Questionnaire : Réponse de
M. Nicolas PAINVIN,
Directeur du
département Finances publiques de
l'Agence Fitch
Ratings
1)
Fournir le rapport intitulé « L'autonomie financière
des régions européennes : rompre avec les idées
reçues »
2) Présenter le champ de ce rapport (en précisant si
l'étude porte sur l'ensemble des collectivités locales ou
seulement sur les régions) et le cadre dans lequel il a
été réalisé.
Le rapport intitulé « L'autonomie financière des
régions européennes : rompre avec les idées
reçues», publié par l'agence Fitch Ratings en août
2002, s'attache à définir l'autonomie financière et
à comparer la situation en ce domaine pour l'échelon
régional dans cinq pays européens : les régions
françaises, les régions italiennes, les communautés
autonomes espagnoles, les Länder allemands et les cantons suisses. Ce
rapport a été rédigé par les analystes du
département Finance Publique Internationale de Fitch Ratings des bureaux
de Paris, Barcelone, et Milan, sous la coordination de Nicolas Painvin. Il
s'inscrit dans le cadre de la recherche sectorielle publiée notamment
à destination des investisseurs.
3) Définir la notion d'autonomie financière.
Ce
rapport cherche à mettre en avant l'ensemble des éléments
qui composent la notion d'autonomie financière. Celle-ci ne se limite en
effet pas à un volume important de ressources financières et ne
constitue pas un attribut automatique des collectivités locales des
Etats de type fédéral. En 1987, le Tribunal Constitutionnel
espagnol a défini l'autonomie financière comme le
« pouvoir de déterminer les recettes et les dépenses
nécessaires à l'exercice des compétences
dévolues » à une collectivité. Nous proposons
d'élargir cette définition pour y intégrer une
série d'éléments relatifs non seulement aux ressources et
aux dépenses des collectivités mais également à
leurs prérogatives en matière de gestion opérationnelle et
budgétaire : maîtrise du budget, libre gestion du patrimoine
et de trésorerie et liberté d'emprunt. Notre étude met
toutefois l'accent sur la dimension fiscale qui demeure, en dernière
analyse, la clé de voûte de l'autonomie financière. Notre
définition de l'autonomie financière s'articule ainsi autour de
trois axes principaux : 1/ l'autonomie de gestion, 2/ l'autonomie
budgétaire et 3/ l'autonomie fiscale.
1/ L'autonomie de gestion renvoie :
- au degré de maîtrise du budget c'est-à-dire à
l'importance et à la nature des contraintes juridiques qui pèsent
sur la région au cours du processus de préparation, de vote et
d'exécution de son budget (ex. : interdiction de voter et/ou
d'exécuter un budget en déséquilibre). Si la
prévisibilité des recettes est significative, elle concourt
à une forte autonomie financière en permettant à la
région de planifier à l'avance ses rentrées
financières, ses dépenses obligatoires ou son programme
d'investissement. C'est le cas en France grâce aux mécanismes
d'indexation des dotations de l'Etat et à la notification des bases
fiscales qui permet à l'assemblée délibérante de
connaître et de voter un produit fiscal en début d'exercice. A
l'inverse, en Allemagne, l'essentiel des recettes des Länder est de nature
fiscale, collectée en année N, donc difficile à
prévoir.
- à la liberté de gestion de la trésorerie et de la
dette : c'est-à-dire à la faculté pour la
région de gérer sa trésorerie, active et passive, comme
elle l'entend.
- à la libre tarification et à l'externalisation des services
publics
:
les régions françaises sont encore peu
amenées à externaliser leurs compétences dans la mesure
où celles-ci n'ont que très peu, à la différence de
celles des communes, un caractère opérationnel
(c'est-à-dire de gestion en régie de services publics et de
fourniture de prestations directes). Les Länder allemands et les cantons
suisses décident de l'organisation des services publics qu'il
fournissent mais en raison de la nature de ces derniers (Länder :
police, éducation, justice ; cantons : police,
éducation, sécurité sociale, santé), leur marge de
manoeuvre pour déléguer l'exercice de ces compétences est
réduite.
