Audition de M.
Dominique BUR,
Directeur général des collectivités
locales
(9
octobre 2002)
M.
Jean ARTHUIS, président
- Mesdames et Messieurs les commissaires, la
séance est ouverte. Avant tout, je voudrais souhaiter la bienvenue
à Monsieur Dominique Bur, directeur général des
collectivités locales, qui a bien voulu répondre à notre
invitation.
Nous poursuivons aujourd'hui notre série d'auditions destinées
à apporter une contribution au débat sur la réforme de la
fiscalité locale, au moment même où le Gouvernement engage
une vaste réflexion sur la décentralisation et s'apprête
à approuver un projet de réforme constitutionnelle. Ce projet
comporte notamment des mesures fiscales et financières qui ont pour but
de fournir aux collectivités territoriales une part déterminante
de l'ensemble de leurs ressources.
Je vous suggère, Monsieur le Directeur, de vous exprimer lors d'un
propos liminaire sur un plan général à propos de cette
éventuelle réforme de la fiscalité locale. Ce n'est pas un
exercice facile : depuis une décennie, les seules réformes
ont en effet consisté à supprimer des impôts locaux et
à ajourner
sine die
la mise en oeuvre des bases
actualisées, accomplie au terme d'un effort sans précédent
au début des années quatre vingt dix pour le foncier et la taxe
d'habitation. Si vous le voulez bien, vous nous livrerez d'abord vos
réflexions. Chacun d'entre nous vous posera ensuite quelques questions
pour approfondir tel ou tel point de votre propos.
M. Dominique BUR, directeur général des collectivités
locales -
Monsieur le Président, monsieur le Rapporteur
général, mesdames et messieurs les Sénateurs, je voudrais
d'abord signaler qu'il y a eu un léger quiproquo sur l'objet même
de cette audition. Fort heureusement, tout a été rectifié
ce matin et j'ai donc eu le temps de mettre quelques idées sur le
papier. Je me permettrai donc de vous les présenter, avant de me tenir
à la disposition des membres de la commission pour échanger avec
eux au sujet de cette audition. Je vous fournirai ensuite par écrit les
éléments de réponse que vous avez souhaité recevoir
dans le cadre du questionnaire.
Monsieur le Président, sachez en premier lieu que vos
préoccupations de responsabilisation fiscale et d'autonomie
financière des collectivités territoriales, très
clairement exprimées dans ce questionnaire, se trouvent tout à
fait au coeur des préoccupations du Gouvernement. Vous avez
évoqué à l'instant l'évolution de ces
dernières années, qui n'a pas été favorable aux
finances locales, dans la mesure où une partie de la fiscalité
locale a été supprimée et transformée en
compensation. Cette évolution préoccupe le Gouvernement qui, bien
entendu, souhaite revenir dessus.
La révision constitutionnelle
Cette préoccupation commune s'exprime très directement dans le
projet de loi de révision constitutionnelle, notamment par un article
traitant des autonomies financière et fiscale des collectivités
territoriales. Ce projet de loi est actuellement en discussion au Conseil
d'Etat, où nous avons passé hier six heures de débat. Si
vous le permettez, je souhaiterais rappeler les principaux
éléments de cet article.
Son premier alinéa fait le lien entre la libre administration des
collectivités territoriales et leurs garanties de ressources libres
d'emploi.
Le deuxième précise que les collectivités territoriales
peuvent bénéficier d'impositions de toutes natures. La
rédaction est volontairement large, puisque cela peut couvrir leur
fiscalité directe comme indirecte ainsi que des impositions d'Etat qui
seraient transférées. Dans ce même alinéa, il y a
une indication importante qui porte sur la possibilité pour les
collectivités d'agir sur les taux, ce qui est déjà le cas,
mais aussi sur l'assiette, ce qui constitue un élément nouveau et
très intéressant.
Le troisième alinéa porte plus directement sur les recettes
fiscales et cherche à répondre à la préoccupation
que vous avez vous-mêmes exprimée. Il prévoit que les
recettes fiscales, additionnées aux recettes propres et aux dotations
que les collectivités peuvent recevoir d'autres collectivités,
doivent constituer une part prépondérante des recettes d'ensemble
des collectivités territoriales. Comme vous l'aurez remarqué, il
y a là un adjectif qui a déjà fait couler beaucoup
d'encre. Il figure encore dans le projet de texte, mais le Parlement aura
certainement l'occasion de lui consacrer de longues discussions.
Le quatrième alinéa constitutionnalise les dispositions sur la
compensation des transferts de compétence qui figuraient dans la loi. Il
prévoit que ces transferts doivent être compensés à
hauteur de ce que l'Etat y consacrait préalablement.
Le dernier alinéa, nouveau, porte sur la péréquation. Dans
sa réflexion sur la responsabilisation fiscale, le Gouvernement estime
en effet que la plus grande liberté fiscale qu'il compte donner aux
élus doit s'accompagner d'une péréquation. Il incombera
à la loi d'en définir les modalités, de façon
à garantir à chacun une certaine équité dans la
disposition de ses ressources.
Les thèmes de réflexion en cours
Le second point, qui pourra certainement donner lieu à des
échanges, porte sur des thèmes de réflexion en cours. La
direction générale des collectivités locales, à la
demande du précédent gouvernement, avait participé
à un travail que nous avions mené en commun. Ce travail s'est
traduit par un rapport sur les finances locales qui fait surtout un état
des lieux et dont vous avez peut-être déjà
évoqué les différents aspects.
1) Clarification du système fiscal local
Les réflexions en cours portent sur la clarification et la
lisibilité du système fiscal local. On critique en effet
très souvent le fait que les mêmes impôts soient
répartis sur plusieurs niveaux de collectivités. Cela ne permet
pas au citoyen contributeur de connaître la collectivité qui fixe
l'impôt et donc d'établir un lien entre elle et lui. La Commission
Mauroy avait à ce sujet préconisé un système
très simple, avec l'affectation d'un impôt à une
collectivité. Nous avons nous aussi réfléchi à ce
sujet.
Nous avons d'abord constaté que les évolutions
précédentes avaient elles-mêmes conduit à une
certaine simplification. D'abord par le simple fait que des impôts, par
exemple la taxe d'habitation régionale, aient disparu. Mais par le fait
aussi que la loi sur l'intercommunalité ait fait monter la taxe
professionnelle au niveau de l'intercommunalité. Je crois d'ailleurs que
2002 sera la première année où la taxe professionnelle
levée par l'intercommunalité sera supérieure à la
taxe levée par les communes. Il s'agit donc d'une évolution qui
aura, en seulement quelques années, sérieusement modifié
le paysage. On ne peut pas ne pas en tenir compte.
Le principe même de l'affectation d'un impôt par
collectivité, même s'il est intéressant en termes de
lisibilité et de clarté, nous paraît malgré tout
poser quelques difficultés. Lier son sort fiscal à une seule
matière fiscale peut créer des effets de surprises lorsque la
conjoncture se retourne. De plus, toute redistribution d'impôts en les
affectant par niveau de collectivité obligerait à créer
des fonds de reversement, de façon à ce que les excédents
compensent les déficits. Or, un tel dispositif ne contribuerait pas
à une meilleure responsabilité fiscale des élus puisque
ces fonds seraient des quasi-dotations. Tout cela nous a bien évidemment
fait réfléchir aux limites de cet exercice de clarification et de
lisibilité.
2) Avenir de la fiscalité directe locale
Notre second thème de réflexion porte sur l'avenir de la
fiscalité directe locale. Nous savons tous que ses bases sont
très anciennes et que les exercices de révision qui ont
été menés en 1990 n'ont pas abouti, et ce malgré
trois tentatives. Cette situation s'est traduite par le fait que l'Etat a pris
en charge une part croissante de cette fiscalité directe locale,
notamment pour des raisons d'équité, et nous craignons que son
évolution ne conduise à une espèce de dégradation
lente de ce système de fiscalité. Nous pensons donc qu'il n'y a
que deux solutions : soit la dégradation lente se poursuit, soit
nous réagissons et nous rénovons la fiscalité directe
locale. Il y a là une piste de travail. Une telle rénovation
pourrait porter sur plusieurs points.
