B. LA SITUATION EN FRANCE
Dans
ce panorama, la situation française apparaît assez
singulière
: les baisses généralisées de
cotisations sociales ont été l'occasion d'une nette modification
de la logique de financement du système social ; quant aux
allégements ciblés, ils sont, depuis la réduction du temps
de travail, moins consacrés à résoudre des
problèmes particuliers d'intégration au marché du travail
qu'à compenser la hausse du coût salarial unitaire par tête
induite par cette politique.
En France, le taux de cotisation apparent qui rapporte les versements au titre
des cotisations sociales à la masse salariale brute a été
réduit, légèrement pour les cotisations patronales, plus
substantiellement pour les cotisations salariés.
Taux de cotisations apparents
|
1980 |
1985 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Cotisations patronales |
30,4 |
33,1 |
32,7 |
32,2 |
32,9 |
33,1 |
33,3 |
32,5 |
32,7 |
32,7 |
32,5 |
32,7 |
31,5 |
Cotisations salariés |
12,4 |
14,8 |
17,1 |
17,0 |
17,4 |
17,8 |
18,1 |
18,1 |
18,4 |
17,4 |
13,5 |
13,6 |
13,6 |
Note : il s'agit des cotisations versées respectivement
par les sociétés non financières et par les
salariés en pourcentage de la masse salariale brute.
Source : Comptes nationaux.
Cet allégement a été financé par la création
de ressources nouvelles, la CSG, la CRDS, la TGAP et par l'augmentation de
divers droits dont ceux taxant les tabacs, mesures qui se sont traduites par un
élargissement de la base de contribution
à la protection
sociale et, ainsi, par une
modification de la logique du financement
dans un sens
moins assurantiel
et
plus contributif
.
Les taux de CSG - CRDS
Assiette |
Revenus de remplacement 1 |
Autres revenus |
|||||||||
Bénéficiaire |
CNAF 2 |
FSV 3 |
Maladie |
Total CSG |
CRDS |
CNAF 2 |
FSV 3 |
Maladie |
Total CSG |
CRDS |
|
Février 1991 |
1,1 |
0,0 |
0,0 |
1,1 |
0,0 |
1,1 |
0 |
0 |
1,1 |
0,0 |
|
Juillet 1993 |
2,4 |
0,0 |
0,0 |
2,4 |
0,0 |
2,4 |
0 |
0 |
2,4 |
0,0 |
|
1994 |
1,1 |
1,3 |
0,0 |
2,4 |
0,0 |
1,1 |
1,3 |
0 |
2,4 |
0,0 |
|
Février 1996 |
1,1 |
1,3 |
0,0 |
2,4 |
0,5 |
1,1 |
1,3 |
0 |
2,4 |
0,5 |
|
1997 |
1,1 |
1,3 |
1,0 |
3,4 |
0,5 |
1,1 |
1,3 |
1 |
3,4 |
0,5 |
|
1998 |
1,1 |
1,3 |
3,8 |
6,2 |
0,5 |
1,1 |
1,3 |
5,1 |
7,5 |
0,5 |
|
2001 |
1,1 |
1,15 |
3,95 |
6,2 |
0,5 |
1,1 |
1,15 |
5,25 |
7,5 |
0,5 |
1. Les
revenus de remplacement sont les pensions de retraite et d'invalidité,
ainsi que les allocations chômage et préretraite. Les titulaires
de minima sociaux ou du minimum vieillesse sont exonérés. Les
personnes non imposables titulaires de pensions de retraite ou
d'invalidité ou d'allocations chômage ou de préretraites,
sont exonérées si leur revenu fiscal de référence
est inférieur à un certain seuil (6819 euros pour la
première part du quotient) et taxés au taux réduit de
3,8
%
si leur revenu fiscal est supérieur à ce
seuil ;
2. Branche famille de Régime général de
Sécurité sociale ;
3. Fonds de solidarité vieillesse.
Source : Rapports de la Commission des Comptes de la
Sécurité Sociale.
Deux conséquences s'ensuivent :
Le financement de la sécurité sociale est en effet de plus en
plus assuré par l'impôt
.
Le financement des Administrations de Sécurité Sociale
|
1980 |
1985 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
Dépenses et recettes des Administrations de Sécurité sociale (en % du PIB) |
|
|
|
|
|||||||||
Dépenses |
20,1 |
22,6 |
21,9 |
22,4 |
23,2 |
24,2 |
24,2 |
24,2 |
24,4 |
24,4 |
24,0 |
23,9 |
23,5 |
Recettes |
21,2 |
23,1 |
22,1 |
22,2 |
22,7 |
23,3 |
23,6 |
23,6 |
23,9 |
23,9 |
23,9 |
24,1 |
24,1 |
Structure du financement (en % des recettes totales) |
|
|
|
|
|
|
|
||||||
Cotisations sociales |
82,3 |
81,4 |
84,4 |
83,5 |
82,7 |
80,8 |
78,6 |
78,3 |
77,7 |
75,4 |
66,7 |
67,2 |
66,6 |
Impôts |
0,5 |
1,2 |
1,6 |
2,9 |
3,5 |
4,8 |
7,1 |
7,1 |
7,2 |
9,8 |
18,9 |
19,1 |
21,6 |
Autres |
17,2 |
17,5 |
14,0 |
13,5 |
13,8 |
14,5 |
14,3 |
14,6 |
15,1 |
14,7 |
14,3 |
13,8 |
11,7 |
Source : Comptes nationaux.
