Audition de M. Dominique BUR,
Directeur général des collectivités locales


(9 octobre 2002)

M. Jean ARTHUIS, président - Mesdames et Messieurs les commissaires, la séance est ouverte. Avant tout, je voudrais souhaiter la bienvenue à Monsieur Dominique Bur, directeur général des collectivités locales, qui a bien voulu répondre à notre invitation.

Nous poursuivons aujourd'hui notre série d'auditions destinées à apporter une contribution au débat sur la réforme de la fiscalité locale, au moment même où le Gouvernement engage une vaste réflexion sur la décentralisation et s'apprête à approuver un projet de réforme constitutionnelle. Ce projet comporte notamment des mesures fiscales et financières qui ont pour but de fournir aux collectivités territoriales une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources.

Je vous suggère, Monsieur le Directeur, de vous exprimer lors d'un propos liminaire sur un plan général à propos de cette éventuelle réforme de la fiscalité locale. Ce n'est pas un exercice facile : depuis une décennie, les seules réformes ont en effet consisté à supprimer des impôts locaux et à ajourner sine die la mise en oeuvre des bases actualisées, accomplie au terme d'un effort sans précédent au début des années quatre vingt dix pour le foncier et la taxe d'habitation. Si vous le voulez bien, vous nous livrerez d'abord vos réflexions. Chacun d'entre nous vous posera ensuite quelques questions pour approfondir tel ou tel point de votre propos.

M. Dominique BUR, directeur général des collectivités locales - Monsieur le Président, monsieur le Rapporteur général, mesdames et messieurs les Sénateurs, je voudrais d'abord signaler qu'il y a eu un léger quiproquo sur l'objet même de cette audition. Fort heureusement, tout a été rectifié ce matin et j'ai donc eu le temps de mettre quelques idées sur le papier. Je me permettrai donc de vous les présenter, avant de me tenir à la disposition des membres de la commission pour échanger avec eux au sujet de cette audition. Je vous fournirai ensuite par écrit les éléments de réponse que vous avez souhaité recevoir dans le cadre du questionnaire.

Monsieur le Président, sachez en premier lieu que vos préoccupations de responsabilisation fiscale et d'autonomie financière des collectivités territoriales, très clairement exprimées dans ce questionnaire, se trouvent tout à fait au coeur des préoccupations du Gouvernement. Vous avez évoqué à l'instant l'évolution de ces dernières années, qui n'a pas été favorable aux finances locales, dans la mesure où une partie de la fiscalité locale a été supprimée et transformée en compensation. Cette évolution préoccupe le Gouvernement qui, bien entendu, souhaite revenir dessus.

La révision constitutionnelle

Cette préoccupation commune s'exprime très directement dans le projet de loi de révision constitutionnelle, notamment par un article traitant des autonomies financière et fiscale des collectivités territoriales. Ce projet de loi est actuellement en discussion au Conseil d'Etat, où nous avons passé hier six heures de débat. Si vous le permettez, je souhaiterais rappeler les principaux éléments de cet article.

Son premier alinéa fait le lien entre la libre administration des collectivités territoriales et leurs garanties de ressources libres d'emploi.

Le deuxième précise que les collectivités territoriales peuvent bénéficier d'impositions de toutes natures. La rédaction est volontairement large, puisque cela peut couvrir leur fiscalité directe comme indirecte ainsi que des impositions d'Etat qui seraient transférées. Dans ce même alinéa, il y a une indication importante qui porte sur la possibilité pour les collectivités d'agir sur les taux, ce qui est déjà le cas, mais aussi sur l'assiette, ce qui constitue un élément nouveau et très intéressant.

Le troisième alinéa porte plus directement sur les recettes fiscales et cherche à répondre à la préoccupation que vous avez vous-mêmes exprimée. Il prévoit que les recettes fiscales, additionnées aux recettes propres et aux dotations que les collectivités peuvent recevoir d'autres collectivités, doivent constituer une part prépondérante des recettes d'ensemble des collectivités territoriales. Comme vous l'aurez remarqué, il y a là un adjectif qui a déjà fait couler beaucoup d'encre. Il figure encore dans le projet de texte, mais le Parlement aura certainement l'occasion de lui consacrer de longues discussions.

Le quatrième alinéa constitutionnalise les dispositions sur la compensation des transferts de compétence qui figuraient dans la loi. Il prévoit que ces transferts doivent être compensés à hauteur de ce que l'Etat y consacrait préalablement.

Le dernier alinéa, nouveau, porte sur la péréquation. Dans sa réflexion sur la responsabilisation fiscale, le Gouvernement estime en effet que la plus grande liberté fiscale qu'il compte donner aux élus doit s'accompagner d'une péréquation. Il incombera à la loi d'en définir les modalités, de façon à garantir à chacun une certaine équité dans la disposition de ses ressources.

Les thèmes de réflexion en cours

Le second point, qui pourra certainement donner lieu à des échanges, porte sur des thèmes de réflexion en cours. La direction générale des collectivités locales, à la demande du précédent gouvernement, avait participé à un travail que nous avions mené en commun. Ce travail s'est traduit par un rapport sur les finances locales qui fait surtout un état des lieux et dont vous avez peut-être déjà évoqué les différents aspects.

1) Clarification du système fiscal local

Les réflexions en cours portent sur la clarification et la lisibilité du système fiscal local. On critique en effet très souvent le fait que les mêmes impôts soient répartis sur plusieurs niveaux de collectivités. Cela ne permet pas au citoyen contributeur de connaître la collectivité qui fixe l'impôt et donc d'établir un lien entre elle et lui. La Commission Mauroy avait à ce sujet préconisé un système très simple, avec l'affectation d'un impôt à une collectivité. Nous avons nous aussi réfléchi à ce sujet.

Nous avons d'abord constaté que les évolutions précédentes avaient elles-mêmes conduit à une certaine simplification. D'abord par le simple fait que des impôts, par exemple la taxe d'habitation régionale, aient disparu. Mais par le fait aussi que la loi sur l'intercommunalité ait fait monter la taxe professionnelle au niveau de l'intercommunalité. Je crois d'ailleurs que 2002 sera la première année où la taxe professionnelle levée par l'intercommunalité sera supérieure à la taxe levée par les communes. Il s'agit donc d'une évolution qui aura, en seulement quelques années, sérieusement modifié le paysage. On ne peut pas ne pas en tenir compte.

Le principe même de l'affectation d'un impôt par collectivité, même s'il est intéressant en termes de lisibilité et de clarté, nous paraît malgré tout poser quelques difficultés. Lier son sort fiscal à une seule matière fiscale peut créer des effets de surprises lorsque la conjoncture se retourne. De plus, toute redistribution d'impôts en les affectant par niveau de collectivité obligerait à créer des fonds de reversement, de façon à ce que les excédents compensent les déficits. Or, un tel dispositif ne contribuerait pas à une meilleure responsabilité fiscale des élus puisque ces fonds seraient des quasi-dotations. Tout cela nous a bien évidemment fait réfléchir aux limites de cet exercice de clarification et de lisibilité.

2) Avenir de la fiscalité directe locale

Notre second thème de réflexion porte sur l'avenir de la fiscalité directe locale. Nous savons tous que ses bases sont très anciennes et que les exercices de révision qui ont été menés en 1990 n'ont pas abouti, et ce malgré trois tentatives. Cette situation s'est traduite par le fait que l'Etat a pris en charge une part croissante de cette fiscalité directe locale, notamment pour des raisons d'équité, et nous craignons que son évolution ne conduise à une espèce de dégradation lente de ce système de fiscalité. Nous pensons donc qu'il n'y a que deux solutions : soit la dégradation lente se poursuit, soit nous réagissons et nous rénovons la fiscalité directe locale. Il y a là une piste de travail. Une telle rénovation pourrait porter sur plusieurs points.

