Rapport d'information n° 35 (2002-2003) de M. Joseph KERGUERIS , fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, déposé le 29 octobre 2002
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III. LA FAIBLESSE DE L'INVESTISSEMENT DANS LA DÉCENNIE ÉCOULÉE RESTE, EN PARTIE, INEXPLIQUÉE PAR LES MODÈLES USUELS
L'investissement observé après 1993 a été plus faible que ce que les modèles théoriques laissaient prévoir. Un renforcement des contraintes de financement pesant sur les entreprises semble devoir expliquer cette discordance.
A. UN INVESTISSEMENT RÉALISÉ PLUS FAIBLE QUE CELUI ANTICIPÉ
La faiblesse de l'investissement depuis 1990 résulte essentiellement d'un déficit marqué d'investissement sur la période 1993-1998. Divers travaux réalisés par des chercheurs de l'INSEE 31 ( * ) soulignent que l'atonie de l'investissement pendant cette période de cinq ans est mal expliquée par les modèles usuels.
La spécification accélérateur-profit retrace convenablement la baisse de l'investissement sur la période 1990-1993. Après la forte croissance de la fin des années 1980, l'activité économique a considérablement ralenti, pour finalement déboucher sur une récession de près de 1 % en 1993. Le facteur demande était donc fortement orienté à la baisse. De plus, la persistance de taux d'intérêts réels élevés a contribué à détériorer la solvabilité des entreprises, et la profitabilité des projets d'investissement disponibles.
Après la récession de 1993, les estimations rendent moins bien compte du profil de l'investissement. En particulier, la reprise de 1995 ne se traduit pas par une hausse de l'investissement conforme à ce que l'on aurait pu attendre du lien habituellement constaté entre l'investissement et la valeur ajoutée. La déconnexion se poursuit pendant les années 1996 et 1997.
C'est seulement depuis 1998 que l'investissement redevient conforme au phénomène d'accélération vis-à-vis de la valeur ajoutée.
L'approche par le Q de Tobin pose le même problème d'interprétation. Herbet et Michaudon 32 ( * ) ont montré que le taux d'accumulation et le Q de Tobin ont suivi, au cours de la période 1975-1991, des évolutions parallèles, ce qui semble confirmer la validité du modèle sur longue période. Mais la relation entre ces deux grandeurs n'est plus établie depuis 1993. Le Q de Tobin progresse en effet sensiblement, atteignant, à partir de 1995, des valeurs proches de 1,2, indiquant l'existence d'opportunités d'investissement non satisfaites. Pourtant, le taux d'accumulation reste faible pendant cette période.
Graphique 9 : Q de TOBIN et taux d'accumulation
Source : Herbet J.B. (1995).
Alors que l'investissement productif français est resté faible sur la période 1993-1998, l'investissement américain a décollé à partir de 1992. La reprise de l'investissement français entre 1998 et 2000 a été trop brève pour permettre de rattraper le retard accumulé dans la période précédente.
Les éléments avancés pour rendre compte de cet écart entre l'investissement réalisé et les prévisions des modèles tournent autour de la notion de contrainte financière.
* 31 Herbet J.B., op. cit., 1995 ; Michaudon H. et Vannieuwenhuyze N., « Peut-on expliquer les évolutions récentes de l'investissement ? », Note semestrielle de conjoncture de l'INSEE, mars 1998 ; INSEE, L'Economie française, éd. 1999-2000, article « Faiblesse de l'investissement depuis 1990 et financement », p. 49-70.
* 32 Herbet J.B et Michaudon H., « Y a-t-il un retard d'investissement en France depuis le début des années 1990 ? », Document de travail INSEE, 1999.