Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002
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B. SYMPTÔMES DU SURINVESTISSEMENT AMÉRICAIN :
Différents indices laissent à penser que l'économie américaine a elle aussi été affectée par une bulle de surinvestissement, observable notamment sur la période 1998-2000.
L'investissement aux Etats-Unis représente, en moyenne, environ un sixième du PIB. Mais, de 1998 à 2000, l'investissement a cru jusqu'à représenter 30 % du PIB américain. Cette croissance de l'investissement est sensiblement plus accentuée que lors des cycles précédents, ou l'investissement n'a jamais représenté plus de 22 % de la croissance totale.
Cette progression de l'investissement tient pour beaucoup, comme cela a été indiqué dans la première partie de ce rapport, à une forte hausse des investissements dans les NTIC. La part des investissements en technologies de l'information dans l'investissement total n'a cessé de croître dans les années 1990, jusqu'à représenter plus de 30 % du total à la fin de la décennie.
Comme au Japon, la progression de l'investissement a coïncidé avec une très forte appréciation des cours boursiers et une politique monétaire accommodante. Celle-ci a facilité le financement des investissements américains. En effet, la très forte valorisation des actions émises par les entreprises leur permet de lever plus facilement des capitaux. Cela équivaut à une baisse du coût du capital, qui incite les entreprises à investir. Il est vraisemblable que des investissements peu rentables, ou particulièrement aléatoires, aient pu, dans ce contexte, trouver leur financement.
Les symptômes du surinvestissement ont commencé à se manifester à partir de l'année 2000. Le retournement de la demande s'accompagne d'une chute brutale du taux d'utilisation des capacités de production dans l'industrie manufacturière, comme l'atteste le graphique ci-dessous. Ce taux est aujourd'hui nettement inférieur à sa moyenne historique.
Graphique 14 : Taux d'utilisation des capacités aux Etats-Unis (%)
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
Source : Rexecode, 2002.
L'accumulation de capacités de production excédentaires a un impact négatif sur la rentabilité des entreprises américaines. La part des profits dans la valeur ajoutée aux Etats-Unis diminue fortement depuis 1998.
Graphique 15
La baisse des profits a réduit le taux d'autofinancement des entreprises américaines, ce qui les a contraintes à augmenter leur endettement pour poursuivre le financement de leurs investissements. La dette des sociétés américaines représente, en 2002, 48 % du PIB, soit 10 points de plus que cinq ans auparavant. Nombre d'entreprises ont consacré une partie de leurs ressources à des opérations de rachat d'actions, et ont joué de l'effet de levier, pour augmenter la rentabilité du capital pour leurs actionnaires, sans augmentation de la rentabilité réelle des investissements. Ces stratégies d'entreprises créent une incitation, transitoire, à des investissements supplémentaires. Elles trouvent leurs limites lorsque la montée de l'endettement finit par menacer la solvabilité de l'entreprise.
Les similitudes observées entre les épisodes de surinvestissement américain et japonais peuvent-elles faire craindre, pour l'économie américaine, un scénario à la japonaise ?
Il est probable que la correction des déséquilibres caractérisant l'économie américaine ne soit pas encore achevée, et que celle-ci se poursuive pendant encore plusieurs années, pesant ainsi sur les perspectives de croissance.
Toutefois, l'économie américaine se distingue par une importante flexibilité, propice à une réallocation rapide du capital. Les déséquilibres de l'investissement peuvent donc se résorber dans des délais plus courts outre-atlantique qu'au Japon.
En outre, si l'on admet que le surinvestissement est particulièrement concentré dans le secteur des TIC, on peut supposer que le rythme d'obsolescence rapide de ces biens d'équipement entraînera une diminution rapide du stock de capital excédentaire. 70 ( * )
Beaucoup dépendra, enfin, des réponses de politique économique apportées par les autorités nationales. La question de la stratégie à mettre en oeuvre face à des bulles de surinvestissement sera examinée à la fin de ce chapitre.
* 70 Voir, à ce sujet, Khaber R.., Parisot C., Mourier J.-L., « Le spectre du surinvestissement », Le Point de Conjoncture - Aurel Leven, janvier 2001