- aux leviers d'action économique des régions
:
ces
derniers peuvent être directs comme la participation au capital de
sociétés privées ou indirects avec les interventions via
un véhicule financier de type Landesbank ou banque cantonale. A cet
égard, les régions françaises semblent les plus mal
dotées puisque la participation au capital de sociétés
privées (hors SEM) leur est interdite. A l'opposé, les
Länder allemands interviennent directement dans l'économie
locale : le Land de Basse-Saxe possède ainsi 25% de Volkswagen et
25,5% de Salzgitter AG. En Espagne, la communauté autonome d'Andalousie
est l'actionnaire majoritaire de l'entreprise automobile Santana Motors.
2/ L'autonomie budgétaire se décline en autonomie de
dépenses, de recettes et d'emprunt :
L'autonomie de dépenses renvoie au degré d'affectation des
ressources, illustré
par le ratio dépenses obligatoires
sur dépenses totales, qui permet d'évaluer la flexibilité
qui caractérise le profil de dépenses de la région. Ceci
permet de déterminer si la région agit comme une simple courroie
de transmission de l'Etat ou bien si elle dispose d'une véritable
latitude dans le choix de ses postes de dépenses. Elle renvoie par
ailleurs aux effets de rigidité dus à la nature des
dépenses. A titre d'exemple, Les Länder allemands et les cantons
suisses doivent faire face à des dépenses très rigides.
Ils emploient en effet un grand nombre de fonctionnaires (justice,
éducation : le Land de Rhénanie du Nord Westphalie emploie
environ 330.000 personnes dont 218.000 fonctionnaires dont les salaires
constituent 50% des dépenses de fonctionnement du Land) dont la
rémunération constitue une charge fixe qu'il est impossible de
reporter ou tout simplement d'annuler. A l'opposé, les régions
françaises disposent d'une marge de manoeuvre significative sur leurs
charges qui correspondent pour l'essentiel à des dépenses
d'investissement dont l'exécution peut être reportée ou
rééchelonnée (selon le rapport du comité des
finances locales, le taux de dépenses d'investissement des
régions françaises était de 40% environ en moyenne en
2000).
L'autonomie de ressources renvoie à l'autonomie en matière de
transfert, d'emprunt et de fiscalité. Une part importante de transferts
peut faire l'objet d'interprétations opposées en termes
d'autonomie financière. On associe généralement
l'idée de forte autonomie à celle d'une faible part de revenus
constituée de dotations et de participations extérieures puisque
les régions n'exercent en général aucun pouvoir sur ces
transferts dont la nature, le montant et la progression sont fixés de
façon unilatérale par l'Etat central. L'exemple des
régions françaises est à cet égard éclairant
puisque ces dernières voient une part croissante de leurs recettes
être remplacées par des transferts de l'Etat. Ceci a pour
conséquence directe une réduction de la base sur laquelle elles
peuvent agir de façon autonome pour accroître leurs revenus.
Dès lors, toute hausse de la pression fiscale est plus visible et plus
sensible au plan politique. Toutefois, les dotations de l'Etat peuvent
également favoriser l'autonomie d'une région s'il s'agit de
transferts réguliers et dont le taux d'évolution est connu
à l'avance. Les systèmes de péréquation
financière interrégionaux favorisent ainsi les régions les
plus défavorisées en leur offrant un surplus de recettes
significatif. L'exemple le plus probant est celui de l'Allemagne dont le
dispositif de péréquation permet aux 16 Länder d'atteindre
une capacité financière équivalente à au moins
99,5% de la moyenne nationale.
L'autonomie relative à l'emprunt renvoie à la faculté pour
une région de décider librement du montant et des
caractéristiques de sa dette. Dans ce dernier domaine, les contraintes
peuvent porter sur l'obligation d'obtenir une autorisation préalable de
l'Etat (cas des communautés autonomes espagnoles pour tout nouvel
emprunt). Elles peuvent également concerner l'affectation des ressources
de l'emprunt (affectation obligatoire à l'investissement pour les
régions françaises). Enfin, la possibilité d'emprunter en
devises tout comme le montant maximal d'encours ou de service annuel de dette
peuvent être réglementés.
