C. INTÉGRER EN AMONT L'ÉVALUATION DES INCIDENCES DES TRAVAUX, OUVRAGES ET AMÉNAGEMENTS

1. Un objectif de développement durable partagé

a) Un champ d'application étendu

L'ambition du Gouvernement, et partagée par votre rapporteur, est d'inscrire le réseau Natura 2000 comme une politique de développement durable garantissant la préservation de la faune, de la flore et des habitats naturels tout en permettant l'exercice d'activités socio-économiques indispensables au maintien des zones rurales et au développement des territoires .

Un développement durable passe par une appréciation fine des programmes et projets susceptibles d'affecter de façon notable ces espaces. Si ces derniers abritent des richesses naturelles d'intérêt communautaire, ne pas les détruire est légitime et il convient d'étudier, le plus en amont possible , la compatibilité des travaux, ouvrages et aménagements avec les objectifs de conservation.

A cette fin, un régime d'« évaluation des incidences » a été prévu par l'article 6, paragraphes 3 et 4, de la directive « Habitats ». Sa transposition en droit français a été achevée par l'ordonnance du 11 avril 2001 et par le décret du 20 décembre 2001 codifiés, aux articles L.414-1 et R.214-34 à R.214-39 du code de l'environnement.

Cette obligation concerne donc, dans un site Natura 2000, entre autres tous les projets de programmes de travaux, aménagements ou ouvrages soumis à autorisation ou approbation et faisant l'objet d'une étude ou d'une notice d'impact. Mais, en application de l'article R.214-35 du code de l'environnement, les travaux, ouvrages ou aménagements prévus par les contrats Natura 2000 sont dispensés de cette procédure d'évaluation d'incidences.

A l'inverse, les programmes et projets relevant d'un régime déclaratif, notamment ceux relatifs à la législation des installations classées (articles L. 512-8 à L. 512-13 du code de l'environnement) ou à celle concernant l'eau (articles L.214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement) ne sont donc pas concernés par le présent champ d'application, puisqu'ils ne relèvent ni d'un régime d'autorisation, ni d'un régime d'approbation. A fortiori, une action ne relevant d'aucun régime d'autorisation, d'approbation ou déclaratif n'est pas concernée par le présent champ d'application.

Cependant, si des enjeux écologiques importants le justifient, des mesures de conservation réglementaires ou contractuelles seront concertées dans le cadre du document d'objectifs, en application des dispositions législatives et réglementaires et notamment de celles relatives aux contrats Natura 2000, aux parcs nationaux, aux réserves naturelles, aux arrêtés de protection de biotopes ou aux sites classés.

Pour les programmes et projets situés dans un site Natura 2000 :

Relèvent du régime d'évaluation des incidences Natura 2000 les programmes et projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements :

- soumis à l'autorisation prévue par la loi sur l'eau donnant lieu à l'établissement d'un document d'incidences (articles L. 214-1 à L.214-6 du code de l'environnement et 4° de l'article 2 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 modifié),

- soumis à un régime d'autorisation au titre des parcs nationaux, des réserves naturelles ou des sites classés (article R.241-36 du code de l'environnement, article L.332-9 du code de l'environnement et article R.242-19 du code de l'environnement, article L.341-10 du code de l'environnement et l'article 1er du décret n° 88-1124 du 15 décembre 1988 modifié),

- soumis à un autre régime d'autorisation ou d'approbation donnant lieu à l'établissement d'une étude ou d'une notice d'impact (article L. 122-1 et suivants du code de l'environnement et le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 modifié).

En outre, l'article R.214-34 du code précité précise qu'une liste de catégories de programmes et de projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements, soumis à autorisation ou approbation, dispensés d'étude ou de notice d'impact mais donnant lieu à évaluation d'incidences, est établie par le préfet de département chaque fois que cela est nécessaire pour la conservation et la gestion du ou des sites concernés. Elle pourra être établie dès la désignation du site, et pourra, le cas échéant, être complétée lors de l'élaboration du DOCOB ou postérieurement, compte tenu notamment de l'évaluation de l'état de conservation du site.

Peuvent être ainsi intégrés dans le régime d'évaluation des incidences des programmes et projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements (pour autant qu'ils soient toujours soumis à autorisation ou approbation), relevant de seuils plus bas que ceux prévus réglementairement pour les études et notices d'impact.

Cette souplesse est indispensable pour mieux répondre aux objectifs de mise en valeur du site dans le respect de sa biodiversité. Elle constitue une réponse réglementaire satisfaisant aux exigences posées par la Cour de justice des communautés européennes, qui condamne un dispositif réglementaire ne tenant compte que de la dimension des projets pour les soumettre à évaluation d'incidences, sans prendre en considération leur nature et leur localisation 20 ( * )

Enfin, l'obligation d'évaluation des incidences s'applique également à des projets d'aménagements, de travaux ou d'ouvrages situés en dehors d'un site Natura 2000, dès lors qu'ils sont susceptibles d'affecter de façon notable un ou plusieurs de ces sites.

Il s'agit toujours de projets soumis à autorisation ou approbation et soumis à étude ou notice d'impact ou à document d'incidences au titre de la loi sur l'eau.

Plus généralement, il convient de ne pas oublier que la constitution du réseau Natura 2000 est en cours d'achèvement. Il importe de se prémunir contre les risques de contentieux communautaires pour ces sites qui n'ont pas encore de statut juridique en droit français. En effet, l'absence de désignation d'un site en droit français ne veut pas dire absence d'obligations pour la France au regard des directives Habitats et Oiseaux. Les Etats membres ont, en effet, l'obligation générale de maintenir ou de restaurer dans un état de conservation favorable les habitats et les espèces d'intérêt communautaire.

De plus, le gouvernement français ainsi que les régions se sont engagés à travers les Documents Uniques de Programmation (DOCUP) vis-à-vis de la Commission européenne. Tous les programmes et projets concernés par les DOCUP doivent être compatibles avec les enjeux liés aux directives Oiseaux et Habitats. Dans le cas contraire, le versement des fonds structurels pourrait être suspendu par la Commission européenne.

Les Etats membres doivent donc s'efforcer de ne pas détériorer les sites présentant un intérêt écologique de niveau communautaire, avant leur désignation.

Les zones qui n'ont pas encore de statut juridique en droit français mais qui impliquent des obligations pour la France vis-à-vis de la directive « Habitats » sont les suivantes : SIC et ZPS n'ayant pas encore fait l'objet d'un arrêté en droit français, les pSIC, ainsi qu'au terme de la jurisprudence communautaire, les zones qui auraient dû être désignées comme zone de protection spéciale.

En effet, il faut noter que le régime d'évaluation des incidences, que ce soit en droit européen ou national, ne s'applique pas aux ZICO. Toutefois, des arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes 21 ( * ) établissent que toutes les mesures doivent être prises pour éviter, dans les zones qui « auraient dû être désignées comme ZPS », la pollution et la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant les oiseaux, pour autant qu'elles aient un effet significatif.

* 20 Arrêt CJCE 21 septembre 1999 - Commission des communautés européennes contre Irlande.

* 21 (arrêt CJCE du 7 décembre 2000 « Basses Corbières » - affaire C-374/98 et arrêt CJCE du 2 août 1993 « Marismas de Santoña »

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