44. Audition de Mme Martine Laquieze, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique au ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure, et des libertés locales accompagnée de M. Guillaume Chabert, chef du bureau des concours financiers de l'Etat (17 juillet 2002)
M.
Jean-Paul Amoudry -
Nous accueillons Madame Martine Laquieze qui est
adjointe au sous-Directeur des finances locales et de l'action
économique au Ministère de l'Intérieur, de la
Sécurité Intérieure et des Libertés Locales ainsi
que Monsieur Guillaume Chabert, chef du bureau des concours financiers de
l'Etat.
Je vous prie d'excuser un certain nombre de mes collègues, membres de la
mission d'information sur la montagne, retenus ce matin soit dans le cadre de
leur terre d'élection (c'est le cas de Monsieur Blanc), soit dans le
cadre des commissions. Vous savez en effet que le mercredi matin est le moment
privilégié de réunion de toutes les commissions du
Sénat.
En tout état de cause, sachez que votre travail de réflexion sera
retenu et consigné dans le cadre de cette mission d'information sur la
montagne.
D'ores et déjà, je tiens à vous remercier de votre apport
et de votre contribution à nos travaux.
Si vous me le permettez, je souhaiterais dire à présent quelques
mots sur le sens de cette mission. Le Sénat a souhaité profiter
de la phase électorale pour travailler sur un bilan de la politique de
la montagne à partir de la loi de 1985 et des textes qui sont intervenus
par la suite (lois d'orientation, lois d'aménagement, loi
forestière, lois sur l'urbanisme, etc.).
Concernant la montagne, nous avons donc tout un dispositif conséquent de
textes et de normes y compris européennes.
Notre mission est de dresser un bilan de cette politique de la montagne et d'y
apporter, lorsque cela s'avère nécessaire, des propositions de
corrections et d'orientations nouvelles dans un certain nombre de domaines.
Sans plus tarder, je vous laisse la parole en espérant que vous pourrez
répondre à l'ensemble des interrogations que nous avons
émises.
Mme Martine Laquieze -
Merci Monsieur le Président.
Au préalable, je vous indique que nous avons réalisé un
document de réponses à vos questions. Nous vous le remettrons en
fin de séance.
S'agissant de la présentation générale de la situation des
collectivités locales de montagne, je prendrai dans un premier temps la
parole, puis je la céderai à Monsieur Chabert qui est le grand
spécialiste des dotations de l'Etat aux collectivités locales.
S'agissant de la présentation des collectivités de montagne, je
rappellerai en premier lieu que les communes sont classées en
« communes de montagne » en fonction d'un certain nombre de
critères qui s'inspirent en réalité des critères
fixés par la directive européenne du
28 avril 1975 :
l'altitude (un seuil mimimum de 600 mètres fixé pour le
massif vosgien ; un seuil maximum de 800 mètres fixé
pour les montagnes méditerranéennes) ;
une proportion importante du territoire affectée par une
déclivité supérieure à 20 %.
L'analyse que nous avons réalisée a exclusivement porté
sur des communes de moins de 10 000 habitants.
L'ensemble des communes de montagne de moins de 10 000 habitants
représente 10 % de la population totale des communes de moins de
10 000 habitants.
Ces chiffres portent exclusivement sur des communes de montagne.
La situation de ces communes est très différente selon qu'il
s'agit de stations touristiques de sport d'hiver ou de communes de montagne
classiques.
Pour les communes touristiques (stations de sport d'hiver), la moyenne de
dépense de fonctionnement s'élève à
3 000 euros par habitant contre 1 000 euros pour les
communes non touristiques. C'est dire l'écart de situation entre les
deux catégories de communes !
L'écart est moins sensible pour ce qui est des dépenses
d'investissement prises dans leur masse globale (dépenses
d'équipement + remboursement de la dette). Ces dépenses
représentent 42 % du montant total des dépenses dans les
communes touristiques contre 44 % pour les communes non touristiques.