L'autonomie fiscale constitue le coeur de l'autonomie financière. Il
faut tout d'abord distinguer l'autonomie théorique et l'autonomie
réelle dans ce domaine. En pratique, les situations peuvent être
très contrastées entre des régions soumises à une
même réglementation et ce en raison de contextes
démographiques, sociaux et économiques
différenciés. Il est par ailleurs nécessaire d'avoir une
vision consolidée de la pression fiscale, c'est-à-dire
intégrant le niveau d'imposition des autres niveaux de
collectivité sur la même base/territoire. Au-delà de
l'existant, les marges de manoeuvre fiscales doivent être
appréciées au regard des critères suivants : (i)
faculté ou non de créer de nouvelles taxes, (ii) liberté
de fixer les taux / abattements, (iii) richesse et dynamisme des bases
fiscales, (iv) montant en valeur absolue des recettes fiscales, (v) part des
recettes fiscales dans les recettes totales, (vi) étendue des
mécanismes péréquateurs.
4) Quelle part des recettes des collectivités locales est d'origine
fiscale dans les différents pays d'Europe ?
Compte tenu du cadre de cette étude, nous ne pouvons répondre
à cette question que pour les échelons régionaux des cinq
pays étudiés. En 2001, les recettes des régions italiennes
se présentaient
en moyenne
de la façon suivante : 45%
de recettes fiscales propres (c'est-à-dire avec une marge de manoeuvre
sur les taux d'imposition), 40% d'impôts nationaux redistribués
(une part du produit de la TVA et de la taxe sur les carburants dont les taux
sont fixés par l'Etat) et 15% de dotations. En Allemagne, les
Länder tiraient en moyenne 68% de leurs ressources de recettes fiscales en
2001. L'essentiel des ces recettes fiscales provenaient d'impôts
nationaux partagés avec le gouvernement fédéral mais sans
aucune marge de manoeuvre sur les taux. En 2000, les recettes fiscales
représentaient en moyenne 48% des recettes totales des cantons suisses.
Il faut noter dans le cas suisse les très fortes disparités dans
les structures de recettes des cantons : la part des impôts pouvait
ainsi varier de 26% à 74% des recettes totales à cette date. Les
transferts représentaient en moyenne 30% des recettes cantonales, les
22% restants étant composés des produits des services publics et
du patrimoine. Les statistiques consolidées sont particulièrement
difficiles à obtenir dans le cas de l'Espagne. On peut toutefois noter
que les recettes fiscales représentaient en moyenne 30% des recettes
totales des communautés autonomes en 2001 (avant application du nouvel
accord-cadre financier) et devraient franchir la barre des 50% en 2002.
5) Dans quelle mesure la perception de recettes fiscales propres (avec vote
des taux) a-t-elle un impact sur la manière dont une collectivité
locale est gérée ? Cet impact est-il le même dans les
différents pays ?
Comme nous l'avons vu plus haut, la notion d'autonomie financière ne
peut se limiter à la seule autonomie fiscale qui n'est elle-même
pas réductible à une part importante de recettes fiscales
propres. Dès lors, on ne peut dresser une typologie des modes de gestion
selon que les collectivités ont ou non la faculté de fixer
elles-mêmes leurs taux d'imposition. En pratique, les régions qui
disposent d'une part substantielle de ressources fiscales propres (cas des
régions italiennes en moyenne) affichent des situations
budgétaires très variables et qui ne sont pas meilleures que
celles de nombreuses collectivités dont les ressources fiscales propres
sont faibles voire inexistantes (cas des Länder allemands). Comme nous
l'avons évoqué plus haut, les modalités de gestion d'une
collectivité sont étroitement liées à ses
compétences et donc à son profil de dépenses ainsi qu'au
contexte démographique et socio-économique.
