Audition de M. Jean BASSÈRES,
Directeur général de la
comptabilité publique
(2
octobre 2002)
M.
Jean ARTHUIS, président
- J'accueille M. Jean Bassères,
directeur général de la comptabilité publique. Je le
remercie d'avoir bien voulu venir nous parler de sujets un peu
périphériques au thème que nous traitons : quelle
fiscalité territoriale peut répondre à une attente de
décentralisation et satisfaire aux principes d'autonomie
financière des collectivités territoriales ?
Il y a bien-sûr les problèmes d'assiette que nous venons
d'évoquer, mais la collecte et la gestion de la trésorerie sont
également des sujets qui se trouvent au coeur de la réflexion.
M. Jean BASSÈRES, directeur général de la
comptabilité publique
- J'ai conscience de traiter de sujets
périphériques à l'objet de vos travaux, même si je
peux vous donner des informations concernant les conditions dans lesquelles
nous assurons le recouvrement de cette fiscalité.
J'aimerais aborder trois thèmes :
• la gestion de la trésorerie des collectivités
territoriales ;
• la mise en oeuvre des dispositions de l'article 26-3 de la loi organique
relative aux lois de finances du
1
er
août 2001 ; c'est un point important dont
on n'a pas encore mesuré toute la portée en termes de calendrier
parlementaire ;
• l'évolution de la mission de conseil du Trésor Public.
I.
La gestion de la trésorerie des collectivités
territoriales
Je souhaiterais mettre l'accent sur quatre caractéristiques :
- l'encours moyen de la trésorerie pour l'ensemble du secteur public
local, qui s'élève en 2001 à 16,3 milliards d'euros -
cet encours moyen est stable par rapport à 2000 ;
- le poids prépondérant des communes ;
- le recours aux lignes de trésorerie, possible depuis les années
1990 ;
- les caractéristiques du cycle infra-annuel de l'évolution de la
trésorerie qui sont stables, mais qui varient selon la nature de la
collectivité locale envisagée.
1. L'encours moyen de la trésorerie des collectivités
territoriales
Les communes, les départements, les régions et les structures
fiscalisées que sont les établissements publics de
coopération intercommunale (E.P.C.I.) représentent 73 % de
cet encours moyen en 2001.
L'encours est assez stable par rapport à 2000, après avoir
fortement évolué en 1999. Je dois apporter une précision
méthodologique : quand je parle d'encours moyen, le calcul prend en
compte une moyenne des encours journaliers.
La D.G.C.P. évite de prendre le solde au 31 décembre, car nous
avons constaté que certains mouvements se produisent en fin
d'année, en particulier dans les départements et les
régions, tels que la mobilisation d'emprunts
revolving
, qui
trouble la lecture de la trésorerie. Nous constatons qu'en fin
d'année, le solde au 31 décembre équivaut au double des
mouvements moyens quotidiens du seul mois de décembre.
L'encours moyen est resté stable en 2000 et 2001, ce qui n'était
pas le cas entre 1999 et 2000. Pour le caractériser, nous l'avons
exprimé en termes de jours de dépenses pour l'année 2000.
Ces résultats ont été rapprochés des chiffres qui
existent dans les entreprises. Vous constatez que la trésorerie des
collectivités territoriales est confortable par rapport à celle
des entreprises. Pour l'ensemble des collectivités territoriales, la
trésorerie moyenne représente 41 jours de dépenses, alors
qu'elle n'est que de 28 jours pour l'ensemble des entreprises. Bien que ces
comparaisons n'aient pas grand sens, il semble que :
- les communes, avec 42 jours, se rapprochent du secteur des transports ;
- les régions, avec 22 jours, se rapprochent des industries
manufacturières et énergétiques ;
- les départements, avec 12 jours, se rapprochent du secteur des
commerces ou des industries agroalimentaires.
Les E.P.C.I. sont clairement à part. Je ne peux porter de jugement sur
la qualité de gestion de la trésorerie. Nous observons simplement
des différences fortes selon les périodes.
2. Le poids prépondérant des communes
Le poids prépondérant et stable des communes dans l'encours moyen
est notable, avec plus de 50 % de la trésorerie. Le poids des
E.P.C.I. reste lui aussi stable et un peu supérieur à 20 %
depuis 1999.
Il est intéressant de décomposer ce résultat en fonction
de la strate à laquelle appartient la commune. Les données ont
été isolées pour trois strates de communes :
- plus de 10.000 habitants (921 communes) ;
- de 2.000 à 10.000 habitants (3.834 communes) ;
- moins de 2.000 habitants (31.924 communes).
Pour l'année 2000, on voit clairement apparaître le poids des
communes rurales, qui représentent 16 % des dépenses et
43 % de la trésorerie. Les dépenses des communes
intermédiaires s'élèvent à 21 % du total et
à 24 % de l'encours de trésorerie.
En ce qui concerne les grandes villes, elles représentent 63 % des
dépenses, mais ne mobilisent que 33 % de la trésorerie.
J'ajoute que, pour des raisons statistiques, nous avons utilisé les
soldes au 31 décembre avec les imprécisions qu'ils
comportent. Si l'on raisonne sur la base d'un encours moyen, les écarts
seraient encore plus forts : les communes de plus de 10.000 habitants
verraient leur encours moyen baisser à 24 % de la trésorerie.
3. Le recours aux lignes de trésorerie
Innovation majeure des années 1990, le recours aux lignes de
trésorerie est surtout le fait des plus grandes collectivités. En
effet, au niveau national, 38 % des flux financiers des régions
proviennent de l'utilisation de lignes de trésorerie, avec des
écarts significatifs selon les régions. Quatre régions y
ont recours à plus de 50 % : la région Bourgogne, la
région Bretagne, la région Nord-Pas-de-Calais, la région
Pays-de-la-Loire.
Pour les départements, des phénomènes similaires sont
observés avec des flux financiers légèrement plus faibles,
soit une utilisation à hauteur de 36 % des lignes de
trésorerie, à comparer aux 38 % précédents.
Cette utilisation est à mettre en perspective avec le pourcentage de
communes qui disposent d'une ligne de trésorerie en fonction du nombre
d'habitants : les communes de plus de 100.000 habitants disposent à
plus de 90 % d'une ligne de trésorerie ; ces lignes de
trésorerie représentent plus de 60 % des flux financiers de
leur trésorerie. De l'autre côté du spectre, moins de
30 % des communes qui comptent entre 3.500 et 10.000 habitants disposent
de lignes de trésorerie, et celles-ci représentent moins de
10 % des flux financiers.