En revanche, on observe que les dépenses d'équipement brutes
représentent une part moins importante dans les communes touristiques
que dans les communes non touristiques. En effet, dans les stations de sport
d'hiver, les dépenses d'équipement brutes représentent
60 % des dépenses d'investissement totales alors qu'elles en
représentent 77 % dans les communes non touristiques.
Ces résultats révèlent que la majeure partie des
dépenses d'équipement sont achevées dans les communes de
stations de sport d'hiver. L'essentiel du budget d'investissement est
désormais constitué par le remboursement de la dette dont le
poids est très important.
La situation est donc contrastée entre les stations de sport d'hiver et
les communes non touristiques. Le poids de la dette est relativement
conséquent pour les stations de sport d'hiver.
Au niveau des recettes, le potentiel fiscal par habitant est sensiblement plus
élevé dans les stations de sport d'hiver : 500 euros
contre 370 euros dans les communes non touristiques.
Compte tenu des charges d'emprunt et des dépenses de fonctionnement
assez élevées, le coefficient de mobilisation du potentiel fiscal
est bien plus important dans les stations de sport d'hiver que dans les
communes de montagne non touristiques. Elles sont en effet obligées de
puiser davantage dans leur fiscalité pour faire face à des
charges tant en équipement qu'en fonctionnement. De fait, elles sont
contraintes de mobiliser davantage leur potentiel fiscal même si celui-ci
est plus élevé : 93 % contre 67 % dans les autres
communes de montagne.
M. Jean-Paul Amoudry -
Qu'en est-il par rapport à la moyenne des
communes de moins de 10 000 habitants ?
Mme Martine Laquieze -
Les communes de montagne non touristiques restent
relativement proches des communes classiques de moins de
10 000 habitants.
Par contre, les communes de montagne touristiques ont un niveau de
dépenses en fonctionnement et en investissement bien plus important en
raison du poids de la dette. Par ailleurs, on note également une
très forte mobilisation du potentiel fiscal.
Ainsi, pour l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants, le
coefficient de mobilisation du potentiel fiscal est de 69 %.
Pour l'ensemble des communes de montagne non touristiques, ce coefficient de
mobilisation du potentiel fiscal est de 67 %.
Dans les stations de sport d'hiver, ce coefficient de mobilisation du potentiel
fiscal passe à 93,5 %.
M. Jean-Paul Amoudry -
Il existe donc peu de différence entre
l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants et les communes
de montagne non touristiques.
En réalité, c'est le fait touristique qui crée une
différence importante.
Mme Martine Laquieze -
Le poids des équipements
nécessaires pour équiper les stations de sport d'hiver est
à noter.
A présent, ce poids se reflète moins dans le niveau des
dépenses d'équipement brutes que dans le service de la dette qui
induit une rigidité assez forte de ces budgets.
M. Guillaume Chabert -
Pour être tout à fait précis,
nous distinguons les communes touristiques classées « stations
de sport d'hiver », les communes touristiques non stations de sport
d'hiver et les communes non touristiques.
La distinction porte essentiellement sur l'aspect « sport
d'hiver » des communes de montagne.
Mme Martine Laquieze -
Je cède à présent la parole
à Monsieur Chabert qui va vous parler des dotations.
M. Guillaume Chabert -
Je souhaiterais revenir sur la
présentation générale qui vient d'être faite. Il
faut savoir que la liste des communes de montagne évolue chaque
année. En 1976, on comptait 5 532 communes classées en
zone de montagne. En 1999, on en comptait 5 809 et en 2002, 6 172.
Cette progression régulière peut paraître surprenante. Elle
est due au fait que peuvent être classées en zone de montagne, des
communes qui ne respectent pas des critères d'altitude, mais dont
l'économie est suffisamment liée à des communes
limitrophes elles-mêmes classées en zone de montagne, pour
qu'elles puissent bénéficier de la même appellation. Cette
liste est tenue à jour par le CEMAGREF. C'est donc le Ministère
de l'Agriculture qui gère en définitive la liste des communes de
montagne.
