44. Audition de Mme Martine Laquieze, adjoint au sous-directeur des finances locales et de l'action économique au ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure, et des libertés locales accompagnée de M. Guillaume Chabert, chef du bureau des concours financiers de l'Etat (17 juillet 2002)

M. Jean-Paul Amoudry - Nous accueillons Madame Martine Laquieze qui est adjointe au sous-Directeur des finances locales et de l'action économique au Ministère de l'Intérieur, de la Sécurité Intérieure et des Libertés Locales ainsi que Monsieur Guillaume Chabert, chef du bureau des concours financiers de l'Etat.

Je vous prie d'excuser un certain nombre de mes collègues, membres de la mission d'information sur la montagne, retenus ce matin soit dans le cadre de leur terre d'élection (c'est le cas de Monsieur Blanc), soit dans le cadre des commissions. Vous savez en effet que le mercredi matin est le moment privilégié de réunion de toutes les commissions du Sénat.

En tout état de cause, sachez que votre travail de réflexion sera retenu et consigné dans le cadre de cette mission d'information sur la montagne.

D'ores et déjà, je tiens à vous remercier de votre apport et de votre contribution à nos travaux.

Si vous me le permettez, je souhaiterais dire à présent quelques mots sur le sens de cette mission. Le Sénat a souhaité profiter de la phase électorale pour travailler sur un bilan de la politique de la montagne à partir de la loi de 1985 et des textes qui sont intervenus par la suite (lois d'orientation, lois d'aménagement, loi forestière, lois sur l'urbanisme, etc.).

Concernant la montagne, nous avons donc tout un dispositif conséquent de textes et de normes y compris européennes.

Notre mission est de dresser un bilan de cette politique de la montagne et d'y apporter, lorsque cela s'avère nécessaire, des propositions de corrections et d'orientations nouvelles dans un certain nombre de domaines.

Sans plus tarder, je vous laisse la parole en espérant que vous pourrez répondre à l'ensemble des interrogations que nous avons émises.

Mme Martine Laquieze - Merci Monsieur le Président.

Au préalable, je vous indique que nous avons réalisé un document de réponses à vos questions. Nous vous le remettrons en fin de séance.

S'agissant de la présentation générale de la situation des collectivités locales de montagne, je prendrai dans un premier temps la parole, puis je la céderai à Monsieur Chabert qui est le grand spécialiste des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

S'agissant de la présentation des collectivités de montagne, je rappellerai en premier lieu que les communes sont classées en « communes de montagne » en fonction d'un certain nombre de critères qui s'inspirent en réalité des critères fixés par la directive européenne du 28 avril 1975 :

l'altitude (un seuil mimimum de 600 mètres fixé pour le massif vosgien ; un seuil maximum de 800 mètres fixé pour les montagnes méditerranéennes) ;

une proportion importante du territoire affectée par une déclivité supérieure à 20 %.

L'analyse que nous avons réalisée a exclusivement porté sur des communes de moins de 10 000 habitants.

L'ensemble des communes de montagne de moins de 10 000 habitants représente 10 % de la population totale des communes de moins de 10 000 habitants.

Ces chiffres portent exclusivement sur des communes de montagne.

La situation de ces communes est très différente selon qu'il s'agit de stations touristiques de sport d'hiver ou de communes de montagne classiques.

Pour les communes touristiques (stations de sport d'hiver), la moyenne de dépense de fonctionnement s'élève à 3 000 euros par habitant contre 1 000 euros pour les communes non touristiques. C'est dire l'écart de situation entre les deux catégories de communes !

L'écart est moins sensible pour ce qui est des dépenses d'investissement prises dans leur masse globale (dépenses d'équipement + remboursement de la dette). Ces dépenses représentent 42 % du montant total des dépenses dans les communes touristiques contre 44 % pour les communes non touristiques.

En revanche, on observe que les dépenses d'équipement brutes représentent une part moins importante dans les communes touristiques que dans les communes non touristiques. En effet, dans les stations de sport d'hiver, les dépenses d'équipement brutes représentent 60 % des dépenses d'investissement totales alors qu'elles en représentent 77 % dans les communes non touristiques.

Ces résultats révèlent que la majeure partie des dépenses d'équipement sont achevées dans les communes de stations de sport d'hiver. L'essentiel du budget d'investissement est désormais constitué par le remboursement de la dette dont le poids est très important.