Nous avons un petit problème avec les lignes de trésorerie ;
non pas avec leur principe en tant que tel, mais avec les conditions dans
lesquelles les banques les mettent en place. Elles jouent sur le crédit
immédiat dont disposent les collectivités au détriment de
l'Etat. La mécanique est connue : on tire sur une ligne de
trésorerie avec un chèque, qui est porté au crédit
immédiat de la collectivité. La banque a, elle, cependant
quelques jours pour en subir les désagréments. Le tout est
remboursé le jour même par virement de la banque.
Malgré les discussions et les promesses formulées, les pratiques
bancaires ne semblent pas avoir changé, ce qui est un sujet de forte
préoccupation pour le Trésor.
4. Le cycle infra annuel de la trésorerie des collectivités
territoriales
Je m'attache avec prudence à l'analyse de ce cycle. Pour les
années 2000 et 2001, nous avons constaté que les profils de
trésorerie pour l'ensemble des collectivités territoriales
étaient assez stables et similaires. Notez la chute assez significative
de la trésorerie entre janvier et février. La première
raison est sans doute à chercher dans les effets de la période
complémentaire. Les règlements des mandats rattachés
comptablement à l'année précédente provoquent un
flux de décaissement.
La deuxième hypothèse que je vous soumets intéresse les
crédits
revolving
: les emprunts sont mobilisés en
fin d'année pour équilibrer la section budgétaire, puis
sont remboursés le plus vite possible en janvier.
Ces deux phénomènes doivent donc se conjuguer pour provoquer la
baisse ainsi observée.
Notez un deuxième phénomène : la montée
régulière du solde de trésorerie entre février et
juin. D'après nous, cela correspond aux délais de la mise en
place des investissements : vote du budget, montage des financements et
conditions de réalisation des investissements. On constate d'ailleurs,
après juin, une décrue progressive du solde de trésorerie
qui correspond sans doute aux flux de décaissement liés à
ces investissements.
Nous observons un phénomène de légère hausse de la
trésorerie en décembre 2000, déjà observé en
décembre 1999, sans que l'on puisse le retrouver en 2001. Cette hausse
est certainement liée à ces emprunts
revolving
que l'on
mobilise en fin d'année.
Une comparaison entre les différents types de collectivités
permet de s'apercevoir que le profil d'évolution de la trésorerie
des régions est assez atypique, avec un pic plus marqué au cours
du premier trimestre. On a le sentiment que ce profil est la conséquence
de la politique d'investissement plus marquée des régions. Cette
intuition est confortée par le fait que la courbe des grandes communes,
qui investissent en général plus que les autres, présente
le même caractère atypique.
Je suis prudent sur ces analyses. Mais, en attendant de pouvoir affiner les
statistiques, la courbe semble obéir à une logique de baisse en
janvier, de remontée progressive de février à juin, puis
de nouvelle décroissance en juin. Il faudrait affiner encore ces
résultats pour faire apparaître deux
phénomènes : le poids de l'investissement, comme on l'a vu
dans le cas des régions et des grandes communes, et la mobilisation des
lignes de trésorerie.
II.
La mise en oeuvre des dispositions de l'article 26-3 de la loi organique
du 1
er
août 2001, relative aux lois de finances (L.O.L.F.)
1. Présentation du nouveau cadre juridique
a. La portée de la modification de l'ancien article 15-6 de l'ordonnance
de 1959
Jusqu'au 1
er
août 2001, nous nous trouvions dans le cadre de
l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Elle indiquait que les
disponibilités des collectivités étaient
déposées auprès du Trésor public, et que les
dérogations étaient accordées par le ministre des
finances.
La nouvelle loi organique maintient cette obligation de dépôt,
mais toutes les dérogations relèvent désormais de la loi
de finances, c'est-à-dire du Parlement. Les débats parlementaires
éclairent deux points concernant les volontés du
législateur : celle de ne pas se lier les mains avant la prochaine
révision de la loi organique, car on n'en connaît pas les
délais ; par ailleurs, lorsque l'on parle de dérogations, on
s'intéresse plutôt aux régimes généraux de
dérogation plutôt qu'aux dérogations individuelles.
b. L'obligation est faite de légiférer dans le cadre de la loi de
finances initiale pour 2004, si l'on ne veut pas rendre caduc le régime
existant de dérogation
On doit légiférer dans un délai assez court, celui de la
loi de finances pour 2004, puisque le nouvel article 26-3 entre en application
le 1
er
janvier 2004. Le système actuel des placements, si
rien n'est fait au niveau législatif, deviendra caduc. Le régime
de dérogation existant disparaîtrait. Il faudra modifier ce
système dont je veux aujourd'hui vous dresser un état des lieux.
2. L'état des lieux en matière de placements
a. L'ancienneté des textes
Les textes sont anciens, puisque la circulaire interministérielle
Doumer-Chautemps date du 5 mars 1926. Seules deux instructions en 1963 et en
1976 sont venues compléter ce texte. La réglementation n'a donc
pas beaucoup bougé ; elle encadre strictement les placements des
collectivités territoriales.
b. Un encadrement strict
Cette réglementation encadre d'abord les placements des
collectivités en matière d'origine des fonds. La distinction
essentielle s'opère entre les placements budgétaires et les
placements de trésorerie. Les placements budgétaires
nécessitent l'autorisation de l'assemblée
délibérante et ne sont possibles que pour trois catégories
de ressources : les libéralités, les fonds qui proviennent
d'aliénation de patrimoine, les excédents définitifs.
À la lecture des textes sur la notion d'excédent
définitif, ils semblent peu réalisables, puisque ceux-ci existent
lorsqu'un excédent ne peut pas être employé à la
réduction des charges des administrés, directement par
l'intermédiaire d'une baisse des impôts, ou bien indirectement par
le biais d'une baisse de l'endettement. Comme ce cas de figure est, selon moi,
peu réaliste, je ne retiens que deux modalités de placement
budgétaire : les libéralités et l'aliénation
de patrimoine.
Pour les placements de trésorerie qui sont décidés par
l'exécutif local, deux catégories de fonds existent : les
emprunts et les cessions d'éléments patrimoniaux, uniquement
s'ils sont destinés à financer des travaux et que ces travaux
sont différés pour des raisons indépendantes de la
volonté des collectivités.