J'ai déjà parlé de l'accroissement des capacités des collectivités territoriales en matière de taux. Une disposition élargissant la marge de manoeuvre figurera dans le projet de loi de finances pour 2003 ; elle permettra d'assouplir les règles de lien entre les taux de la taxe professionnelle et ceux de la taxe d'habitation et des taxes ménages. C'est une indication d'orientation du sens que le Gouvernement veut donner à son action.

La deuxième orientation concerne l'assiette. Il y a dans ce domaine une piste que nous avons évoquée rapidement dans le rapport sur les finances locales. Elle part du constat de la quasi-impossibilité de procéder à une révision nationale, c'est-à-dire de mettre à jour l'ensemble des bases comme on pouvait le concevoir en 1990. Nous nous demandons donc s'il ne faudrait pas procéder à des révisions délocalisées, ou en tout cas s'il ne faudrait pas donner aux collectivités territoriales la possibilité d'y procéder elles-mêmes, bien évidemment en liaison avec les services fiscaux et dans un cadre fixé par la loi. Nous pourrions imaginer que ces révisions se fassent, soit à un moment donné, soit dans la durée, à l'occasion de chacune des mutations des biens. Sachez en tout cas que l'idée d'une telle révision délocalisée a été évoquée.

3) Transfert ou partage d'un impôt d'Etat

Le transfert ou le partage d'un impôt d'Etat est le troisième thème de notre réflexion sur la fiscalité des collectivités territoriales. Différentes hypothèses peuvent être évoquées. Elles ont chacune leurs avantages et leurs inconvénients. Je pense par exemple au partage d'un impôt d'Etat : il ne permet bien évidemment pas de donner une véritable responsabilité fiscale locale, puisqu'il consiste à verser globalement aux collectivités, puis à le répartir selon des critères, un morceau d'un impôt d'Etat. Cette formule a toutefois l'avantage de lier malgré tout la masse à répartir à l'impôt national, et si cet impôt est évolutif, les collectivités territoriales peuvent elles aussi en bénéficier. Ce sont des dispositifs qui existent ailleurs en Europe, notamment en Allemagne, et ce même s'il est vrai qu'il existe là-bas des instances de concertation qui permettent d'associer les Länder à ce partage. Il y a quand même là une piste, même si elle ne correspond pas tout à fait à de la responsabilité fiscale.

Quant au transfert, il s'accompagnerait à l'évidence d'un transfert de responsabilité fiscale. Cet exercice est toutefois extrêmement difficile, notamment en raison de la contrainte exercée par Bruxelles. Je pense par exemple à la TVA, pour laquelle la réglementation européenne oblige à un taux uniforme au niveau national, ce qui ne permet pas de jouer par région. Les Français accepteraient-ils d'ailleurs que des impôts de cette nature soient variables en fonction des régions ? L'autre impôt qui a souvent été évoqué, la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), pourrait mieux se prêter à un exercice de ce type. Il y a de toute façon une réflexion à mener en matière de perception, puisque la TIPP est perçue dans certains endroits, et il faut voir comment on pourrait la localiser. Nous y réfléchissons, tout en sachant que l'on pourrait passer au travers de la réglementation européenne puisqu'il faut seulement respecter un taux minimum en matière d'accises. À partir du moment où ce taux est respecté, les collectivités pourraient, dans le cadre de la circonscription, fixer certains taux et aboutir à une véritable responsabilité fiscale.

4) Instauration de fiscalités nouvelles

Dernier élément de cette réflexion, l'instauration de fiscalités nouvelles, comme cela a pu être évoqué dans différentes enceintes, notamment le Comité des finances locales. Elles pourraient porter sur des assiettes évolutives (énergie, télécommunications). Nous n'en sommes là encore qu'au stade de la réflexion. Mais la question qui se pose, ou qui se posera, est celle de la compatibilité d'une telle mesure avec la volonté gouvernementale de réduire la part de l'impôt dans le PIB et donc de ne pas créer de nouveaux impôts, même s'ils sont destinés aux collectivités territoriales et à la satisfaction des citoyens dans leur vie quotidienne.

Je reste bien évidemment à disposition de la Commission pour répondre aux questions.

M. le Président - Monsieur le Directeur général, je voudrais saluer votre performance. Vous étiez venu pour répondre à d'autres questions et, au pied levé, vous venez de brosser une description quasiment exhaustive des problématiques de l'évolution de la fiscalité territoriale. Soyez-en très chaleureusement remercié. Je vais maintenant demander au rapporteur général de réagir à vos propos. Je ne doute pas que chaque commissaire aura ensuite le souci de vous interroger ou de vous faire partager ses propres réflexions.

M. Philippe MARINI, rapporteur général - Merci Monsieur le Président. J'aurais en effet souhaité exprimer une réaction et formuler une préoccupation.

Ma réaction sera celle d'une grande satisfaction vis-à-vis de l'approche qui est celle du ministère de l'Intérieur, plus précisément du ministre délégué chargé des libertés locales et de la direction générale des collectivités locales, face à ces problèmes si complexes de réforme du système fiscal local. Nous écoutons au cours de ces auditions beaucoup d'intervenants, d'experts, de responsables d'autres services d'administration, et souvent, ce qui semblerait résulter de ce qu'ils nous disent, c'est l'impossibilité de faire bouger quelque paramètre que ce soit sur ce tableau inextricable des finances locales. Or, si l'on vous écoute bien, il semble que l'on soit déjà allé suffisamment loin dans la réflexion pour définir ce que doit être le principe d'autonomie financière et ce que peut être l'équilibre entre transfert de charges et transfert de ressources.

Venons-en maintenant à ma préoccupation. Beaucoup de nos collègues qui participent déjà aux réunions régionales et départementales sur les finances locales et la décentralisation, expriment des inquiétudes. Ils ont en effet le sentiment que pour l'administration préfectorale et pour les services déconcentrés de l'Etat, qui vont jouer un rôle important dans l'animation des débats départementaux et régionaux, il y a une espèce de recherche furtive ou quasi-souterraine de transferts possibles de charges étatiques sur des budgets locaux. Je pense que ces comportements, s'ils existent, sont complètement erronés et contraires à la volonté politique du Gouvernement. Je voudrais, Monsieur le Directeur général, que vous puissiez nous donner votre appréciation sur ce point. J'ajouterais, pour finir d'exposer cette préoccupation, que dans l'esprit de beaucoup de collègues et de responsables de collectivités territoriales, si la décentralisation ne correspondait pas à plus de pouvoir financier et à un meilleur équilibre entre les charges et les ressources, elle représenterait alors un exercice complètement vain et complètement vide.

Le message que je voudrais transmettre est donc celui de l'absolue nécessité d'entrer dans les problématiques financière et fiscale et de ne pas en rester à des exposés organiques ou institutionnels qui vont faire éclore toutes sortes d'idées, vont faire s'exprimer beaucoup de besoins, vont conduire à voir pousser plus de cent fleurs dont il faudra aussitôt couper quatre-vingt-dix-neuf pieds.

M. le Président - Monsieur le Directeur général, voulez-vous réagir aux propos de M. le Rapporteur général ?

M. Dominique BUR - Monsieur le Rapporteur général, je voudrais d'abord vous remercier pour votre réaction. C'est toujours une satisfaction d'entendre de tels propos.

Si j'ai bien compris, votre inquiétude porte sur les schémas de transferts qui aboutiraient en quelque sorte à délester l'Etat d'un certain nombre de ses charges de façon à les faire supporter par les collectivités territoriales. Je crois pouvoir dire, puisque je participe à ces travaux, que telle n'est pas la vision du Gouvernement, et notamment du ministre, qui ne manquera pas de venir s'en expliquer devant vous. Sa préoccupation est en effet la recherche d'un nouvel équilibre des pouvoirs, et cela rejoint tout à fait ce que vous évoquiez tout à l'heure. Le constat a été fait d'une situation dans laquelle de nombreux rouages sont bloqués et dans laquelle l'Etat est « ficelé » par un certain nombre de compétences qui ne lui permettent pas d'exercer correctement ses missions fondamentales. D'où la nécessité de revoir le partage entre les pouvoirs de l'Etat et les responsabilités des collectivités territoriales. C'est bien l'approche et la conception du Gouvernement, à travers ce que le Premier ministre appelle cette « nouvelle étape de la décentralisation ».

