C. UNE DIFFUSION ENCORE INSUFFISANTE DE L'ÉQUIPEMENT UNIVERSITAIRE SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE...
Bien que les deux programmes et plus particulièrement le Plan U2000 avaient pour objectif de réduire les inégalités de l'accès à l'enseignement supérieur, la carte universitaire épouse néanmoins tous les contrastes de l'armature urbaine et économique de l'Hexagone. Le réseau universitaire est, en effet, à l'image du réseau urbain français, fortement dominé par le poids de la capitale, et plus hiérarchisé dans la France de l'Est et du Sud, la France des métropoles, que dans la France de l'Ouest et du Centre, la France des villes moyennes.
Figure
7.2 - Les universités et leurs antennes en 1999 - 2000
Source : DATAR, Aménager la France de 2020 - Mettre les territoires en mouvement, Paris, La Documentation française, 2002, p. 24
1. Paris et l'Ile de France : un poids modéré dans l'ensemble national mais une nette domination sur le bassin parisien
Les
sites provinciaux d'enseignement supérieur universitaires captent
70 % de la totalité des étudiants
(tous types de
formation confondus), les 30 % restant se répartissant
essentiellement en Ile-de-France.
Paris se caractérise par l'ancienneté et le poids de ses
universités et plus encore de ses grandes écoles. Paris et
l'Ile-de-France concentrent tous les avantages : des flux
d'étudiants importants en provenance des trois académies de la
région, de toute la France et de l'étranger, mais aussi un
environnement culturel et de recherche exceptionnel.
Première région universitaire et de recherche de notre pays,
l'Ile-de-France s'est singularisée lors du programme Université
2000 : les collectivités territoriales n'ont pas, sauf dans le cas
des universités nouvelles, accepté de s'associer à
l'effort de l'Etat. Malgré la stabilisation des effectifs, la pression
étudiante reste forte, les universités sont morcelées sur
plus de 150 sites et les conditions d'étude sont médiocres,
notamment en ce qui concerne les bibliothèques.
Aussi la région francilienne se caractérise t-elle par une plus
faible représentation, en regard des autres académies, des
Instituts Universitaires de Technologie (IUT) et des sections de techniciens
supérieurs (STS).
Si l'académie de Paris reste dominante dans le domaine de
l'enseignement supérieur, un certain rééquilibrage a
été opéré, ces dernières années, au
profit des métropoles régionales mais également au sein de
l'Ile-de-France
(Tableau 7.2).
Tableau
7.2 - Evolution des effectifs étudiants de l'enseignement
supérieur
Source : DATAR, Aménager la France de 2020 - Le
Bassin parisien, Paris
La Documentation française, 2002, p. 57
Au-delà de l'effort de rénovation, la
modernisation
des universités parisiennes amorcée dans le cadre du programme
U3M (aucune mesure lors du plan U2000) se construit autour d'une
réflexion globale sur la carte universitaire de l'Ile-de-France. Il
s'agit notamment de poursuivre la rénovation et le développement
des universités de la petite couronne (Nanterre, Villetaneuse,
Créteil, Saint-Denis), de favoriser le développement de la
recherche dans les universités nouvelles et de compléter le
réseau des IUT.
Une série d'indicateurs
25(
*
)
tend à montrer un certain
retard structurel des universités du Bassin parisien (hors
Ile-de-France)
26(
*
)
, voire
une aggravation conjoncturelle de ce retard
(Figures 7.3 et 7.4).
