B. LA DIPLOMATIE ÉGYPTIENNE
La diplomatie égyptienne a une ambition centrale pour le rôle de son pays dans le monde : maintenir l'Egypte au coeur des évolutions régionales, et en particulier du processus de paix au Proche-Orient. Au-delà, elle entend être un interlocuteur reconnu sur les grands enjeux internationaux -lutte contre le terrorisme, désarmement, mondialisation... L'Egypte, alliée stratégique des Etats-Unis dans la région, n'en critique pas moins souvent leurs options régionales. Elle entend aussi valoriser ses liens multiples avec l'Europe -économiques, commerciaux, politiques-. Enfin, elle veille à consolider sa position en Afrique, singulièrement dans son voisinage méridional immédiat, dans le contexte sensible de l'utilisation des eaux du Nil.
1. Les conflits au Proche et Moyen-Orient : l'affirmation -sous contraintes- du rôle et des vues de l'Egypte
Premier signataire d'un traité de paix avec Israël, l'Egypte avait tout naturellement pris part, en 1991, à la Conférence de Madrid consécutive à la guerre du Golfe, destinée à lancer une initiative de paix. Prise de court, comme de nombreux pays arabes par la conclusion des accords d'Oslo, l'Egypte a cependant participé à leur mise en oeuvre, en abritant notamment les nombreuses réunions au sommet qui avaient ponctué le processus. Après le début de la deuxième Intifada en 2000, elle abrita, à Taba, les négociations de la dernière chance après l'échec des pourparlers de Camp David en juillet 2000.
Ce rôle de médiateur actif, d'intermédiaire et de conciliateur que s'efforce de jouer l'Egypte dans le conflit israélo-palestinien est tenu au plus haut niveau du pouvoir. Parallèlement à l'action du ministère des affaires étrangères, les conseillers immédiats du président, le Général Solimane, chef des services de renseignement, et M. Ossama El Baz, conseiller diplomatique, s'impliquent dans des missions de bons offices. Le Caire n'a pas ménagé ses efforts, dans le cadre de la mise en oeuvre de la première phase de la feuille de route, pour tenter d'obtenir une trêve de la part des organisations armées palestiniennes à l'égard d'Israël.
Pourtant, la diplomatie égyptienne, sur le dossier proche-oriental, s'exerce sous de fortes contraintes .
Une première contrainte vient de son opinion publique et de la presse , fortement hostile à Israël et qui reproche à ses propres autorités une mansuétude excessive à l'égard de l'Etat hébreu. Les manifestations pro-palestiniennes, bien que contrôlées, sont fréquentes.
Une deuxième contrainte est liée aux divergences d'approche de fond de la situation entre l'Egypte et les Etats-Unis . Le soutien historique apporté par Le Caire à Yasser Arafat, la conviction de l'Egypte que la marginalisation du président de l'Autorité palestinienne est une erreur profonde, heurte de front la stratégie retenue par les Etats-Unis et Israël tendant à écarter Yasser Arafat de tout processus politique. Egalement pour Le Caire, Washington n'exerce pas sur Israël les pressions nécessaires pour amener celui-ci à composer loyalement avec l'Autorité palestinienne, notamment pour faire respecter les obligations de la feuille de route -évacuation des territoires, gel de la colonisation, fin des attaques ciblées...
Ces désaccords s'inscrivent cependant dans le cadre d'une alliance bilatérale où le soutien financier apporté par les Etats-Unis à l'Egypte chaque année est de nature à rappeler au Caire les limites de son indépendance diplomatique.
Les divergences de vues entre Washington et l'un de ses alliés stratégiques dans la région sont également sensibles sur la question irakienne . Les Egyptiens avaient clairement marqué leur hostilité à un recours à la guerre en Irak, sauf si celle-ci se faisait sous l'égide des Nations-Unies. Leur approche actuelle de la gestion de l'après-guerre est en ligne avec celle défendue notamment par la France, visant à restaurer au plus vite une véritable souveraineté irakienne dans le cadre d'un processus où l'ONU tiendrait un rôle central .
L'Egypte se voit ainsi « écartelée » entre, d'une part, le sentiment profond d'une opinion publique où se développe un certain anti-américanisme et sa propre analyse des enjeux régionaux et, d'autre part, les contraintes posées à son autonomie diplomatique du fait du soutien vital que lui confère son lien privilégié avec les Etats-Unis ; la synthèse est donc difficile à opérer pour ce pays qui entend se préserver un rôle prépondérant sur la scène arabe et régionale, mais pâtit aussi de la rivalité de la Jordanie -également signataire d'un traité de paix avec Israël-, et de l'Arabie saoudite -à l'origine d'une initiative globale de la paix avec Israël en 2002, voire peut-être, demain, de la Syrie.
C'est dans ce contexte général d'une alliance cruciale mais pesante avec les Etats-Unis que l'on peut analyser l'intérêt déjà ancien mais croissant que l'Egypte porte à l'Europe. La conclusion, en 2001, de l'accord d'association avec l'Union européenne illustre la part prépondérante de l'Union dans le commerce extérieur égyptien. Elle symbolise également l'intérêt pour l'Egypte, sur le plan politique et diplomatique, de pouvoir s'appuyer sur une puissance occidentale qui puisse être, sinon une alternative, à tout le moins un complément à son alliance avec les Etats-Unis.