J'ai déjà parlé de l'accroissement des capacités
des collectivités territoriales en matière de taux. Une
disposition élargissant la marge de manoeuvre figurera dans le projet de
loi de finances pour 2003 ; elle permettra d'assouplir les règles
de lien entre les taux de la taxe professionnelle et ceux de la taxe
d'habitation et des taxes ménages. C'est une indication d'orientation du
sens que le Gouvernement veut donner à son action.
La deuxième orientation concerne l'assiette. Il y a dans ce domaine une
piste que nous avons évoquée rapidement dans le rapport sur les
finances locales. Elle part du constat de la quasi-impossibilité de
procéder à une révision nationale, c'est-à-dire de
mettre à jour l'ensemble des bases comme on pouvait le concevoir en
1990. Nous nous demandons donc s'il ne faudrait pas procéder à
des révisions délocalisées, ou en tout cas s'il ne
faudrait pas donner aux collectivités territoriales la
possibilité d'y procéder elles-mêmes, bien
évidemment en liaison avec les services fiscaux et dans un cadre
fixé par la loi. Nous pourrions imaginer que ces révisions se
fassent, soit à un moment donné, soit dans la durée,
à l'occasion de chacune des mutations des biens. Sachez en tout cas que
l'idée d'une telle révision délocalisée a
été évoquée.
3) Transfert ou partage d'un impôt d'Etat
Le transfert ou le partage d'un impôt d'Etat est le troisième
thème de notre réflexion sur la fiscalité des
collectivités territoriales. Différentes hypothèses
peuvent être évoquées. Elles ont chacune leurs avantages et
leurs inconvénients. Je pense par exemple au partage d'un impôt
d'Etat : il ne permet bien évidemment pas de donner une
véritable responsabilité fiscale locale, puisqu'il consiste
à verser globalement aux collectivités, puis à le
répartir selon des critères, un morceau d'un impôt d'Etat.
Cette formule a toutefois l'avantage de lier malgré tout la masse
à répartir à l'impôt national, et si cet impôt
est évolutif, les collectivités territoriales peuvent elles aussi
en bénéficier. Ce sont des dispositifs qui existent ailleurs en
Europe, notamment en Allemagne, et ce même s'il est vrai qu'il existe
là-bas des instances de concertation qui permettent d'associer les
Länder
à ce partage. Il y a quand même là une
piste, même si elle ne correspond pas tout à fait à de la
responsabilité fiscale.
Quant au transfert, il s'accompagnerait à l'évidence d'un
transfert de responsabilité fiscale. Cet exercice est toutefois
extrêmement difficile, notamment en raison de la contrainte
exercée par Bruxelles. Je pense par exemple à la TVA, pour
laquelle la réglementation européenne oblige à un taux
uniforme au niveau national, ce qui ne permet pas de jouer par région.
Les Français accepteraient-ils d'ailleurs que des impôts de cette
nature soient variables en fonction des régions ? L'autre
impôt qui a souvent été évoqué, la taxe
intérieure sur les produits pétroliers (TIPP), pourrait mieux se
prêter à un exercice de ce type. Il y a de toute façon une
réflexion à mener en matière de perception, puisque la
TIPP est perçue dans certains endroits, et il faut voir comment on
pourrait la localiser. Nous y réfléchissons, tout en sachant que
l'on pourrait passer au travers de la réglementation européenne
puisqu'il faut seulement respecter un taux minimum en matière d'accises.
À partir du moment où ce taux est respecté, les
collectivités pourraient, dans le cadre de la circonscription, fixer
certains taux et aboutir à une véritable responsabilité
fiscale.
4) Instauration de fiscalités nouvelles
Dernier élément de cette réflexion, l'instauration de
fiscalités nouvelles, comme cela a pu être évoqué
dans différentes enceintes, notamment le Comité des finances
locales. Elles pourraient porter sur des assiettes évolutives
(énergie, télécommunications). Nous n'en sommes là
encore qu'au stade de la réflexion. Mais la question qui se pose, ou qui
se posera, est celle de la compatibilité d'une telle mesure avec la
volonté gouvernementale de réduire la part de l'impôt dans
le PIB et donc de ne pas créer de nouveaux impôts, même
s'ils sont destinés aux collectivités territoriales et à
la satisfaction des citoyens dans leur vie quotidienne.
Je reste bien évidemment à disposition de la Commission pour
répondre aux questions.
M. le Président
- Monsieur le Directeur général, je
voudrais saluer votre performance. Vous étiez venu pour répondre
à d'autres questions et, au pied levé, vous venez de brosser une
description quasiment exhaustive des problématiques de
l'évolution de la fiscalité territoriale. Soyez-en très
chaleureusement remercié. Je vais maintenant demander au rapporteur
général de réagir à vos propos. Je ne doute pas que
chaque commissaire aura ensuite le souci de vous interroger ou de vous faire
partager ses propres réflexions.
M. Philippe MARINI, rapporteur général
- Merci Monsieur le
Président. J'aurais en effet souhaité exprimer une
réaction et formuler une préoccupation.
Ma réaction sera celle d'une grande satisfaction vis-à-vis de
l'approche qui est celle du ministère de l'Intérieur, plus
précisément du ministre délégué
chargé des libertés locales et de la direction
générale des collectivités locales, face à ces
problèmes si complexes de réforme du système fiscal local.
Nous écoutons au cours de ces auditions beaucoup d'intervenants,
d'experts, de responsables d'autres services d'administration, et souvent, ce
qui semblerait résulter de ce qu'ils nous disent, c'est
l'impossibilité de faire bouger quelque paramètre que ce soit sur
ce tableau inextricable des finances locales. Or, si l'on vous écoute
bien, il semble que l'on soit déjà allé suffisamment loin
dans la réflexion pour définir ce que doit être le principe
d'autonomie financière et ce que peut être l'équilibre
entre transfert de charges et transfert de ressources.
Venons-en maintenant à ma préoccupation. Beaucoup de nos
collègues qui participent déjà aux réunions
régionales et départementales sur les finances locales et la
décentralisation, expriment des inquiétudes. Ils ont en effet le
sentiment que pour l'administration préfectorale et pour les services
déconcentrés de l'Etat, qui vont jouer un rôle important
dans l'animation des débats départementaux et régionaux,
il y a une espèce de recherche furtive ou quasi-souterraine de
transferts possibles de charges étatiques sur des budgets locaux. Je
pense que ces comportements, s'ils existent, sont complètement
erronés et contraires à la volonté politique du
Gouvernement. Je voudrais, Monsieur le Directeur général, que
vous puissiez nous donner votre appréciation sur ce point. J'ajouterais,
pour finir d'exposer cette préoccupation, que dans l'esprit de beaucoup
de collègues et de responsables de collectivités territoriales,
si la décentralisation ne correspondait pas à plus de pouvoir
financier et à un meilleur équilibre entre les charges et les
ressources, elle représenterait alors un exercice complètement
vain et complètement vide.
Le message que je voudrais transmettre est donc celui de l'absolue
nécessité d'entrer dans les problématiques
financière et fiscale et de ne pas en rester à des exposés
organiques ou institutionnels qui vont faire éclore toutes sortes
d'idées, vont faire s'exprimer beaucoup de besoins, vont conduire
à voir pousser plus de cent fleurs dont il faudra aussitôt couper
quatre-vingt-dix-neuf pieds.
M. le Président
- Monsieur le Directeur général,
voulez-vous réagir aux propos de M. le Rapporteur
général ?
M. Dominique BUR
-
Monsieur le Rapporteur général,
je voudrais d'abord vous remercier pour votre réaction. C'est toujours
une satisfaction d'entendre de tels propos.
Si j'ai bien compris, votre inquiétude porte sur les schémas de
transferts qui aboutiraient en quelque sorte à délester l'Etat
d'un certain nombre de ses charges de façon à les faire supporter
par les collectivités territoriales. Je crois pouvoir dire, puisque je
participe à ces travaux, que telle n'est pas la vision du Gouvernement,
et notamment du ministre, qui ne manquera pas de venir s'en expliquer devant
vous. Sa préoccupation est en effet la recherche d'un nouvel
équilibre des pouvoirs, et cela rejoint tout à fait ce que vous
évoquiez tout à l'heure. Le constat a été fait
d'une situation dans laquelle de nombreux rouages sont bloqués et dans
laquelle l'Etat est « ficelé » par un certain nombre
de compétences qui ne lui permettent pas d'exercer correctement ses
missions fondamentales. D'où la nécessité de revoir le
partage entre les pouvoirs de l'Etat et les responsabilités des
collectivités territoriales. C'est bien l'approche et la conception du
Gouvernement, à travers ce que le Premier ministre appelle cette
« nouvelle étape de la décentralisation ».