De façon générale, une part de ressources fiscales propres
importante (impliquant la libre fixation des taux et une base fiscale locale)
tend à favoriser une forte différentiation des situations
budgétaires entre collectivités si les inégalités
socio-économiques ne sont pas compensées par des
mécanismes péréquateurs. La France se rapproche de cet
état de fait puisqu'on y observe de fortes disparités entre les
régions les plus dynamiques au plan économique et les autres. Les
premières disposent le plus souvent de marges de manoeuvre fiscales
élevées pour accroître leurs revenus et financer une offre
de service public plus étoffée que les secondes. Ces
dernières sont dès lors plus dépendantes de l'Etat pour la
mise en oeuvre de nouvelles compétences. Les systèmes qui
n'offrent que peu ou pas de recettes fiscales propres aux collectivités
et qui prévoient des systèmes de péréquation
très forts privilégient le principe de solidarité afin de
parvenir à une offre de services publics la plus homogène
possible sur leur territoire. C'est le cas de l'organisation
fédérale allemande qui, non seulement n'offre aucune marge de
manoeuvre autonome aux Länder en matière de taux d'imposition, mais
qui, de surcroît, contraint ceux dont les bases fiscales sont les plus
dynamiques à transférer une part importante de leurs recettes
supérieures à la moyenne aux régions les plus pauvres. En
termes de gestion, cette solidarité permet aux
bénéficiaires, qui sont parfois dans des situations
budgétaires critiques (cas des Länder de l'Est), d'offrir à
leur population une offre de service public comparable à ce qu'elle est
à l'ouest tandis qu'elle limite les marges de manoeuvre des Länder
les plus riches dans leurs choix de dépenses.
6) Quels sont les principaux types d'impôt perçus par les
collectivités locales en Europe ?
Au sein de notre échantillon de régions européennes, les
recettes fiscales se décomposent entre recettes fiscales propres
(c'est-à-dire avec une marge de manoeuvre sur les taux) et impôts
nationaux redistribués aux régions selon des modalités
définies par l'Etat central.
La France se distingue des autres pays étudiés dans notre rapport
en ce qu'elle a principalement confié à ces régions des
impôts propres et pas (encore) d'impôt national. D'autre part ces
taxes locales sont peu sensibles à la conjoncture économique
puisque la taxe professionnelle ne sera, à partir de 2003, plus assise
que sur les immobilisations des entreprises et que les taxes ménages
n'intègrent pas la composante revenu. Dans le cas espagnol, les
principales taxes propres des communautés autonomes sont la taxe sur les
jeux et l'assainissement, l'impôt sur la transmission de patrimoine, sur
la fortune et sur les successions et les donations. Elles
bénéficient par ailleurs de la faculté de faire varier le
taux de l'impôt sur le revenu. Cette prérogative en matière
d'impôt sur le revenu se retrouve chez les régions italiennes qui
perçoivent principalement une taxe sur l'activité productive
assise sur la valeur ajoutée nette des biens et services ainsi qu'une
taxe sur les automobiles et une taxe sur les carburants.
Les Länder allemands ne perçoivent pas d'impôt propre
important mais un ensemble d'impôts partagés avec l'Etat
fédéral et les communes. Il s'agit principalement de
l'impôt sur les sociétés (partagé à
parité entre le Bund et les Länder), l'impôt sur le revenu
des personnes physiques (42,5% pour le Bund, 42,5% pour les Länder et 15%
pour les communes), la TVA (en 2000 : 45,9% pour les Länder, 52% pour
le Bund et 2,1% pour le communes) et la taxe professionnelle (destinée
essentiellement aux communes, avec une part rétrocédée aux
Länder). En matière d'impôts partagés, les
régions italiennes perçoivent 38,5% du produit national de la TVA
(dont une partie, actuellement très élevée, alimente un
fonds de péréquation) tandis que les régions espagnoles
reçoivent 35% de la TVA et 40% des taxes sur les carburants, le tabac et
l'alcool.
Le cas de la Suisse est particulier puisque sur l'ensemble des recettes
fiscales (hors TVA et certains impôts indirects), les cantons peuvent
librement fixer les taux (avec priorité aux Cantons sur la
Confédération en cas de plafonnement global de la pression
fiscale), fixer la progressivité de l'impôt, décider des
dégrèvements, des exonérations et des réductions.
Ce système aboutit à des structures et une pression fiscales
très hétérogènes selon les cantons. Les principaux
impôts levés par les cantons sont assis sur les personnes
physiques (impôt sur le revenu et impôt sur la fortune), et sur les
personnes morales (impôt sur les bénéfices et impôt
sur le capital), impôt sur les immeubles (taxe foncière) dans la
moitié des cantons et divers impôts (succession, droits de
mutation, gains immobiliers).
7) Quelle est la part de la fiscalité locale en pourcentage du PIB
dans les différents pays d'Europe ?
Voir Eurostat.
8) Présenter les évolutions récentes intervenues en
Espagne et en Italie en matière de fiscalité locale.
