3. Un avenir tributaire de l'équilibre des marchés français et européen de la viande bovine
a) Les perspectives du marché européen
(1) A court terme
Après la tourmente générée par les crises sanitaires, la consommation reprend doucement, les mesures sanitaires conséquentes prises au cours de l'année 2001 ayant permis de regagner la confiance des consommateurs. Dans certains Etats membres comme l'Allemagne, la consommation reste encore significativement en-dessous de son niveau de 1999.
Mesures sanitaires de précaution décidées en 2001 et 2002 par l'Union Européenne - généralisation des tests ESB sur tous les bovins de plus de 30 mois, à partir du 1 er janvier 2001. Actuellement, certains Etats membres testent aussi les animaux de plus de 24 mois ; - interdiction de l'utilisation des farines de viandes et d'os dans l'alimentation des animaux de rente ; - extension de la liste des matériels à risque spécifiés (MRS) de bovins et d'ovins à retirer de la consommation, démédulation obligatoire des bovins de plus de 12 mois à partir du 1 er janvier 2002 ; - obligation, depuis le 1 er janvier 2002, de mentionner sur les étiquettes de viande bovine les pays de naissance, d'élevage et d'abattage. |
Les prix des jeunes bovins se sont redressés, les difficultés se situant plus aujourd'hui sur le marché des femelles, notamment celui des vaches de réforme. Ayant fait l'objet de mesures de rétention sur les exploitations pendant l'année 2001, durant laquelle la crise a atteint son paroxysme, ces vaches sont en effet abattues en nombre, alors que parallèlement, la Commission européenne commence à remettre sur le marché la viande qui avait été stockée depuis deux ans.
Les marchés extérieurs se réouvrent, en particulier ceux du Moyen-Orient, qui achètent surtout des taurillons laitiers engraissés. Par ailleurs, l'Union européenne, en particulier la France, dispose de perspectives d'exportation intéressantes vers la Russie, dont la production de viande bovine est aujourd'hui largement déficitaire.
(2) A plus long terme
A plus long terme, l'équilibre européen du marché de la viande bovine devrait essentiellement dépendre de l'évolution de la demande.
? L'offre de viande bovine connaît, en effet, depuis dix ans, une réduction structurelle liée, d'une part, à l'orientation de la politique laitière, puisque les quotas incitent à l'intensification et à la réduction du cheptel laitier, d'autre part à la maîtrise imposée au système allaitant, notamment à travers les références individuelles et nationales pour l'attribution des primes.
Selon une étude 19 ( * ) sur le marché européen de la viande bovine à l'horizon 2008, publiée en octobre 2002 par l'Institut de l'Elevage, le maintien du système des quotas et l'augmentation tendancielle des rendements laitiers devraient conduire à un recul de 9 % du cheptel laitier européen entre 2001 et 2006.
Le cheptel bovin allaitant devrait, quant à lui, continuer de croître à un rythme modéré, sous l'effet de la progression du cheptel allaitant de l'Autriche (+ 23% selon les prévisions), du Portugal (+ 11%), de l'Espagne et du Royaume-Uni, où la substitution du cheptel laitier se poursuit. Au total, l'augmentation du cheptel allaitant (+ 450.000 têtes) d'ici 2006 ne compenserait cependant pas le recul de l'effectif de vaches laitières (- 865.000 têtes).
L'arrivée de nouveaux Etats membres ne devrait pas bouleverser l'offre. Le cheptel laitier des pays candidats à l'élargissement subit depuis dix ans de fortes restructurations, passant de 9,2 à 5,1 millions de vaches. Celle-ci devrait se poursuivre, compte tenu de l'augmentation prévisible de la productivité laitière dans ces pays et du niveau des quotas qui leur seront attribués. L'élevage allaitant, peu développé dans ces pays -leur cheptel est estimé à 300.000 vaches-, devrait, quant à lui, rester stable, eu égard au niveau faiblement incitatif des aides directes qu'ils recevront dans un premier temps.
Il convient, en revanche, de tenir compte de la menace que ferait peser sur l'Union européenne une extension des possibilités d'accès des pays tiers au marché européen. En application de l'accord de Marrakech de 1994, l'UE a dû concéder une baisse des droits de douane sur les importations de viande et attribuer des contingents à droits réduits.