Bien évidemment, cette approche ne peut pas ne pas s'accompagner d'une
approche financière, surtout si l'ampleur de cette réforme se
traduit par de nouvelles charges pour les collectivités territoriales et
les élus. Le volet financier et fiscal sera donc particulièrement
important. Pour autant que je puisse le percevoir dans les travaux qui sont
menés, le Gouvernement en est parfaitement conscient. Ce sera donc un
des enjeux de la discussion qui va avoir lieu sur les lois de
décentralisation qui vont suivre la loi constitutionnelle.
M. le Président
- Merci, Monsieur le Directeur
général. Je vais maintenant donner la parole à M. Michel
Mercier, qui est rapporteur spécial des crédits de la
décentralisation.
M. Michel MERCIER
- Merci, Monsieur le Président. Je vais vous
livrer une observation et quelques réactions sur les propos tenus par M.
Bur. Je crois d'ailleurs que nous pouvons tous le féliciter et nous
féliciter.
Mon observation sera celle de l'urgence d'une réforme, compte tenu
notamment de la situation de blocage à laquelle nous a menés la
suppression d'un grand nombre d'impôts. Ces impôts ont
été remplacés par des dotations qui n'évoluent pas
tandis que les dépenses, elles, évoluent beaucoup. Je voudrais
à ce sujet prendre l'exemple des départements, qui se trouvent
dans des situations difficiles, et notamment de celui que je représente,
car je le connais mieux que les autres.
L'année prochaine, les crédits nécessaires à payer
l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) à ses 25.000
bénéficiaires devraient augmenter de 49 % par rapport
à cette année, pour atteindre 560 millions de francs. C'est un
peu lourd. Surtout que nous devons également financer le service
d'incendie et de secours ; or, les conséquences des mesures de
toutes natures contenues dans les 130 textes pris ces dernières
années vont se traduire l'année prochaine par une augmentation de
76 millions d'euros. Les deux réunis, nous arrivons à des
dépenses de plus d'un milliard de francs pour un seul
département, ce qui nous obligerait à augmenter les impôts
de 25 % : non seulement à cause des sommes en jeu, qui sont
très importantes, mais aussi parce qu'au fil des ans, on a
rigidifié le système fiscal local et qu'aujourd'hui, le seul
impôt sur lequel on a un peu de pouvoir lorsque l'on est élu local
est la taxe d'habitation. Et si l'on veut garder la même
répartition entre le contribuable de la taxe professionnelle et celui de
l'impôt ménage, il faut monter la taxe professionnelle à
des niveaux extrêmement lourds. Nous voilà donc dans un
système de blocage complet : à vouloir augmenter de
25 % les impôts après l'avoir fait de 15 %
l'année dernière, on se rendra vite compte que la
décentralisation n'a pas, dans l'esprit du contribuable, un avenir
complètement dégagé.
D'autre part, si l'on comprend bien ce que vous nous avez annoncé dans
le cadre de cette loi constitutionnelle que nous attendions depuis si
longtemps, on voit clairement qu'il y aura des choses
« ficelées ». Une fois la Constitution
modifiée, on ne pourra en effet plus faire n'importe quoi. Cette loi me
semble donc plus importante qu'on ne le dit et je pense qu'elle va aiguiller la
réforme fiscale. Si, encore une fois, j'ai bien compris le sens de votre
exposé, alors la Constitution prévoira que les
collectivités territoriales pourront également agir sur la
détermination de l'assiette de l'impôt et non plus seulement sur
les taux. Il est bien évident que dès lors que l'on va permettre
à une collectivité, probablement la commune car c'est elle la
plus proche, de déterminer l'assiette de l'impôt, donc de revoir
ses bases, on sera obligé de lui affecter ledit impôt. Je vois en
effet mal comment, au niveau régional ou départemental, on
pourrait avoir des assiettes modifiées dans un coin mais pas dans un
autre. Un tel fait serait porteur d'une inégalité grave entre les
contribuables. Cette disposition constitutionnelle signifie donc que l'on donne
un pouvoir au maire, et je pense qu'il s'agit de la seule solution pour
réviser les bases ; elle signifie également que cet
impôt deviendra presque strictement communal et qu'on ne pourra
guère l'utiliser à grande hauteur dans les autres
collectivités. Il y aura en effet d'importantes inégalités
entre les contribuables, suivant que la commune aura décidé ou
non de réviser les bases.
Vous nous avez ensuite parlé de la péréquation, un sujet
très important dont on discute tout le temps. Sauf que l'on n'en discute
jamais globalement et complètement ! Il ne faut pas seulement
regarder les recettes, il faut aussi regarder les dépenses. Or, toute
bonne péréquation doit aussi tenir compte des charges d'une
collectivité. On ne peut avoir une collectivité qui n'a point de
ressources, cela serait extrêmement ennuyeux. Ce le serait toutefois
beaucoup moins si elle n'a point de dépenses non plus.
Dernière remarque : dès lors que la Constitution
prévoira qu'il y a une part déterminante des ressources propres
dans le total des ressources des collectivités territoriales, les
dotations d'Etat diminueront forcément. Et l'on ne peut faire diminuer
les dotations d'Etat qu'en transférant un impôt. Sinon, les
collectivités territoriales seraient quelque part
« volées ». Cela veut dire qu'une fois l'impôt
transféré, la dotation diminue, jusque-là nous sommes
d'accord, mais aussi que la péréquation ne peut plus se faire sur
les dotations de l'Etat, mais au moins en partie sur les ressources fiscales,
ce qui est tout à fait nouveau. Notre Commission a en effet toujours
affirmé qu'il appartenait à l'Etat, plutôt qu'aux
collectivités, d'assurer la péréquation. Je ne suis
cependant pas contre une telle mesure, mais pouvez-vous aller un peu plus loin
sur ces divers points dans vos explications ? Je vous en remercie.
M. le Président
- Monsieur le Directeur général,
compte tenu de sa qualité de Rapporteur spécial, je vous
suggère de répondre maintenant à M. Michel
Mercier. Nous donnerons ensuite la parole aux autres commissaires et vous
répondrez globalement.
M. Dominique BUR -
Oui,
Monsieur le Président. Monsieur le
Rapporteur spécial, la situation que vous évoquez, qui est celle
des départements mais pas uniquement, nous est bien connue et nous
l'évoquons régulièrement. Personne ne peut nier que nous
avons là une situation classique de « ciseaux »,
avec d'un côté des suppressions d'impôts (notamment de la
vignette) et de l'autre l'apparition de charges nouvelles qui se sont
révélées supérieures à ce qui a pu
être évoqué dans un premier temps. Il est vrai que cette
situation a conduit à des évolutions fiscales lourdes dans
certains départements en 2002.
Nous avons regardé très attentivement les évolutions et
nous avons constaté que des départements ont été
amenés à des évolutions de fiscalité
supérieures à 10 %. Dans certains cas, cette
évolution de fiscalité a même été
supérieure à 20 % ! Je crois d'ailleurs que vous
évoquiez pour 2003 des perspectives encore plus fortes. Vous rejoignez
en cela la problématique générale que l'on évoquait
tout à l'heure, qui consiste à réfléchir à
ce que les collectivités puissent prendre en charge les dépenses
que leur a confiées la loi, mais avec des marges de manoeuvre de
façon à être capable de s'adapter à chacune des
situations et de ne plus s'appuyer uniquement sur les dotations. Mais encore
une fois, cet exercice est complexe et difficile, une réflexion est en
cours, et je ne peux donc pas aller plus loin s'agissant des
départements.