Bien évidemment, cette approche ne peut pas ne pas s'accompagner d'une approche financière, surtout si l'ampleur de cette réforme se traduit par de nouvelles charges pour les collectivités territoriales et les élus. Le volet financier et fiscal sera donc particulièrement important. Pour autant que je puisse le percevoir dans les travaux qui sont menés, le Gouvernement en est parfaitement conscient. Ce sera donc un des enjeux de la discussion qui va avoir lieu sur les lois de décentralisation qui vont suivre la loi constitutionnelle.

M. le Président - Merci, Monsieur le Directeur général. Je vais maintenant donner la parole à M. Michel Mercier, qui est rapporteur spécial des crédits de la décentralisation.

M. Michel MERCIER - Merci, Monsieur le Président. Je vais vous livrer une observation et quelques réactions sur les propos tenus par M. Bur. Je crois d'ailleurs que nous pouvons tous le féliciter et nous féliciter.

Mon observation sera celle de l'urgence d'une réforme, compte tenu notamment de la situation de blocage à laquelle nous a menés la suppression d'un grand nombre d'impôts. Ces impôts ont été remplacés par des dotations qui n'évoluent pas tandis que les dépenses, elles, évoluent beaucoup. Je voudrais à ce sujet prendre l'exemple des départements, qui se trouvent dans des situations difficiles, et notamment de celui que je représente, car je le connais mieux que les autres.

L'année prochaine, les crédits nécessaires à payer l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à ses 25.000 bénéficiaires devraient augmenter de 49 % par rapport à cette année, pour atteindre 560 millions de francs. C'est un peu lourd. Surtout que nous devons également financer le service d'incendie et de secours ; or, les conséquences des mesures de toutes natures contenues dans les 130 textes pris ces dernières années vont se traduire l'année prochaine par une augmentation de 76 millions d'euros. Les deux réunis, nous arrivons à des dépenses de plus d'un milliard de francs pour un seul département, ce qui nous obligerait à augmenter les impôts de 25 % : non seulement à cause des sommes en jeu, qui sont très importantes, mais aussi parce qu'au fil des ans, on a rigidifié le système fiscal local et qu'aujourd'hui, le seul impôt sur lequel on a un peu de pouvoir lorsque l'on est élu local est la taxe d'habitation. Et si l'on veut garder la même répartition entre le contribuable de la taxe professionnelle et celui de l'impôt ménage, il faut monter la taxe professionnelle à des niveaux extrêmement lourds. Nous voilà donc dans un système de blocage complet : à vouloir augmenter de 25 % les impôts après l'avoir fait de 15 % l'année dernière, on se rendra vite compte que la décentralisation n'a pas, dans l'esprit du contribuable, un avenir complètement dégagé.

D'autre part, si l'on comprend bien ce que vous nous avez annoncé dans le cadre de cette loi constitutionnelle que nous attendions depuis si longtemps, on voit clairement qu'il y aura des choses « ficelées ». Une fois la Constitution modifiée, on ne pourra en effet plus faire n'importe quoi. Cette loi me semble donc plus importante qu'on ne le dit et je pense qu'elle va aiguiller la réforme fiscale. Si, encore une fois, j'ai bien compris le sens de votre exposé, alors la Constitution prévoira que les collectivités territoriales pourront également agir sur la détermination de l'assiette de l'impôt et non plus seulement sur les taux. Il est bien évident que dès lors que l'on va permettre à une collectivité, probablement la commune car c'est elle la plus proche, de déterminer l'assiette de l'impôt, donc de revoir ses bases, on sera obligé de lui affecter ledit impôt. Je vois en effet mal comment, au niveau régional ou départemental, on pourrait avoir des assiettes modifiées dans un coin mais pas dans un autre. Un tel fait serait porteur d'une inégalité grave entre les contribuables. Cette disposition constitutionnelle signifie donc que l'on donne un pouvoir au maire, et je pense qu'il s'agit de la seule solution pour réviser les bases ; elle signifie également que cet impôt deviendra presque strictement communal et qu'on ne pourra guère l'utiliser à grande hauteur dans les autres collectivités. Il y aura en effet d'importantes inégalités entre les contribuables, suivant que la commune aura décidé ou non de réviser les bases.

Vous nous avez ensuite parlé de la péréquation, un sujet très important dont on discute tout le temps. Sauf que l'on n'en discute jamais globalement et complètement ! Il ne faut pas seulement regarder les recettes, il faut aussi regarder les dépenses. Or, toute bonne péréquation doit aussi tenir compte des charges d'une collectivité. On ne peut avoir une collectivité qui n'a point de ressources, cela serait extrêmement ennuyeux. Ce le serait toutefois beaucoup moins si elle n'a point de dépenses non plus.

Dernière remarque : dès lors que la Constitution prévoira qu'il y a une part déterminante des ressources propres dans le total des ressources des collectivités territoriales, les dotations d'Etat diminueront forcément. Et l'on ne peut faire diminuer les dotations d'Etat qu'en transférant un impôt. Sinon, les collectivités territoriales seraient quelque part « volées ». Cela veut dire qu'une fois l'impôt transféré, la dotation diminue, jusque-là nous sommes d'accord, mais aussi que la péréquation ne peut plus se faire sur les dotations de l'Etat, mais au moins en partie sur les ressources fiscales, ce qui est tout à fait nouveau. Notre Commission a en effet toujours affirmé qu'il appartenait à l'Etat, plutôt qu'aux collectivités, d'assurer la péréquation. Je ne suis cependant pas contre une telle mesure, mais pouvez-vous aller un peu plus loin sur ces divers points dans vos explications ? Je vous en remercie.

M. le Président - Monsieur le Directeur général, compte tenu de sa qualité de Rapporteur spécial, je vous suggère de répondre maintenant à M.  Michel Mercier. Nous donnerons ensuite la parole aux autres commissaires et vous répondrez globalement.

M. Dominique BUR - Oui, Monsieur le Président. Monsieur le Rapporteur spécial, la situation que vous évoquez, qui est celle des départements mais pas uniquement, nous est bien connue et nous l'évoquons régulièrement. Personne ne peut nier que nous avons là une situation classique de « ciseaux », avec d'un côté des suppressions d'impôts (notamment de la vignette) et de l'autre l'apparition de charges nouvelles qui se sont révélées supérieures à ce qui a pu être évoqué dans un premier temps. Il est vrai que cette situation a conduit à des évolutions fiscales lourdes dans certains départements en 2002.

Nous avons regardé très attentivement les évolutions et nous avons constaté que des départements ont été amenés à des évolutions de fiscalité supérieures à 10 %. Dans certains cas, cette évolution de fiscalité a même été supérieure à 20 % ! Je crois d'ailleurs que vous évoquiez pour 2003 des perspectives encore plus fortes. Vous rejoignez en cela la problématique générale que l'on évoquait tout à l'heure, qui consiste à réfléchir à ce que les collectivités puissent prendre en charge les dépenses que leur a confiées la loi, mais avec des marges de manoeuvre de façon à être capable de s'adapter à chacune des situations et de ne plus s'appuyer uniquement sur les dotations. Mais encore une fois, cet exercice est complexe et difficile, une réflexion est en cours, et je ne peux donc pas aller plus loin s'agissant des départements.