Le cadre est donc assez strict, d'autant qu'il est assorti d'un régime
d'autorisations et d'obligations intéressant la nature des placements.
Ces placements sont en valeurs d'Etat (BTN, OAT) ou en valeurs garanties par
l'Etat. Il est prévu dans les textes l'autorisation de placements en
valeurs mobilières uniquement dans un cas : celui de dons ou de
libéralités, si la collectivité peut faire la preuve
qu'elle en bénéficie régulièrement. Ce cas est
aussi soumis à l'autorisation préalable du trésorier
payeur général (TPG), ce qui est le cas de tous les placements de
trésorerie. Le ministre des finances intervient pour toutes les
dérogations, qui sont d'ailleurs assez peu nombreuses : 6 en 2001
et 8 en 2000. Ce sont des dérogations qui sont accordées pour des
motifs exceptionnels, comme les tempêtes, les accidents (comme le
naufrage de l'
Erika
) ou le placement de produits d'assurance ou de vente
(comme la vente des bois de chablis). Les dérogations sont peu
nombreuses, mais les refus sont également peu nombreux.
c. Le volume des placements est limité
La conclusion qui se dégage de ces chiffres est la suivante : la
gestion de la trésorerie fait peu recours aux placements
budgétaires et aux placements de trésorerie. Les placements
budgétaires s'élèvent à 855 millions d'euros, soit
8,24 % de la trésorerie disponible au 31 décembre 2001 ; et
les placements de trésorerie à 125 millions d'euros, soit
1,20 % de la trésorerie disponible à la même date.
3. Des pistes de réflexion pour l'avenir
La réglementation doit évoluer. J'aimerais vous livrer quelques
réflexions personnelles, internes à la D.G.C.P., qui n'engagent
aucunement le ministère. Ces réflexions ne peuvent s'inscrire que
dans un contexte de décentralisation en vue d'accompagner l'autonomie
financière des collectivités territoriales. Je souhaiterais vous
présenter cinq pistes de réflexion.
a. La responsabilisation des collectivités territoriales
Les régimes d'autorisations préalables ne semblent plus
d'actualité dans un contexte de décentralisation accrue, d'autant
que les fondements de ces autorisations sont anciens. L'autorisation à
la charge des T.P.G. ne semble pas avoir vocation à perdurer.
Je m'interroge sur le possible maintien de l'autorisation ministérielle
et de sa future conformité avec la loi. Dès lors que l'on
s'intéresse à un dispositif d'encadrement, il faut prendre
conscience du fait qu'il est toujours techniquement très délicat
à mettre en oeuvre et qu'il faut prévoir des mécanismes
souples d'ajustement ou « soupapes ».
Sans me prononcer sur l'opportunité de cet encadrement, j'évoque
les processus d'encadrement envisageables. Il est concevable d'élargir
la liste des conditions dans lesquelles les collectivités territoriales
pourront placer leurs disponibilités, en intégrant par exemple
les produits pour lesquels les collectivités territoriales sont
aujourd'hui soumises au régime de dérogation
ministérielle. Cette liste risque de ne jamais être assez longue
pour inclure tous les cas de figure. Une liste que l'on ne peut
compléter que par le biais d'une loi de finances serait un dispositif un
peu compliqué, selon moi.
Un deuxième dispositif pourrait prévoir l'encadrement des
placements en fonction d'un plafond fixé par rapport aux recettes. Il
faudrait définir un plafond adapté à chaque type de
collectivités, ce qui ne serait pas simple. Le suivi de
l'évolution d'un tel système d'encadrement est très
complexe : les mouvements continuels des achats et des reventes rendent
difficile la surveillance du respect du plafond.
A également été évoqué le maintien d'un
niveau de trésorerie égal à un certain nombre de jours de
dépenses, au titre d'encaisses de précaution. Mais cela est tout
aussi difficile, puisque, comme nous l'avons vu, la trésorerie
évolue en fonction des mois et du type de collectivité.
b. La sécurisation des placements
La limitation des placements à des valeurs d'Etat français
n'apparaît plus à terme possible. Dans le cadre européen,
la liste de ces valeurs devra être élargie au moins à celle
des autres Etats membres de l'Union.
Jusqu'où faut-il aller ? Eu égard aux risques existant sur
les marchés financiers, faut-il avoir recours à un certain type
particulier de produits ouverts aux collectivités territoriales ?
La question est d'actualité.
c. La transparence budgétaire et comptable
Aujourd'hui la situation ne me paraît pas satisfaisante. Les mêmes
types de produits, et par conséquent les mêmes durées de
placement, sont employés pour les placements budgétaires et les
placements de trésorerie. Pourtant, d'un point de vue comptable, les
placements budgétaires et de trésorerie, même si leur
durée est comparable, sont traités de manière
différente :
- le placement budgétaire est comptabilisé, dans le poste
« immobilisations financières », en classe 2 ;
- le placement de trésorerie est comptabilisé en classe 5.
Cela n'est pas très cohérent. D'après moi, en suivant un
bon principe comptable, le seul critère de classement est la
durée du placement. Il faut s'interroger sur la manière de
remédier à ce problème. J'ajoute cette question, qui
concerne peut-être plus la D.G.C.L. : ne faut-il pas permettre le
reversement de la réalisation de certains placements à la section
de fonctionnement ?
M. le Président
- Des progrès considérables ont
été accomplis en retraçant en section de fonctionnement
les recettes et les dépenses courantes. Des opérations d'ordre
brouillent déjà totalement les présentations ; si
l'on y ajoute des mouvements de trésorerie, la lisibilité en sera
encore affectée. Il est préférable de les retracer dans
les comptes de bilan.
M. Jean BASSÈRES
- Mon propos porte simplement sur la question de
savoir s'il est tout à fait impossible d'imaginer qu'une
collectivité locale puisse affecter le produit de la cession d'un
placement financier à la baisse d'impôt.
M. le Président
- Il faut que l'on puisse dire que la
collectivité dispose des fonds disponibles de manière durable,
comme dans le cas des caisses de la mutualité sociale agricole (M.S.A.).