Quant au cas très particulier de l'APA, sachez que le Gouvernement y a
déjà songé puisqu'un travail est en cours avec
l'Assemblée des départements de France et le ministère des
Affaires sociales. Il a pour but de faire un point très précis
sur la situation et de voir s'il ne faudrait pas prendre de nouvelles mesures,
quitte à devoir solliciter le législateur, l'objectif
étant d'encadrer une dépense qui, je ne le cache pas, est
allée très au-delà de ce qui avait initialement
été envisagé.
L'autre sujet très important que vous avez évoqué est
celui de la péréquation. Comme je l'indiquais tout à
l'heure, je crois que la péréquation est le pendant de la
liberté. La liberté financière et fiscale qui est
recherchée par le Gouvernement doit aussi s'accompagner, au nom du
principe de solidarité nationale, d'un lissage des
inégalités. Il faut en effet faire en sorte que les
différences et les inégalités en matière de
ressources, d'assiettes et de bases fiscales, qui sont la réalité
de la situation économique des différentes collectivités,
ne soient pas excessives. Il nous incombera notamment d'éviter que ces
inégalités n'aboutissent à une espèce de rupture
entre, d'une part, les collectivités très riches et, d'autre
part, celles qui ont beaucoup plus de mal à faire face aux charges
élémentaires de fonctionnement des services publics que leurs
citoyens sont en droit d'attendre. Nous avons en effet dans notre pays un
principe d'égalité, régulièrement rappelé
par le Conseil constitutionnel, qui fait que les citoyens sont en droit
d'attendre une certaine égalité dans l'accès aux services
publics. Le principe de péréquation sera donc inscrit, si le
Parlement l'adopte, dans l'article du projet de révision
constitutionnelle que j'évoquais tout à l'heure. Mais ce sera
bien évidemment à la loi de le mettre en oeuvre selon les
modalités qu'il envisagera. Il ne s'agit pourtant pas d'un principe
abstrait, mais la Constitution reste à un tel niveau de
généralités que le législateur devra
forcément intervenir.
Comme vous le rappeliez tout à l'heure, il peut y avoir deux grandes
branches dans la péréquation. Celle-ci tente traditionnellement
de se faire au travers des dotations de l'Etat, dont certaines études
ont montré qu'environ 30 % étaient fondées sur des
critères de péréquation. Contrairement à ce qu'on a
pu penser, parce qu'à un certain moment on évoquait des chiffres
très faibles de l'ordre de 5 à 6 %, l'étude
exhaustive à laquelle nous avons procédé
révèle donc qu'environ un tiers des dotations est assis sur des
critères de péréquation. Ces critères peuvent bien
évidemment être insuffisants et donnent lieu à une
péréquation faible. Mais nous avons par ailleurs
commandité une autre étude qui montre que les
éléments de péréquation, je pense notamment
à la dotation globale de fonctionnement (DGF), ne sont pas du tout
négligeables, y compris, et assez curieusement d'ailleurs, pour la
dotation forfaitaire.
D'un autre côté, je pense que nous pouvons dire, et les
élus que vous êtes ne me démentiront pas, que votre souci
est aussi de bénéficier de dotations relativement stables et en
évolution chaque année. Je dirais qu'un exécutif d'une
collectivité a besoin, pour prévoir son budget de l'année
suivante et pour mettre en oeuvre ses projets, de ne pas avoir de dotations qui
montent ou qui descendent d'une année sur l'autre sans perspectives de
prévisions. Par conséquent, le souhait qui est souvent
exprimé par les élus est celui de bénéficier d'une
dotation que la collectivité peut prévoir l'année suivante.
Vous voyez donc bien que les deux termes peuvent être contradictoires.
Car qui dit péréquation, dit utilisation de critères qui
créent des différences ; par conséquent, pour donner
plus aux uns, il faut parfois réduire ou stabiliser les autres. Les deux
objectifs que j'évoquais peuvent donc parfois être difficiles
à atteindre en même temps, sauf si bien sûr l'accroissement
des dotations dépasse les 5 ou 10 %. Ce n'est malheureusement pas
dans l'air du temps.
La difficulté de cet exercice me conduit à la deuxième
branche que vous évoquiez tout à l'heure, qui est de dire que la
péréquation sur les dotations n'est peut-être pas
suffisante, et je m'interroge sur le fait qu'il faille peut-être utiliser
l'autre instrument que vous mentionniez, l'instrument fiscal, pour aussi
pratiquer une certaine péréquation. Cette
péréquation existe déjà de fait, au travers de
certains fonds que vous connaissez bien, notamment les fonds
départementaux de la taxe professionnelle ou le fonds de
solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) (assis
sur le potentiel fiscal ou la taxe professionnelle). La question sur laquelle,
encore une fois, je ne tiens pas à me prononcer, peut se poser de savoir
si l'accroissement de la liberté fiscale ne doit pas avoir comme pendant
des mécanismes de péréquation, élargis,
au-delà des fonds départementaux, à des fonds
régionaux ou à un fonds national.
M. le Président
- Vaste sujet qui a fait naître des
métiers. Il fut un temps où les préfets et les
trésoriers payeurs généraux pouvaient répondre aux
interrogations des élus territoriaux. Maintenant, on a recours à
des cabinets extérieurs pour procéder à
l'interprétation des textes législatifs et réglementaires.
M. Dominique BUR
-
Monsieur le Président, les élus
sont en ce domaine parfois meilleurs que les préfets.
M. le Président
- Je donne maintenant la parole à M.
François Marc.
M. François MARC
- Merci, Monsieur le Président. Je
voudrais revenir un instant sur la fiscalité territoriale et ce qui a
été dit à ce sujet.
En ce qui concerne les faiblesses et les insuffisances, qui petit à
petit ont été révélées, des dispositifs de
fiscalité locale, vous avez vous-même remarqué, Monsieur le
Directeur, que c'est l'Etat qui a été amené à
opérer, à l'aide d'un certain nombre de compensations, de
dégrèvements et d'autres mécanismes régulateurs,
les adaptations nécessaires. À tel point qu'aujourd'hui, pour
certains impôts locaux, il y a la moitié des contribuables qui
bénéficient de dispositions particulières mises en oeuvre
à l'échelle nationale. Ceci me conduit à vous poser deux
questions.
La première est une question de principe. À l'heure où
l'on parle d'autonomie et de liberté, en quoi les mécanismes que
vous avez suggérés pour faire évoluer la fiscalité
locale apporteront-ils une modification au fait que c'était
traditionnellement l'Etat qui mettait en place des mécanismes
correcteurs ? En quoi l'initiative locale pourrait mettre en place ces
corrections ? Je n'ai pas senti, dans les suggestions qui ont
été faites, qu'il s'agisse de la TIPP ou des mécanismes
sur les compensations ou les partages d'impôt, que les initiatives
allaient devenir locales et qu'elles permettraient de corriger les
insuffisances du dispositif actuel. Je le répète, il s'agit d'une
question de principe. Y aurait-il, dans votre esprit, une originalité
particulière sur la capacité d'initiative locale que nous
n'aurions pas saisie ?
La deuxième question est plus politique. Elle concerne les transferts de
charges et,
in fine
, les transferts de fiscalité. M. le
Rapporteur général nous a dit tout à l'heure que dans son
esprit, il n'était pas du tout dans les intentions du Gouvernement de
faire intervenir ces transferts. Je suis donc allé aux sources
immédiatement et j'ai sous les yeux la déclaration de
M. Devedjian que je vous cite : «
Dès lors qu'une
compétence exercée par l'Etat et financée par
l'impôt national est confiée à une collectivité
locale, il est normal qu'elle soit financée par la fiscalité
locale
». Voilà donc très clairement
exprimée l'intention du ministre : elle va tout à fait
à l'encontre de ce que nous a dit Monsieur le Rapporteur
général. Je m'interroge donc à ce sujet, et ce sera
l'objet de ma deuxième question : dès lors que l'on admet en
préambule que la fiscalité locale comporte beaucoup d'injustices
et d'insuffisances, est-il juste de transférer de la fiscalité
nationale, par exemple l'impôt sur le revenu dont le barème est
progressif, sur de la fiscalité locale, dont nous savons pertinemment
qu'elle est injuste et son dispositif en vigueur loin d'être
satisfaisant ? J'en veux d'ailleurs pour preuve le fait que depuis de
nombreuses années, tout le monde se demande comment le corriger.
