Mme Sophie Deschamps, vice-présidente de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)
Nous
avons tous, ici, lu attentivement ce rapport, soyez en sûre.
Mais lorsque l'on préconise que des gens comme des
pédopsychiatres entrent dans les comités qui jugent les films,
remplaçant ainsi les professionnels, il y a danger de tomber dans la
censure. Soyons conscients du fait que la simple classification
« moins de 12 ans » condamne un scénario à ne
pas être tourné. Il est censuré
a priori
.
Nous sommes tous des adultes responsables, nous avons aussi des enfants, mais
plus les signalétiques sont fortes, plus les oeuvres sont
repoussées tardivement dans les grilles, pour finalement
disparaître de la production.
Mme Blandine Kriegel, chargée de mission auprès du président de la République, auteur de « La violence à la télévision »
Cela est
vrai, mais ne concerne qu'un petit nombre de spectacles que l'on peut
d'ailleurs aider d'autres manières.
Nous pouvons nous mettre d'accord, en discutant ensemble autour d'une
table : pourquoi cette idée paraît-elle choquante ?
Mme Hélène Waysbord, inspecteur général honoraire, conseiller audiovisuel, CNDP
Je
remercie les intervenants d'avoir souligné combien les rapports entre
violences à la télévision et violences dans les faits
étaient extrêmement complexes et indécidables.
La notion de « scénarisation » des violences
collectives, dont faisait état Madame Brisset me paraît
très forte. Les jeunes sont passablement désorientés dans
notre société, et les déroulements narratifs que leur
proposent certaines séquences télévisées peuvent
être pour eux « modélisants ».
Concernant la prévention par la formation à l'image, je tiens
à souligner que cela existe au sein de l'Éducation nationale. Le
CNDP travaille tant sur la production que sur l'exploitation de l'image.
Enfin, Madame Kriegel faisait allusion à une vision manichéenne
du monde et à un manque de confiance suscités chez les jeunes.
Cet élément est également particulièrement fort
sous l'angle de la violence. Si la télévision montre le monde
selon une dichotomie gagnants/perdants et que les enfants s'identifient au
côté des perdants, nous atteignons une sorte de fatalité
qui ne peut qu'engendrer de la violence. La mission intellectuelle et civique
de l'école comme de la télévision est alors de montrer que
l'on doit élaborer sans cesse du compromis, au bon sens du terme.
Mme Geneviève Guicheney,
médiatrice des
programmes de France Télévisions
Remarquons que l'on « prétend » aussi que la
précarité et la pauvreté rendent violents...
Pour faire court, il apparaît, selon les remarques des
téléspectateurs, que ce ne sont pas forcément les
« coups de poings » qui sont dénoncés comme
violents, mais plutôt une certaine forme d'accumulation
d'émissions qui ne leur disent pas grand-chose, où ils ne se
retrouvent pas. Ils semblent faire une différence fondamentale entre ce
qui
est violent
et ce qui
fait violence
. Tenir compte de cette
distinction est indispensable au progrès de nos réflexions.
Un exemple : France 3 a diffusé l'an dernier un dessin animé
intitulé « La guerre n'est pas un jeu ».
Malgré la gravité du propos et le fait qu'il montrait ce qui est,
la guerre, il a connu un large succès. Ce qui a le plus choqué
les téléspectateurs n'a pas été le contenu de
l'ensemble, mais le fait que le générique de fin arrive
« violemment », à un moment dramatique, puisque le
héros mourait, suivi immédiatement par une bande annonce pour...
« Drôles de dames » ! La violence a
été ressentie dans le fait qu'on ne leur laisse pas le temps de
« respirer », qu'il n'y ait ensuite aucun
« accompagnement ».
Les téléspectateurs sont très sensibles aux intentions
manifestées à travers la façon dont sont agencés
les programmes. Ils ont besoin qu'on leur témoigne de l'estime et de la
confiance. Ils attendent qu'on leur explique le monde, pas seulement qu'on leur
rende compte de ses « bruits ».