Quant au cas très particulier de l'APA, sachez que le Gouvernement y a déjà songé puisqu'un travail est en cours avec l'Assemblée des départements de France et le ministère des Affaires sociales. Il a pour but de faire un point très précis sur la situation et de voir s'il ne faudrait pas prendre de nouvelles mesures, quitte à devoir solliciter le législateur, l'objectif étant d'encadrer une dépense qui, je ne le cache pas, est allée très au-delà de ce qui avait initialement été envisagé.

L'autre sujet très important que vous avez évoqué est celui de la péréquation. Comme je l'indiquais tout à l'heure, je crois que la péréquation est le pendant de la liberté. La liberté financière et fiscale qui est recherchée par le Gouvernement doit aussi s'accompagner, au nom du principe de solidarité nationale, d'un lissage des inégalités. Il faut en effet faire en sorte que les différences et les inégalités en matière de ressources, d'assiettes et de bases fiscales, qui sont la réalité de la situation économique des différentes collectivités, ne soient pas excessives. Il nous incombera notamment d'éviter que ces inégalités n'aboutissent à une espèce de rupture entre, d'une part, les collectivités très riches et, d'autre part, celles qui ont beaucoup plus de mal à faire face aux charges élémentaires de fonctionnement des services publics que leurs citoyens sont en droit d'attendre. Nous avons en effet dans notre pays un principe d'égalité, régulièrement rappelé par le Conseil constitutionnel, qui fait que les citoyens sont en droit d'attendre une certaine égalité dans l'accès aux services publics. Le principe de péréquation sera donc inscrit, si le Parlement l'adopte, dans l'article du projet de révision constitutionnelle que j'évoquais tout à l'heure. Mais ce sera bien évidemment à la loi de le mettre en oeuvre selon les modalités qu'il envisagera. Il ne s'agit pourtant pas d'un principe abstrait, mais la Constitution reste à un tel niveau de généralités que le législateur devra forcément intervenir.

Comme vous le rappeliez tout à l'heure, il peut y avoir deux grandes branches dans la péréquation. Celle-ci tente traditionnellement de se faire au travers des dotations de l'Etat, dont certaines études ont montré qu'environ 30 % étaient fondées sur des critères de péréquation. Contrairement à ce qu'on a pu penser, parce qu'à un certain moment on évoquait des chiffres très faibles de l'ordre de 5 à 6 %, l'étude exhaustive à laquelle nous avons procédé révèle donc qu'environ un tiers des dotations est assis sur des critères de péréquation. Ces critères peuvent bien évidemment être insuffisants et donnent lieu à une péréquation faible. Mais nous avons par ailleurs commandité une autre étude qui montre que les éléments de péréquation, je pense notamment à la dotation globale de fonctionnement (DGF), ne sont pas du tout négligeables, y compris, et assez curieusement d'ailleurs, pour la dotation forfaitaire.

D'un autre côté, je pense que nous pouvons dire, et les élus que vous êtes ne me démentiront pas, que votre souci est aussi de bénéficier de dotations relativement stables et en évolution chaque année. Je dirais qu'un exécutif d'une collectivité a besoin, pour prévoir son budget de l'année suivante et pour mettre en oeuvre ses projets, de ne pas avoir de dotations qui montent ou qui descendent d'une année sur l'autre sans perspectives de prévisions. Par conséquent, le souhait qui est souvent exprimé par les élus est celui de bénéficier d'une dotation que la collectivité peut prévoir l'année suivante.

Vous voyez donc bien que les deux termes peuvent être contradictoires. Car qui dit péréquation, dit utilisation de critères qui créent des différences ; par conséquent, pour donner plus aux uns, il faut parfois réduire ou stabiliser les autres. Les deux objectifs que j'évoquais peuvent donc parfois être difficiles à atteindre en même temps, sauf si bien sûr l'accroissement des dotations dépasse les 5 ou 10 %. Ce n'est malheureusement pas dans l'air du temps.

La difficulté de cet exercice me conduit à la deuxième branche que vous évoquiez tout à l'heure, qui est de dire que la péréquation sur les dotations n'est peut-être pas suffisante, et je m'interroge sur le fait qu'il faille peut-être utiliser l'autre instrument que vous mentionniez, l'instrument fiscal, pour aussi pratiquer une certaine péréquation. Cette péréquation existe déjà de fait, au travers de certains fonds que vous connaissez bien, notamment les fonds départementaux de la taxe professionnelle ou le fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) (assis sur le potentiel fiscal ou la taxe professionnelle). La question sur laquelle, encore une fois, je ne tiens pas à me prononcer, peut se poser de savoir si l'accroissement de la liberté fiscale ne doit pas avoir comme pendant des mécanismes de péréquation, élargis, au-delà des fonds départementaux, à des fonds régionaux ou à un fonds national.

M. le Président - Vaste sujet qui a fait naître des métiers. Il fut un temps où les préfets et les trésoriers payeurs généraux pouvaient répondre aux interrogations des élus territoriaux. Maintenant, on a recours à des cabinets extérieurs pour procéder à l'interprétation des textes législatifs et réglementaires.

M. Dominique BUR - Monsieur le Président, les élus sont en ce domaine parfois meilleurs que les préfets.

M. le Président - Je donne maintenant la parole à M. François Marc.

M. François MARC - Merci, Monsieur le Président. Je voudrais revenir un instant sur la fiscalité territoriale et ce qui a été dit à ce sujet.

En ce qui concerne les faiblesses et les insuffisances, qui petit à petit ont été révélées, des dispositifs de fiscalité locale, vous avez vous-même remarqué, Monsieur le Directeur, que c'est l'Etat qui a été amené à opérer, à l'aide d'un certain nombre de compensations, de dégrèvements et d'autres mécanismes régulateurs, les adaptations nécessaires. À tel point qu'aujourd'hui, pour certains impôts locaux, il y a la moitié des contribuables qui bénéficient de dispositions particulières mises en oeuvre à l'échelle nationale. Ceci me conduit à vous poser deux questions.

La première est une question de principe. À l'heure où l'on parle d'autonomie et de liberté, en quoi les mécanismes que vous avez suggérés pour faire évoluer la fiscalité locale apporteront-ils une modification au fait que c'était traditionnellement l'Etat qui mettait en place des mécanismes correcteurs ? En quoi l'initiative locale pourrait mettre en place ces corrections ? Je n'ai pas senti, dans les suggestions qui ont été faites, qu'il s'agisse de la TIPP ou des mécanismes sur les compensations ou les partages d'impôt, que les initiatives allaient devenir locales et qu'elles permettraient de corriger les insuffisances du dispositif actuel. Je le répète, il s'agit d'une question de principe. Y aurait-il, dans votre esprit, une originalité particulière sur la capacité d'initiative locale que nous n'aurions pas saisie ?

La deuxième question est plus politique. Elle concerne les transferts de charges et, in fine , les transferts de fiscalité. M. le Rapporteur général nous a dit tout à l'heure que dans son esprit, il n'était pas du tout dans les intentions du Gouvernement de faire intervenir ces transferts. Je suis donc allé aux sources immédiatement et j'ai sous les yeux la déclaration de M. Devedjian que je vous cite : « Dès lors qu'une compétence exercée par l'Etat et financée par l'impôt national est confiée à une collectivité locale, il est normal qu'elle soit financée par la fiscalité locale ». Voilà donc très clairement exprimée l'intention du ministre : elle va tout à fait à l'encontre de ce que nous a dit Monsieur le Rapporteur général. Je m'interroge donc à ce sujet, et ce sera l'objet de ma deuxième question : dès lors que l'on admet en préambule que la fiscalité locale comporte beaucoup d'injustices et d'insuffisances, est-il juste de transférer de la fiscalité nationale, par exemple l'impôt sur le revenu dont le barème est progressif, sur de la fiscalité locale, dont nous savons pertinemment qu'elle est injuste et son dispositif en vigueur loin d'être satisfaisant ? J'en veux d'ailleurs pour preuve le fait que depuis de nombreuses années, tout le monde se demande comment le corriger.