- Espagne
Les évolutions en matière de fiscalité locale qui sont
intervenues en Espagne ont été marquées par 4
étapes principales.
NB : Il convient de noter que le Pays Basque et la Navarre ont, quant
à eux, toujours conclu avec le gouvernement central des accords
séparés et particuliers, non décrits ici.
1982-1987 : Les communautés autonomes participent aux recettes de
l'Etat (Participaciones en Ingressos del Estado, PIE) en fonction du coût
effectif des compétences décentralisées.
1987-1995 : La PIE est révisée et évolue vers une
répartition selon des critères objectifs (démographie,
effort fiscal régional). Par ailleurs, en 1992, les communautés
obtiennent une part de 15% de l'IRPP collecté sur leur territoire.
1996-2001 : A partir de 1997 et progressivement jusqu'à 2001, les
régions reçoivent une tranche supplémentaire de 15% de
l'IRPP (avec autonomie sur le taux national de +/- 20%). L'impôt sur les
jeux leur est par ailleurs confié.
A partir de 2002 :
Le cadre réglementaire applicable aux
communautés autonomes est régulièrement
renégocié et a été renouvelé le 27 juillet
2001 (modifications applicables en janvier 2002). Les nouveaux accords se
traduisent globalement par un accroissement de l'autonomie fiscale des
communautés en prévoyant :
- une hausse de la responsabilité fiscale régionale : les
recettes des collectivités locales vont devenir plus dépendantes
des taxes locales. Les régions recevront désormais :
- 33% du produit de l'impôt sur le revenu.
- 35% des recettes de TVA.
- 40% des taxes sur les carburants, le tabac et l'alcool ainsi que la
totalité de l'impôt sur le patrimoine et de la taxe sur les
immatriculations automobiles.
Les communautés autonomes disposent par ailleurs de la faculté de
créer leurs propres taxes et par conséquent d'en
déterminer l'assiette et d'en fixer le taux. A titre d'exemple,
l'Extrémadure a créé un impôt sur les
dépôts bancaires. La Catalogne a créé un impôt
sur les grandes surfaces et les Baléares envisagent la création
d'une taxe de séjour.
la modification de la structure des recettes de la plupart des
régions
espagnoles : en juillet 2001, les
impôts représentent environ 29% des recettes courantes des
régions espagnoles et cette part doit croître à hauteur de
50% à partir de 2002.
Les régions qui sont le plus susceptibles de bénéficier de
cette autonomie fiscale accrue sont celles qui disposent de bases fiscales
dynamiques et importantes.
Selon
Fitch
, le système actuel présente les faiblesses
suivantes :
- L'autonomie sur les taux des impôts d'état est faible bien que
les communautés puissent jouer sur les abattements et les
dégrèvements (ex: enfants à charge).
- La volatilité des impôts de flux pèsera sur les
communautés. En effet, l'IRPP est fortement lié au cycle
économique et la part des impôts indirects (sans autonomie)
augmente.
- Le remplacement des anciennes dotations par la quote-part d'impôts
d'état est calculé sur la seule base de 1999. On a mesuré
le produit (pro forma) des 33% de l'IRPP et des 35% de TVA sur l'assiette de
1999; soit X ce produit. On a compensé la différence entre X et
les dotations supprimées (base 1999) par une dotation nouvelle. Le
risque est que si 1999 était une année faste pour la
fiscalité, on minore la dotation de remplacement versée
dorénavant. Enfin, la collecte des impôts d'état reste
centralisée.
En résumé, les réformes de la fiscalité locale ont
fait l'objet d'une négociation efficace. L'état central a en
effet négocié avec chacune des communautés, au cas par
cas. Ceci a abouti à des accords clairs sans imposition autoritaire ou
blocage complet. Aujourd'hui, le cadre budgétaire des CCAA est peu
affecté par les décisions unilatérales des lois de
finances annuelles. La contractualisation mise en place entre l'Etat et les
communautés autonomes offre beaucoup d'assurance. Les plans
d'accès à l'autonomie ont été
négociés sur des périodes pluriannuelles (5 ans), avec
engagement des partenaires sur le calendrier des transferts de
compétences. Les ressources transférées, quant à
elles, font l'objet d'indexation et de garanties. Toutefois, les
communautés demeurent dans une relative dépendance puisque
l'autonomie a longtemps été refusée par les régions
les plus vulnérables et les régions riches n'ont qu'assez peu de
flexibilité sur leurs recettes (fiscalité, transferts et emprunt).