M. Jean BASSÈRES
- Je n'ai pas de doute comptable sur le fait que
ces opérations de cessions d'actifs soient des opérations
financières ; cependant, compte tenu des règles de vote et
d'équilibre de la section de fonctionnement, elles posent un
problème de règle d'équilibre des sections. On fait comme
si un placement financier, lorsqu'il est réalisé, ne pouvait pas
être affecté à une baisse d'impôts. Cette question,
qui est aussi un sujet politique, n'est pas aujourd'hui traitée puisque,
d'une part, les règles édictées évitent de se poser
la question et, d'autre part, en raison du nombre réduit de placements
autorisés. Si les placements ont vocation à se diversifier, nous
risquons d'être confrontés à ce genre de problème.
d. Les relations financières entre l'État et les
collectivités territoriales
Si l'on s'achemine vers une libéralisation des règles de
placement financier, quelles seront les conséquences de cette
libéralisation sur les relations entre l'État et les
collectivités territoriales, en particulier, en ce qui concerne les
avances sur douzièmes ?
Il semble peu concevable de disposer de telles avances gratuites, alors qu'il
devient possible de les placer et d'en obtenir une rémunération.
Ce sont des sujets sensibles. Il existe en effet une inégalité
entre les plus petites communes, de moins de deux mille habitants, qui
disposent de 43 % de la trésorerie totale et qui ne touchent que
13 % des avances, et les grandes communes, de plus de dix mille habitants,
qui représentent 33 % seulement de la trésorerie, mais qui
touchent 65 % des avances. Par conséquent, toute modification du
régime des avances aurait des conséquences sur les
équilibres entre les catégories de collectivités.
e. La simplicité des dispositifs à mettre en place
Les dispositifs ne sont pas simples. Notre ambition commune devrait être
de mettre en place des dispositifs qui soient simples, tant pour les
gestionnaires que pour les comptables publics. Une difficulté technique
surviendrait, si l'on laissait une commune avoir des comptes dans plusieurs
établissements.
4. L'amélioration des prestations de tenue de compte par le
Trésor Public
Des progrès doivent être faits dans la manière dont on
tient les comptes de disponibilités des collectivités
territoriales. Actuellement, la trésorerie est suivie dans le compte de
la collectivité locale, mais tous ces comptes sont agrégés
dans la comptabilité de l'Etat en un compte unique. Cela nous oblige
à avoir recours à des mécanismes comptables de transfert
d'opérations, qui ne nous permettent pas de proposer un service de
qualité.
Notre administration travaille à l'idée suivante : assigner
à chaque collectivité locale, comme pour les
établissements publics et certaines régies, un compte de
dépôt de fonds au Trésor, auquel des services de meilleure
qualité pourraient être attachés.
Je vous présente la liste des avantages permis par cette
opération :
- une individualisation des comptes des collectivités, à travers
un R.I.B. qui permettrait une identification de la collectivité par ses
débiteurs et fournisseurs lors des paiements ou encaissements (T.I.P. et
avis de prélèvement). Cela permettrait d'imputer toutes les
opérations en recettes ou dépenses effectuées sous forme
de T.I.P. ou d'avis de prélèvement directement sur le compte de
la collectivité ;
- une restitution d'informations plus rapide et plus précise sur la
situation de la trésorerie complète, aussi bien dans
l'application de la gestion que dans l'application de la tenue des comptes,
avec des relevés de compte ou des moyens d'accès
télématique, par exemple ;
- une offre de nouveaux moyens de paiement des dépenses. Nous ne pouvons
pas aujourd'hui facilement permettre aux collectivités de régler
leurs paiements répétitifs par prélèvements. Avec
un tel système, cela devient très facile. On peut même
imaginer d'autres moyens de paiement, comme des chèques associés
à ce compte au Trésor pour le paiement des services de secours,
par exemple.
Ce chantier lourd, mais auquel nous sommes très attachés, a
été engagé et ses résultats devraient être
visibles à l'horizon 2005-2006. Nous pourrons ainsi améliorer
notre offre de services aux collectivités territoriales.
III.
L'évolution de la mission de conseil du Trésor Public
1. L'amélioration des prestations de conseil financier
Nous sommes convaincus d'avoir encore un rôle de conseil à jouer,
à la condition d'offrir des prestations de qualité. Je ne pense
pas que notre présence soit liée à des textes
réglementaires anciens, et si elle a pu être contestée, je
ne pense pas qu'elle le soit encore.
a. L'approche consolidée et l'analyse financière
Nous avons des idées pour progresser dans notre rôle de conseil
financier, telle que l'approche consolidée des comptes et des risques,
qui constitue un chantier majeur pour nous. Dans le cadre de
l'intercommunalité, il nous faut travailler à une
méthodologie. Nous avons commencé à le faire avec
l'Association des Maires de France pour connaître leurs attentes. Dans
notre administration, une personne travaille à plein-temps pour
étudier les pratiques qui existent déjà, à
Orléans ou à Blagnac. Réfléchir à une
méthodologie, c'est pour moi un acte essentiel pour l'analyse
financière des collectivités territoriales. Il nous faut proposer
aux différents acteurs une méthodologie.
b. La qualité comptable
La qualité comptable est un sujet important, puisque la L.O.L.F.
crée de nouvelles obligations en matière de comptabilité.
Certaines collectivités territoriales avaient pris de l'avance, puisque
nous disposons de plans comptables. Nous travaillons aussi avec les
régions pour intégrer des concepts plus communément admis
en comptabilité. Peut-être peut-on travailler sur les concepts de
« bon » provisionnement ou de « bon »
amortissement ?
c. Le conseil fiscal
Le conseil fiscal est un rôle qu'il nous semble opportun de jouer au plan
local. Pour les élus, prendre la mesure de ce que recouvre la D.G.C.P.
ne semble pas simple. On peut poursuivre la réflexion sur la meilleure
manière d'offrir aux élus un interlocuteur unique pour tout ce
qui a trait à leur simulation fiscale.
M. le Président
- Il y a notamment lieu de suivre les
opérations de TVA lorsqu'elles existent. Les maires sont souvent fort
marris, car ils pensent que le fait qu'un comptable du ministère des
finances libère une opération en constitue un gage de
régularité. Or, il arrive parfois que l'inspecteur des
impôts opère quelques années plus tard un redressement pour
absence de déclaration de livraison à soi-même ou pour
loyer insuffisant. Le maire se demande alors pourquoi les deux branches de la
maison « Finances » que sont la D.G.C.P. et la Direction
générale des impôts ne fusionnent pas.
