ANNEXE N° 2 :

RÉPONSES AUX QUESTIONNAIRES
ET DOCUMENTS COMMUNIQUÉS
PAR LES PERSONNES AUDITIONNÉES



 

Pages

- M. Michel KLOPFER, président-directeur général du cabinet Michel Klopfer


209

- M. Nicolas PAINVIN, directeur du département Finances publiques de l'Agence Fitch Ratings


221

- M. Dominique HOORENS, directeur des études de Dexia Crédit Local


247

- M. Hervé LE FLOC'H-LOUBOUTIN, directeur de la législation fiscale


249

- M. Jean BASSÈRES, directeur général de la comptabilité publique

297

- M. Hansjörg BLÖCHLIGER, administrateur principal à l'OCDE

323

- M. Dominique BUR, directeur général des collectivités locales

337

- Mme Carol SIROU, directeur du secteur public, responsable des collectivités territoriales européennes de Standard & Poor's


353

- M. Philippe LAURENT, président-directeur général de Philippe Laurent Consultants


375

- M. Guy GILBERT, professeur à l'Ecole normale supérieure de Cachan


383

Questionnaire : Réponse de
M. Michel KLOPFER,
Président-directeur général du cabinet Michel Klopfer

Ressources fiscales et gestion locale

Dans quelle mesure l'importance des recettes fiscales dans les recettes totales a-t-elle un impact sur la manière dont une collectivité est gérée ?

Plus la part de recettes fiscales est élevée, plus il est possible de mettre en oeuvre des politiques publiques équilibrées, en favorisant un arbitrage entre le point de vue des contribuables et celui des usagers/clients.

Dans une situation extrême où la collectivité ne disposerait plus de fiscalité propre, elle serait exposée de plein fouet à une forte pression à la dépense publique émanant de différents groupes représentant les consommateurs de services et d'équipements et sur lesquels elle n'aurait plus de prise en tant que pourvoyeurs de ressources.



Y a-t-il de ce point de vue une différence entre des dotations de l'Etat et des ressources fiscales dont les collectivités locales ne peuvent pas agir sur le taux ?

Tout dépendrait du rythme de progression de l'assiette fiscale et de la capacité de suivi de cette assiette. Si celle-ci n'est pas plus dynamique que les ressources procurées par un « pacte de croissance » consenti par l'Etat, il n'y aurait que peu de différence, pour les collectivités, par rapport à de simples dotations.

En revanche, en cas de ressource fiscale plus dynamique, les collectivités se trouveraient dans une situation intermédiaire entre un système de dotations d'Etat et la gestion d'une fiscalité propre assortie d'un taux contrôlable.

La croissance de l'assiette autoriserait mieux qu'avec des dotations d'Etat, la viabilité de scénarios prospectifs en « fil de l'eau ». Par ailleurs les collectivités pourraient chercher à agir sur les bases par la mise en oeuvre de leurs politiques publiques. Elles pourraient également solliciter la mise en oeuvre d'opérations de contrôle de l'assiette par les services fiscaux.

En revanche, même dans ce dernier cas, l'absence de levier décisionnel nuirait à l'équilibre des politiques publiques entre usagers et contribuables.



Quelles sont les situations constatées dans les pays dans lesquels les collectivités locales ont peu de marge de manoeuvre sur les taux de leurs impôts ?

Nous ne disposons pas d'une expérience internationale suffisamment significative pour nous permettre de répondre de manière autorisée à cette question.



Dans la France d'aujourd'hui, les citoyens ressentent-ils le lien entre le niveau de la pression fiscale locale et le service rendu par les collectivités locales ?

Ce lien reste ténu pour différentes raisons :

- une superposition des collectivités levant l'impôt sur le même territoire.

- un niveau des taux d'imposition plus fortement corrélé à l'insuffisance de potentiel fiscal qu'à l'importance de la dépense publique.

- des contribuables qui sont davantage sensibles au flux (% de croissance du taux) qu'au stock (niveau instantané du taux)

- un système complexe d'abattements et de dégrèvement qui relativise l'effet des seuls taux d'imposition.