M. le Président - Je vous remercie. La parole est à M. Michel Sergent.

M. Michel SERGENT - Merci, Monsieur le Président. Pour aller dans le sens de ce qui a déjà été dit, je voudrais remercier Monsieur le Directeur général des collectivités locales pour avoir, dans un premier temps, rappelé les principes de l'article 7 de la révision constitutionnelle concernant les collectivités territoriales et la décentralisation, tant il est vrai que les deux sont particulièrement liés. Personne ne peut aujourd'hui le nier. Avoir une clarification est aujourd'hui indispensable : il me semble qu'elle devrait d'abord commencer par le fait que l'Etat réindique bien quels sont ses domaines d'intervention, et notamment ses champs régaliens qu'il ne devrait en aucun cas abandonner avant d'aller vers plus de décentralisation. Dans cette première partie, je verrais aussi une correction d'une erreur que nous avons faite les années précédentes concernant les services d'incendie et de secours : après tout, que la loi du 3 mai 1996, aussi bien que la révision de 1999, ait été détestable pour tous, nous pouvons le reconnaître. Par conséquent, je pense que la sécurité est un champ qui devrait revenir totalement dans le domaine de l'Etat.

Concernant maintenant la refonte du financement des collectivités territoriales, vous avez tracé un certain nombre de pistes dans lesquelles je ne trouve nulle trace de justice sociale.

Et quant à la répartition locale d'un impôt d'Etat, je dois vous dire que l'on a du mal à saisir duquel vous voulez parler. Nous restons donc sur notre faim.

Pour conclure mon intervention, je dois vous confier avoir le sentiment que quels qu'aient pu être les gouvernements en place, la volonté a toujours été d'alourdir la charge des collectivités territoriales par rapport à celle de l'Etat. Quelle est donc votre meilleure piste pour mettre fin à cet état de fait ?

M. le Président - Merci. M. Joël Bourdin, vous avez la parole.

M. Joël BOURDIN - Merci, Monsieur le Président. Je voudrais juste faire part de mon souci concernant un grand principe, avec le rendement et l'équité, qui est le principe de péréquation.

Il semble en effet qu'ait été étudiée la possibilité de donner aux collectivités territoriales le loisir de réviser leurs bases. Cela me paraît être un élément gênant pour la péréquation. Je souhaiterais donc que l'on fasse attention, dans les réflexions que l'on mène et dans les décisions que nous pourrions avoir à prendre pour régler tel ou tel problème, à ne pas introduire de distorsions qui mettraient en cause l'équité nationale.

M. le Président - Je vous remercie. La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves FRÉVILLE - Merci, Monsieur le Président. Beaucoup de choses ayant déjà été dites, je vais prendre une autre clé de lecture, la clé fiscale, et voir quelles sont les différentes ressources que l'on peut avoir. On peut imposer les ménages, les entreprises et l'on peut donner des dotations aux collectivités territoriales, l'ensemble devant être cohérent et répondre aux critères qu'a excellemment rappelés notre collègue Bourdin.

Commençons par l'impôt sur les ménages. Il n'y a en tout et pour tout que deux solutions : soit la mise en place d'un impôt sur le revenu, mais alors il n'aurait pas fallu créer de contribution sociale généralisée, soit la mise en place d'impôts, types taxe d'habitation ou foncier bâti, reposant sur la propriété. Et nous ne sommes pas parvenu à faire de révision. Or, et je partage là tout à fait l'avis de Joël Bourdin, si nous laissons faire des révisions à l'échelon local, il n'y aura plus de péréquation possible. Ou alors nous ferons la péréquation selon d'autres critères, le revenu par exemple, mais l'ensemble ne sera plus cohérent. Nous ne pourrons plus étendre au niveau départemental ou régional un impôt sur la propriété assis à l'échelon local.

M. le Président - Incontestablement.

M. Yves FRÉVILLE - Je suis donc très inquiet. Je vois très bien l'intérêt de faire une réforme de l'assiette si elle sert à créer des taxes sur les chiens. Je n'en vois en revanche pas l'intérêt si nous ne parvenons pas à en faire un ensemble cohérent sur le plan national, ou alors cela coûtera extrêmement cher : il ne faut pas croire que lever l'assiette ne coûte rien. Or, je ne pense pas que les communes en aient les moyens.

Passons maintenant à l'impôt sur les entreprises. La question posée actuellement me semble être la suivante : voulons-nous oui ou non conserver un impôt sur les entreprises ? La taxe professionnelle a perdu avec la taxe sur les salaires l'un de ses deux piliers, il ne lui reste dorénavant plus que la part sur les outillages, qui freine l'investissement. Est-ce que nous voulons conserver cela ? Je ne le pense personnellement pas et je crois même que si nous ne refondons pas la taxe professionnelle sur des bases plus modernes, valeur ajoutée ou autre, elle disparaîtra.

Restent naturellement les dotations de l'Etat. La question que je me pose, en dehors des interrogations très légitimes de Michel Mercier sur le sens de la péréquation, et je pense comme lui qu'il faut procéder à une péréquation des ressources et des besoins, est de savoir ce que signifient « déterminant » et « par catégorie de collectivités ». Faire une part déterminante obligera en effet à élever la part des ressources fiscales et des autres ressources propres dans les collectivités les plus riches à des taux considérables, de l'ordre de 60 à 70 %. Je ne suis pas du tout sûr que cela soit possible dans la situation actuelle !

Je voudrais donc d'abord voir nettement ce que l'on veut comme impôt. Après, et seulement après, nous pourrons construire des réformes.

M. le Président - Merci. La parole est maintenant à M. Jacques Oudin.

M. Jacques OUDIN - Merci, Monsieur le Président. J'essaierai d'être rapide car tout a été très bien dit auparavant.

Simplement, inscrire le principe d'autonomie fiscale dans la Constitution n'implique-t-il pas d'instituer un système d'observation destiné à vérifier de façon permanente que les équilibres existent ? J'avais déposé, il y a de cela quelques mois, une proposition de loi tendant à donner au Comité des finances locales un statut d'autonomie plus fort. Je n'avais à l'époque eu aucun écho à ce sujet : pouvez-vous me dire si elle est encore dans l'air du temps ?

Autre point : nous sommes maintenant dans un contexte financier lourd avec la loi organique du 1 er août 2001, qui impose que toute action engagée soit évaluée. Les techniques d'évaluation sont pourtant complexes, difficiles... Mais peu importe ! Je voulais juste faire remarquer que nous avons maintenant un contexte un peu nouveau. Nous venons en effet de procéder à des opérations de décentralisation, je pense notamment à celle, excellente, concernant les lycées et les collèges, dont nous n'avons pu atteindre les objectifs qu'en augmentant massivement les fiscalités locale et régionale. Le contexte actuel, avec des prélèvements obligatoires ayant atteint un très haut niveau, nous en empêche. Or, si nous transférons des obligations, il nous faudra en évaluer les modalités de financement. Cela me paraît logique. Et en considérant les finances de l'Etat, environ 250 milliards de francs de déficit du budget de l'Etat, autant pour le déficit cumulé, les dettes de la Sécurité sociale ou celles de la SNCF, je ne vois vraiment pas où nous pourrons trouver de l'argent pour le transférer. Alors si je dis oui au principe de la décentralisation et oui aussi au principe d'autonomie, je voudrais tout de même savoir selon quelles modalités va se développer l'évaluation financière du dispositif. Il est en effet temps de rassurer les élus, enthousiastes sur la décentralisation mais craintifs sur ses conséquences financières.

M. le Président - Merci. La parole est maintenant à M. Paul Girod.

M. Paul GIROD - Merci, Monsieur le Président. Je crois que le débat dans lequel nous sommes est pollué par deux phénomènes.