La situation est donc contrastée entre les stations de sport d'hiver et les communes non touristiques. Le poids de la dette est relativement conséquent pour les stations de sport d'hiver.

Au niveau des recettes, le potentiel fiscal par habitant est sensiblement plus élevé dans les stations de sport d'hiver : 500 euros contre 370 euros dans les communes non touristiques.

Compte tenu des charges d'emprunt et des dépenses de fonctionnement assez élevées, le coefficient de mobilisation du potentiel fiscal est bien plus important dans les stations de sport d'hiver que dans les communes de montagne non touristiques. Elles sont en effet obligées de puiser davantage dans leur fiscalité pour faire face à des charges tant en équipement qu'en fonctionnement. De fait, elles sont contraintes de mobiliser davantage leur potentiel fiscal même si celui-ci est plus élevé : 93 % contre 67 % dans les autres communes de montagne.

M. Jean-Paul Amoudry - Qu'en est-il par rapport à la moyenne des communes de moins de 10 000 habitants ?

Mme Martine Laquieze - Les communes de montagne non touristiques restent relativement proches des communes classiques de moins de 10 000 habitants.

Par contre, les communes de montagne touristiques ont un niveau de dépenses en fonctionnement et en investissement bien plus important en raison du poids de la dette. Par ailleurs, on note également une très forte mobilisation du potentiel fiscal.

Ainsi, pour l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants, le coefficient de mobilisation du potentiel fiscal est de 69 %.

Pour l'ensemble des communes de montagne non touristiques, ce coefficient de mobilisation du potentiel fiscal est de 67 %.

Dans les stations de sport d'hiver, ce coefficient de mobilisation du potentiel fiscal passe à 93,5 %.

M. Jean-Paul Amoudry - Il existe donc peu de différence entre l'ensemble des communes de moins de 10 000 habitants et les communes de montagne non touristiques.

En réalité, c'est le fait touristique qui crée une différence importante.

Mme Martine Laquieze - Le poids des équipements nécessaires pour équiper les stations de sport d'hiver est à noter.

A présent, ce poids se reflète moins dans le niveau des dépenses d'équipement brutes que dans le service de la dette qui induit une rigidité assez forte de ces budgets.

M. Guillaume Chabert - Pour être tout à fait précis, nous distinguons les communes touristiques classées « stations de sport d'hiver », les communes touristiques non stations de sport d'hiver et les communes non touristiques.

La distinction porte essentiellement sur l'aspect « sport d'hiver » des communes de montagne.

Mme Martine Laquieze - Je cède à présent la parole à Monsieur Chabert qui va vous parler des dotations.

M. Guillaume Chabert - Je souhaiterais revenir sur la présentation générale qui vient d'être faite. Il faut savoir que la liste des communes de montagne évolue chaque année. En 1976, on comptait 5 532 communes classées en zone de montagne. En 1999, on en comptait 5 809 et en 2002, 6 172. Cette progression régulière peut paraître surprenante. Elle est due au fait que peuvent être classées en zone de montagne, des communes qui ne respectent pas des critères d'altitude, mais dont l'économie est suffisamment liée à des communes limitrophes elles-mêmes classées en zone de montagne, pour qu'elles puissent bénéficier de la même appellation. Cette liste est tenue à jour par le CEMAGREF. C'est donc le Ministère de l'Agriculture qui gère en définitive la liste des communes de montagne.

Cette évolution de la liste impacte les dotations de l'Etat aux collectivités locales dans la mesure où le classement en zone de montagne induit un certain nombre de majorations de dotations notamment au travers de la voirie. En effet, beaucoup de dotations de l'Etat aux collectivités locales, qu'il s'agisse des communes ou des départements, prennent en compte la voirie. La plupart du temps, celle-ci est majorée d'un coefficient de 1,3 lorsqu'elle est située en zone de montagne afin de tenir compte de la spécificité de ces communes.

S'agissant des dotations, le financement de la DFM (Dotation de Fonctionnement Minimale) ne garantit pas actuellement une stabilité voire une progression de la dotation puisque le financement est tripartite : une partie de la DFM est financée par un prélèvement sur la masse totale de la DGF des départements, une seconde partie provient d'un prélèvement sur la région Ile-de-France dont la DGF est amenée à disparaître, une dernière partie provient d'un prélèvement sur la DGF des départements qui sont plus riches que la moyenne.