Cette évolution de la liste impacte les dotations de l'Etat aux
collectivités locales dans la mesure où le classement en zone de
montagne induit un certain nombre de majorations de dotations notamment au
travers de la voirie. En effet, beaucoup de dotations de l'Etat aux
collectivités locales, qu'il s'agisse des communes ou des
départements, prennent en compte la voirie. La plupart du temps,
celle-ci est majorée d'un coefficient de 1,3 lorsqu'elle est
située en zone de montagne afin de tenir compte de la
spécificité de ces communes.
S'agissant des dotations, le financement de la DFM (Dotation de Fonctionnement
Minimale) ne garantit pas actuellement une stabilité voire une
progression de la dotation puisque le financement est tripartite : une
partie de la DFM est financée par un prélèvement sur la
masse totale de la DGF des départements, une seconde partie provient
d'un prélèvement sur la région Ile-de-France dont la DGF
est amenée à disparaître, une dernière partie
provient d'un prélèvement sur la DGF des départements qui
sont plus riches que la moyenne.
Par ailleurs, les caractéristiques de la DFM ont pour conséquence
de la cibler sur les départements ruraux, et pas nécessairement
sur les départements ruraux de montagne.
En 2002 (comme en 2001 et en 2000), 24 départements sont
éligibles à la DFM. Ces 24 départements sont tous
ruraux.
Pour être éligible à la DFM, il faut soit avoir un
potentiel fiscal par habitant inférieur de 40 % à la
moyenne, soit avoir un potentiel fiscal ramené à la superficie
inférieur de 60 % à la moyenne des départements.
Ces conditions ont pour conséquence de faire bénéficier la
DFM aux départements ruraux. Ceci a conduit en 1999 et en 2001 à
ce qu'une certaine pression soit exercée en vue de
l'élargissement de la DFM aux départements urbains. L'idée
avait été soulevée au Parlement que la DFM actuelle soit
prolongée par une part plus spécifiquement ciblée vers les
départements urbains, c'est-à-dire prenant en compte les charges
sociales qui sont plus spécifiques au monde urbain.
Le rapport sur les finances locales qui a été remis en
mars 2002 inclut un assez long développement sur la DFM, sur son
financement et ses attributions.
S'agissant de son financement, le rapport projette de remplacer le financement
actuel tripartite par un système similaire à celui
préconisé pour les dotations de péréquation
communales, c'est-à-dire un système où la DGF des
départements serait séparée en plusieurs parts dont une
part de péréquation de solidarité
interdépartementale qui bénéficierait d'un socle
l'année de la réforme et qui serait alimentée ensuite au
travers d'une clé de répartition de l'augmentation de la masse
entre la part forfaitaire et la part de solidarité.
Il s'agit d'un mécanisme très semblable à celui
institué pour les communes. Au lieu de recalculer chaque année
les prélèvements, on aurait un socle et une indexation annuelle
qui garantit une progression de cette dotation.
S'agissant de la répartition de la dotation, l'idée contenue dans
le rapport consistait à adjoindre à la DFM actuelle ciblée
sur le monde rural, une part plus spécifiquement tournée vers les
départements urbains et prenant en compte des indicateurs de charge tels
que le nombre de bénéficiaires d'aide au logement, le nombre de
logements sociaux, etc.
Avec le changement de Gouvernement, le rapport doit être à
présent considéré comme une piste de travail possible.
S'agissant de votre troisième question, le potentiel fiscal
superficiaire est un indicateur assez pertinent eu égard au monde rural.
Les départements ruraux n'ont pas forcément une superficie plus
étendue que les départements urbains. Or ils doivent assurer des
charges sur l'ensemble du territoire là où les
départements caractérisés par la présence de villes
n'ont pas à assumer ces charges sur une étendue aussi importante.