Le premier est lié à ce qui a été l'erreur de fondre une loi sur un règlement de base. Cette loi n'a jamais été appliquée parce qu'elle avait un défaut et un seul : celui d'avoir traité le logement social par la voie du slogan au lieu de s'occuper de ce qu'était réellement le logement des gens. Je m'en souviens très bien, j'étais moi-même rapporteur du texte au sein de la commission de l'époque et nous avions fait un précédent constitutionnel en concluant un accord partiel en commission mixte paritaire : nous nous étions mis d'accord sur 90 % du texte et nous avions pris l'engagement de refaire signer cette partie par l'Assemblée. Ce point précis aboutissait à ce que le logement social de fait soit surtaxé par rapport au logement social officiel sur lequel voulaient se pencher les autorités de l'époque. Le résultat est que nous n'avons rien appliqué et que tout le monde se retrouve dorénavant devant des bases tellement obsolètes, tellement vieilles et tellement ridicules que plus personne ne veut y toucher à l'échelon national. Et transférer cette question à l'échelon local me paraît être la pire des idées.

La seconde pollution est constituée par une partie du volet social dont a parlé tout à l'heure Michel Mercier. Par exemple, la prestation spécifique dépendance (PSD) représentait à son lancement une mesure sociale puisqu'elle était accompagnée d'un certain nombre de freins et de contrôles. Mais elle a été tellement généralisée qu'elle est devenue un véritable risque social. Ce n'est donc certainement plus à un impôt local d'y faire face, et ce d'autant plus que la population concernée a tendance à se concentrer dans un certain nombre de régions qu'elle a elle-même ciblées.

Je crois par conséquent que nous serions beaucoup plus à l'aise pour entrer dans le champ d'une révision assez générale du système des rapports entre l'Etat et les collectivités territoriales si nous parvenions à lever ces deux obstacles. Aucun d'entre nous ne parle sans avoir à l'esprit et l'un, et l'autre. Je pense donc qu'une bonne méthode commencerait déjà par remettre en place la réalité de ces deux domaines, la révision des valeurs locatives et la remise en ordre d'une certaine doctrine : qui doit payer et pourquoi ?

M. le Président - Je vous remercie. En l'absence d'autres demandes d'intervention, je vais à ce stade vous livrer mes propres observations et suggérer mes interrogations.

Je crois d'abord, Monsieur le Directeur général, que tous ceux qui se sont exprimés manifestent une grande volonté d'aller de l'avant. Dans le même temps, ils témoignent de leur très grande perplexité à propos des voies et moyens à utiliser pour atteindre notre objectif.

Je vous ai bien entendu à propos des troisième et cinquième alinéas de l'article 6 du projet de réforme constitutionnelle. Je voudrais être sûr qu'il n'y a pas de contradiction entre le troisième, qui affirme que « les recettes fiscales, les autres ressources propres des collectivités et les dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités territoriales représentent une part déterminante de leurs ressources » et le dernier, aux termes duquel « les inégalités de ressources peuvent être corrigées, notamment par la mise en oeuvre de mécanismes de péréquation ». Est-ce à dire que les péréquations entreraient dans les ressources propres des collectivités territoriales afin de leur donner une part déterminante de ce que nous pourrions appeler une autonomie financière ?

Autre point, les impôts que l'on pourrait maintenir. J'avoue à ce sujet avoir personnellement peine à croire que la valeur ajoutée des entreprises soit encore d'actualité. Qui va oser taxer les salaires au moment où chacun s'interroge sur les principes de compétitivité et d'attractivité ? Hier, la taxe professionnelle pesait à peu près à 3 % sur les salaires. Elle a été supprimée. Qui donc envisage maintenant de remettre une taxe sur les salaires ? Selon moi, c'est une impasse !

De même, comment appréhender la valeur ajoutée autrement qu'à travers les salaires et une quotité des investissements ? Très franchement, je ne vois pas. Sauf à encourager encore un peu plus certaines délocalisations. Je ne suis donc pas du tout sûr que la voie qui consiste à imposer les entreprises soit une voie d'avenir. Ayant dit cela, avec les contraintes que cela peut créer dans l'agrément de la vie locale, y aura-t-il encore des communes pour accueillir les entreprises ? J'ai bien conscience que je ne résous pas le problème en posant cette question...

Vous avez d'autre part évoqué, Monsieur le Directeur général, la TIPP. A ce stade, avez-vous réfléchi aux modalités de mise en oeuvre de votre projet ? Chaque pompiste aura-t-il en charge demain le paiement d'une taxe dont le taux serait fixé par la collectivité locale ? Est-ce faisable ? Est-ce praticable ? N'y a-t-il pas des risques, comme pour la vignette, d'assister à des politiques d'attractivité qui consisteraient à baisser largement les taux de TIPP, un peu comme le Luxembourg qui assure l'approvisionnement en essence d'une partie de la Lorraine. Avez-vous donc testé la faisabilité de cette opération ?

Concernant maintenant les assiettes, aussi longtemps que les taux s'appliqueront aux mêmes assiettes aux plans régional, départemental et communal, je ne vois pas comment on pourra prendre des initiatives.

Et pour ce qui concerne la péréquation, avez-vous d'autres critères que le potentiel, la richesse, ou encore l'effort fiscal ? À cet égard, je voudrais d'ailleurs signaler qu'il y a des situations très contrastées : il arrive que des maires se plaignent de ne pas avoir de ressources, alors qu'à la vérité, ils ne font aucun effort ! Et les taux sont complètement dérisoires... Peut-on prendre appui sur de telles apparences de pauvreté alors que manifestement, les élus ne font rien pour solliciter la contribution des contribuables ? Toujours à propos de cette péréquation, peut-on alors imaginer d'autres paramètres que ceux que nous utilisons actuellement et qui sont liés à l'effort ou au potentiel fiscal ?

J'arrête là mon propos et je vous remercie d'avance, Monsieur le Directeur général, des réponses que vous voudrez bien y apporter.

M. Dominique BUR - Monsieur le Président, les questions ont été nombreuses et diverses, mais je vais essayer d'y répondre. N'hésitez pas à me reprendre si, d'aventure, j'oubliais un point.

Un premier sujet a été traité par plusieurs membres de la Commission, il s'agit de la situation, de la révision et de l'avenir de la fiscalité directe locale. Je souhaite sur ce point reprendre pour la taxe d'habitation ce que disait M. Fréville concernant la taxe professionnelle : si nous ne faisons rien, c'est la mort lente. M. Fréville l'a dit pour la taxe professionnelle, mais ceci vaut tout autant pour la taxe d'habitation et les taxes foncières. Non seulement ces valeurs sont très anciennes, mais elles ont également, et nous l'oublions bien souvent, un double effet pervers : elles ne correspondent plus à la différence de richesse entre contribuables, en tout cas pour asseoir l'impôt, et elles conduisent à des répartitions erronées des dotations de l'Etat, auxquelles elles servent. Cela, il faut le dire et le redire ! Il me semble donc que si nous voulons vraiment conserver cette fiscalité, nous devons réfléchir à sa modernisation.

Nos voies peuvent à ce sujet être divergentes. M. Marc a abordé tout à l'heure les modalités selon lesquelles il est possible d'agir, et je reconnais qu'il y a une grosse interrogation, partagée par vous-même Monsieur le Président ainsi que par les membres de la commission, au sujet de l'assiette et de son évolution localisée. Mais encore une fois, et M. Girod le sait bien, la révision nationale de 1990 a malheureusement échoué. Trois gouvernements s'y sont pourtant essayés ! Pouvons-nous donc encore penser utiliser cette révision, qui existe toujours puisque ses chiffres sont soigneusement conservés dans les ordinateurs du ministère de l'Economie et des Finances, pour espérer procéder à cette révision ? Ne vaudrait-il pas mieux réfléchir à une autre façon de procéder ? Je n'en nie pas les inconvénients, qui sont, tel le risque de rupture d'égalité, particulièrement réels, mais ne peut-on tout de même pas envisager une réforme sur des périmètres comme la commune, le département ou la région ? J'ai personnellement le sentiment qu'il nous faut aller plus loin dans cette idée, car je ne vois malheureusement pas d'autres alternatives à la modernisation. Sauf à changer l'assiette. Cela a été évoqué, à travers le revenu ou la valeur ajoutée, mais vous avez vous-même, Monsieur le Président, fermé cette porte.