Figure
7.3 - Le contraste universitaire entre l'Ile-de-France et le reste du
Bassin parisien
Source : DATAR, Aménager la France de 2020 - Le
Bassin parisien, Paris
La Documentation française, 2002, p. 57
Seule l'Université de Rouen correspond au profil moyen de répartition des étudiants entre les cycles. Toutes les autres montrent un premier cycle hypertrophié, un second cycle « moyen » mais le plus souvent en dessous de la moyenne, un troisième cycle inférieur ou très inférieur aux moyennes nationales. Ce pourcentage devient particulièrement faible dans les trois universités qui n'enseignent pas la médecine à savoir Orléans, Le Havre et Le Mans. Si l'écart avec l'Ile-de-France, avec le poids de l'académie de Paris (25,9 % d'étudiants de troisième cycle), est considérable, il est également relativement important avec les académies de Créteil et de Versailles (17,2 % des effectifs en 3 e cycle). Un véritable transfert des étudiants du bassin parisien vers l'Ile-de-France semble donc s'exercer à ce niveau d'étude.
Figure
7.4 - Projections des effectifs étudiants originaires du
Bassin parisien pour 2020, étayées sur les projections
démographiques de l'INSEE et
l'estimation de l'évolution des
taux de scolarisation
Source : DATAR, Aménager la France de 2020 - Le
Bassin parisien, Paris -
La Documentation française, 2002, p. 57
Figure
7.5 - Le déséquilibre du 3è cycle universitaire
Source : DATAR, Aménager la France de 2020 - Le
Bassin parisien, Paris
La Documentation française, 2002, p. 57
La
situation est d'autant plus inquiétante que l'ensemble des
universités du Bassin parisien a connu une forte baisse d'effectifs
entre 1995 et 2000, perdant près de 25 000 étudiants, soit
plus de 15 %, à un rythme supérieur à celui du reste
de la France.
Le Bassin parisien a ainsi en cinq ans perdu plus d'un point en pourcentage
dans les effectifs des étudiants des universités (au sens strict,
universités sans leurs composantes IUT ou Ecoles d'ingénieurs),
voyant sa part passer de 11,1 % à 9,9 % alors que cet ensemble
représente plus de 16 % de la population française. Ses
universités accueillent 11,2 % des étudiants français
de premier cycle et seulement 9,3 % pour le second. L'analyse de la
population étudiante inscrite en troisième cycle confirme bien
cette faiblesse structurelle des universités du Bassin parisien (Figure
7.5), dont la part est de 7,7 % dans l'ensemble national.
L'augmentation sensible pendant cette même période des
étudiants des IUT (+ 12,5 %) et plus encore des
élèves-ingénieurs (+ 27 %) est loin de compenser
l'évolution de l'université parce qu'il s'agit de nombres bien
plus faibles en tout : 27 000 étudiants, en progression de
4 000 de 1995 à 2000. La progression des effectifs dans les
établissements du Bassin parisien est, pour ce type de formation, bien
inférieure à celle observée en France (+ 18 %
pour les IUT).
Afin de palier cette sous-dotation en équipements d'enseignement
supérieur, plusieurs mesures ont été prises en 2000,
année de contractualisation des établissements du bassin parisien
(hors Ile-de-France) :
- la mise en place d'une politique globale d'écoles doctorales dans
toutes les Universités, y compris en favorisant des relations de
partenariat à l'intérieur de régions ou d'une
région à l'autre (par exemple entre les universités
normandes de Caen, Rouen, Le Havre, l'INSA de Rouen).
- l'étude systématique de possibilités de
créer des structures mixtes avec les organismes ayant des laboratoires,
des équipes ou des chercheurs dans le périmètre de
l'Université.
- l'augmentation significative des moyens de la recherche universitaire
pour ces universités souvent mal dotées. Ainsi la dotation
annuelle de fonctionnement recherche des Universités du Bassin parisien
est-elle passée de 60 millions de francs en 1997 à 76 millions en
2000 (+ 26 %), alors que l'augmentation du budget de l'Etat oscillait
entre 1 et 2 % par an.
Malgré ces mesures d'accompagnement, les disparités territoriales
sont toujours importantes et relèvent plus d'un état de
fait : certaines universités scientifiques de l'Ile-de-France (et
plus particulièrement Paris VI ou Paris II) disposent à elles
seules de plus de moyens que les dix universités du Bassin parisien,
sans parler du complément apporté par les organismes de
recherche.