Les négociations agricoles actuellement en cours dans le cadre de l'Organisation mondiale du Commerce font craindre un nouveau pas vers le démantèlement de la préférence communautaire.
? S'agissant du facteur demande, les perspectives d'évolution sont plus délicates à établir.
. Les exportations ne devraient pas progresser outre mesure . Selon une étude 20 ( * ) prospective réalisée par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA), l'Union européenne n'a pas de réelle vocation exportatrice pour l'ensemble des produits issus de l'élevage bovin (lait et viande), si ce n'est pour des produits à forte valeur ajoutée, comme certains fromages ou comme la génétique animale.
Il est vrai que le commerce international de viande bovine étant un commerce de pays riches, toute augmentation des exportations suppose de trouver des marchés solvables. Par ailleurs, la sécurité sanitaire est de plus en plus utilisée comme une barrière aux échanges . Enfin, les restitutions aux exportations de viande bovine, qui portent aujourd'hui sur un contingent de 820.000 tonnes équivalent carcasses (tec), devraient, selon toute vraisemblance, subir de nouvelles diminutions, voire disparaître à l'issue des négociations menées actuellement dans le cadre de l'OMC. Compte tenu de l'important écart de prix entre les productions européennes et celles des autres pays grands exportateurs, tels que les Etats-Unis et l'Argentine, il paraît difficile d'envisager de garder nos marchés à l'export sans restitutions.
. Cela rend d'autant plus déterminant le poids de la consommation interne à l'Union européenne. A cet égard, l'Institut de l'Elevage retient, dans l'étude précitée, l'hypothèse d'un rétablissement à l'horizon 2008 de la demande européenne à son niveau de 1999, résultant :
- d'une part d'une poursuite de la baisse de la consommation moyenne par habitant (- 4%), qui passerait de 20 à 19,7 kilogrammes par an ;
- d'autre part, d'une augmentation de la population européenne.
En outre, la consommation des nouveaux Etats membres devrait connaître une progression liée à l'élévation du niveau de vie de ses habitants. Il est vrai que la consommation de viande bovine dans les PECO part d'un niveau particulièrement bas, puisqu'il est aujourd'hui, selon les estimations de la Commission européenne, de l'ordre de 6,5 kgéc en Hongrie et de 9 kgéc en Pologne.
L'étude de l'Institut de l'Elevage envisage, en définitive, ainsi un déficit de production par rapport à la consommation européenne à l'horizon 2008.
b) Les perspectives pour le marché français
Compte tenu de la répartition entre cheptel laitier et cheptel allaitant et de la spécialisation forte de ce dernier vers l'activité de naissage, l'équilibre production/consommation de viande bovine sur le marché français s'établit de la manière suivante (chiffres 2000 cités par le périodique Chambres d'Agriculture d'avril 2001) :
- 21% de la production française est exporté vers l'Union européenne, principalement à destination des pays du Sud de l'Europe, notamment de l'Italie ; ces exportations proviennent pour les 2/3 du cheptel allaitant et pour 1/3 du cheptel laitier ;
Ces pays ne disposant pas des surfaces herbagères nécessaires à l'élevage de ces bovins, ces exportations françaises devraient se maintenir.
- 20% de la viande bovine consommée en France est importée de l'Union européenne ; cette viande est principalement distribuée dans le réseau de la restauration hors domicile (RHD).
Ces importations ont également vocation à perdurer dès lors que la consommation française :
- d'une part, privilégie -à hauteur de 78 %- la viande issue de femelles, alors que ce type de viande ne représente que 60 % de la production française ;
- d'autre part, est plus portée sur les quartiers arrières (morceaux à griller), que sur les quartiers avant, d'où un déficit en quartiers arrières.
* 19 « Viande bovine dans l'Union européenne, Prévisions 2008 », Le Dossier Economie de l'élevage n° 317, octobre 2002, Institut de l'Elevage
* 20 Dossier «Elevage bovin : prospective 2020 », in Chambres d'Agriculture, n° 897, avril 2001