M. le Président - C'est-à-dire que je ne vois pas comment pourrait être localisée la valeur ajoutée, sur le territoire et dans les groupes.

Profitons-en pour revenir au thème de l'actualisation. Les gouvernements ont été mis en difficulté parce qu'à l'occasion d'un texte dont je ne me rappelle plus la nature, un amendement a été apporté pour alléger l'évaluation des taxes d'habitation et du foncier bâti dans les résidences de type HLM. Et cela a rendu pratiquement impossible l'application des nouvelles bases. En effet, lorsque vous avez dans une commune 30 à 40 % de logements HLM, vous écrasez les contribuables qui n'y résident pas. Peut-être que l'on pourrait réviser cette disposition et revenir à la matrice antérieure. Avons-nous une alternative aux travaux qui ont été faits au début des années 1990 ? Je ne le crois pas. Tout le reste consiste à imaginer que le Père Noël va trouver la formule magique ! Je pense donc que la première disposition, si l'on valide les bases du foncier et de la taxe d'habitation, serait de reprendre collectivement ces travaux, qui mettaient un terme à des injustices évidentes, et d'avoir le courage d'en appliquer les mesures. Sinon, nous ne nous en sortirons pas.

M. Paul GIROD - Si vous me permettez une réflexion complémentaire, le drame se joue dans les communes où il y a d'une part beaucoup de HLM, et d'autre part des logements encore plus modestes.

M. le Président - Pour ceux qui ne logent pas en HLM, la situation est d'ailleurs catastrophique. Même M. Brard, à l'Assemblée nationale, était très réservé à propos de cette réforme. Dans la commune dont il est maire, il y a 70 % de HLM.

On ne peut tout simplement pas appliquer cette disposition. Alors est-ce que ceux qui avaient voté à l'époque cet amendement sont prêts à y renoncer ?

M. Michel SERGENT - Monsieur le Président, il y a certes une répartition à l'intérieur de la taxe d'habitation, mais les ressources en elles-mêmes restent les mêmes.

M. le Président - C'est un impôt de répartition. Il s'agit de savoir comment on répartit entre les différents contribuables. Je pense que l'avenir est à un impôt payé par le citoyen, et non par l'entreprise. L'entreprise est une fiction. Progressivement vous chassez les entreprises et vous les obligez à aller s'implanter en dehors du territoire communal ou national. Quel est donc le pacte que l'on peut refonder entre celui qui perçoit l'impôt et le citoyen ?

M. Yves FRÉVILLE - Il y a de plus une difficulté technique : toute la révision reposait sur la connaissance des loyers. Et nous connaissions les loyers par le droit au bail. Or, le droit au bail a été supprimé...

M. le Président - Monsieur le Directeur général, pardonnez ces interruptions. Mais ce sujet nous passionne.

M. Dominique BUR - Je comprends. Nous sommes tous quelque peu perplexes devant la situation et ses voies de sortie. Mais j'ai une piste. Il s'agit d'un impôt de répartition, et par conséquent on utilise le cadre communal, départemental ou régional. Or, la problématique que vous évoquez est celle de la proportion, plus importante dans certaines collectivités que dans d'autres, de contribuables modestes qui ne peuvent pas supporter l'impôt. Ne peut-on donc pas imaginer, à la limite, que la réponse soit du côté de la péréquation assurée par l'Etat, avec les sommes qu'il consacrait antérieurement au niveau national à cette compensation ? Et c'est peut-être cette compensation qui à ce moment-là devrait être redistribuée différemment.

M. le Président - Le problème réside dans le fait que par le passé, l'Etat a voulu avoir de beaux gestes pour le contribuable. Il s'est servi pour cela de la fiscalité locale. Globalement, les gouvernements, au fil des alternances, ont voulu donner satisfaction aux contribuables en se servant des impôts locaux. Et plutôt que de les réformer, ils les ont supprimés. Résultat, nous le constatons aujourd'hui, nous sommes au pied du mur. Est-ce que les mesures d'exonération relèvent de la compétence de l'Etat ou de celle des collectivités territoriales ?

M. Dominique BUR - Dans la perspective d'accroître la liberté locale en matière de fiscalité, j'évoquais l'assiette. Il y a débat et nous le voyons bien. J'évoquais ensuite les taux, et vous allez en discuter lors du projet de loi de finances. Il y a enfin cette possibilité indirecte de toucher à l'assiette à travers l'exonération. Le problème étant qu'actuellement, une partie des exonérations est compensée par l'Etat. Or, on peut penser que les contraintes, qui s'imposent au niveau européen au budget de l'Etat, empêchent d'ouvrir cette voie dans les proportions dont nous parlons. Les exonérations ne pourraient donc être que décidées localement et supportées localement.

M. le Président - Il y a des communes dont la moitié des contribuables ne paie pas d'impôts locaux - quelquefois plus.

M. Yves FRÉVILLE - Quand on examine la répartition des dégrèvements de taxes d'habitation par catégorie de communes, on voit très bien que les petites communes n'ont rien, que les moyennes communes ont peu et que les très grandes communes ont tout. Et j'exagère à peine. Ce sont notamment toutes les grandes villes très fortement imposées du Midi de la France qui ont la plus grande partie. Alors, je ne vois pas comment il serait possible de recycler les dégrèvements en faveur des logements sociaux, sauf à modifier considérablement la politique contre-péréquatrice des dégrèvements. Les dégrèvements vont contre la péréquation. Ce ne sont pas les zones les plus pauvres qui en bénéficient, ce sont les zones dans lesquelles les impôts sont les plus élevés. Ce qui n'est pas du tout la même chose. Il ne s'agit donc pas d'une insuffisance de ressources.

M. Dominique BUR - Vous voyez là, Monsieur le Président, l'effet pervers de l'utilisation de critères qui peuvent être des critères de charges ou de dépenses. Il y a notamment un effet totalement pervers, puisque l'on peut faire le choix d'accroître les dépenses en en faisant supporter une partie par l'Etat à travers le dégrèvement ou l'exonération compensée. Nous cernons là une limite.

Je voulais rassurer M. Bourdin. Il évoquait tout à l'heure les effets discutables en matière d'équité d'une révision délocalisée de l'assiette. Cela ne peut en tout cas pas avoir d'effets sur les dotations parce que ce ne sont pas les taux qui jouent mais les assiettes. Alors c'est vrai que d'une certaine façon, si l'assiette est révisée, les bases le sont aussi. La commune peut alors apparaître plus riche et ne pas avoir objectivement intérêt à faire apparaître un certain accroissement de richesses. Je le reconnais.

M. Fréville évoquait quant à lui la révision constitutionnelle et la part « déterminante ». Il se demandait donc, tout comme M. Bourdin d'ailleurs, qui pourrait être le régulateur de l'autonomie des collectivités territoriales, et notamment de cette part « déterminante ». Je peux leur dire que ce régulateur sera de facto le Conseil constitutionnel. Il l'a déjà été dans le passé et vous l'avez vous-mêmes saisi lors de la suppression d'impôts locaux, et il le sera encore dans le futur. Les critères étant fixés par la loi, il lui incombera forcément de dire à certains moments que telle ou telle disposition n'est pas conforme à la part « déterminante » qui doit revenir à chaque niveau de collectivité.