M. Jean BASSÈRES
- Même si cela avait été le
cas, je ne suis pas sûr que les choses auraient fondamentalement
changé, compte tenu des particularités et du positionnement du
contrôle fiscal dans les administrations.
2. La simplification
La simplification est un sujet qui nous tient à coeur et une
priorité forte fixée par Alain Lambert.
a. La simplification des dépenses et le contrôle partenarial
Pour ce qui concerne la simplification des dépenses, notre
administration commence à le faire timidement. On a déjà
permis que tous les mandats ne soient pas signés, par exemple. En
matière de contrôle de la dépense, nous souhaitons
évoluer vers une forme de contrôle partenarial. Nous souhaitons
mettre fin à la fiction selon laquelle le comptable public
vérifie tous les mandats. Ce n'est pas vrai. Le contrôle doit
être concentré en fonction des enjeux, en liaison avec
l'ordonnateur. Nous avons commencé quelques expérimentations sur
ce sujet.
b. Le seuil des marchés
Pour ce qui concerne le seuil des marchés, la position du
ministère est en voie de clarification. Notre conviction personnelle est
la suivante : le comptable public n'a pas à vérifier le
respect du seuil des marchés, car ce n'est pas de la
responsabilité d'un comptable. Les comptables doivent en être
avertis. Le comptable s'aperçoit fréquemment trop tard du
non-respect du seuil. Le fait de reconnaître ce dépassement du
seuil n'empêche pas que le paiement doive être honoré par la
collectivité.
c. La monétique
Dans la voie de la simplification, nous croyons beaucoup à la
monétique comme la carte d'achat que l'on expérimente à
Issy-les-Moulineaux et dans la Communauté urbaine de Lyon. Cela fait
gagner du temps au gestionnaire, au comptable et les délais de paiement
en sont également raccourcis. Ce sont des gains significatifs en termes
d'efficacité.
Il nous faut encore travailler dans deux directions : la rénovation
de nos outils informatiques et l'évolution de notre organisation.
3. La rénovation de nos outils informatiques
La première direction concerne donc la rénovation de nos outils
informatiques. Notre grand projet
Hélios
concerne la refonte de
notre « application secteur local ». Il a été
engagé et sera testé au second semestre 2004 pour un
déploiement en 2005-2006. La tâche est lourde, car nous
possédons quelque trois mille huit cents postes
comptables ; le déploiement en est compliqué d'autant.
C'est un projet informatique qui devrait apporter beaucoup aux élus.
Nous avons beaucoup travaillé avec leurs associations pour
préciser les conditions d'interface.
4. Une organisation qui évolue
La seconde concerne les évolutions que doit connaître notre
organisation.
a. Les pôles de soutien aux comptables
Les pôles de soutien aux comptables reposent sur une idée
simple : réunir dans un même lieu des spécialistes
capables de répondre à tous les comptables qui seraient
confrontés à des difficultés techniques. Nous le faisons
pour les marchés publics, la fonction publique territoriale,
l'intercommunalité et l'analyse financière.
b. La spécialisation en zone urbaine
La spécialisation des postes en zone urbaine est souhaitée pour
ceux qui s'occupent de l'impôt et ceux qui s'occupent des
collectivités territoriales. Il est difficile de bien faire deux
métiers. Cela suppose en effet une taille critique, mais la
réforme est nécessaire pour les collectivités les plus
importantes.
c. Le portail « élus locaux »
Le Ministère des Finances souhaite rassembler sur un site Internet tout
ce qui peut être utile aux élus locaux : c'est le projet de
portail « élus locaux ».
d. Les conventions de partenariat
Les conventions de partenariat participent d'une logique de fonds. Nous croyons
au partenariat et nous aimerions, y compris sur les fonctions
régaliennes, expérimenter des innovations comme la consolidation
des comptes, la carte d'achat ou le contrôle partenarial.
M. François TRUCY
- Vous avez, dans votre exposé,
évoqué les placements financiers qui peuvent être
réalisés par les collectivités territoriales.
C'est une anecdote que j'aimerais vous soumettre et sur laquelle je
souhaiterais avoir votre avis.
Un maire d'une grande ville décide de mettre en affermage son service
des eaux et d'assainissement. Le maire reçoit de la compagnie
intéressée, ce qui était légal à
l'époque, un droit d'usage de deux cents millions de francs. Le
préfet et le T.P.G. se réjouissent. Le maire, lui, fait le calcul
suivant : pendant quatre ans, je recevrai tous les ans les
intérêts de cet investissement, soit dix-huit millions de francs,
c'est-à-dire trois points d'impôts de cette commune. Au terme de
ces quatre ans, je réinjecterai ces sommes dans le budget
général et je pourrai faire ainsi l'économie d'une
année entière d'impôts pour les investissements. Jusque
là, tout c'était très bien passé. Il a
demandé la réalisation de cet investissement au terme des quatre
ans, réalisation qui s'est déroulée dans de très
bonnes conditions. Le maire s'est pourtant heurté au refus de
réintégrer la somme au budget général. Il a alors
fallu demander une co-dérogation du secrétariat d'Etat au budget
et du ministère de l'intérieur, parce que les directions
administratives indiquaient qu'il n'était pas réglementaire que
cet argent fût reversé au budget général, mais qu'il
fallait qu'il figurât dans le compte administratif du service des eaux et
de l'assainissement, qui n'existait d'ailleurs plus.
Ce service, qui fonctionnait auparavant avec deux cents agents, n'en occupait
plus qu'une centaine, à la satisfaction des usagers. Les autres
occupaient désormais d'autres fonctions au centre de gestion
départemental, payés par le fermier. Il était donc
interdit de transférer de l'argent au budget général,
alors que le budget du service auquel cet argent aurait été
destiné, n'existait plus. Cet argent n'aurait eu aucun usage dans ce
compte disparu. Sans ces dérogations administratives, aucune solution
n'aurait pu être trouvée.
Vous avez évoqué les libéralités et les ventes de
patrimoine. Comment considéreriez-vous cette vente, qui n'était
d'ailleurs pas une vente, puisque le service était mis en
affermage ? Avec le recul, que pouvez-vous dire de cette situation ?
M. Jean BASSÈRES
- C'est un cas d'école qui illustre le
fait que la réglementation actuelle n'autorise pas la notion de
placement. Ce cas évoque également un autre sujet, que je
maîtrise mal : celui des liens existant entre les budgets annexes et
les budgets principaux.