Par ailleurs, les caractéristiques de la DFM ont pour conséquence de la cibler sur les départements ruraux, et pas nécessairement sur les départements ruraux de montagne.

En 2002 (comme en 2001 et en 2000), 24 départements sont éligibles à la DFM. Ces 24 départements sont tous ruraux.

Pour être éligible à la DFM, il faut soit avoir un potentiel fiscal par habitant inférieur de 40 % à la moyenne, soit avoir un potentiel fiscal ramené à la superficie inférieur de 60 % à la moyenne des départements.

Ces conditions ont pour conséquence de faire bénéficier la DFM aux départements ruraux. Ceci a conduit en 1999 et en 2001 à ce qu'une certaine pression soit exercée en vue de l'élargissement de la DFM aux départements urbains. L'idée avait été soulevée au Parlement que la DFM actuelle soit prolongée par une part plus spécifiquement ciblée vers les départements urbains, c'est-à-dire prenant en compte les charges sociales qui sont plus spécifiques au monde urbain.

Le rapport sur les finances locales qui a été remis en mars 2002 inclut un assez long développement sur la DFM, sur son financement et ses attributions.

S'agissant de son financement, le rapport projette de remplacer le financement actuel tripartite par un système similaire à celui préconisé pour les dotations de péréquation communales, c'est-à-dire un système où la DGF des départements serait séparée en plusieurs parts dont une part de péréquation de solidarité interdépartementale qui bénéficierait d'un socle l'année de la réforme et qui serait alimentée ensuite au travers d'une clé de répartition de l'augmentation de la masse entre la part forfaitaire et la part de solidarité.

Il s'agit d'un mécanisme très semblable à celui institué pour les communes. Au lieu de recalculer chaque année les prélèvements, on aurait un socle et une indexation annuelle qui garantit une progression de cette dotation.

S'agissant de la répartition de la dotation, l'idée contenue dans le rapport consistait à adjoindre à la DFM actuelle ciblée sur le monde rural, une part plus spécifiquement tournée vers les départements urbains et prenant en compte des indicateurs de charge tels que le nombre de bénéficiaires d'aide au logement, le nombre de logements sociaux, etc.

Avec le changement de Gouvernement, le rapport doit être à présent considéré comme une piste de travail possible.

S'agissant de votre troisième question, le potentiel fiscal superficiaire est un indicateur assez pertinent eu égard au monde rural. Les départements ruraux n'ont pas forcément une superficie plus étendue que les départements urbains. Or ils doivent assurer des charges sur l'ensemble du territoire là où les départements caractérisés par la présence de villes n'ont pas à assumer ces charges sur une étendue aussi importante.

Le potentiel fiscal superficiaire permet de tenir compte de cette spécificité du monde rural. Il intervient à la fois au niveau des communes dans la dotation de solidarité rurale et au niveau des départements au travers de la DFM.

Il n'est pas envisagé de supprimer ce critère dans la mesure où il nous semble assez pertinent pour mesurer les charges du monde rural.

Mme Martine Laquieze - Je précise que le potentiel fiscal superficiaire est lié à la densité de la population. Plus il est faible, plus on prend en compte la situation des départements peu peuplés, c'est-à-dire ruraux.

M. Guillaume Chabert - Nous nous proposons de remettre à la mission un document de réponses écrites aux questions qui nous ont été posées.

Nous nous proposons également de vous transmettre un document qui fait le point sur la prise en compte au sein des dotations de l'Etat des particularités des zones de montagne.

En réalité, un grand nombre de dotations prennent en compte les spécificités du monde rural : la DFM ; la DSR au travers notamment du doublement de la voirie lorsqu'elle est située en zone de montagne ; la DDR (Dotation de Développement Rural) qui consiste à attribuer à chaque Préfet une enveloppe de subventions dont peuvent bénéficier les communautés de communes rurales, il s'agit ici de subventions sur projets ; par ailleurs, la répartition de ces enveloppes de subventions entre les départements tient fortement compte de la présence ou non de zone de montagne dans la mesure où une des composantes de la répartition est le nombre d'EPCI susceptibles de bénéficier de ces subventions ainsi que le nombre de communes relevant de ces EPCI. Or lorsque les communes sont situées en zone de montagne, le nombre d'EPCI est doublé forfaitairement. Quand plus de la moitié des communes d'un EPCI sont situées en zone de montagne, on double le nombre d'EPCI concernés. En définitive, les enveloppes départementales de subventions de DDR qui sont allouées à chaque Préfet tiennent assez compte de la situation des montagnes.

