma de mise en valeur de la mer, en application de la loi Littoral de janvier 1986. Ce fut un échec total. Nous avions pourtant abouti à l'élaboration d'un document fort intéressant visant un développement intégré de la zone. Pourquoi un tel échec ? Sans doute parce que les approches étaient divergentes, non pas entre les acteurs de terrain, mais entre les administrations : DIREN, DRE, DDE, Affaires maritimes, etc.
En 1992, nous avons tenté d'élaborer un Contrat de baie. Là aussi nous avons connu un échec, l'Agence de l'Eau ne finançant pas de tels programmes. Pour autant, nous n'avons pas abandonné le projet. Nous avons élaboré le premier Livre blanc du Marais Breton, et grâce à l'implication de tous, nous avons obtenu des mesures agri-environnementales, les Opérations groupées pour l'aménagement foncier (OGAF), qui ont permis de sauver le marais. L'Europe s'est intéressée à nous et grâce aux fonds débloqués, nous avons pu créer l'Observatoire local de l'eau de la baie de Bourgneuf. La Vendée elle-même dispose aujourd'hui d'un tel observatoire départemental.
Dès la loi sur l'eau de 1992, nous avons demandé un schéma d'aménagement et de gestion des eaux (SAGE). Les lenteurs administratives ont fait que nous avons attendu des années pour que soit délimité le secteur et que soit créée la Commission locale de l'eau (CLE). Celle-ci comprend aujourd'hui 76 membres, et lundi 30 juin 2003 elle doit valider l'ensemble des orientations du schéma d'aménagement et de gestion des eaux de la Baie de Bourgneuf. Il aura fallu 4 ans de travail, mais cette fois, nous sommes nous-mêmes, les élus et nos partenaires, maîtres d'oeuvre.
Depuis 1997, notre territoire est intégré au réseau Natura 2000 et le DOCOB a été adopté en mars 2002, après que notre Association ait émis critiques, réserves et observations. In fine , le préfet de la Vendée nous a désignés, en février 2003, comme animateur de la gestion du site « Marais Breton, Baie de Bourgneuf, Ile de Noirmoutier, Forêt de Monts ».
L'Association pour le développement du bassin versant de la Baie de Bourgneuf regroupe la totalité des élus et des communes, ainsi que tous les autres acteurs. Ceci, et la convergence de toutes les opérations que je viens de citer, amènera sans nul doute le succès.
3. M. Pierre Roussel, secrétaire général de l'Inspection générale de l'environnement (IGE)
Une inspection générale dispose par définition d'une liberté d'écriture et de parole, mais ne fait pas partie des services opérationnels du ministère. Notre voix n'est donc pas une voix « autorisée ». Par ailleurs, je ne suis pas un spécialiste de Natura 2000, et je suis plus à l'aise dans les agences de l'eau que dans le domaine des oiseaux. J'ai cependant travaillé sur le Marais poitevin et j'exerce encore quelques missions qui touchent ce réseau, notamment au travers d'une réflexion sur les moyens à mettre en oeuvre pour que le dispositif soit en place dans des délais raisonnables, ou encore sur l'évaluation du Plan de développement rural national.
Comment ces expériences forgent-elles mon regard sur Natura 2000 ?
Concernant le Marais poitevin, le problème était fondamentalement psychologique. Cette directive communautaire était perçue comme un moyen empêchant les propriétaires de faire ce qu'ils voulaient chez eux et un important effort de pédagogie doit donc être fourni pour montrer que ce processus n'implique pas la fin de la valorisation des terrains ! Pour ce faire, le passage par le contrat plutôt que par le règlement est essentiel. Cela nous a amenés à produire rapidement une plaquette très simple expliquant ce qu'était et ce que n'était pas Natura 2000.
Natura 2000 est une composante politique pour un territoire. La démarche doit être intégrée et ne peut être séparée du reste... « reste » qui est bien complexe ! Isoler ce processus communautaire de tout cela risque de faire percevoir la protection de l'environnement uniquement comme une sanctuarisation, ce qui ne peut que susciter de l'opposition.
Notons que Natura 2000 est une action pour la nature « ordinaire », qui couvre environ 85 % du territoire national. Ce sont des espaces travaillés par l'homme, mais qui sont néanmoins naturels et il faut donc s'intégrer dans la gestion de cette nature ordinaire, gestion qui reste encore pour une bonne part à construire.
Il s'agit également d'une action au long cours, qui demandera ténacité et moyens, financiers mais aussi humains, notamment pour maintenir l'intérêt des acteurs concernés.
Enfin, nous ne pouvons oublier qu'il s'agit d'une obligation européenne. Nous devons tenir nos engagements, sous peine de courir le risque que cela nous coûte fort cher...
M. Jacques Oudin, sénateur de Vendée
J'ajouterai que nous disposons d'un outil formidable pour nos politiques d'environnement : le schéma d'aménagement et de gestion des eaux, qui est un remarquable outil de concertation et de globalisation de la réflexion, ainsi qu'un lieu d'élaboration de stratégies à long terme à l'échelle d'un territoire pertinent.
Je suggère ainsi que se créent, sur le modèle des commissions locales de l'eau (CLE), des commissions locales de l'eau et de l'environnement (CLEE), regroupant tous les acteurs.