39. Audition de M. Jean-Paul Fuchs, président de la fédération nationale des parcs naturels régionaux (3 juillet 2002)
M.
Jean-Paul Amoudry, rapporteur
- Bonjour, et bienvenue au Sénat.
Merci d'avoir fait le déplacement pour les besoins de notre mission
d'information. Je souhaiterais excuser un certain nombre de collègues
membres de la mission qui ont dû être appelés à
d'autres obligations compte tenu de la reprise des travaux de la session
extraordinaire. Je ne fais pas de commentaires inutiles sur ces sujets que vous
connaissez bien.
Je suis heureux de vous accueillir aux côtés de mon
collègue, Monsieur Bailly, sénateur du Jura, et de vous inviter
dans l'heure qui vient, à nous répondre sur la base des quelques
questions que nous vous avons adressées. Ces questions ne sont bien
entendu pas de caractère limitatif ou exhaustif, et vous avez toute
latitude pour nous présenter les développements que vous jugerez
bons. Nous nous réservons quelques minutes
in fine
pour un
échange sur les points qui nous semblerons utiles.
M. Jean-Paul Fuchs
- Si vous êtes d'accord, je vais exposer en
quinze à vingt minutes les réponses au questionnaire. Puis nous
débattrons ensuite. La première question concernait la
fédération nationale des parcs régionaux. Je rappelle
très rapidement les principaux points caractérisant un parc
régional. Sur un territoire de qualité, il s'agit de valoriser le
patrimoine naturel et culturel, favoriser le développement
économique, avec les élus et la population. En d'autres termes,
c'est ce que nous appelons faire du développement durable, depuis 35
ans, date du premier parc, et faire de la démocratie participative,
puisque tout se fait avec les élus qui fixent les objectifs
consignés dans une charte, chaque commune devant l'accepter ou la
refuser au sein de son conseil municipal. Il y a actuellement 40 parcs naturels
régionaux, contre seulement sept pour les parcs nationaux, qui ne
s'occupent que de l'environnement sous la tutelle étroite de l'Etat. Les
parcs naturels régionaux essaient de trouver un équilibre entre
l'environnement et le développement économique, avec les
élus et la population, qui fixent par là même leur propre
destin.
La Fédération des parcs naturels régionaux regroupe les 40
parcs naturels régionaux. C'est l'interlocuteur des administrations
nationales, des assemblées parlementaires et de l'union
européenne. Je ne vais pour l'instant que vous donner les grandes
lignes, puisque vous trouverez tous les détails dans les documents que
je vous ai apportés. Elle est sollicitée pour avis par le
ministère de l'environnement, dans le cadre de la procédure de
classement ou de déclassement d'un parc. Il est d'ailleurs assez
étonnant qu'une association soit consultée par la loi sur la
création (ou la non-création) d'un parc naturel régional
de 1993. C'est un centre de ressources des parcs naturels régionaux qui
organise les réflexions interparcs, favorise les échanges
d'expérience, élabore des outils méthodologiques, anime
des programmes expérimentaux, afin de les aider à mener à
bien leurs missions.
C'est une source d'information de base sur les parcs naturels régionaux,
qui s'organise en groupes de travail. Elle édite un magazine, un
catalogue de forfait touristique, un catalogue d'hébergement en
gîte rural ou en chambre d'hôtes, un guide naturel de la
randonnée, les guides Gallimard sur les parcs naturels régionaux,
et elle gère enfin un site internet. Elle développe au fond une
importante activité de transfert des savoirs-faire des parcs naturels
régionaux sur l'international, appuie la création de parcs
s'inspirant de l'expérience française, échanges, transfert
de techniques, etc...
On est en train de créer des parcs à la française au
Brésil, au Chili, en Jordanie, en Afrique Noire. J'ai reçu il y a
quelques jours le ministre de Panama. Un peu partout dans le monde, on souhaite
créer des parcs naturels régionaux à la française.
On peut se demander quelles en sont les raisons. L'équilibre
environnement-développement est dans l'air du temps. La participation
des villes et des habitants dans les Etats où tout vient d'en haut est
également un concept novateur. La base aspire à participer
à l'élaboration de son destin.
C'est une association loi 1901, dont le budget s'élève à
environ 2,8 millions d'euros qui est assez compliqué à
équilibrer. Nous avons des subventions de tous les ministères -
Environnement bien-sûr, mais aussi Culture, Affaires Etrangères,
Education...- de la DATAR, de l'Europe. Tous les parcs sont adhérents
à la Fédération et contribuent pour 15 % de son
budget, le reste venant de 30 organismes différents.