Le système de financement de la protection sociale est devenu de plus
en plus progressif.
L'alourdissement de la CSG a davantage amputé
les revenus les plus élevés du fait de leur composition qui
comprend des revenus du travail et, en proportion non négligeable, des
revenus nouvellement taxés : les revenus financiers.
Cette accentuation de la progressivité s'explique par ailleurs par le
fait que
la France a également conduit une politique active
d'allégements ciblés de cotisations sociales, dont la
finalité a été radicalement modifiée après
la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.
Dès le 1
er
juillet 1993 ont été mises en place
des exonérations dégressives de cotisations patronales pour les
salaires mensuels inférieurs à 1,2 SMIC avec pour objectif de
réduire le coût du travail, jugé responsable du
chômage des travailleurs les moins qualifiés. Les baisses de
cotisations ont été étendues jusqu'à 1,3 SMIC et
fortement renforcées en 1995.
Le taux de cotisations patronales au
niveau du SMIC est passé, en plusieurs étapes, de 40 % au
début des années 1990 à 22 % en 1996
.
|
|
Les dispositifs d'allègements de charges patronales sur les bas salaires :
-
1
er
juillet 1993 : exonérations de cotisations
d'allocations familiales pour les salaires inférieurs à 1,1 SMIC
(5,4 points) ; réduction de moitié entre 1,1 et 1,2 SMIC.
Réduction pour un SMICard : 5,4 points.
|
|
1 er juillet 1993 |
5,4
points jusqu'à 1,1 SMIC
|
1 er janvier 1995 |
5,4
points jusqu'à 1,2 SMIC
|
1 er septembre 1995 |
18,2
points au niveau du SMIC
|
1 er octobre 1996 |
18,2
points au niveau du SMIC
|
1 er octobre 1998 |
18,2
points au niveau du SMIC
|
1 er février 2000 |
26
points au niveau du SMIC
|
La
réduction du temps de travail a modifié la logique des
dispositifs précédents.
Les
réductions de cotisations patronales
pour les
entreprises
ayant signé un accord de réduction du temps de travail
(RTT)
ont été
amplifiées
. Les entreprises dans lesquelles
un accord a été signé bénéficient d'une
baisse de cotisation annuelle de 4 000 francs (610 euros) pour chaque
salarié (quel que soit son niveau de salaire) et de réductions
dégressives qui sont plus élevées que les
réductions prévues par le dispositif Juppé et concernent
les salariés gagnant jusqu'à 1,8 SMIC. En régime de
croisière, le coût de l'aide forfaitaire était
estimé à 6,1 milliards d'euros et l'extension de la ristourne
dégressive devait coûter 3,8 milliards d'euros. Aujourd'hui, le
taux normal
de
charges sociales et fiscales
sur les salaires
payées par les entreprises est d'environ
45 %
(
en dessous
du plafond de Sécurité sociale
), mais il est seulement de
18 %
ou
26 %
pour les salariés au SMIC
,
selon que leur entreprise a signé un accord de réduction du temps
de travail ou
non.
Mais, avec la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, une
part importante des allégements spécifiques de cotisations
sociales ne correspond plus à un objectif de réduction du
coût du travail de catégories de population données, mais
à la nécessité de compenser le surcoût salarial
occasionné par la mesure de diminution de la durée du travail.
Une
nouvelle modification
du dispositif d'allègements de charges
patronales en trois étapes,
de 2003 à 2005
, est
prévue. Les aides conditionnelles à la mise en place d'un accord
de réduction du temps de travail sont supprimées et la ristourne
« Juppé » est étendue progressivement. A
terme, l'allègement concernera les salaires inférieurs à
1,7 SMIC, ce qui constitue une extension du champ des
bénéficiaires aux salaires compris entre 1,3 et 1,7 SMIC. Le
niveau d'allègement sera supérieur à son niveau
actuel : le taux de cotisations patronales sera réduit de 26 points
au niveau du SMIC contre 18,2 jusqu'en 2002, et à 1,3 SMIC, la ristourne
sera de 11,5 points de cotisations contre 0 avec le dispositif
« Juppé ». Un des corollaires importants de cette
réforme est la perte, pour les entreprises ayant passé des
accords de RTT, de l'aide forfaitaire dont elles bénéficiaient
pour chaque salarié, quel que soit le niveau de
rémunération. Pour les bas salaires, la ristourne aura tendance
à augmenter, même dans les entreprises qui
bénéficiaient des aides « Aubry ». Ce nouveau
dispositif n'est plus conditionné par une réduction du temps de
travail. Il n'est pour autant pas un pas supplémentaire vers un
allégement net des charges salariales. En effet, il s'inscrit dans un
contexte marqué par une très nette hausse du SMIC horaire et il
vise à compenser cette hausse.
Selon les estimations disponibles, la hausse du coût du travail pour un
salarié au SMIC à 39 heures passerait, ainsi, grâce au
nouveau régime d'allégements, de 11,4% à 4,61 %
après allégements sur la période 2003-2005.