M. le Président
- Je vous remercie. La parole est à
M. Michel Sergent.
M. Michel SERGENT
- Merci, Monsieur le Président. Pour aller dans
le sens de ce qui a déjà été dit, je voudrais
remercier Monsieur le Directeur général des collectivités
locales pour avoir, dans un premier temps, rappelé les principes de
l'article 7 de la révision constitutionnelle concernant les
collectivités territoriales et la décentralisation, tant il est
vrai que les deux sont particulièrement liés. Personne ne peut
aujourd'hui le nier. Avoir une clarification est aujourd'hui
indispensable : il me semble qu'elle devrait d'abord commencer par le fait
que l'Etat réindique bien quels sont ses domaines d'intervention, et
notamment ses champs régaliens qu'il ne devrait en aucun cas abandonner
avant d'aller vers plus de décentralisation. Dans cette première
partie, je verrais aussi une correction d'une erreur que nous avons faite les
années précédentes concernant les services d'incendie et
de secours : après tout, que la loi du 3 mai 1996, aussi bien que
la révision de 1999, ait été détestable pour tous,
nous pouvons le reconnaître. Par conséquent, je pense que la
sécurité est un champ qui devrait revenir totalement dans le
domaine de l'Etat.
Concernant maintenant la refonte du financement des collectivités
territoriales, vous avez tracé un certain nombre de pistes dans
lesquelles je ne trouve nulle trace de justice sociale.
Et quant à la répartition locale d'un impôt d'Etat, je dois
vous dire que l'on a du mal à saisir duquel vous voulez parler. Nous
restons donc sur notre faim.
Pour conclure mon intervention, je dois vous confier avoir le sentiment que
quels qu'aient pu être les gouvernements en place, la volonté a
toujours été d'alourdir la charge des collectivités
territoriales par rapport à celle de l'Etat. Quelle est donc votre
meilleure piste pour mettre fin à cet état de fait ?
M. le Président
- Merci. M. Joël Bourdin, vous avez la
parole.
M. Joël BOURDIN
- Merci, Monsieur le Président. Je voudrais
juste faire part de mon souci concernant un grand principe, avec le rendement
et l'équité, qui est le principe de péréquation.
Il semble en effet qu'ait été étudiée la
possibilité de donner aux collectivités territoriales le loisir
de réviser leurs bases. Cela me paraît être un
élément gênant pour la péréquation. Je
souhaiterais donc que l'on fasse attention, dans les réflexions que l'on
mène et dans les décisions que nous pourrions avoir à
prendre pour régler tel ou tel problème, à ne pas
introduire de distorsions qui mettraient en cause l'équité
nationale.
M. le Président
- Je vous remercie. La parole est à
M. Yves Fréville.
M. Yves FRÉVILLE
- Merci, Monsieur le Président. Beaucoup
de choses ayant déjà été dites, je vais prendre une
autre clé de lecture, la clé fiscale, et voir quelles sont les
différentes ressources que l'on peut avoir. On peut imposer les
ménages, les entreprises et l'on peut donner des dotations aux
collectivités territoriales, l'ensemble devant être
cohérent et répondre aux critères qu'a excellemment
rappelés notre collègue Bourdin.
Commençons par l'impôt sur les ménages. Il n'y a en tout et
pour tout que deux solutions : soit la mise en place d'un impôt sur
le revenu, mais alors il n'aurait pas fallu créer de contribution
sociale généralisée, soit la mise en place d'impôts,
types taxe d'habitation ou foncier bâti, reposant sur la
propriété. Et nous ne sommes pas parvenu à faire de
révision. Or, et je partage là tout à fait l'avis de
Joël Bourdin, si nous laissons faire des révisions à
l'échelon local, il n'y aura plus de péréquation possible.
Ou alors nous ferons la péréquation selon d'autres
critères, le revenu par exemple, mais l'ensemble ne sera plus
cohérent. Nous ne pourrons plus étendre au niveau
départemental ou régional un impôt sur la
propriété assis à l'échelon local.
M. le Président
- Incontestablement.
M. Yves FRÉVILLE
- Je suis donc très inquiet. Je vois
très bien l'intérêt de faire une réforme de
l'assiette si elle sert à créer des taxes sur les chiens. Je n'en
vois en revanche pas l'intérêt si nous ne parvenons pas à
en faire un ensemble cohérent sur le plan national, ou alors cela
coûtera extrêmement cher : il ne faut pas croire que lever
l'assiette ne coûte rien. Or, je ne pense pas que les communes en aient
les moyens.
Passons maintenant à l'impôt sur les entreprises. La question
posée actuellement me semble être la suivante : voulons-nous
oui ou non conserver un impôt sur les entreprises ? La taxe
professionnelle a perdu avec la taxe sur les salaires l'un de ses deux piliers,
il ne lui reste dorénavant plus que la part sur les outillages, qui
freine l'investissement. Est-ce que nous voulons conserver cela ? Je ne le
pense personnellement pas et je crois même que si nous ne refondons pas
la taxe professionnelle sur des bases plus modernes, valeur ajoutée ou
autre, elle disparaîtra.
Restent naturellement les dotations de l'Etat. La question que je me pose, en
dehors des interrogations très légitimes de Michel Mercier sur le
sens de la péréquation, et je pense comme lui qu'il faut
procéder à une péréquation des ressources et des
besoins, est de savoir ce que signifient
« déterminant » et « par catégorie
de collectivités ». Faire une part déterminante
obligera en effet à élever la part des ressources fiscales et des
autres ressources propres dans les collectivités les plus riches
à des taux considérables, de l'ordre de 60 à 70 %. Je
ne suis pas du tout sûr que cela soit possible dans la situation
actuelle !
Je voudrais donc d'abord voir nettement ce que l'on veut comme impôt.
Après, et seulement après, nous pourrons construire des
réformes.
M. le Président
- Merci. La parole est maintenant à M.
Jacques Oudin.
M. Jacques OUDIN
- Merci, Monsieur le Président. J'essaierai
d'être rapide car tout a été très bien dit
auparavant.
Simplement, inscrire le principe d'autonomie fiscale dans la Constitution
n'implique-t-il pas d'instituer un système d'observation destiné
à vérifier de façon permanente que les équilibres
existent ? J'avais déposé, il y a de cela quelques mois, une
proposition de loi tendant à donner au Comité des finances
locales un statut d'autonomie plus fort. Je n'avais à l'époque eu
aucun écho à ce sujet : pouvez-vous me dire si elle est
encore dans l'air du temps ?
Autre point : nous sommes maintenant dans un contexte financier lourd avec
la loi organique du 1
er
août 2001, qui impose que toute action
engagée soit évaluée. Les techniques d'évaluation
sont pourtant complexes, difficiles... Mais peu importe ! Je voulais juste
faire remarquer que nous avons maintenant un contexte un peu nouveau. Nous
venons en effet de procéder à des opérations de
décentralisation, je pense notamment à celle, excellente,
concernant les lycées et les collèges, dont nous n'avons pu
atteindre les objectifs qu'en augmentant massivement les fiscalités
locale et régionale. Le contexte actuel, avec des
prélèvements obligatoires ayant atteint un très haut
niveau, nous en empêche. Or, si nous transférons des obligations,
il nous faudra en évaluer les modalités de financement. Cela me
paraît logique. Et en considérant les finances de l'Etat, environ
250 milliards de francs de déficit du budget de l'Etat, autant pour le
déficit cumulé, les dettes de la Sécurité sociale
ou celles de la SNCF, je ne vois vraiment pas où nous pourrons trouver
de l'argent pour le transférer. Alors si je dis oui au principe de la
décentralisation et oui aussi au principe d'autonomie, je voudrais tout
de même savoir selon quelles modalités va se développer
l'évaluation financière du dispositif. Il est en effet temps de
rassurer les élus, enthousiastes sur la décentralisation mais
craintifs sur ses conséquences financières.
M. le Président
- Merci. La parole est maintenant à
M. Paul Girod.
M. Paul GIROD
- Merci, Monsieur le Président. Je crois que le
débat dans lequel nous sommes est pollué par deux
phénomènes.