2. Un système universitaire encore fortement concentré dans les métropoles régionales, au détriment des villes moyennes
La population étudiante, à 71 % universitaire, reste très concentrée en Ile-de-France et dans les grandes métropoles régionales.
Figure
7.6- Evolution des effectifs entre les entrées de 1995 et 2000
A la
rentrée 2001, 59 % des effectifs étudiants inscrits dans
l'enseignement supérieur sont en effet concentrés dans les
académies de Paris, Lille, Versailles, Lyon, Créteil, Toulouse,
Rennes, Aix-Marseille et Nantes qui offrent un large éventail de
formations.
Plus de 80 % des étudiants poursuivent leurs études dans
seulement 30 unités urbaines.
Les principaux pôles
universitaires structurent le territoire en bassins de recrutement qui
correspondent le plus souvent aux académies et, par là
même, aux régions.
En métropole, moins de 10 % des étudiants de province
(tous types de formation confondus) sont inscrits en dehors des sites
sièges d'universités.
Sur l'ensemble provincial métropolitain, moins de 10 % des sites
(52) accueillent 87 % de la population étudiante totale.
La
répartition géographique de la population étudiante
correspond bien souvent, à la répartition de la population sur le
territoire de l'académie.
Ainsi, en dehors de la multiplication des antennes universitaires et des IUT,
les villes moyennes sont largement maintenues à l'écart du
mouvement de diffusion des formations supérieures qui privilégie
Paris et les métropoles régionales. Elles ont principalement
bénéficié de l'implantation de formations technologiques
courtes ou de premiers cycles universitaires
dans les disciplines
réputées « peu coûteuses ».
3. La perte de vitesse des universités susceptible de profiter aux villes moyennes
- • Les universités moins attractives face aux formations plus professionnelles
Tableau 7.3 - Evolutions des effectifs
universitaires
depuis 1980 - 198
(France métropolitaine)
Source : ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
Si l'on
peut parler de désaffection des universités, celle-ci ne concerne
réellement que le premier et le second cycle (Tableau 7.3)
27(
*
)
alors que les effectifs du
troisième cycle poursuivent leur croissance.
En parallèle, les populations des filières technologiques et
d'ingénieurs de l'enseignement supérieur progressent toutes sur
la période 1995-2000 :
IUT : + 15.7 %
STS : + 5.7 %
Ingénieurs : + 19.8 %
Deux explications peuvent être avancées :
- une absence de pré-professionnalisation en dehors des IUP
(Institut Universitaire Professionnel) ;
- une dépense moyenne annuelle par étudiant bien en
deçà des formations professionnelles.
Le bilan mitigé des antennes universitaires
Les antennes universitaires constituent un ensemble très
hétérogène : leur fréquentation varie de moins
de 20 à plus de 3 000 étudiants. Globalement elles
n'accueillent que 3,5 % des étudiants de province qui suivent une
formation universitaire hors IUT et ingénieurs, et essentiellement en
premier cycle.
Si l'efficacité de ces nouvelles structures est parfois remise en
question du fait de la faiblesse des effectifs et des taux d'échec
relativement importants comparés aux crédits alloués pour
leur mise en place et pour leur fonctionnement (comme par exemple l'antenne
universitaire de Montbéliard dans le Doubs), il apparaît que
celles-ci génèrent des effets territoriaux positifs.
L'université s'inscrit comme un véritable acteur local, au profit
d'un « enseignement supérieur pour tous », du
développement d'un service de proximité, d'un renforcement et
d'une structuration des bassins de recrutement.
La difficulté majeure pour les collectivités locales en charge de
la gestion des antennes universitaires est par contre de développer des
activités de recherche qui représentent « le
coeur » de l'université. La durabilité des antennes
universitaires dépend en effet en grande partie, voire totalement, des
efforts déployés dans le domaine de la recherche afin : de
faire prévaloir une certaine marque d'excellence, de sédentariser
les enseignants-chercheurs et d'éviter au maximum le
phénomène des « turbo-profs ».