Le potentiel fiscal superficiaire permet de tenir compte de cette
spécificité du monde rural. Il intervient à la fois au
niveau des communes dans la dotation de solidarité rurale et au niveau
des départements au travers de la DFM.
Il n'est pas envisagé de supprimer ce critère dans la mesure
où il nous semble assez pertinent pour mesurer les charges du monde
rural.
Mme Martine Laquieze -
Je précise que le potentiel fiscal
superficiaire est lié à la densité de la population. Plus
il est faible, plus on prend en compte la situation des départements peu
peuplés, c'est-à-dire ruraux.
M. Guillaume Chabert
- Nous nous proposons de remettre à la
mission un document de réponses écrites aux questions qui nous
ont été posées.
Nous nous proposons également de vous transmettre un document qui fait
le point sur la prise en compte au sein des dotations de l'Etat des
particularités des zones de montagne.
En réalité, un grand nombre de dotations prennent en compte les
spécificités du monde rural : la DFM ; la DSR au
travers notamment du doublement de la voirie lorsqu'elle est située en
zone de montagne ; la DDR (Dotation de Développement Rural) qui
consiste à attribuer à chaque Préfet une enveloppe de
subventions dont peuvent bénéficier les communautés de
communes rurales, il s'agit ici de subventions sur projets ; par ailleurs,
la répartition de ces enveloppes de subventions entre les
départements tient fortement compte de la présence ou non de zone
de montagne dans la mesure où une des composantes de la
répartition est le nombre d'EPCI susceptibles de
bénéficier de ces subventions ainsi que le nombre de communes
relevant de ces EPCI. Or lorsque les communes sont situées en zone de
montagne, le nombre d'EPCI est doublé forfaitairement. Quand plus de la
moitié des communes d'un EPCI sont situées en zone de montagne,
on double le nombre d'EPCI concernés. En définitive, les
enveloppes départementales de subventions de DDR qui sont
allouées à chaque Préfet tiennent assez compte de la
situation des montagnes.
Il en est de même pour la dotation globale d'équipement des
communes. Ici, ce sont des subventions sur projets qui
bénéficient aux communes ou au groupement de communes. Les
enveloppes départementales de subventions tiennent compte de la
situation de montagne puisque la voirie, qui est un des critères pris en
compte pour la répartition des enveloppes entre les départements,
est doublée pour les zones de montagne.
En conclusion, plusieurs dispositifs existent et permettent de tenir compte de
ces spécificités.
J'ajoute que depuis cette année, les communautés de communes
à taxe professionnelle unique qui bénéficient d'une
majoration de DGF (compte tenu de leur fort degré d'intégration),
qui ont moins de 3 500 habitants et qui sont situées en ZRR de
montagne (Zone de Revitalisation Rurale) sont également éligibles.
Pour répondre à votre cinquième question, je dirai que des
écarts existent effectivement entre les dotations moyennes qui servent
de base à la répartition de la DGF entre les différentes
catégories d'EPCI. Toutefois, ces écarts semblent
justifiés car le degré d'intégration d'une
communauté urbaine est sans comparaison avec celui d'une
communauté de communes à fiscalité additionnelle. Par
ailleurs, il apparaît que les charges ramenées à l'habitant
croissent en fonction de la population. Tel est le résultat des
études économétriques qui ont été
menées et dont on peut contester la méthodologie dans la mesure
où le problème réside dans ce que l'on qualifie de
« charges » au niveau du calcul. Il semblerait
néanmoins que les charges en milieu urbain soient plus importantes qu'en
milieu rural, ce qui historiquement justifiait que la DGF des communes soit
croissante en fonction de la population. Il a été mis fin
à ce dispositif depuis la forfaitisation de la DGF des communes en 1994,
néanmoins cette forfaitisation a gelé en réalité
les écarts de dotation qui existaient avant la réforme.