Le problème tient moins au placement lui-même qu'à
l'impossibilité de faire passer une écriture d'un budget annexe
au budget général. Cette réalité est une constante
de la réglementation. Un budget annexe doit être
équilibré. Dans le cas de l'eau, s'il y a un excédent,
celui-ci doit bénéficier à ceux qui paient l'eau. En
l'espèce, ce n'est pas la question. La solution ressort alors à
un régime de dérogations.
Ceci est exemplaire d'une inquiétude qui me concerne : quelle que
soit la réglementation mise en place, peut-on faire face à tous
les cas de figure
a priori
?
Au titre d'une remarque incidente, je voudrais indiquer que les TPG ne sont
plus rémunérés en fonction des placements financiers. La
rémunération existe bien-sûr, mais elle n'est plus
associée aux placements réalisés.
M. Yves FRÉVILLE
- Je voudrais vous faire part d'une
expérience que j'ai menée après avoir rencontré les
trente présidents de communautés de communes et
d'agglomérations de mon département. Auparavant, j'avais
dépouillé moi-même les trente comptes administratifs de ces
communautés. J'en tire quelques conclusions.
La première tient à la lecture des comptes administratifs. Ces
comptes administratifs, avec la nouvelle nomenclature M14, deviennent
difficilement lisibles pour tout élu local.
La deuxième remarque concerne la consolidation, qui devient un
problème essentiel. En effet, pour certaines communautés de
communes, apparaissent quinze budgets annexes qui représentent les
trois-quarts de leurs opérations. Pratiquement, la consolidation des
comptes administratifs se limite à une seule page de résultats,
quand elle est faite. Dès lors, toute vision globale de la situation de
la communauté de communes devient imprécise, voire impossible.
Pour des opérations très importantes, la situation devient
très délicate.
J'ajoute que les nouvelles nomenclatures sont mal tenues, et ce jusqu'à
la caricature. Vous avez publié l'année dernière les
comptes des Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) pour
l'année 2000. Figure dans cette publication le chiffre de la
contribution des départements au financement des SDIS, qui
s'élève à 1 %. Cela semble irréaliste. Ce
problème est dû au suivi incorrect de la nomenclature. La
régularité des opérations n'est pas en cause, mais on ne
peut pas suivre dans les comptes ce que sont réellement les
opérations. L'image des opérations n'est pas fidèle. On
pourrait comparer cela à une photographie ratée.
Une présentation homogène et synthétique est une
nécessité pour les élus. Chaque directeur fait sa
présentation personnelle mais, à un niveau statistique global, la
présentation n'est pas valable.
J'ai trouvé par exemple un placement important qui correspond à
trois années de versement « transports » de la
Communauté d'agglomérations de Rennes, en vue de la construction
d'un métro. Les comptes ne permettent pas de voir où se trouve
cet argent qui a été mis à disposition d'abord dans le
cadre d'une société d'économie mixte (S.E.M.). Cette
S.E.M. a effectué un placement cumulé de quelque cinq cents
millions de francs. Ensuite, et par un jeu d'écritures, la participation
de la communauté d'agglomération à la S.E.M. a
été diminuée. Cela a été fait
régulièrement du point de vue de la procédure, mais les
documents budgétaires ne permettent absolument pas d'analyser
l'opération.
Je me permets d'ajouter une question concernant les dégrèvements
dans le cadre du budget des charges communes : dans le compte d'avances
aux collectivités territoriales, qui est fondamental, on voit
apparaître des rentrées réelles, mais il y a aussi des
rentrées d'ordre au titre des dégrèvements. Les documents
actuels sur les comptes d'avances ne permettent pas de voir parmi les
rentrées payées par les contribuables, ce qui est payé par
l'Etat par le biais de dégrèvements et ce qui est payé
réellement par le contribuable. Les opérations d'ordre pourraient
être améliorées.
M. le Président
- En complément, Paul Loridant m'a
transmis cette question : comment s'expliquent les écarts entre
prévisions et réalisations pour le solde du compte
d'avances ?
M. Jean BASSÈRES
- Sur la consolidation, je partage le point de
vue d'Yves Fréville. Commencer par la consolidation du budget
principal et des budgets annexes est une priorité pour nous, notamment
pour les structures de coopération intercommunale. Des travaux sont en
cours, dont j'espère que nous pourrons tirer les premières
conclusions l'an prochain.
Sur les nomenclatures des SDIS, vous avez raison : une participation aussi
faible n'est pas réaliste. Elle désigne peut-être la
coopération entre départements ; auquel cas, il s'agit d'une
pure erreur de nomenclature.
Sur le compte d'avances, on peut aujourd'hui distinguer ce qui relève
des dégrèvements et ce qui relève des encaissements
réels. Cela n'apparaît pas dans les documents, mais c'est une
information que nous avons. Nous pouvons même isoler, pour les
impôts locaux, les dégrèvements de nature
législative, de neuf à dix milliards environ et les
dégrèvements ordinaires, de mémoire, environ un milliard
et demi d'euros. Nous savons donc les isoler de manière comptable.
Les écarts entre les prévisions et les réalisations du
compte d'avances ne sont pas très importants. De mémoire, les
écarts en 2001 étaient de l'ordre de cinq cents millions d'euros,
soit 0,5 % du compte. Les explications tiennent au fait que l'on fait les
prévisions à l'été d'une année
n
et
que l'on ne connaît pas encore le montant ultérieur des
émissions réelles. Ce sont des écarts de prévision
sur les volumes d'émissions. Les années suivantes, on peut alors
expliquer ces écarts de prévision. Pour l'année 2000 par
exemple, les émissions pour la taxe d'habitation avaient
été sous-estimées. On pouvait aussi avoir
sous-estimé les taux de recouvrement. Mais il est vrai que nous
pourrions faire plus d'efforts de précision et d'explication.
M. Jacques OUDIN
- Nous sommes dans un processus de
décentralisation amorcé qui est appelé à
s'accentuer. Les comptes des collectivités publiques, de leurs
groupements et de leurs activités se développeront tout autant.
Nous avons un vrai problème de compréhension des comptes de la
part des populations, mais également des élus. En tant que membre
du Comité des finances locales, j'ai assisté au changement de
nomenclature dès la mise en place de la M14, puis à son
étonnante modification deux ans après. J'applaudis à votre
idée de développer la mission de conseil du Trésor Public.