C'est dans le cas d'une crise financière, que les citoyens peuvent percevoir directement la relation entre fiscalité et service rendu. Lors de la discussion d'un plan de redressement par le conseil municipal, les bancs du public sont alors partagés entre représentants des milieux associatifs et défenseurs des contribuables.



Comment arriver à une plus grande responsabilité politique en matière de vote des taux ?

Cette responsabilité politique existe bien aujourd'hui mais elle est diluée en particulier par deux obstacles :

- d'une part par l'empilement, sur le même impôt, de taux provenant de différentes collectivités ;

- d'autre part par l'interdépendance qui s'est instaurée entre communes et communauté pour la fixation du taux de TP et par le facteur d'inertie qui en résulte. Lorsqu'une commune décide d'augmenter ses taux, elle statue en février-mars et l'argent rentre dans le budget de l'année en cours. En revanche, pour une communauté à TPU, il y a un an de décalage si elle parvient à convaincre les communes de jouer sur leurs propres taux, et ce délai est même porté à deux ans si lesdites communes entendent faire précéder la hausse de la TH par une majoration au 30 juin de l'année précédente des abattements sur les bases d'imposition.



L'importance du point de vue de la gestion d'une part importante de ressources fiscales dans les ressources totales est-elle la même pour toutes les tailles de collectivités ou pour toutes les catégories de collectivités ?

La dépense publique, à base de frais de personnel, est plus rigide dans les communes et les groupements ce qui induit pour ces collectivités une pénalisation plus forte en cas de progression modeste de leurs ressources.

Les régions disposent généralement d'une plus grande flexibilité dans leurs dépenses, mais qui est contrebalancée par l'absence de maîtrise calendaire sur les opérations cofinancées.

Les départements s'apparentaient jusqu'à maintenant au modèle régional, mais avec la montée en puissance de l'APA, ils vont avoir tendance à se rapprocher du modèle communal.

Utilisation actuelle des marges de manoeuvre fiscale



Quelle appréciation portez-vous sur l'utilisation par les exécutifs locaux des marges de manoeuvre fiscales dont ils disposent ?

La contrainte financière n'est apparue dans les collectivités locales que depuis une dizaine d'années, avec l'émergence en 1991 du risque de surendettement.

C'est majoritairement le contribuable local qui a payé la sortie de la crise, la pression fiscale ayant été le plus souvent la variable d'ajustement des prospectives financières, surtout sur la période 1992-98, et en particulier à la faveur de « l'inflation fiscale » induite à l'époque par le développement exponentiel de l'intercommunalité à fiscalité additionnelle.

Cette situation, si elle a conduit à un fort désendettement du secteur public local, fragilise sa position pour l'avenir, en particulier dans ses relations avec l'Etat.

Les obstacles à une plus grande utilisation des marges de manoeuvre sont-ils plutôt d'ordre législatif ou réglementaire (lien entre les taux, etc.), psychologique (dépendance à l'égard des services fiscaux et du Trésor qui calculent les taux en fonction du produit demandé), institutionnel (empilement des taux des impôts directs qui dilue l'effet des politiques autonomes) ou autres ?

Toutes ces contraintes sont parfaitement fondées mais celle qui semble la plus pénalisante est l'archaïsme de la fiscalité locale, à savoir le fait qu'elle repose sur des assiettes à faible croissance naturelle et qui sont moins facilement contrôlables par les services fiscaux que les impôts d'Etat.

A ce sujet, et alors que les deux impôts étaient en balance à l'automne 2000, il est regrettable que le choix ait été fait de supprimer la vignette, impôt non dissimulable, plutôt que la redevance audiovisuelle qui donne lieu à une bien plus forte évasion.

L'assiette et le produit des impôts locaux



Les assiettes de la taxe d'habitation et des taxes foncières (en supposant que les bases cadastrales soient actualisées) gardent-elles une pertinence ?

A l'évidence les bases doivent être révisées, et il est d'autant plus regrettable qu'elles n'aient pas été remises à plat que le débat de 1992 était pollué par des enjeux de DGF qui n'existent plus aujourd'hui.