Actuellement, on maintient donc encore un différentiel de dotation
ramenée à l'habitant entre les zones rurales et les zones
urbaines car les charges ramenées à l'habitant croissent en
parallèle.
Il est envisageable de réduire éventuellement les écarts
entre les communautés de communes à fiscalité
additionnelle et les communautés urbaines, mais un système de
stricte égalité entre les catégories semble difficile
à mettre en oeuvre.
En effet, les communautés urbaines sont beaucoup plus
intégrées que les communautés de communes à
fiscalité additionnelle même si l'on note un certain nombre de cas
particuliers (certaines communautés de communes à
fiscalité additionnelle ont ainsi une dotation par habitant qui est
supérieure à celle des communautés urbaines).
En moyenne, les communautés de communes à fiscalité
additionnelle exercent quand même moins de compétences au niveau
intercommunal que les communautés urbaines. Les écarts sont
peut-être excessifs et pourraient être réduits le cas
échéant, mais parvenir à un système strictement
égalitaire entre les différentes catégories serait
très problématique.
S'agissant de votre dernière question, les critères qui ont
été fixés par les différentes lois (de 1995 et de
1997) sont tels que même si les bourgs-centres ne sont pas formellement
exclus du dispositif, en pratique ce sont les zones peu peuplées qui
sont concernées par les ZRR.
Pour ce qui nous concerne, les bourgs-centres sont des communes qui sont
soumises à des charges de centralité. Il s'agit de compenser ces
charges d'animation de l'espace rural qu'assurent les bourgs-centres. C'est ce
que fait la DSR (Dotation de Solidarité Rurale) dont une partie est
attribuée spécifiquement aux bourgs-centres afin de tenir compte
de leurs charges propres ; mais il nous semble que la problématique
des bourgs-centres est davantage celle d'une charge de centralité.
De ce point de vue, la logique de compensation des charges de centralité
correspond davantage à la problématique propre des bourgs-centres.
M. Jean-Paul Amoudry -
Ma question concerne les chalets de montagne
à vocation agricole. Il se trouve qu'en montagne, ces chalets sont
soumis à des obligations de travaux de rénovation et de mise aux
normes qui concernent aussi bien le gros oeuvre et les locaux de fabrication du
produit (le fromage en l'occurrence) que l'habitat de la famille du berger. Il
s'agit en définitive d'opérations assez lourdes qui, lorsqu'elles
sont exécutées par des collectivités propriétaires
du chalet, représentent des engagements financiers importants et
difficiles à supporter.
J'ai pu constater que dans certains départements, la faculté
prévue par la loi de rembourser la TVA aux communes dans le cadre du
FCTVA avait été interprétée de façon
extrêmement restrictive, les Préfets interdisant notamment, sur
instruction de l'Administration centrale, le remboursement de la TVA.
Il s'agit ici d'une très mauvaise nouvelle pour les collectivités.
En tant que parlementaire, j'ai posé plusieurs amendements et je me suis
heurté à la réponse suivante : puisque ces travaux
sont destinés
in fine
à un acte commercial à
travers la vente du produit fromager dans le circuit commercial, la TVA doit
être remboursée au titre des régimes du droit commun. Or le
droit commun suppose la création d'un budget annexe, ce que doit
admettre l'Administration. En définitive, nous sommes dans un
système « kafkaïen ».
J'ajoute que dans certains départements que j'ai visités
récemment, le Préfet accepte le remboursement de TVA.
Il serait bon que vous puissiez à l'avenir répondre à
cette problématique.
Je termine mon intervention en disant que les quelques dizaines de kilos de
fromage qui sont produits pendant l'été constituent, au niveau
commercial, un revenu agricole de bien faible niveau qui est loin de payer
à la commune un loyer conséquent.
On doit admettre que le niveau de revenu de cet alpage dont le retour
d'investissement est extrêmement lointain n'a pas grand-chose à
voir avec une entreprise. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais en
définitive que le FCTVA soit alloué à la
collectivité.
