III. DES ÉCHANGES ÉCONOMIQUES QUI POURRAIENT SE DÉVELOPPER
A. LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE IRANIENNE
Au plan économique, la délégation a relevé avec beaucoup d'intérêt que l'Iran aspire, en raison de ses atouts démographiques et énergétiques, à jouer un rôle moteur dans les échanges régionaux. Ses dirigeants souhaitent tout particulièrement contribuer aux reconstructions afghanes et irakiennes, notamment dans le domaine des infrastructures. L'économie iranienne, malgré ses potentialités (des richesses énergétiques considérables, une population jeune et bien formée) est toutefois lourdement touchée par le chômage. Elle doit aujourd'hui se réformer et le poids du secteur public, qui obère la capacité d'initiative du secteur privé, est pour beaucoup, un handicap majeur de développement.
1. Une économie fragilisée
Déstabilisée sous le régime du Shah par des projets d'investissement très ambitieux et par la mauvaise prise en compte des problèmes sociaux, puis fortement affaiblie, après la révolution islamique, par huit années de guerre contre l'Irak, l'économie iranienne a été appauvrie et rendue très dépendante du secteur pétrolier. La désorganisation de l'appareil productif, la fuite des capitaux, l'exil des cerveaux, l'isolement du pays ou encore la division par deux du revenu nominal par tête en deux décennies en constituent les traits les plus saillants.
Toutefois cette paupérisation doit être nuancée par l'importance du secteur informel, dont la part dans l'activité pourrait représenter de 20 à 40 % du produit intérieur brut (PIB).
L'évolution entre 1988 et 2000 a été dominée par les conséquences de la crise de la balance des paiements survenue en 1992, du fait d'une dette à court terme de 77 %. Les rééchelonnements consentis en 1994 et 1995 et la contraction des importations ont permis au pays d'améliorer sa santé financière. Mais la pénurie de matières premières et de pièces détachées a gravement pénalisé l'industrie manufacturière.
Afin d'encourager les exportations non-pétrolières, un taux de change proche du taux du marché parallèle a été introduit en 1997 par les autorités. Cette dépréciation de la valeur du rial a contribué à limiter la chute des exportations.
Au total, l'ajustement des années 1990 a entraîné un net ralentissement de la croissance et n'a pas permis à l'économie de se diversifier, si bien que les phases de croissance restent jusqu'à présent très dépendantes des périodes de hausse du cours du pétrole. Trois années consécutives de surplus pétroliers accompagnés d'une politique de gestion prudente ont cependant permis à l'Iran de reconstituer ses réserves et de stabiliser sa situation financière.
2. Des surplus pétroliers sans précédent
Depuis le début de l'année iranienne 2000/2001, les surplus pétroliers sont déposés sur un fond de réserve. La moitié de ces montants doivent être alloués au secteur privé sous forme de prêts en devises, l'autre moitié alimentant les réserves bancaires. Selon les dernières statistiques officielles, le montant total des surplus dégagés depuis mars 2000 s'élèverait à 19 milliards de dollars.
Le gouvernement a été autorisé par le Parlement à prélever, au titre des années 2002 et 2003, près de 2,1 milliards de dollars sur le fonds pour financer le déficit budgétaire des dépenses courantes et les dettes de la sécurité sociale. Par conséquent, le solde actuel réservé au secteur privé a été limité à moins de 8 milliards de dollars. Les réserves bancaires représenteraient l'équivalent de plus de six mois d'importations.
Les importations, en revanche, n'ayant été libéralisées que partiellement et graduellement à un rythme croissant de 15 à 20 % par an depuis 2000, les excédents courants ont atteint respectivement 17,6 % et 7,5 % du PIB en 2000/2001 et 2001/2002.
Au total, le montant total des dettes est de 23 milliards de dollars, dont 8 milliards de dettes exigibles, soit 33 % des exportations.
3. L'utilisation de nouveaux moyens de financement
Compte tenu de la conjoncture favorable, les autorités ont adopté une nouvelle politique de financement. Ainsi, l'utilisation systématique des recettes pétrolières pour financer les dépenses publiques a cédé la place à la recherche de nouveaux instruments financiers.
La novation la plus importante est l'émission, depuis le 10 juillet 2002, d'eurobonds, obligations émises en euros. Emises pour cinq ans et gérées par des banques privées étrangères, ces obligations sont rémunérées à un taux de 8,75 %. Les autorités ont l'intention d'utiliser les recettes ainsi obtenues pour financer les projets pétroliers, pétrochimiques et aéronautiques.
Une gestion rigoureuse des finances publiques a dès lors permis à l'Iran de rebâtir sa santé financière et, notamment, de se trouver une place sur les marchés internationaux, grâce à l'action de la Banque centrale.
La constitution d'un fond pour financer les projets industriels du secteur privé est une démarche que l'on ne peut que saluer, car elle a permis de stimuler ce secteur qui n'a jamais eu un accès facile au crédit bancaire.
4. Une conjoncture affaiblie
Ces évolutions positives doivent néanmoins être nuancées au regard des informations récemment obtenues par votre délégation. En effet, au contexte sociopolitique tendu du mois de juin 2003 s'est ajouté une dégradation de la conjoncture économique. Ainsi, le vice-gouverneur de la Banque centrale, dont les propos ont été rapportés par un journal iranien, a annoncé un taux d'inflation compris entre 9,3 % et 25,5 % pour l'année 2003-2004. Certains observateurs évaluent même l'inflation à un niveau supérieur à 30 %, ce que pourrait corroborer l'augmentation récente des prix de plusieurs produits et services sur un an, comme l'essence (+30 %), la viande (+25 %) ou les loyers (+22 %). Cette hausse des prix toucherait également les services publics (gaz, eau, électricité...), dont les évolutions sont pourtant limitées par le Troisième plan quinquennal.
Or, dans le même temps, les évolutions salariales n'auraient pas suivi la hausse du coût de la vie, entraînant dès lors une dégradation du pouvoir d'achat des ménages. Au surplus, le marché de l'emploi, peu réactif, ne parvient pas à intégrer les nouveaux arrivants -près de 700 000-, ce qui ne fait que renforcer le chômage, dont le taux réel serait estimé à près de 25 %, et accroître les difficultés économiques de la population.