A titre d'illustration, si leurs bases cadastrales, notoirement sous-évaluées, avaient été relevées en 1992, les communes du Nord-Pas de Calais auraient vu leur potentiel fiscal augmenter et simultanément leur effort fiscal baisser, deux facteurs qui auraient cumulé leurs effets pour occasionner une chute de la DGF. Or depuis la réforme des dotations d'Etat intervenue en 1994, ces facteurs ne jouent plus sur le tronc commun de la DGF.

S'agissant de la pertinence d'assiettes révisées et fondées sur une réelle valeur locative (ou un prix au m 2 ), elle semble avérée par le fait qu'en tant que pourvoyeurs de services publics de proximité, les collectivités doivent continuer à bénéficier d'un impôt sur l'habitat et la possession foncière.

La taxe d'habitation, une fois les bases actualisées , ne doit pas être considérée comme un impôt injuste, car il convient de rappeler que par le jeu des exonérations, dégrèvements et abattements facultatifs, moins de 40% de la population paie le produit de la base de TH multipliée par le taux.



Quelles seraient les conséquences (en termes de produit levé, de répartition de la charge entre les redevables, de répartition géographique du produit, etc.) d'une taxe professionnelle assise sur la valeur ajoutée ? Quels sont les obstacles techniques à une telle évolution ?

L'assiette restant en 2003 et qui repose exclusivement sur les immobilisations foncières et mobilières (et les recettes pour les très petites entreprises) présente trois inconvénients majeurs :

a) Alors que les bases salaires étaient parfaitement contrôlables, le chiffre déclaré au titre de la TP devant forcément être homogène avec celui figurant sur la Déclaration annuelle des salaires adressée à l'URSSAF, les bases immobilisations sont mal contrôlées, l'Administration fiscale n'étant pas en mesure de suivre les parcs physiques de machines, de véhicules, ou de mobiliers réellement utilisés par les entreprises.

b) Face à des charges de fonctionnement, largement alimentées par les dépenses de personnel, et qui croissent, en fil de l'eau, à inflation +2,5 ou plus, les communautés à TPU ne disposent pas d'une assiette taxable qui présente le même dynamisme.

c) La totale déconnexion entre la création d'emplois et le produit de TP pourrait inciter les élus à privilégier dangereusement la construction de nouveaux logements sur l'accueil d'entreprises de services, lesquelles sont devenues des pourvoyeurs marginaux de TP.

Voisine dans sa définition de l'assiette de la plus importante ressource de l'Etat, la TVA, la valeur ajoutée (VA) est à l'évidence une base dynamique et par définition corrélée au PIB.

Principal inconvénient toutefois à son application au monde local, la VA n'est pas directement localisable puisqu'une entreprise multi-établissements peut librement établir ses prix de cession internes pour faire apparaître sa base taxable sur le site de son choix, par exemple dans une commune siège d'une centrale nucléaire, là où le taux de TP est à 3%...

En revanche la VA nationale donne déjà lieu à un calcul consolidé pour prendre en compte les effets de plafond (entre 3,5% et 4% de la VA suivant le chiffre d'affaires de l'entreprise) et de plancher pour les seules grandes entreprises.

L'idée serait de prendre comme assiette la VA nationale et de l'affecter à chaque collectivité au prorata de la masse salariale présente sur le site par rapport à la masse salariale nationale de l'entreprise. Cela permettrait ainsi de réintroduire les salaires dans l'assiette, et donc d'intéresser chaque commune ou communauté à l'implantation d'emplois sur son territoire, et ce sans pénaliser économiquement la création de ces emplois. En effet, les salaires n'interviendraient pas directement pour le calcul de l'impôt à payer par l'entreprise, mais uniquement pour la répartition géographique de cet impôt sur le territoire.

Si l'on ne souhaite pas pénaliser les communautés qui accueillent de gros investissements (barrages hydroélectriques, raffineries...), une autre solution serait de pondérer la VA nationale par une combinaison de salaires et d'immobilisations et non pas uniquement de salaires, l'ensemble des chiffres étant de toute façon disponible.

S'agissant des entreprises individuelles (professions libérales..) qui ne publient pas de bilan, la VA taxable serait représentée par les recettes encaissées, nettes de l'ensemble des achats et frais généraux supportés par l'activité professionnelle.