Ma deuxième question concerne le fait que nous ne savons toujours pas ce
que « Natura 2000 » apportera comme aide aux
collectivités qui ont à gérer et à entretenir des
lieux d'habitat naturel extrêmement vastes. Dans ce domaine, il faut
savoir que la collectivité ne bénéficie d'aucune aide. La
proposition qui sera mentionnée dans notre rapport consiste à
permettre à la collectivité de recevoir une aide de
solidarité de l'Etat sous la forme d'une DGF ou d'une dotation
superficiaire pour des collectivités de montagne qui ont des charges
très particulières de gestion du milieu naturel.
Mme Martine Laquieze -
S'agissant de votre première question,
beaucoup de choses dépendent en fait du contexte dans lequel les
collectivités effectuent ces travaux et des conditions dans lesquelles
est réalisée la production. La réglementation FCTVA est
précise en la matière : d'une part, une collectivité
locale ne peut pas bénéficier de FCTVA pour des travaux qu'elle a
réalisés sur un ouvrage qui n'entre pas dans son patrimoine, mais
qui est mis à la disposition d'un tiers non éligible au
fonds ; d'autre part, ne peuvent bénéficier du FCTVA que les
travaux réalisés pour des investissements qui donneront lieu
à une exploitation qui n'est pas elle-même assujettie à la
TVA.
Ces deux règles se cumulent dans le cas que vous évoquez puisque
j'ai cru comprendre que le montage classique s'apparentait à celui des
ateliers-relais.
Lorsqu'une collectivité locale réalise un atelier-relais,
c'est-à-dire un immeuble à vocation sinon industrielle du moins
de production artisanale ou commerciale, la jurisprudence qualifie cette
activité de service public avec les conséquences qui en
découlent au regard du juge des litiges qui peuvent naître
à l'occasion de ces contrats de location d'immeubles municipaux à
des tiers.
La jurisprudence s'est en revanche bien gardée de ne qualifier cette
activité ni d'industrielle, ni de commerciale, ni d'administrative, ce
qui est fondamental eu égard au FCTVA.
La qualification n'est pas simple et une réflexion est actuellement
menée au sein de la Direction générale des
collectivités locales (cette réflexion concerne le haut
débit, mais rejoint votre préoccupation : une
collectivité prend en charge des coûts d'investissement de
réalisation d'infrastructures et les met à disposition d'un tiers
qui les utilise en vue d'une exploitation commerciale). Je précise
immédiatement qu'un arrêt du Conseil d'Etat de 1920 prévoit
que dans certains cas, lorsque les circonstances particulières de lieu
le justifient, des activités commerciales peuvent être
érigées en service public y compris en service public
administratif (c'est ce que l'on a appelé le socialisme municipal). Il
doit s'agir de services indispensables à la population en milieu rural
qui justifient l'intervention de la puissance publique y compris dans des
secteurs qui relèvent normalement d'une activité concurrentielle
et qui permettent d'ériger ces services en services publics.
Il s'agit ici d'un principe reconnu à la fois par la jurisprudence et le
droit positif.
Dans des circonstances particulières notamment en milieu rural où
le maintien du service n'est pas rentable sur le plan économique, la
qualification du service tend alors vers un service public administratif. Cela
signifie que les investissements réalisés pour l'organisation de
ce service peuvent être éligibles au FCTVA, ce qui explique que
certains Préfets considèrent que les travaux effectués par
les collectivités sont éligibles au FCTVA. En revanche, dans
d'autres circonstances, le service sera davantage à caractère
industriel et commercial car les conditions particulières de
l'exploitation du service font état de l'existence d'un marché
(ici les conditions du marché sont telles que les équipements
réalisés par la collectivité locale peuvent être
affectés à un service qui sera considéré comme
industriel et commercial et pour lequel un prix peut être acquitté
par l'usager). Dans ce cas, le service sera qualifié d'industriel et de
commercial, ce qui naturellement lui retire tout bénéfice du
FCTVA.