Quel type d'améliorations pouvez-vous apporter ? Plus la
présentation sera simple, homogène et compréhensible,
mieux cela sera. Ne peut-on pas, tant au niveau des débats d'orientation
budgétaire, qu'au niveau du vote du budget primitif, ou encore au niveau
du compte administratif, avoir une sorte de tableau de bord synthétique
qui tienne sur une feuille simple de format A4 ? Sur ce tableau de bord,
on pourrait comprendre les évolutions budgétaires et
financières de la collectivité. Ce tableau peut être
actualisé pour les trois niveaux précédemment
évoqués. Le trésorier-payeur général
(T.P.G.), dont le rôle de contrôle pour les petites communes et
d'évaluation pour les plus grosses agglomérations est aujourd'hui
un peu dévalué, aurait à sa disposition un instrument
efficace et compréhensible par tous.
Le deuxième point que je souhaite aborder concerne la
compréhension du fonctionnement des services publics locaux. Je connais
deux cas de figure :
- le premier est celui de la régie, pour laquelle on ne connaît
jamais le coût unitaire de la prestation parce que l'on ne sait pas ce
qui se trouve dans ses comptes. Dans ce cas, tout devient possible ;
- le second est celui de l'éclatement des comptes des budgets
particuliers posant le problème de la consolidation.
L'exemple paradoxal est celui d'une communauté de communes qui dispose
d'un système de collecte des ordures ménagères, en
délégation de service public pour une partie des communes et en
régie pour l'autre. La compréhension d'un tel dispositif est un
réel casse-tête. Si on souhaite décentraliser, c'est que
l'on pense qu'une action menée plus proche du terrain sera meilleure. Si
cela mène à une complication de l'approche budgétaire et
financière, c'est dommageable. Cette mission de conseil est donc
bénéfique à condition que vous donniez les moyens d'un
dialogue utile à tout le monde, y compris aux chambres régionales
des comptes.
M. Jean BASSÈRES
-
Je retiens votre suggestion
de présentation simplifiée des comptes des collectivités.
Mes services sont à la disposition de la commission pour vous fournir
une maquette par exemple, et recueillir votre point de vue.
Jean Arthuis souhaite également que l'on y ajoute progressivement
un état du patrimoine de la collectivité, le bilan et le compte
de fonctionnement. Il est cependant difficile d'avoir une vision du patrimoine.
Pour beaucoup de collectivités, il est très délicat
d'avoir une vision claire de l'état de l'actif. On peut certainement
progresser pour tout ce qui touche à la présentation. Pour tout
ce qui concerne l'harmonisation, le progrès est amorcé et je suis
convaincu qu'il faut harmoniser le plus possible les nomenclatures du secteur
public local.
Une étape importante a été franchie pour tout ce qui
concerne les M4, c'est-à-dire les nomenclatures de certains budgets
annexes. Un texte est passé, qui harmonise les nomenclatures.
Actuellement nous travaillons sur les nouvelles nomenclatures des
régions et des départements qui seront de la même nature
que la M14. Nous partageons donc votre volonté d'harmoniser des
nomenclatures.
Enfin, de nombreuses lourdeurs tiennent moins à l'existence de
règles comptables qu'à celle de règles d'équilibre
budgétaire qui imposent de servir telle ou telle rubrique. Des maquettes
simplifiées peuvent être facilement réalisées, si
une évolution des règles est acceptable. Ce travail est à
mener de concert avec la D.G.C.L. pour les petites collectivités
particulièrement. Il me semble que la complexité des maquettes
budgétaires et comptables pour ces petites collectivités est
exagérée. Il faut donc travailler sur le contenu de ces maquettes
pour lesquelles des modifications législatives et réglementaires
ne seraient pas à exclure.
Pour ce qui concerne la connaissance des coûts, je suis tout à
fait d'accord avec Jacques Oudin. Nous devons progresser. Cela renvoie
tout de même à la notion de consolidation. Pour le Trésor
public, cela présente un intérêt supplémentaire que
les élus pourraient ne pas partager. Certaines décisions de
gestion sont prises sans prendre en considération le coût pour nos
propres services. Le débat concernant le choix d'une taxe ou d'une
redevance sur les ordures ménagères n'est pas neutre pour nos
services : le recouvrement de la taxe est en effet plus facile et moins
cher que la perception d'une redevance. Cet élément n'est pas
aujourd'hui pris en compte. Je suis intéressé par des discussions
et des débats sur ces sujets avec les personnes concernées.
M. Jacques OUDIN
- Parfois les collectivités choisissent la
régie, mais ce dispositif comptable est peu clair. Quels
éléments doivent y figurer ? Ce n'est pas clair.
La consolidation se présente comme un des principaux problèmes
comptables des budgets annexes. Concernant les régies, se pose
clairement le problème de la sincérité des comptes. Une
circulaire devrait être élaborée en vue de clarifier cette
situation. Cette circulaire devra préciser ce qui doit figurer dans un
compte de résultat de régie.
M. le Président
- Peut-être pourrait-on s'inspirer de la
loi organique sur les lois de finances et poser le principe de l'exigence de
sincérité. Il faudra un jour ou l'autre tirer les
conséquences de cette exigence, car la séparation des fonctions
d'ordonnateur et de payeur s'estompe progressivement. Faudra-t-il encore
longtemps séparer ces deux fonctions ?
M. Jean BASSÈRES
-
Je n'ai pas tout à fait la
même lecture que vous de la loi organique. J'y vois plutôt un champ
de compétence extraordinairement élargi pour les comptables
publics. Avant la loi organique, les comptables ne faisaient pas de
comptabilité : ils n'étaient que payeurs. Aujourd'hui, il
faudra s'intéresser non seulement à la dépense, mais aussi
à l'aval et à l'amont, à des faits
générateurs et à des opérations d'inventaire qui
appartenaient à la sphère du gestionnaire.
Le comptable sera présent sur toute la chaîne. La fonction
comptable sera, comme dans l'entreprise, partagée entre les
gestionnaires et les comptables chargés de garantir la
sincérité des comptes.
M. le Président
- A quoi sert-il d'ailleurs, d'avoir des
comptables dans les mairies, puisque la comptabilité qu'ils tiennent est
également tenue par les comptables publics ? Si le comptable ne se
préoccupe plus que de comptabilité et de la tenue des comptes,
peut-être pourra-t-on réorganiser leur mode de fonctionnement et
ainsi, envisager de faire quelques économies.