M. Yann GAILLARD - Permettez-moi juste un mot afin d'apporter un peu plus d'obscurité au débat.

M. le Président - À ce stade, je pense que ce sera forcément clarificateur !

M. Yann GAILLARD - Premièrement, l'opinion publique ne s'intéresse absolument pas à cette affaire. Regardez, il n'y a pas une année sans qu'un hebdomadaire ne parte en guerre contre l'inégalité des impositions suivant les villes. Ce qui montre bien qu'on ne considère pas du tout que l'autonomie locale doive porter sur ce chapitre-là. L'opinion publique ne le ressent pas comme cela.

Deuxièmement, du moins me semble-t-il, les impôts locaux sont parmi les plus mauvais et les plus chers. Vous connaissez les rapports de l'Inspection des finances sur le caractère peu rentable de notre système fiscal et ce sont souvent les impôts locaux qui sont les plus décriés.

Troisièmement, si nous ne pouvons pas procéder à une révision d'assiette, l'Etat n'ayant pas le courage de la faire et les collectivités territoriales ne voulant pas se lancer là-dedans, je me demande s'il ne faudrait pas revenir à des systèmes très anciens qui, après tout, n'étaient pas si mauvais.

Ne serions-nous pas finalement en face d'un problème qui ne comporte pas de solutions ? N'avons-nous pas eu tort de nous focaliser dessus ?

M. le Président - Nous sommes arrivés à une telle complexité que les élus territoriaux ne peuvent même pas vérifier les sommes qu'ils perçoivent.

M. Dominique BUR - Monsieur le Président, vous avez posé plusieurs questions.

La première était une demande de précision sur la rédaction constitutionnelle. Vous vouliez savoir si les ressources propres contenues dans l'article 6 comportaient les éventuels résultats de la péréquation, et notamment les dotations de l'Etat. À ce stade de notre réflexion, les ressources propres des collectivités correspondent à des ressources pour lesquelles ces collectivités ont des capacités de décision (redevances, ressources des domaines...). Reste bien évidemment la question des dotations émanant d'autres collectivités. C'est une notion qui n'a pas tellement cours pour le moment mais qui pourrait correspondre à des situations d'avenir. On peut notamment imaginer, comme cela a déjà été évoqué, un concept de délégation d'un niveau de collectivité à un autre, accompagné de dotations qui permettraient de payer la compétence déléguée. Nous sommes donc là en présence d'une ouverture sur des modalités qui ne sont pas encore clairement définies. La question des montants de fonds de péréquation locaux, je pense par exemple aux fonds départementaux de péréquation et à tous ces fonds horizontaux, peut se poser. Les collectivités n'ayant aucune possibilité d'agir sur la recette qui leur revient, ces montants ne devraient selon nous pas figurer dans ce concept. Mais à ce stade, je ne peux évidemment rien dire.

M. le Président - Mais ce sont des collectivités qui risquent de ne pas avoir une part déterminante de leurs ressources faite à base d'impôts et de subventions de collectivités territoriales. Mais d'abord, qu'est-ce qu'une part déterminante ? On ne parle d'ailleurs plus d'autonomie financière et des 50 % de la proposition de loi de M. Christian Poncelet.

M. Dominique BUR - Monsieur le Président, la proposition d'origine comportait un adjectif. Et c'est au cours du débat que les 50 % ont été introduits. Il me semble que l'adjectif était « prépondérant ».

Les chiffres que l'on peut avoir montrent que, globalement, les deux niveaux de collectivité que sont les communes et les départements sont toujours à ces 50 %. En revanche, les régions sont effectivement en dessous. Et il reste bien évidemment des évolutions importantes puisqu'une tranche nouvelle de la taxe professionnelle va induire, pour 2002 et 2003, des réductions.

Vous avez d'autre part évoqué la valeur ajoutée et le salaire. Vous avez vous-même indiqué que cette voie paraît difficile. Cependant, nous pouvons nous interroger sur la nécessité du maintien d'un lien entre l'entreprise et la collectivité où elle se situe. C'est, il me semble, ce qui est souhaité par les élus et je pense que cela reste une bonne chose. On s'en aperçoit d'ailleurs à travers le fait que des pays européens, y compris ceux, comme la Grande-Bretagne, dont l'orientation libérale est forte, ont maintenu une imposition sur les entreprises. Et ce même si la marge de manoeuvre des collectivités est d'un autre côté réduite, puisque les taux de ces impôts, pour des raisons d'égalité, sont fixés au niveau national.

Enfin sur la TIPP, vous m'avez demandé où en était ma réflexion. Je ne nie pas qu'il y ait une difficulté mais nous voulons explorer de nouvelles solutions et elles ne sont pas nombreuses. L'une d'entre elles, qui faisait quasiment consensus, portait sur cette TIPP. Nous cherchons en fait à ce que la collectivité puisse jouer sur un taux. Cela est certes difficile, mais pas totalement impossible, et techniquement des pistes ont été évoquées. Nous devons maintenant les creuser. Elles permettraient, sans mettre à contribution le pompiste, de jouer sur ces taux. S'ils sont fixés au niveau régional, on peut penser que l'effet de détournement serait modeste, si d'aventure il devait jouer. Il y a, paraît-il, une espèce de seuil qui ferait que les gens ne se déplacent pas. Tout cela n'est évidemment pas arrêté.

M. le Président - Nous devons être conscients qu'aujourd'hui, en dehors de la grande distribution et des stations-service d'autoroute, on ne doit pas distribuer beaucoup d'essence ailleurs.

M. Dominique BUR - L'idée pourrait être la suivante : supposons un transfert aux régions d'une partie de la TIPP et de la capacité de fixer, dans une certaine limite, un taux. L'une des pistes techniques évoquée consiste à délimiter un taux régional qui pourrait être applicable aux raffineries et aux dépôts. Actuellement, la TIPP est prélevée sur environ 300 d'entre eux alors que nous savons qu'il y a plusieurs milliers de stations. Or, il paraîtrait que l'on peut à la fois avoir un taux régional, qui pourrait éventuellement donner lieu à un prélèvement au niveau de la source selon le lieu de destination, et un taux national. Il faudra bien-sûr éviter les détournements de trafic, mais nous n'en sommes pour l'instant qu'au stade de la réflexion et de la recherche.

Terminons avec la péréquation, dont vous évoquiez, Monsieur le Président, les critères, et à propos de laquelle vous faisiez part de votre préoccupation. Nous savons très bien, et tous ceux qui participent aux travaux du Comité des finances locales le savent, qu'au-delà des dotations, de leur architecture et de leur caractère péréquateur, il y a un autre élément important, celui des critères. Et malheureusement, ces critères, à l'origine parfaitement clairs, simples et limpides, le principal d'entre eux étant le potentiel fiscal, sont actuellement de plus en plus contestés et contestables : une part importante de la taxe professionnelle est en effet sortie de la part salaire, ce qui se traduit par des compensations, et nous ajoutons maintenant, pour malgré tout garder l'équilibre, les compensations aux produits. Tout cela donne quelque chose d'assez étrange. Nous menons donc une réflexion centrée sur les critères, mais les alternatives sont en définitive assez peu nombreuses. Nous avons donc là une vraie difficulté.

Tous les critères physiques que l'on a pu expérimenter, je pense au logement, aux élèves ou à la voirie, produisent d'autres effets pervers, en raison notamment de leur énorme lourdeur de recensement. Ce sont en effet des critères spécifiques ne figurant pas dans les chiffres de l'INSEE, ce qui nous oblige à recenser chaque année des milliers d'informations pour répartir la DGF. Cela conduit malheureusement à un certain retard, que nous constatons année après année, dans la mesure où ce recensement est d'une lourdeur extrême. Nous sommes donc désireux de critères simples, qui traduisent bien la réalité de la richesse locale, mais qui tiennent également compte de la nécessité de répartir dans une période très courte, de façon à ce que les collectivités puissent connaître leur DGF avant le vote de leur budget.

M. le Président - Monsieur le Directeur général, je vous remercie. Nous savons que votre réflexion est en cours. Nous y mettons tous nos espoirs.

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