Il en est de même pour la dotation globale d'équipement des communes. Ici, ce sont des subventions sur projets qui bénéficient aux communes ou au groupement de communes. Les enveloppes départementales de subventions tiennent compte de la situation de montagne puisque la voirie, qui est un des critères pris en compte pour la répartition des enveloppes entre les départements, est doublée pour les zones de montagne.

En conclusion, plusieurs dispositifs existent et permettent de tenir compte de ces spécificités.

J'ajoute que depuis cette année, les communautés de communes à taxe professionnelle unique qui bénéficient d'une majoration de DGF (compte tenu de leur fort degré d'intégration), qui ont moins de 3 500 habitants et qui sont situées en ZRR de montagne (Zone de Revitalisation Rurale) sont également éligibles.

Pour répondre à votre cinquième question, je dirai que des écarts existent effectivement entre les dotations moyennes qui servent de base à la répartition de la DGF entre les différentes catégories d'EPCI. Toutefois, ces écarts semblent justifiés car le degré d'intégration d'une communauté urbaine est sans comparaison avec celui d'une communauté de communes à fiscalité additionnelle. Par ailleurs, il apparaît que les charges ramenées à l'habitant croissent en fonction de la population. Tel est le résultat des études économétriques qui ont été menées et dont on peut contester la méthodologie dans la mesure où le problème réside dans ce que l'on qualifie de « charges » au niveau du calcul. Il semblerait néanmoins que les charges en milieu urbain soient plus importantes qu'en milieu rural, ce qui historiquement justifiait que la DGF des communes soit croissante en fonction de la population. Il a été mis fin à ce dispositif depuis la forfaitisation de la DGF des communes en 1994, néanmoins cette forfaitisation a gelé en réalité les écarts de dotation qui existaient avant la réforme. Actuellement, on maintient donc encore un différentiel de dotation ramenée à l'habitant entre les zones rurales et les zones urbaines car les charges ramenées à l'habitant croissent en parallèle.

Il est envisageable de réduire éventuellement les écarts entre les communautés de communes à fiscalité additionnelle et les communautés urbaines, mais un système de stricte égalité entre les catégories semble difficile à mettre en oeuvre.

En effet, les communautés urbaines sont beaucoup plus intégrées que les communautés de communes à fiscalité additionnelle même si l'on note un certain nombre de cas particuliers (certaines communautés de communes à fiscalité additionnelle ont ainsi une dotation par habitant qui est supérieure à celle des communautés urbaines).

En moyenne, les communautés de communes à fiscalité additionnelle exercent quand même moins de compétences au niveau intercommunal que les communautés urbaines. Les écarts sont peut-être excessifs et pourraient être réduits le cas échéant, mais parvenir à un système strictement égalitaire entre les différentes catégories serait très problématique.

S'agissant de votre dernière question, les critères qui ont été fixés par les différentes lois (de 1995 et de 1997) sont tels que même si les bourgs-centres ne sont pas formellement exclus du dispositif, en pratique ce sont les zones peu peuplées qui sont concernées par les ZRR.

Pour ce qui nous concerne, les bourgs-centres sont des communes qui sont soumises à des charges de centralité. Il s'agit de compenser ces charges d'animation de l'espace rural qu'assurent les bourgs-centres. C'est ce que fait la DSR (Dotation de Solidarité Rurale) dont une partie est attribuée spécifiquement aux bourgs-centres afin de tenir compte de leurs charges propres ; mais il nous semble que la problématique des bourgs-centres est davantage celle d'une charge de centralité.

De ce point de vue, la logique de compensation des charges de centralité correspond davantage à la problématique propre des bourgs-centres.

M. Jean-Paul Amoudry - Ma question concerne les chalets de montagne à vocation agricole. Il se trouve qu'en montagne, ces chalets sont soumis à des obligations de travaux de rénovation et de mise aux normes qui concernent aussi bien le gros oeuvre et les locaux de fabrication du produit (le fromage en l'occurrence) que l'habitat de la famille du berger. Il s'agit en définitive d'opérations assez lourdes qui, lorsqu'elles sont exécutées par des collectivités propriétaires du chalet, représentent des engagements financiers importants et difficiles à supporter.