M. Jean BASSÈRES
- D'un point de vue organisationnel, cette
nouvelle loi organique fera peut-être en sorte que l'on trouve des
comptables dans les ministères. Ce serait une grande innovation.
M. le Président
- Il faudrait d'abord que l'Etat se dote d'une
seule comptabilité.
M. Jean BASSÈRES -
Une première réponse est d'ordre
technique. La mise en place de réseaux informatiques compatibles, qui
permettent des échanges, est une nécessité. La
qualité comptable dans les collectivités territoriales est une de
mes préoccupations. Aujourd'hui, le comptable public tient les comptes.
Les écritures comptables qu'il passe concernent des opérations
qu'il a vérifiées.
Mais qu'en est-il des opérations de provision et d'amortissement ?
Le comptable public n'est pas aujourd'hui en mesure d'indiquer à
l'ordonnateur que, en tenant compte de son actif et de son exposition aux
risques, il devrait provisionner quelque chose. Cette question n'a pas encore
été tranchée juridiquement.
M. le Président
- Si l'on s'attache au principe de
sincérité et si l'on constate que telle collectivité voit
son exposition à des risques imparfaitement transcrits dans ses comptes,
la personne chargée de certifier ses comptes devrait pouvoir voir sa
responsabilité mise en jeu.
M. Jean BASSÈRES
-
J'aimerais personnellement que les
comptables publics soient capables de dire à l'élu que les
provisions ne seraient pas suffisantes dans telle ou telle situation. Le
rattachement des charges et produits à l'exercice, qui est un principe
comptable de base, ne me semble pas être aujourd'hui respecté dans
toutes les comptabilités. Les comptables le voient théoriquement,
puisqu'ils paient toutes les dépenses.
M. le Président
- Les comptables publics devraient voir leur
fonction se rapprocher de celle des experts-comptables au sein des entreprises,
qui ont la responsabilité de veiller au respect des règles et
à la sincérité des documents de synthèse.
Peut-être est-ce une fonction qui permettra de veiller au respect de ces
principes, sans lesquels il n'y a pas de sincérité des documents
financiers.
M. Jacques OUDIN
- Je crois que ce principe de sincérité
est essentiel. Ce mouvement général peut soutenir la
crédibilité de la décentralisation. La
sincérité peut être atteinte par une comptabilité
patrimoniale qui seule peut asseoir une politique de provisions et
d'amortissements sincère. Nous sommes tous d'accord sur ce principe.
Elle doit être mise en oeuvre d'autant qu'elle sera primordiale,
lorsqu'il y aura des transferts notables de patrimoine d'une
collectivité locale à l'autre dans le cadre de la
décentralisation.
Pour en revenir à la régie, si l'on n'instaure pas des
règles de comptabilité aussi strictes que celles qui existent
dans le cas de la délégation de service public, pour cette forme
d'exploitation d'un service, le doute subsistera dans l'opinion sur la raison
pour laquelle elle a été préférée. Il faut
une instruction sur la tenue des comptes des régies.
M. Yves FRÉVILLE
- Le coefficient d'intégration fiscale
(C.I.F.) est une sorte de monstre qui permet de détecter dans les
comptes des collectivités territoriales un certain nombre de transferts
qui donnent droit à des dotations de l'Etat. La nomenclature
budgétaire des communautés de communes ne permet pas de bien les
identifier. La D.G.C.L. édicte donc une circulaire adressée aux
préfets, leur demandant d'enquêter directement auprès des
communautés de communes.
Dans un deuxième temps, et pour éviter de ne se fonder que sur
les questionnaires sujets à caution, les quelque deux mille comptes
administratifs des communautés de communes sont
récupérés et analysés par la D.G.C.L. pour
vérifier les dires des préfets et des communautés de
communes. Finalement, les collectivités ne savent pas comment a
été calculé leur C.I.F. Par conséquent, elles ne
peuvent pas contrôler la répartition par l'État de quelques
7,5 milliards d'euros de dotations. Je ne comprends pas pourquoi une
coordination étroite ne pourrait pas être mise en oeuvre. Dans les
comptes administratifs, on pourrait par exemple isoler les types de transferts
qui rentrent dans le calcul du C.I.F. de sorte que l'on n'ait plus recours
à une telle mobilisation administrative inutile.
M. le Président
- Auparavant, les élus pouvaient trouver
conseil auprès des administrations de la préfecture ou bien des
T.P.G. Ceci n'est plus d'actualité. Ils doivent désormais faire
appel à des cabinets extérieurs et spécialisés qui
sont chargés d'expliquer aux agents de l'Etat, les règles que
l'Etat a lui-même édictées.
M. Adrien GOUTEYRON
- J'observe les cartes des collectivités qui
font appel aux lignes de trésorerie. En regardant ces cartes, je
constate que et ma région et mon département appartiennent aux
catégories de collectivités qui font le moins appel à ces
lignes de trésorerie. En regardant la carte des départements, je
n'arrive pas à établir la moindre typologie. Pourriez-vous,
Monsieur le directeur, me donner des explications supplémentaires ?
M. Jean BASSÈRES
-
Je peux vous indiquer que, pour
calculer l'indice, on a rapporté les sommes créditrices du compte
qui isolent les mouvements liés aux lignes de trésorerie du solde
débiteur du compte qui suit la trésorerie. C'est une simple
photographie mécanique qui rapporte une masse à une autre. Je
suis incapable, au-delà, de vous expliquer pourquoi tel ou tel
département a recours aux lignes de trésorerie. On ne peut pas
porter de jugement sur la bonne ou la mauvaise utilisation des lignes de
trésorerie en regardant ce graphique.
M. le Président
- Les plus grosses collectivités ont
certainement été démarchées par des
opérateurs financiers qui ont convaincu les administrateurs financiers
de l'intérêt des lignes de trésorerie. Plus la
densité des petites communes est forte, moins il est probable que l'on
fasse usage de ce type d'instruments.
M. Adrien GOUTEYRON
- Je m'étonne cependant que Paris et la
région parisienne aient aussi peu recours à ces lignes de
trésorerie.
M. Jean BASSÈRES
-
La ville de Paris et les
départements de la région parisienne y ont également
recours, mais ce recours ne représente qu'un très faible montant
de l'encours global.
M. le Président
- Je vous remercie.