La réforme de l'assiette des impôts directs locaux est-elle la seule solution pour réduire la part acquittée par l'Etat dans le produit de ces impôts ?

C'est en tout cas la plus pertinente par rapport à une vision qui consisterait à démanteler tout encadrement absolu ou relatif à la fixation des taux d'imposition et qui serait politiquement gênante pour l'ensemble des élus locaux.

Les nouvelles assiettes locales

Quelles sont les caractéristiques de « l'impôt local idéal » ?

Il s'agirait d'un impôt dont l'assiette combinerait les caractéristiques suivantes :

- forte corrélation avec l'évolution du PIB

- contrôle aisé par l'administration fiscale

- sensibilité de cette assiette à des actions à long terme, relevant des compétences des collectivités locales (par exemple la politique du logement ou le développement économique).



Quelles sont les assiettes (déjà taxées ou non encore taxées) qui sont localisables et peu mobiles géographiquement ?

Si l'on écarte le revenu et le patrimoine qui répondent bien à cette définition, les assiettes les plus porteuses sont indéniablement la consommation d'énergie et également la consommation de télécommunications.

Les consommations d'électricité sont déjà taxées mais les taux plafonds pourraient être revus. Quant à la TIPP, l'affectation d'une part de son produit aux collectivités locales permettrait de recréer un impôt local sur la circulation automobile dont la France est anormalement dépourvue depuis la disparition de la vignette.



Faut-il établir un lien entre la matière imposable par une catégorie de collectivités locales et les compétences exercées par cette catégorie de collectivités locales ?

C'est effectivement utile et l'on peut prendre exemple sur la TEOM dont la légitimité n'est pas contestée, alors même qu'il s'agit contrairement à la TH, d'un impôt qui ne donne lieu à aucun dégrèvement pour les contribuables.

La vignette était bien corrélée aux compétences routières des départements, et de la même manière, une taxe sur les télécommunications pourrait contribuer au développement des investissements en matière de réseaux câblés.

Il faut toutefois prendre en compte le fait qu'une telle liaison ne pourra être que très partielle car la plupart des compétences ne se prêtent pas à la mise en oeuvre d'un lien fiscal.

Quels sont les impôts d'Etat dont il serait techniquement possible d'accorder tout ou partie du produit aux collectivités locales ? Pour lesquels il serait possible d'autoriser les collectivités locales soit à voter un taux additionnel, soit à moduler le montant de la fraction du produit qui leur serait reversée ? Lorsqu'elle est constatée, cette possibilité est-elle praticable pour toutes les catégories de collectivités locales et pour les EPCI ?

Pour les raisons indiquées plus haut, la TIPP apparaît comme étant le meilleur choix possible, les autres consommations d'énergie ou bien les télécommunications pouvant également servir d'assiette.

Toutes les collectivités peuvent être récipiendaires de tels impôts avec la nécessité toutefois de ne plus empiler de taux provenant de collectivités différentes sur la même assiette.



La correction des inégalités de répartition géographique des bases fiscales doit-elle être l'un des objectifs d'une réforme de la fiscalité locale (aussi bien s'agissant d'une modernisation des impôts existants que dans le cadre de la recherche d'assiettes locales nouvelles) ?

La péréquation des inégalités de richesse et l'autonomie fiscale peuvent apparaître comme des objectifs contradictoires mais ils ne le sont qu'en apparence.

Deux moyens peuvent être poursuivis pour viser à une meilleure péréquation des ressources

a) une attribution plus sélective des dotations d'Etat par l'extension de mécanismes de type DSU, DSR, FNP...

b) la généralisation de mécanismes obligatoires de transfert entre collectivités du type FSRIF, FCDR...

A l'évidence, si l'Etat s'engageait à accroître l'autonomie fiscale des collectivités locales et donc à réduire la part des concours de l'Etat dans les ressources locales il ne pourrait plus satisfaire ses objectifs de péréquation par le simple jeu des dotations. Aussi la péréquation devrait alors passer par une généralisation des mécanismes obligatoires de transfert entre collectivités.

DOCUMENTS ANNEXES



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