Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002

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B. 2. LES ORIENTATIONS POSSIBLES D'UNE POLITIQUE DE L'INVESTISSEMENT

Si l'enjeu de l'accélération de la croissance potentielle repose sur un rythme élevé d'investissement, quels sont les facteurs susceptibles de favoriser un tel mouvement ? La politique de l'investissement soulève des problèmes complexes : les mesures fiscales sont-elle efficaces ? Vaut-il mieux baisser les taux d'intérêt ou soutenir la demande globale ?

Les mesures de politiques budgétaires globales paraissent d'une efficacité faible et transitoire. On peut distinguer deux catégories de politique budgétaire destinées à favoriser l'investissement productif : les incitations fiscales et les aides financières directes.

En France, la politique de l'investissement s'est profondément modifiée au cours des années 1980. Au début de la période, l'investissement avait été encouragé par des actions sectorielles sous formes d'aides directes et de subventions, traduisant une politique industrielle au profit des secteurs en crise (textile, construction navale, sidérurgie, chimie) ou de secteurs supposés porteurs (constitution d'une filière électronique). Il est vite apparu que le soutien aux secteurs porteurs ou en déclin, souvent temporaire, conduisait à une mauvaise allocation des ressources, les premiers bénéficiant d'un effet d'aubaine alors qu'ils auraient de toute façon investi, la restructuration des seconds étant retardée. Il s'avère que dans ce domaine comme dans d'autre, l'efficacité des aides sectorielles directes à court terme est mise en doute à la fois par beaucoup d'économistes comme par la plupart des chefs d'entreprises. Les aides sectorielles à long terme, par un soutien financier ou des commandes directes, peuvent rester légitimes pour des projets risqués (A3 XX, dépenses de défense nationale,...) en raison notamment de la myopie des marchés financiers ou des primes de risque élevées qui seraient réclamées sur ces mêmes marchés.

En termes d'aides directes, l'efficacité de la politique de l'Etat devrait se concentrer sur la politique d'innovation et de recherche. Les découvertes et les innovations scientifiques et techniques se diffusent de sorte que les entreprises ou les auteurs ne peuvent pas en capter tous les bénéfices et peuvent ne pas être suffisamment incités à engager les coûts nécessaires, ce qui justifie une intervention publique. Le gouvernement américain a toujours cherché à soutenir la recherche et les industries de pointe à la base de leur démarrage. L'Etat fédéral américain participe au financement des activités de recherche (près de 70 milliards de dollars par an en 1995 dont plus du tiers est versé directement aux entreprises américaines) et cet effort est monté en puissance au cours des dernières années. Le nouvel environnement géopolitique laisse à penser que cet effort n'est pas prêt de diminuer. Il existe dans ce domaine un retard considérable de l'Union européenne par rapport aux Etats-Unis (Muldur, 2000, estime ce rapport d'environ 1 à 4). A cet égard, un des exemples les plus marquants des vingt dernières années tient au développement des TIC : une partie importante de l'effort de R&D est assuré sur le budget du Department of Defense , qui a été et reste à la source du développement de l'Internet. Le financement de ces recherches ont sans nul doute permis aux entreprises américaines d'acquérir des avantages compétitifs dans les secteurs technologiques et ce n'est certainement pas une coïncidence si la « nouvelle économie » s'est développée à partir d'une formidable croissance des investissements dans les nouvelles technologies.

Toutefois, les demandes des entreprises mettent la priorité sur la nécessité pour l'Etat d'assurer un environnement stable qui favorise les comportements tournés vers la croissance et la prise de décisions de long terme. Aussi, depuis le milieu des années 1980, la politique de l'investissement passe par une action sur l'environnement des entreprises, principalement sous formes de mesures fiscales, au rang desquelles figure l'abaissement progressif du taux de l'imposition sur les sociétés en France.

Les incitations fiscales à l'investissement peuvent se présenter sous des formes variées : taux d'intérêt ou taux d'imposition préférentiel pour certains projets, possibilité de mettre en place des procédures d'amortissement accéléré, déductibilité des intérêts d'emprunts ou crédits d'impôt...Toutes ces mesures en en commun d'alléger le coût du capital. Les travaux récents de Crépon et Gianella (2001) pour la France montrent que leur effet serait non négligeable alors qu'elles ont été longtemps considérées comme peu efficaces : selon ces travaux, si le taux de l'impôt sur les sociétés était porté à 50 %, il faudrait s'attendre à une baisse du niveau de l'investissement productif de près de 10 %, ce qui se traduirait par une récession majeure et une perte de croissance potentielle. Le même raisonnement associerait un résultat positif inverse à une baisse du taux de l'impôt.

Les travaux récents insistent sur l'hétérogénéité des comportements d'investissement et sur les contraintes de financement qui pèsent sur les PME-PMI, notamment dans les périodes de récession. Ces difficultés renforcent le caractère pro-cyclique de l'investissement. Les PME, et plus particulièrement les entreprises en création, rencontrent des difficultés d'accès aux marchés financiers en raison d'asymétries d'information entre elles et leurs banquiers. Les plus fragiles par leurs tailles et leurs moyens, ces entreprises fournissent près des deux tiers de l'investissement productif et sont représentatives de la compétitivité d'une économie. Il importe donc de favoriser leur développement et ceci nécessite de dispositifs spécifiques. Le caractère global et non sélectif des aides financières directes conduit à faire bénéficier certaines entreprises d'un effet d'aubaine au détriment de celles auxquelles elles sont destinées. En revanche, les mesures favorables au financement en fonds propres ou le développement des possibilités d'accès au crédit apparaissent particulièrement adaptées à la situation des PME-PMI. Ces considérations font partie des préoccupations des pouvoirs publics, notamment depuis la création de la Banque de financement des Petites et Moyennes Entreprises (BDPME). Elles devraient rester un enjeu de politique économique.

En France, une source d'inefficacité majeure de la fiscalité sur l'investissement est sa complexité. Les PME ne disposent des moyens suffisants pour en tirer partie. Entre les aides de l'Etat, les aides européennes et celles des collectivités locales, ce sont de nombreux dispositifs. Une autre source d'inefficacité tient à l'incertitude sur l'environnement fiscal des entreprises : la fréquence des changements législatifs porte probablement préjudice à l'investissement. La simplification et la stabilisation des dispositions réglementaires existantes paraissent donc souhaitables.

L'étude de l'évolution de l'investissement productif dans les différents pays étudiés a permis d'expliciter les facteurs de développement de l'investissement. Le niveau d'investissement des entreprises dépend des perspectives d'évolution de la demande et du niveau de la profitabilité. La vitesse de diffusion de l'innovation sous toutes ses formes et des technologies de l'information et des communications en particulier sera en outre un des enjeux majeurs de la prochaine décennie. Enfin, les difficultés particulières rencontrées par les PME et PMI et leur poids considérable dans l'économie nationale justifient des mesures spécifiques.

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