J'ai pu constater que dans certains départements, la faculté prévue par la loi de rembourser la TVA aux communes dans le cadre du FCTVA avait été interprétée de façon extrêmement restrictive, les Préfets interdisant notamment, sur instruction de l'Administration centrale, le remboursement de la TVA.

Il s'agit ici d'une très mauvaise nouvelle pour les collectivités.

En tant que parlementaire, j'ai posé plusieurs amendements et je me suis heurté à la réponse suivante : puisque ces travaux sont destinés in fine à un acte commercial à travers la vente du produit fromager dans le circuit commercial, la TVA doit être remboursée au titre des régimes du droit commun. Or le droit commun suppose la création d'un budget annexe, ce que doit admettre l'Administration. En définitive, nous sommes dans un système « kafkaïen ».

J'ajoute que dans certains départements que j'ai visités récemment, le Préfet accepte le remboursement de TVA.

Il serait bon que vous puissiez à l'avenir répondre à cette problématique.

Je termine mon intervention en disant que les quelques dizaines de kilos de fromage qui sont produits pendant l'été constituent, au niveau commercial, un revenu agricole de bien faible niveau qui est loin de payer à la commune un loyer conséquent.

On doit admettre que le niveau de revenu de cet alpage dont le retour d'investissement est extrêmement lointain n'a pas grand-chose à voir avec une entreprise. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais en définitive que le FCTVA soit alloué à la collectivité.

Ma deuxième question concerne le fait que nous ne savons toujours pas ce que « Natura 2000 » apportera comme aide aux collectivités qui ont à gérer et à entretenir des lieux d'habitat naturel extrêmement vastes. Dans ce domaine, il faut savoir que la collectivité ne bénéficie d'aucune aide. La proposition qui sera mentionnée dans notre rapport consiste à permettre à la collectivité de recevoir une aide de solidarité de l'Etat sous la forme d'une DGF ou d'une dotation superficiaire pour des collectivités de montagne qui ont des charges très particulières de gestion du milieu naturel.

Mme Martine Laquieze - S'agissant de votre première question, beaucoup de choses dépendent en fait du contexte dans lequel les collectivités effectuent ces travaux et des conditions dans lesquelles est réalisée la production. La réglementation FCTVA est précise en la matière : d'une part, une collectivité locale ne peut pas bénéficier de FCTVA pour des travaux qu'elle a réalisés sur un ouvrage qui n'entre pas dans son patrimoine, mais qui est mis à la disposition d'un tiers non éligible au fonds ; d'autre part, ne peuvent bénéficier du FCTVA que les travaux réalisés pour des investissements qui donneront lieu à une exploitation qui n'est pas elle-même assujettie à la TVA.

Ces deux règles se cumulent dans le cas que vous évoquez puisque j'ai cru comprendre que le montage classique s'apparentait à celui des ateliers-relais.

Lorsqu'une collectivité locale réalise un atelier-relais, c'est-à-dire un immeuble à vocation sinon industrielle du moins de production artisanale ou commerciale, la jurisprudence qualifie cette activité de service public avec les conséquences qui en découlent au regard du juge des litiges qui peuvent naître à l'occasion de ces contrats de location d'immeubles municipaux à des tiers.

La jurisprudence s'est en revanche bien gardée de ne qualifier cette activité ni d'industrielle, ni de commerciale, ni d'administrative, ce qui est fondamental eu égard au FCTVA.

La qualification n'est pas simple et une réflexion est actuellement menée au sein de la Direction générale des collectivités locales (cette réflexion concerne le haut débit, mais rejoint votre préoccupation : une collectivité prend en charge des coûts d'investissement de réalisation d'infrastructures et les met à disposition d'un tiers qui les utilise en vue d'une exploitation commerciale). Je précise immédiatement qu'un arrêt du Conseil d'Etat de 1920 prévoit que dans certains cas, lorsque les circonstances particulières de lieu le justifient, des activités commerciales peuvent être érigées en service public y compris en service public administratif (c'est ce que l'on a appelé le socialisme municipal). Il doit s'agir de services indispensables à la population en milieu rural qui justifient l'intervention de la puissance publique y compris dans des secteurs qui relèvent normalement d'une activité concurrentielle et qui permettent d'ériger ces services en services publics.

Il s'agit ici d'un principe reconnu à la fois par la jurisprudence et le droit positif.