Le premier est lié à ce qui a été l'erreur de
fondre une loi sur un règlement de base. Cette loi n'a jamais
été appliquée parce qu'elle avait un défaut et un
seul : celui d'avoir traité le logement social par la voie du
slogan au lieu de s'occuper de ce qu'était réellement le logement
des gens. Je m'en souviens très bien, j'étais moi-même
rapporteur du texte au sein de la commission de l'époque et nous avions
fait un précédent constitutionnel en concluant un accord partiel
en commission mixte paritaire : nous nous étions mis d'accord sur
90 % du texte et nous avions pris l'engagement de refaire signer cette
partie par l'Assemblée. Ce point précis aboutissait à ce
que le logement social de fait soit surtaxé par rapport au logement
social officiel sur lequel voulaient se pencher les autorités de
l'époque. Le résultat est que nous n'avons rien appliqué
et que tout le monde se retrouve dorénavant devant des bases tellement
obsolètes, tellement vieilles et tellement ridicules que plus personne
ne veut y toucher à l'échelon national. Et transférer
cette question à l'échelon local me paraît être la
pire des idées.
La seconde pollution est constituée par une partie du volet social dont
a parlé tout à l'heure Michel Mercier. Par exemple, la prestation
spécifique dépendance (PSD) représentait à son
lancement une mesure sociale puisqu'elle était accompagnée d'un
certain nombre de freins et de contrôles. Mais elle a été
tellement généralisée qu'elle est devenue un
véritable risque social. Ce n'est donc certainement plus à un
impôt local d'y faire face, et ce d'autant plus que la population
concernée a tendance à se concentrer dans un certain nombre de
régions qu'elle a elle-même ciblées.
Je crois par conséquent que nous serions beaucoup plus à l'aise
pour entrer dans le champ d'une révision assez générale du
système des rapports entre l'Etat et les collectivités
territoriales si nous parvenions à lever ces deux obstacles. Aucun
d'entre nous ne parle sans avoir à l'esprit et l'un, et l'autre. Je
pense donc qu'une bonne méthode commencerait déjà par
remettre en place la réalité de ces deux domaines, la
révision des valeurs locatives et la remise en ordre d'une certaine
doctrine : qui doit payer et pourquoi ?
M. le Président
- Je vous remercie. En l'absence d'autres
demandes d'intervention, je vais à ce stade vous livrer mes propres
observations et suggérer mes interrogations.
Je crois d'abord, Monsieur le Directeur général, que tous ceux
qui se sont exprimés manifestent une grande volonté d'aller de
l'avant. Dans le même temps, ils témoignent de leur très
grande perplexité à propos des voies et moyens à utiliser
pour atteindre notre objectif.
Je vous ai bien entendu à propos des troisième et
cinquième alinéas de l'article 6 du projet de réforme
constitutionnelle. Je voudrais être sûr qu'il n'y a pas de
contradiction entre le troisième, qui affirme que « les
recettes fiscales, les autres ressources propres des collectivités et
les dotations qu'elles reçoivent d'autres collectivités
territoriales représentent une part déterminante de leurs
ressources » et le dernier, aux termes duquel « les
inégalités de ressources peuvent être corrigées,
notamment par la mise en oeuvre de mécanismes de
péréquation ». Est-ce à dire que les
péréquations entreraient dans les ressources propres des
collectivités territoriales afin de leur donner une part
déterminante de ce que nous pourrions appeler une autonomie
financière ?
Autre point, les impôts que l'on pourrait maintenir. J'avoue à ce
sujet avoir personnellement peine à croire que la valeur ajoutée
des entreprises soit encore d'actualité. Qui va oser taxer les salaires
au moment où chacun s'interroge sur les principes de
compétitivité et d'attractivité ? Hier, la taxe
professionnelle pesait à peu près à 3 % sur les
salaires. Elle a été supprimée. Qui donc envisage
maintenant de remettre une taxe sur les salaires ? Selon moi, c'est une
impasse !
De même, comment appréhender la valeur ajoutée autrement
qu'à travers les salaires et une quotité des
investissements ? Très franchement, je ne vois pas. Sauf à
encourager encore un peu plus certaines délocalisations. Je ne suis donc
pas du tout sûr que la voie qui consiste à imposer les entreprises
soit une voie d'avenir. Ayant dit cela, avec les contraintes que cela peut
créer dans l'agrément de la vie locale, y aura-t-il encore des
communes pour accueillir les entreprises ? J'ai bien conscience que je ne
résous pas le problème en posant cette question...
Vous avez d'autre part évoqué, Monsieur le Directeur
général, la TIPP. A ce stade, avez-vous réfléchi
aux modalités de mise en oeuvre de votre projet ? Chaque pompiste
aura-t-il en charge demain le paiement d'une taxe dont le taux serait
fixé par la collectivité locale ? Est-ce faisable ?
Est-ce praticable ? N'y a-t-il pas des risques, comme pour la vignette,
d'assister à des politiques d'attractivité qui consisteraient
à baisser largement les taux de TIPP, un peu comme le Luxembourg qui
assure l'approvisionnement en essence d'une partie de la Lorraine. Avez-vous
donc testé la faisabilité de cette opération ?
Concernant maintenant les assiettes, aussi longtemps que les taux
s'appliqueront aux mêmes assiettes aux plans régional,
départemental et communal, je ne vois pas comment on pourra prendre des
initiatives.
Et pour ce qui concerne la péréquation, avez-vous d'autres
critères que le potentiel, la richesse, ou encore l'effort fiscal ?
À cet égard, je voudrais d'ailleurs signaler qu'il y a des
situations très contrastées : il arrive que des maires se
plaignent de ne pas avoir de ressources, alors qu'à la
vérité, ils ne font aucun effort ! Et les taux sont
complètement dérisoires... Peut-on prendre appui sur de telles
apparences de pauvreté alors que manifestement, les élus ne font
rien pour solliciter la contribution des contribuables ? Toujours à
propos de cette péréquation, peut-on alors imaginer d'autres
paramètres que ceux que nous utilisons actuellement et qui sont
liés à l'effort ou au potentiel fiscal ?
J'arrête là mon propos et je vous remercie d'avance, Monsieur le
Directeur général, des réponses que vous voudrez bien y
apporter.
M. Dominique BUR -
Monsieur le Président, les questions ont
été nombreuses et diverses, mais je vais essayer d'y
répondre. N'hésitez pas à me reprendre si, d'aventure,
j'oubliais un point.
Un premier sujet a été traité par plusieurs membres de la
Commission, il s'agit de la situation, de la révision et de l'avenir de
la fiscalité directe locale. Je souhaite sur ce point reprendre pour la
taxe d'habitation ce que disait M. Fréville concernant la taxe
professionnelle : si nous ne faisons rien, c'est la mort lente. M.
Fréville l'a dit pour la taxe professionnelle, mais ceci vaut tout
autant pour la taxe d'habitation et les taxes foncières. Non seulement
ces valeurs sont très anciennes, mais elles ont également, et
nous l'oublions bien souvent, un double effet pervers : elles ne
correspondent plus à la différence de richesse entre
contribuables, en tout cas pour asseoir l'impôt, et elles conduisent
à des répartitions erronées des dotations de l'Etat,
auxquelles elles servent. Cela, il faut le dire et le redire ! Il me
semble donc que si nous voulons vraiment conserver cette fiscalité, nous
devons réfléchir à sa modernisation.
Nos voies peuvent à ce sujet être divergentes. M. Marc a
abordé tout à l'heure les modalités selon lesquelles il
est possible d'agir, et je reconnais qu'il y a une grosse interrogation,
partagée par vous-même Monsieur le Président ainsi que par
les membres de la commission, au sujet de l'assiette et de son évolution
localisée. Mais encore une fois, et M. Girod le sait bien, la
révision nationale de 1990 a malheureusement échoué. Trois
gouvernements s'y sont pourtant essayés ! Pouvons-nous donc encore
penser utiliser cette révision, qui existe toujours puisque ses chiffres
sont soigneusement conservés dans les ordinateurs du ministère de
l'Economie et des Finances, pour espérer procéder à cette
révision ? Ne vaudrait-il pas mieux réfléchir
à une autre façon de procéder ? Je n'en nie pas les
inconvénients, qui sont, tel le risque de rupture
d'égalité, particulièrement réels, mais ne peut-on
tout de même pas envisager une réforme sur des
périmètres comme la commune, le département ou la
région ? J'ai personnellement le sentiment qu'il nous faut aller
plus loin dans cette idée, car je ne vois malheureusement pas d'autres
alternatives à la modernisation. Sauf à changer l'assiette. Cela
a été évoqué, à travers le revenu ou la
valeur ajoutée, mais vous avez vous-même, Monsieur le
Président, fermé cette porte.
