b) Elargir la palette des incitations financières
(1) Mettre en place une fiscalité du patrimoine naturel
Comme votre rapporteur l'avait souligné dans un précédent rapport 24 ( * ) , la fiscalité des espaces naturels est pénalisante et emporte des conséquences néfastes directes sur l'environnement. Ainsi, en matière d'imposition du capital, l'égalité du taux de prélèvement sur des biens fonciers non bâtis très divers, supportant des modes d'exploitation très variés aboutit à pénaliser les usages non intensifs des biens fonciers non bâtis. Ceci est particulièrement vrai lorsque cette fiscalité s'applique aux zones écologiquement fragiles qui sont d'autant plus riches sur le plan environnemental qu'elles sont moins intensivement exploitées.
La mise en place de Natura 2000, à travers la gestion contractualisée des sites doit s'accompagner de la définition de nouvelles règles fiscales, qui s'inspirent des avantages consentis au patrimoine mobilier ou culturel.
Ceci aurait l'avantage, en outre, de répondre aux inquiétudes, parfois légitimes, des propriétaires fonciers et des acteurs du monde rural qui dénoncent dans Natura 2000 une remise en cause du droit de propriété, au pire un risque de dépréciation de la valeur marchande du fonds et au minimum des sacrifices d'exploitabilité mal indemnisés.
Il faut souligner que des mesures d'exonération foncière pour les parcelles non bâties et d'exonération de droits de mutation à titre gratuit ont été votées en Wallonie et sont en cours d'adoption en Flandre. Ces dispositions ont d'ailleurs considérablement contribué à apaiser le contexte politique de mise en oeuvre du réseau Natura 2000.
L'avancée constituée par l'article 53 du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux 25 ( * )
Dans le projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, l'article 53 prévoit une exonération de 50 % du montant de la taxe foncière sur les propriétés non bâties perçues au profit des communes et de leurs établissements de coopération intercommunale pour les propriétés non bâties en nature de prés ou landes situés dans les zones humides. Le bénéfice de cette exonération est lié à un engagement de gestion portant notamment sur la préservation de l'avifaune et le non retournement des parcelles.
Cette exonération est portée à 100 % lorsque ces propriétés non bâties sont situées dans des zones humides intégrées dans un site Natura 2000. Il est prévu que l'Etat compense une partie de cette exonération.
Selon les informations transmises à votre rapporteur, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2004, devrait être proposée une mesure générale d'exonération totale de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terres situées en zone Natura 2000 .
Au-delà de cette mesure, déjà positive, votre rapporteur souhaite que soit très sérieusement étudiée une mesure d'exonération totale des droits de mutation à titre gratuit pour des parcelles, situées dans un site Natura 2000 et identifiées par le DOCOB comme jouant un rôle important pour le bon état de conservation du site.
Cette mesure viendrait utilement compléter la mesure d'exonération de la TFNB, pour rémunérer des coûts de gestion ordinaires, découlant des recommandations du DOCOB et difficilement subventionnables, au regard du droit communautaire et international dès lors que sur le terrain visé, il y a production et commercialisation d'un produit sur un marché libre.
Ce dispositif devrait s'inspirer de la réglementation découlant du régime Monichon, qui accorde une exonération des ¾ de la valeur d'un bien forestier, en contrepartie d'un engagement de gestion sur trente ans.
Dans le cas d'une parcelle identifiée en zone Natura 2000, l'exonération totale des droits de mutation à titre gratuit serait accordée en contrepartie d'un engagement de gestion durable sur trente ans compatible avec le DOCOB en vigueur sur le site.
Pourraient être ainsi pris en charge, pour les propriétaires forestiers, l'obligation de maintien en l'état de l'habitat ou de l'habitat d'espèces, le maintien sur pied ou à terre de 5 à 10 arbres morts à l'hectare, la mise en vieillissement jusqu'à la sénescence d'arbres sur 1% de la surface concernée par l'exonération des droits de mutation, le maintien d'un sous-bois naturel (sauf menace pour la survie du peuplement en cas de sécheresse grave), ainsi que les contraintes de gestion ordinaire (petites interventions sylvicoles, dates des travaux, localisation des infrastructures, ..) dès lors qu'elles n'induisent pas un impact financier significatif prouvé par devis d'entreprise.
* 24 La protection de l'environnement rural - Rapport au Premier ministre.
* 25 Projet de loi n° 158 - Développement des territoires ruraux.