Dans des circonstances particulières notamment en milieu rural où le maintien du service n'est pas rentable sur le plan économique, la qualification du service tend alors vers un service public administratif. Cela signifie que les investissements réalisés pour l'organisation de ce service peuvent être éligibles au FCTVA, ce qui explique que certains Préfets considèrent que les travaux effectués par les collectivités sont éligibles au FCTVA. En revanche, dans d'autres circonstances, le service sera davantage à caractère industriel et commercial car les conditions particulières de l'exploitation du service font état de l'existence d'un marché (ici les conditions du marché sont telles que les équipements réalisés par la collectivité locale peuvent être affectés à un service qui sera considéré comme industriel et commercial et pour lequel un prix peut être acquitté par l'usager). Dans ce cas, le service sera qualifié d'industriel et de commercial, ce qui naturellement lui retire tout bénéfice du FCTVA.

J'ajoute que la situation est inégale selon les circonstances de lieu, mais la qualification du service (service public administratif ou service industriel et commercial) dépend des conditions d'exploitation du service et de l'existence d'un marché plus ou moins solvable.

Il s'agit ici d'un premier élément de réponse, je ne prétends pas qu'il soit le seul.

M. Jean-Paul Amoudry - Dans deux cas tout à fait analogues, nous avons une vente de produits qui est nécessaire pour le berger et sa fonction de gestion des territoires communaux et publics. Or le traitement eu égard au FCTVA est différent selon les départements dans lesquels se trouvent ces deux bergers.

Que la République ne puisse pas assurer un égal traitement en différents endroits du territoire français, me paraît bien injuste.

Votre raisonnement d'ordre juridique est parfait, sauf que sur le plan de la vie quotidienne, on note un véritable problème.

Mme Martine Laquieze - Je rejoins tout à fait votre point de vue dans la mesure où la qualification de service public administratif ou de service industriel et commercial dépend des circonstances. Il peut exister des différences d'appréciation entre les départements dès lors que l'on est dans des classifications qui ne dépendent pas de critères rigoureusement fixés par des textes, mais de critères jurisprudentiels qui laissent une marge de manoeuvre au plan local qui elle-même peut parfois être erronée ou présenter des divergences que les circonstances ne justifient pas forcément.

M. Guillaume Chabert - Dans la mesure où il y a une part d'appréciation par l'Administration locale des faits d'espèces, il va falloir attendre longtemps avant d'obtenir une application uniforme des faits sur les 100 départements français, en dépit des circulaires qui peuvent être adressées par l'Administration centrale.

En outre, nous n'en sommes qu'au deuxième exercice pour les chalets d'alpage, c'est-à-dire au tout début de la phase d'harmonisation.

S'agissant de votre seconde question, la problématique est la même dans d'autres domaines.

Au préalable, je rappelle que pour les communes de montagne, la dotation forfaitaire reflète la situation historique d'avant la réforme de 1993. En effet, jusqu'à cette date, il existait une partie spécifique pour les communes de montagne qui permettait, notamment au titre de la fraction « voirie » de l'ancienne DGF, de majorer de 30 % leur dotation. Tout cela était figé au sein de la dotation forfaitaire et se répercute dans les dotations actuelles au titre de la dotation forfaitaire.

De manière plus générale, deux logiques sont possibles pour les dotations de l'Etat : soit on considère que les dotations de l'Etat doivent compenser tel et tel type de charges spécifiques des différentes communes (avec 36 700 communes, il est néanmoins difficile d'avoir une synthèse des charges susceptibles de peser sur les communes) ; soit on en revient à l'idée de globalisation des dotations. A trop aller dans la logique de prise en compte des spécificités de chaque commune, on pourrait, en caricaturant, en venir à une situation où l'Etat allouerait ou n'allouerait pas de dotation en fonction de ce qu'il considère comme devant être pris en charge par les communes.

Historiquement, la tendance jusqu'en 1993 a plutôt consisté à accroître les critères pour sérier davantage les problèmes spécifiques de chaque commune.

Depuis 1993, la tendance a plutôt été à une globalisation des dotations, même si l'on a noté une légère reprise des critères à la fin des années 1990.

Actuellement, l'orientation est plutôt à la simplification car on se rend compte que le système devient très difficile et très coûteux à gérer.

M. Jean-Paul Amoudry - Notre séance s'achève. Je vous remercie de votre participation.

Vous aurez la bonté de nous transmettre vos réponses écrites au questionnaire qui vous a été envoyé.

Page mise à jour le

Partager cette page