M. le Président
- C'est-à-dire que je ne vois pas comment
pourrait être localisée la valeur ajoutée, sur le
territoire et dans les groupes.
Profitons-en pour revenir au thème de l'actualisation. Les gouvernements
ont été mis en difficulté parce qu'à l'occasion
d'un texte dont je ne me rappelle plus la nature, un amendement a
été apporté pour alléger l'évaluation des
taxes d'habitation et du foncier bâti dans les résidences de type
HLM. Et cela a rendu pratiquement impossible l'application des nouvelles bases.
En effet, lorsque vous avez dans une commune 30 à 40 % de logements
HLM, vous écrasez les contribuables qui n'y résident pas.
Peut-être que l'on pourrait réviser cette disposition et revenir
à la matrice antérieure. Avons-nous une alternative aux travaux
qui ont été faits au début des années 1990 ?
Je ne le crois pas. Tout le reste consiste à imaginer que le Père
Noël va trouver la formule magique ! Je pense donc que la
première disposition, si l'on valide les bases du foncier et de la taxe
d'habitation, serait de reprendre collectivement ces travaux, qui mettaient un
terme à des injustices évidentes, et d'avoir le courage d'en
appliquer les mesures. Sinon, nous ne nous en sortirons pas.
M. Paul GIROD
- Si vous me permettez une réflexion
complémentaire, le drame se joue dans les communes où il y a
d'une part beaucoup de HLM, et d'autre part des logements encore plus modestes.
M. le Président
- Pour ceux qui ne logent pas en HLM, la
situation est d'ailleurs catastrophique. Même M. Brard, à
l'Assemblée nationale, était très réservé
à propos de cette réforme. Dans la commune dont il est maire, il
y a 70 % de HLM.
On ne peut tout simplement pas appliquer cette disposition. Alors est-ce que
ceux qui avaient voté à l'époque cet amendement sont
prêts à y renoncer ?
M. Michel SERGENT
- Monsieur le Président, il y a certes une
répartition à l'intérieur de la taxe d'habitation, mais
les ressources en elles-mêmes restent les mêmes.
M. le Président
- C'est un impôt de répartition. Il
s'agit de savoir comment on répartit entre les différents
contribuables. Je pense que l'avenir est à un impôt payé
par le citoyen, et non par l'entreprise. L'entreprise est une fiction.
Progressivement vous chassez les entreprises et vous les obligez à aller
s'implanter en dehors du territoire communal ou national. Quel est donc le
pacte que l'on peut refonder entre celui qui perçoit l'impôt et le
citoyen ?
M. Yves FRÉVILLE
- Il y a de plus une difficulté
technique : toute la révision reposait sur la connaissance des
loyers. Et nous connaissions les loyers par le droit au bail. Or, le droit au
bail a été supprimé...
M. le Président
- Monsieur le Directeur général,
pardonnez ces interruptions. Mais ce sujet nous passionne.
M. Dominique BUR
- Je comprends. Nous sommes tous quelque peu perplexes
devant la situation et ses voies de sortie. Mais j'ai une piste. Il s'agit d'un
impôt de répartition, et par conséquent on utilise le cadre
communal, départemental ou régional. Or, la problématique
que vous évoquez est celle de la proportion, plus importante dans
certaines collectivités que dans d'autres, de contribuables modestes qui
ne peuvent pas supporter l'impôt. Ne peut-on donc pas imaginer, à
la limite, que la réponse soit du côté de la
péréquation assurée par l'Etat, avec les sommes qu'il
consacrait antérieurement au niveau national à cette
compensation ? Et c'est peut-être cette compensation qui à ce
moment-là devrait être redistribuée différemment.
M. le Président
- Le problème réside dans le fait
que par le passé, l'Etat a voulu avoir de beaux gestes pour le
contribuable. Il s'est servi pour cela de la fiscalité locale.
Globalement, les gouvernements, au fil des alternances, ont voulu donner
satisfaction aux contribuables en se servant des impôts locaux. Et
plutôt que de les réformer, ils les ont supprimés.
Résultat, nous le constatons aujourd'hui, nous sommes au pied du mur.
Est-ce que les mesures d'exonération relèvent de la
compétence de l'Etat ou de celle des collectivités
territoriales ?
M. Dominique BUR
- Dans la perspective d'accroître la
liberté locale en matière de fiscalité, j'évoquais
l'assiette. Il y a débat et nous le voyons bien. J'évoquais
ensuite les taux, et vous allez en discuter lors du projet de loi de finances.
Il y a enfin cette possibilité indirecte de toucher à l'assiette
à travers l'exonération. Le problème étant
qu'actuellement, une partie des exonérations est compensée par
l'Etat. Or, on peut penser que les contraintes, qui s'imposent au niveau
européen au budget de l'Etat, empêchent d'ouvrir cette voie dans
les proportions dont nous parlons. Les exonérations ne pourraient donc
être que décidées localement et supportées
localement.
M. le Président
- Il y a des communes dont la moitié des
contribuables ne paie pas d'impôts locaux - quelquefois plus.
M. Yves FRÉVILLE
- Quand on examine la répartition des
dégrèvements de taxes d'habitation par catégorie de
communes, on voit très bien que les petites communes n'ont rien, que les
moyennes communes ont peu et que les très grandes communes ont tout. Et
j'exagère à peine. Ce sont notamment toutes les grandes villes
très fortement imposées du Midi de la France qui ont la plus
grande partie. Alors, je ne vois pas comment il serait possible de recycler les
dégrèvements en faveur des logements sociaux, sauf à
modifier considérablement la politique contre-péréquatrice
des dégrèvements. Les dégrèvements vont contre la
péréquation. Ce ne sont pas les zones les plus pauvres qui en
bénéficient, ce sont les zones dans lesquelles les impôts
sont les plus élevés. Ce qui n'est pas du tout la même
chose. Il ne s'agit donc pas d'une insuffisance de ressources.
M. Dominique BUR
- Vous voyez là, Monsieur le Président,
l'effet pervers de l'utilisation de critères qui peuvent être des
critères de charges ou de dépenses. Il y a notamment un effet
totalement pervers, puisque l'on peut faire le choix d'accroître les
dépenses en en faisant supporter une partie par l'Etat à travers
le dégrèvement ou l'exonération compensée. Nous
cernons là une limite.
Je voulais rassurer M. Bourdin. Il évoquait tout à l'heure
les effets discutables en matière d'équité d'une
révision délocalisée de l'assiette. Cela ne peut en tout
cas pas avoir d'effets sur les dotations parce que ce ne sont pas les taux qui
jouent mais les assiettes. Alors c'est vrai que d'une certaine façon, si
l'assiette est révisée, les bases le sont aussi. La commune peut
alors apparaître plus riche et ne pas avoir objectivement
intérêt à faire apparaître un certain accroissement
de richesses. Je le reconnais.
M. Fréville évoquait quant à lui la révision
constitutionnelle et la part « déterminante ». Il se
demandait donc, tout comme M. Bourdin d'ailleurs, qui pourrait être
le régulateur de l'autonomie des collectivités
territoriales, et notamment de cette part
« déterminante ». Je peux leur dire que ce
régulateur sera
de facto
le Conseil constitutionnel. Il l'a
déjà été dans le passé et vous l'avez
vous-mêmes saisi lors de la suppression d'impôts locaux, et il le
sera encore dans le futur. Les critères étant fixés par la
loi, il lui incombera forcément de dire à certains moments que
telle ou telle disposition n'est pas conforme à la part
« déterminante » qui doit revenir à chaque
niveau de collectivité.
M. Yann GAILLARD
- Permettez-moi juste un mot afin d'apporter un peu
plus d'obscurité au débat.
M. le Président
- À ce stade, je pense que ce sera
forcément clarificateur !