- Italie :
Jusqu'en 1997, 85% des revenus des régions italiennes étaient
constitués de transferts. A partir de 1998, cette proportion a
commencé à décroître rapidement au profit des
impôts dont la part dans les recettes totales est brusquement
passée de 12% à 45% ! Ce développement de la
fiscalité locale est la conséquence directe des lois
« Bassanini » et la loi sur le fédéralisme
fiscal en 2000, qui ont introduit des changements fiscaux majeurs pour les
régions à statut ordinaire.
Ces lois ont en effet créé, au profit des régions, une
taxe additionnelle à l'impôt sur le revenu (IRPEF : Imposta
sul Reditto delle Persone Fisiche) composée d'un taux fixe (0,9% en
2000) et d'un taux variable (dans la limite de 0,5% supplémentaire). Les
régions à statut ordinaire ont vu également leur part dans
la taxe sur les carburants augmenter et bénéficient de la
possibilité d'augmenter de 10% le tarif national de la taxe sur
l'équivalent de la carte grise.
Les régions reçoivent par ailleurs un impôt régional
sur l'activité productive
(IRAP : Imposta Regionale sulle
Attività Produttive) qui a été créé en 1998.
Son assiette est constituée de la valeur ajoutée nette hors
amortissement (salaires, charges financières et profits) sur les
entreprises, les commerces, les entreprises agricoles, les professions
libérales, l'Etat et les collectivités publiques. En 2001, les
régions avaient la possibilité d'augmenter le taux normal,
fixé à 4,25%, dans la limite de 1% (soit un taux maximum de 5,25%
) En 2001, le produit de l'IRAP était au total de EUR 25,6 milliards
soit environ un tiers des recettes réelles de fonctionnement des
régions. Celles-ci disposent par ailleurs de la faculté de fixer
des taux d'imposition différenciés selon les catégories
d'entreprises. A titre d'exemple, le Latium a choisi d'imposer plus lourdement
les grandes entreprises du secteur chimique.
Ce mouvement s'est poursuivi en 2001 avec la loi Amato qui a eu pour effet
d'accroître les pouvoirs fiscaux des régions, notamment celui de
créer et de percevoir leurs propres taxes. Cette loi a ouvert la voie
à une révision de la Constitution, confirmée par
referendum le 7 octobre 2001. Selon cette loi, les régions participent
dès lors au partage du produit fiscal perçu sur leur territoire
(pour l'instant à travers la TVA dont 38,5% va aux régions et qui
a remplacé en 2001 les transferts de l'état en matière de
santé). Avec la TVA, le gouvernement central institue un fonds de
péréquation pour les régions les plus démunies
(l'effet péréquatif est total en 2001 puis dégressif,
jusqu'à disparaître en 2013). Par ailleurs, la Commission
Régionale de Contrôle et le Commissaire, instances nommées
par le Premier ministre pour contrôler les activités des
régions, sont supprimées.
Aujourd'hui certaines incertitudes demeurent quant à l'application de
ces nouvelles règles. En effet, s'il semble que les régions aient
le droit d'augmenter sans limite la surtaxe sur le revenu des personnes
physiques, cette question ne fait pas l'unanimité. Par ailleurs, le
gouvernement Berlusconi, inquiet du non-respect de la promesse
électorale de baisse des impôts (l'état diminue ses
impôts mais les régions les augmentent) veut «congeler»
l'autonomie financière des régions. Enfin, la Constitution ne
détermine et ne garantit pas les ressources des régions, qui sont
déterminées par la Loi de Finances. L'Etat dispose donc en la
matière d'un pouvoir discrétionnaire (les régions
ordinaires ne sont pas représentées en tant que telles au
Parlement ou auprès du gouvernement).