L'université d'Albi, créée en 1991, est un exemple de
réussite d'antenne universitaire puisqu'elle est
considérée dans la région Midi-Pyrénées
comme le pôle d'avenir de l'enseignement universitaire hors Toulouse.
Dès sa création, les professionnels de l'enseignement et les
acteurs politiques locaux ont pris conscience de l'enjeu que pouvait
représenter la mise en place d'équipes de recherche.
Figure 7.7 - Les instituts universitaires de technologie en 1999 - 2000
Un
véritable succès des IUT reposant sur leur
pré-professionnalisation
Le nombre d'établissements universitaires a augmenté au cours des
années 1990 grâce au plan Universités 2000
qui a permis
à partir de 1991, outre la création d'universités
nouvelles, la multiplication d'antennes universitaires et d'IUT,
localisées sur de nouveaux sites géographiques, et la
création de nombreux départements d'IUT (Figure 7.7).
La multiplication des sites, amorcée depuis les années 1970
(Tableau 7.4),
a très nettement amélioré
l'accessibilité géographique à l'enseignement
supérieur.
Aucun point du territoire métropolitain n'est à plus de
150 kilomètres des villes sièges des universités
.
Cette distance est encore réduite si l'on tient compte des antennes
universitaires.
Tableau 7.4 - Evolution du nombre
d'établissements de l'enseignement supérieur depuis
1993 - 1994
Source : ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche
En
province on dénombre 82 sites d'implantation de départements
d'IUT en dehors des sites sièges d'université ; ils
accueillent 28 % des étudiants provinciaux préparant un DUT.
Les installations d'IUT isolés, sans liaison réelle avec le tissu
local des entreprises, ont toutefois souvent de la peine à s'imposer.
Les autres filières
Les sections de techniciens supérieurs se sont développées
parallèlement aux IUT - mais pas toujours de façon
coordonnée - selon un maillage beaucoup plus diffus qui concerne la
quasi-totalité des villes moyennes et parfois des villes de taille plus
modeste. 47.5 % des inscrits provinciaux en STS sont dans un
établissement implanté en dehors des sites sièges
d'universités.
Si les formations d'ingénieurs sont présentes dans toutes les
académies métropolitaines et si le poids relatif de
l'Ile-de-France (23 %) est presque le même que pour l'ensemble des
formations supérieures, leur localisation se caractérise par une
concentration dans quelques régions. Leur part dans l'enseignement
supérieur est surtout forte dans les régions à vocation
industrielle traditionnelle (Lorraine, Franche-Comté), les
régions spécialisées dans les industries de pointe
(Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes) ou les régions qui ont
bénéficié des délocalisations (Bretagne, Picardie).
Elle est particulièrement faible dans les régions du sud
(Aquitaine, Languedoc-Roussillon, PACA).
On peut également souligner la plus forte concentration des
écoles d'ingénieurs non universitaires en Ile-de-France
(33 % des effectifs). Parallèlement, les formations universitaires
d'ingénieurs de création plus récente et où
s'inscrivent 34 % des élèves-ingénieurs, sont
à 96 % provinciales.
Les régions et, derrière elles, les autres collectivités,
ont obtenu que chaque ville moyenne de France bénéficie d'un IUT,
d'une antenne universitaire ou encore d'une université de plein
exercice, ce qui ne correspond pas nécessairement au meilleur usage des
deniers publics, ni à la meilleure formation possible des
étudiants. La très haute qualité universitaire implique
beaucoup d'argent (laboratoires de recherche, bibliothèques) et la
France a dans ce domaine un grand retard à rattraper sur les pays
d'Europe du Nord (30 millions de livres dans les bibliothèques
universitaires, contre 122 millions en Allemagne).