M. Yann GAILLARD
- Premièrement, l'opinion publique ne
s'intéresse absolument pas à cette affaire. Regardez, il n'y a
pas une année sans qu'un hebdomadaire ne parte en guerre contre
l'inégalité des impositions suivant les villes. Ce qui montre
bien qu'on ne considère pas du tout que l'autonomie locale doive porter
sur ce chapitre-là. L'opinion publique ne le ressent pas comme cela.
Deuxièmement, du moins me semble-t-il, les impôts locaux sont
parmi les plus mauvais et les plus chers. Vous connaissez les rapports de
l'Inspection des finances sur le caractère peu rentable de notre
système fiscal et ce sont souvent les impôts locaux qui sont les
plus décriés.
Troisièmement, si nous ne pouvons pas procéder à une
révision d'assiette, l'Etat n'ayant pas le courage de la faire et les
collectivités territoriales ne voulant pas se lancer là-dedans,
je me demande s'il ne faudrait pas revenir à des systèmes
très anciens qui, après tout, n'étaient pas si mauvais.
Ne serions-nous pas finalement en face d'un problème qui ne comporte pas
de solutions ? N'avons-nous pas eu tort de nous focaliser dessus ?
M. le Président
- Nous sommes arrivés à une telle
complexité que les élus territoriaux ne peuvent même pas
vérifier les sommes qu'ils perçoivent.
M. Dominique BUR
- Monsieur le Président, vous avez posé
plusieurs questions.
La première était une demande de précision sur la
rédaction constitutionnelle. Vous vouliez savoir si les ressources
propres contenues dans l'article 6 comportaient les éventuels
résultats de la péréquation, et notamment les dotations de
l'Etat. À ce stade de notre réflexion, les ressources propres des
collectivités correspondent à des ressources pour lesquelles ces
collectivités ont des capacités de décision (redevances,
ressources des domaines...). Reste bien évidemment la question des
dotations émanant d'autres collectivités. C'est une notion qui
n'a pas tellement cours pour le moment mais qui pourrait correspondre à
des situations d'avenir. On peut notamment imaginer, comme cela a
déjà été évoqué, un concept de
délégation d'un niveau de collectivité à un autre,
accompagné de dotations qui permettraient de payer la compétence
déléguée. Nous sommes donc là en présence
d'une ouverture sur des modalités qui ne sont pas encore clairement
définies. La question des montants de fonds de péréquation
locaux, je pense par exemple aux fonds départementaux de
péréquation et à tous ces fonds horizontaux, peut se
poser. Les collectivités n'ayant aucune possibilité d'agir sur la
recette qui leur revient, ces montants ne devraient selon nous pas figurer dans
ce concept. Mais à ce stade, je ne peux évidemment rien dire.
M. le Président
- Mais ce sont des collectivités qui
risquent de ne pas avoir une part déterminante de leurs ressources faite
à base d'impôts et de subventions de collectivités
territoriales. Mais d'abord, qu'est-ce qu'une part déterminante ?
On ne parle d'ailleurs plus d'autonomie financière et des 50 % de
la proposition de loi de M. Christian Poncelet.
M. Dominique BUR
- Monsieur le Président, la proposition
d'origine comportait un adjectif. Et c'est au cours du débat que les
50 % ont été introduits. Il me semble que l'adjectif
était « prépondérant ».
Les chiffres que l'on peut avoir montrent que, globalement, les deux niveaux de
collectivité que sont les communes et les départements sont
toujours à ces 50 %. En revanche, les régions sont
effectivement en dessous. Et il reste bien évidemment des
évolutions importantes puisqu'une tranche nouvelle de la taxe
professionnelle va induire, pour 2002 et 2003, des réductions.
Vous avez d'autre part évoqué la valeur ajoutée et le
salaire. Vous avez vous-même indiqué que cette voie paraît
difficile. Cependant, nous pouvons nous interroger sur la
nécessité du maintien d'un lien entre l'entreprise et la
collectivité où elle se situe. C'est, il me semble, ce qui est
souhaité par les élus et je pense que cela reste une bonne chose.
On s'en aperçoit d'ailleurs à travers le fait que des pays
européens, y compris ceux, comme la Grande-Bretagne, dont l'orientation
libérale est forte, ont maintenu une imposition sur les entreprises. Et
ce même si la marge de manoeuvre des collectivités est d'un autre
côté réduite, puisque les taux de ces impôts, pour
des raisons d'égalité, sont fixés au niveau national.
Enfin sur la TIPP, vous m'avez demandé où en était ma
réflexion. Je ne nie pas qu'il y ait une difficulté mais nous
voulons explorer de nouvelles solutions et elles ne sont pas nombreuses. L'une
d'entre elles, qui faisait quasiment consensus, portait sur cette TIPP. Nous
cherchons en fait à ce que la collectivité puisse jouer sur un
taux. Cela est certes difficile, mais pas totalement impossible, et
techniquement des pistes ont été évoquées. Nous
devons maintenant les creuser. Elles permettraient, sans mettre à
contribution le pompiste, de jouer sur ces taux. S'ils sont fixés au
niveau régional, on peut penser que l'effet de détournement
serait modeste, si d'aventure il devait jouer. Il y a, paraît-il, une
espèce de seuil qui ferait que les gens ne se déplacent pas. Tout
cela n'est évidemment pas arrêté.
M. le Président
- Nous devons être conscients
qu'aujourd'hui, en dehors de la grande distribution et des stations-service
d'autoroute, on ne doit pas distribuer beaucoup d'essence ailleurs.
M. Dominique BUR
- L'idée pourrait être la suivante :
supposons un transfert aux régions d'une partie de la TIPP et de la
capacité de fixer, dans une certaine limite, un taux. L'une des pistes
techniques évoquée consiste à délimiter un taux
régional qui pourrait être applicable aux raffineries et aux
dépôts. Actuellement, la TIPP est prélevée sur
environ 300 d'entre eux alors que nous savons qu'il y a plusieurs milliers de
stations. Or, il paraîtrait que l'on peut à la fois avoir un taux
régional, qui pourrait éventuellement donner lieu à un
prélèvement au niveau de la source selon le lieu de destination,
et un taux national. Il faudra bien-sûr éviter les
détournements de trafic, mais nous n'en sommes pour l'instant qu'au
stade de la réflexion et de la recherche.
Terminons avec la péréquation, dont vous évoquiez,
Monsieur le Président, les critères, et à propos de
laquelle vous faisiez part de votre préoccupation. Nous savons
très bien, et tous ceux qui participent aux travaux du Comité des
finances locales le savent, qu'au-delà des dotations, de leur
architecture et de leur caractère péréquateur, il y a un
autre élément important, celui des critères. Et
malheureusement, ces critères, à l'origine parfaitement clairs,
simples et limpides, le principal d'entre eux étant le potentiel fiscal,
sont actuellement de plus en plus contestés et contestables : une part
importante de la taxe professionnelle est en effet sortie de la part salaire,
ce qui se traduit par des compensations, et nous ajoutons maintenant, pour
malgré tout garder l'équilibre, les compensations aux produits.
Tout cela donne quelque chose d'assez étrange. Nous menons donc une
réflexion centrée sur les critères, mais les alternatives
sont en définitive assez peu nombreuses. Nous avons donc là une
vraie difficulté.
Tous les critères physiques que l'on a pu expérimenter, je pense
au logement, aux élèves ou à la voirie, produisent
d'autres effets pervers, en raison notamment de leur énorme lourdeur de
recensement. Ce sont en effet des critères spécifiques ne
figurant pas dans les chiffres de l'INSEE, ce qui nous oblige à recenser
chaque année des milliers d'informations pour répartir la DGF.
Cela conduit malheureusement à un certain retard, que nous constatons
année après année, dans la mesure où ce recensement
est d'une lourdeur extrême. Nous sommes donc désireux de
critères simples, qui traduisent bien la réalité de la
richesse locale, mais qui tiennent également compte de la
nécessité de répartir dans une période très
courte, de façon à ce que les collectivités puissent
connaître leur DGF avant le vote de leur budget.
M. le Président
- Monsieur le Directeur général, je
vous remercie. Nous savons que votre réflexion est en cours. Nous y
mettons tous nos espoirs.