ENCADREMENT ET SUIVI DE L'ACTIVITÉ

LE MANAGEMENT DANS LES UNITÉS : DES PRATIQUES CONTRASTÉES EN PLEINE ÉVOLUTION

Les éléments observés sur le terrain

Chacun affecte ses ressources à des missions qu'il juge prioritaires

Sans rentrer dans le débat de l'insuffisance d'effectifs lancé par la plupart des interlocuteurs, il s'agit plus ici de constater que l'acte fort de management qu'est la décision d'affectation des ressources humaines (commissaire, commandant de brigade, chef de Service de Police de Proximité ou encore chef de BAC ou de PSIG) peut varier considérablement d'une unité à l'autre.

Exemple : à Paris, à effectif à peu près équivalent, les deux arrondissements visités ne sont pas du tout confrontés à un même contexte et l'on peut légitimement avoir le sentiment que la police fait alors deux métiers très différents.

Dans l'un, la priorité est donnée à « servir » le citoyen :

§ connaissance des acteurs locaux,

§ réponse aux sollicitations diverses des personnalités,

§ souci du bien-être des citoyens,

§ affichage de la présence dans la rue,

§ facturation de ressources aux organisateurs de certains grands salons.

Dans l'autre, l'action se tourne beaucoup plus vers le répressif :

§ règlement de conflits entre jeunes,

§ intervention sur des violences,

§ surveillance de populations à risque.

Dans les brigades de gendarmerie d'un département visité, le contact avec les citoyens est renforcé, la surveillance des espaces touristiques et le règlement d'affaires judiciaires sont assez partagés. Face à cet équilibre, certaines brigades d'un autre département sont davantage occupées par la répression et l'intervention dans des zones résidentielles sensibles. La présence dans la rue étant parfois réduite car perçue comme une provocation dans certains quartiers.

Des habitudes de management isolées sans référence à un modèle

La formation au management reste un parent relativement pauvre de la formation initiale aussi bien des policiers que des gendarmes.

Dans la gendarmerie, cette formation relève davantage d'une culture militaire du commandement. Les gendarmes rencontrés reconnaissent qu'il est de plus en plus difficile de mener les unités par le simple exercice du commandement. Les officiers estiment majoritairement que la formation élémentaire au management et à la communication pourrait être renforcée, bien que dans ce domaine la théorie ne vaille jamais l'empirisme.

Dans la police, le constat est identique tout en reconnaissant que de réels efforts ont pu être notés dans la formation initiale des commissaires. En revanche, le problème demeure entier pour les gardiens de la paix qui sont appelés à devenir brigadiers ainsi que pour les officiers. Aucune formation spécifique d'encadrement ne leur est proposée. Or, tous estiment de plus en plus difficile d'encadrer des jeunes recrues dont le rapport à la hiérarchie est plus ténu qu'il ne l'était auparavant.

Pour l'ensemble du personnel encadrant - que ce soit en police ou en gendarmerie - la critique des difficultés d'encadrement des nouvelles recrues est un réel leitmotiv qui les inquiète pour l'avenir de leur profession.

Pour autant, une constante peut être notée tant dans la gendarmerie que dans la police : le caractère du chef de service imprègne toujours les orientations d'activité des commissariats et des unités de gendarmerie. L'un préfèrera axer son action sur la prévention, l'autre sur la répression.

Exemple : dans un commissariat central, ordre sera donné de privilégier la présence dans les bureaux de police de quartier tandis que dans un autre commissariat du même département, le commandant de police préfèrera que ses troupes patrouillent sur le terrain.

Exemple : la gestion de l'accueil est très parlante. Un commissaire central a mis en place une démarche qualité pour l'accueil avec une durée d'attente maximum fixée à 4 minutes. Dans un commissariat central de la Préfecture de Police, aucune règle n'est fixée : liberté totale est donnée au chef de poste.

Exemple : l'accueil téléphonique et la gestion des appels 17 par le Centre Opérationnel de la Gendarmerie (COG) est assuré par un personnel expérimenté qui doit satisfaire à un test de sélection dans un groupement visité, tandis que de jeunes gendarmes adjoints volontaires sont admis au COG d'autres groupements visités aux côtés de gendarmes qui n'ont pas tous une égale pratique du métier.

Cette personnalité du chef de service façonne véritablement l'action de chaque entité. Cet empirisme est certes louable, mais chacun regrette une disparité trop forte dans les approches du management.

Des concurrences internes entre niveau d'encadrement avec des différences selon les deux forces de sécurité

Au sein de la police, la concurrence se situe à deux niveaux :

§ au sein d'un même commissariat, le malaise des officiers est assez fort. Leur positionnement est difficile, pris entre le Commissaire et les brigadiers - souvent plus âgés et expérimentés, surtout en Région Parisienne. Cette difficulté est très forte mais elle rend le management de plus en plus ardu à mettre en oeuvre - a fortiori lorsque les notions mêmes de management ne sont pas nécessairement bien maîtrisées,

§ ensuite, la hiérarchie entre les structures (administration centrale, direction départementale de la sécurité publique, commissariat central de district, commissariat central et bureau de police) n'est pas gérée de façon toujours optimale. La plupart du temps, chaque entité semble vivre de façon autonome selon les souhaits de chaque chef de service. Une conséquence parmi d'autres : chaque structure souhaite disposer de ses tableaux de bord, ce qui entraîne une superposition des tableaux à produire pour la dernière unité de la chaîne.

Au sein de la gendarmerie, les rapports hiérarchiques semblent davantage maîtrisés, mais certaines concurrences « négatives » existent entre entités : légion, groupement, compagnie et brigade :

§ la chaîne hiérarchique est parfois ressentie comme trop longue et manquant de visibilité pour les autorités civiles, sans oublier le caractère impénétrable de certaines appellations ou du jargon propre à l'activité policière. Cette organisation provoquerait des lourdeurs décisionnelles dans une situation de crise nécessitant une forte réactivité des responsables. Force est de constater que la multiplication des sources de commandement nuit à l'efficacité. De fait, selon un commandant de groupement, « aucun échelon hiérarchique ne donne la plénitude du commandement aujourd'hui : si le groupement est un échelon opérationnel, il ne dispose d'aucune autorité de gestion. A l'inverse, la légion qui gère les hommes et les moyens n'a aucune légitimité opérationnelle »,

§ ce phénomène est accentué par l'apparition des communautés de brigades qui pose la question de la légitimité de la brigade en tant qu'unité de commandement et celle de la compagnie comme structure de coordination,

§ la légion quant à elle détient certains moyens opérationnels (sections aériennes par exemple) mais ne semble pas suffisamment proche du terrain pour exercer une réelle autorité. Pourtant, ses structures se superposent et exercent leurs prérogatives sur les unités élémentaires qui leur rendent compte sur différents points,

§ sur le plan humain enfin, la culture militaire ne paraît pas toujours faciliter le passage du commandement au management.

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