J'ajoute que la situation est inégale selon les circonstances de lieu,
mais la qualification du service (service public administratif ou service
industriel et commercial) dépend des conditions d'exploitation du
service et de l'existence d'un marché plus ou moins solvable.
Il s'agit ici d'un premier élément de réponse, je ne
prétends pas qu'il soit le seul.
M. Jean-Paul Amoudry -
Dans deux cas tout à fait analogues, nous
avons une vente de produits qui est nécessaire pour le berger et sa
fonction de gestion des territoires communaux et publics. Or le traitement eu
égard au FCTVA est différent selon les départements dans
lesquels se trouvent ces deux bergers.
Que la République ne puisse pas assurer un égal traitement en
différents endroits du territoire français, me paraît bien
injuste.
Votre raisonnement d'ordre juridique est parfait, sauf que sur le plan de la
vie quotidienne, on note un véritable problème.
Mme Martine Laquieze -
Je rejoins tout à fait votre point de vue
dans la mesure où la qualification de service public administratif ou de
service industriel et commercial dépend des circonstances. Il peut
exister des différences d'appréciation entre les
départements dès lors que l'on est dans des classifications qui
ne dépendent pas de critères rigoureusement fixés par des
textes, mais de critères jurisprudentiels qui laissent une marge de
manoeuvre au plan local qui elle-même peut parfois être
erronée ou présenter des divergences que les circonstances ne
justifient pas forcément.
M. Guillaume Chabert -
Dans la mesure où il y a une part
d'appréciation par l'Administration locale des faits d'espèces,
il va falloir attendre longtemps avant d'obtenir une application uniforme des
faits sur les 100 départements français, en dépit des
circulaires qui peuvent être adressées par l'Administration
centrale.
En outre, nous n'en sommes qu'au deuxième exercice pour les chalets
d'alpage, c'est-à-dire au tout début de la phase d'harmonisation.
S'agissant de votre seconde question, la problématique est la même
dans d'autres domaines.
Au préalable, je rappelle que pour les communes de montagne, la dotation
forfaitaire reflète la situation historique d'avant la réforme de
1993. En effet, jusqu'à cette date, il existait une partie
spécifique pour les communes de montagne qui permettait, notamment au
titre de la fraction « voirie » de l'ancienne DGF, de
majorer de 30 % leur dotation. Tout cela était figé au sein
de la dotation forfaitaire et se répercute dans les dotations actuelles
au titre de la dotation forfaitaire.
De manière plus générale, deux logiques sont possibles
pour les dotations de l'Etat : soit on considère que les dotations
de l'Etat doivent compenser tel et tel type de charges spécifiques des
différentes communes (avec 36 700 communes, il est
néanmoins difficile d'avoir une synthèse des charges susceptibles
de peser sur les communes) ; soit on en revient à l'idée de
globalisation des dotations. A trop aller dans la logique de prise en compte
des spécificités de chaque commune, on pourrait, en caricaturant,
en venir à une situation où l'Etat allouerait ou n'allouerait pas
de dotation en fonction de ce qu'il considère comme devant être
pris en charge par les communes.
Historiquement, la tendance jusqu'en 1993 a plutôt consisté
à accroître les critères pour sérier davantage les
problèmes spécifiques de chaque commune.
Depuis 1993, la tendance a plutôt été à une
globalisation des dotations, même si l'on a noté une
légère reprise des critères à la fin des
années 1990.
Actuellement, l'orientation est plutôt à la simplification car on
se rend compte que le système devient très difficile et
très coûteux à gérer.
M. Jean-Paul Amoudry -
Notre séance s'achève. Je vous
remercie de votre participation.
Vous aurez la bonté de nous transmettre vos réponses
écrites au questionnaire qui vous a été envoyé.