En résumé, les régions italiennes ont
réalisé un véritable « bond en avant »
en termes d'autonomie fiscale et financière en passant d'un financement
par le biais de transferts à un financement majoritairement fiscal
assorti de la possibilité d'augmenter les taux et, depuis 2001, de
créer leurs propres taxes. La principale limite à l'autonomie
financière régionale qui tenait jusqu'en 2001 à l'absence
d'une véritable liberté en matière de dépenses --
très largement affectées au secteur de la santé -- a
désormais disparu. Mais les conditions d'acquisition de l'autonomie sont
loin d'être idéales car elles n'ont pas été
suffisamment programmées. Le transfert des compétences dans un
premier temps puis, dans un deuxième temps, des ressources a fait
apparaître des déséquilibres plus ou moins persistants.
Enfin, l'autonomie fiscale est obérée par une certaine
« incertitude du droit » illustrée par la surtaxe
IRPEF qui n'a pas été clairement interprétée et qui
risque aujourd'hui d'être « congelée » par
l'Etat. Il est également question d'abolir l'IRAP, jugé
contre-productif économiquement ; or l'IRAP est la principale
ressource offrant une autonomie.
9) Quelles sont les idées reçues avec lesquelles il faudrait
rompre ?
La première idée reçue avec laquelle il convient de rompre
est l'idée selon laquelle toute organisation de type
fédéral serait fondée sur l'octroi d'une forte autonomie
fiscale à ces composantes. Ainsi, les Länder allemands sont
considérés traditionnellement comme les régions
européennes les plus puissantes sur le plan économique. Certes la
Rhénanie du Nord Westphalie constitue de loin la plus importante
collectivité locale européenne avec un PIB (EUR 459 milliards en
2001, soit 22,3% du PIB allemand) supérieur à celui des Pays-Bas
et formant environ 10% de celui de l'Union Européenne. A cette puissance
économique sont souvent associées de larges prérogatives
budgétaires. Hors si les Länder allemands disposent de budgets
très conséquents et d'une liberté de gestion très
étendue, ils n'ont en revanche
quasiment aucune autonomie en
matière de recettes. Celles-ci sont décidées au niveau
fédéral, échelon auquel ils ne peuvent faire entendre leur
voix que de façon collective, via le Bundesrat. De même, leurs
dépenses sont contraintes par les objectifs fixés par des
instances de concertation et de planification composées de
représentants de l'Etat, des Länder et des communes (ex :
conseil de planification financière fixant des objectifs annuels en
matière de progression des dépenses et de déficits
publics). Bien que dotés de compétences très
étendues, les Länder doivent donc tenir compte de
l'équilibre financier général dans leur gestion
individuelle. Si l'on ne craint pas l'oxymore, on peut estimer que les
Länder sont très autonomes, mais en tant que collectif seulement.
Deuxième idée souvent mise en avant, les régions
françaises, du fait de leurs budgets de taille réduite en
comparaison de certaines de leurs consoeurs européennes,
bénéficieraient d'une faible autonomie financière. En
réalité, les régions françaises disposent d'une
marge de manoeuvre importante pour accroître leurs recettes grâce
à la maîtrise de leurs taux
d'imposition. Comme le prouvent
l'exemple allemand ou les exemples italien et espagnol, cette faculté de
décider des taux d'imposition et de fixer les exonérations ne va
pas de soi. Cependant, en dynamique, l'évolution de la fiscalité
régionale française au cours des dernières années
(c'est-à-dire avant la publication et la mise en oeuvre des projets de
réforme du nouveau gouvernement) semble cependant aller à
contre-courant du mouvement de régionalisation à l'oeuvre en
Espagne et en Italie (même s'il demeure de fortes incertitudes dans ce
dernier pays). Demandeuses de nouvelles compétences, les régions
françaises doivent aussi bénéficier de ressources
nouvelles et dynamiques si elles ne veulent pas voir leur bonne situation
budgétaire actuelle rapidement se déteriorer. L'analyse
prospective du coût de la compétence ferroviaire montre que cette
dernière hypothèse est tout à fait probable (Cf notre
récent rapport sur le sujet, disponible sur www.fitch.fr). Dès
lors, les régions pourraient bénéficier, comme c'est le
cas dans tous les pays que nous avons étudiés, d'une partie d'un
impôt national reversé sous la forme de transferts (à
vocation péréquatrice ou non) ou bien de la faculté de
fixer une taxe additionnelle sur un impôt national existant ou encore
voir la base de leurs taxes locales intégrer des composantes plus
dynamiques leur permettant de bénéficier des effets de la
croissance économique.