Je vais à présent traiter de la situation des parcs au regard du
zonage montagne. C'est assez approximatif, la notion même de massif
étant relativement floue. La définition de la montagne selon
l'INSEE ne donne pas la réalité. L'une des idées de base
est d'avoir une entité massif plus souple, intégrant la dimension
intercommunale.
Sur les 40 parcs régionaux, 19 sont concernés par des massifs,
généralement de moyenne montagne. Seul le Parc du Queyras est
situé en haute montagne ; les autres parcs de haute montagne sont
des parcs nationaux. Les parcs régionaux sont habités,
contrairement aux parcs nationaux, comptent environ 3,5 millions d'habitants,
et représentent 11 % du territoire français. Il y a six
projets à l'étude, deux en territoire de montagne, les
Pyrénées catalanes et le territoire de Mille-vaches en Limousin.
On avait pu penser qu'avec la création des pays, il n'y aurait plus de
demande de parcs. Les actuels critères de classement en zone de
montagne ne constituent pas une base pertinente pour l'identification de leurs
territoires. Par exemple :
Le Parc des Vosges du Nord qui est soumis aux mêmes difficultés
que la plupart des territoires de moyenne montagne (relief, enneigement,
enclavement, couverture forestière), n'a que dix communes
classées en zone de montagne sur une centaine ; le Parc du Morvan
n'a que 25 % en zone de montagne, alors que tout le massif est en fait une
zone de montagne ; le parc du Quercy dans le Massif Central, aux
caractéristiques semblables à celles des Grands Causses, n'est
pas classé du tout en zone de montagne. Les délimitations
basées sur des données communales ne prennent pas assez en compte
la dimension territoriale plus large des enjeux, liée à la
moyenne montagne. Je crois que c'est une constatation que vous devriez faire
à la fin de votre rapport. Compte tenu de la cohérence des enjeux
de leur territoire, les parcs naturels régionaux relèvent
globalement d'une problématique de moyenne montagne, et doivent voir
leur problématique traitée de manière homogène au
regard de la politique de la montagne. La disparité des zonages
nationaux ou européens rend encore plus difficile l'harmonisation des
politiques publiques. Je prends un seul exemple : Madame Voynet a
envoyé une circulaire à tous les préfets, indiquant que
tous les parcs de montagne doivent être en zone deux. Dans mon parc,
celui du ballon des Vosges, qui relève de trois régions (avec
quatre départements), seul le Préfet de Lorraine a suivi Madame
Voynet. Le Préfet d'Alsace a considéré que c'était
à lui de décider, et non au ministre ; il a classé
les zones urbaines en zone deux. Celui de Franche-Comté avait d'abord
classé sa zone de montagne, puis ce fut au tour de la zone de
Montbéliard. Ainsi, la politique est différente selon les
régions, et l'unité du massif ne se retrouve pas. C'est la
même chose pour Natura 2000. Le Préfet des Vosges a une politique
différente de celle du préfet du Haut-Rhin. D'où la
difficulté de travailler dans un massif donné, quand on
dépend de plusieurs régions.
Je vais maintenant évoquer les problématiques majeures des parcs
de montagne. L'objet commun à tous les parcs régionaux est
d'animer un projet de développement et d'aménagement fondé
sur la préservation des patrimoines naturels, culturels et paysagers.
Cette mission d'exemplarité en matière de développement
durable est vécue fortement par tous les parcs de montagne. Leurs
territoires sont en effet soumis à une exigence de qualité qui
est liée à une demande sociale très forte de la part des
habitants - reposant sur un sentiment d'identité, d'appartenance
à un espace symbole de la nature et du calme à préserver.
C'est aussi lié à des difficultés économiques
réelles, comme la moindre compétitivité de l'agriculture.
Face à ce défi, que font les parcs naturels dans les parcs de
montagne ?
A l'égard du maintien d'une agriculture vivante, gestionnaire de
l'espace, la différenciation des procédures et aides
financières en faveur du pastoralisme est insuffisante. Les CTE,
auxquels nous sommes favorables - car ils fonctionnent sur le même mode
que les parcs, avec l'élaboration d'objectifs - n'ont que
très partiellement pallié la disparition des mesures
agri-environnementales, à cause d'une approche insuffisamment
territorialisée, un plafonnement indifférencié des aides,
l'impossibilité de les appliquer à des exploitations
« marginales » au plan économique mais essentielles
pour l'entretien de l'espace, l'inadaptation aux systèmes d'exploitation
collective des estives.
Par exemple, on devrait soutenir la filière ovine de montagne :
intégrer le coût des bergers et prendre en compte le
sylvo-pastoralisme dans les aides publiques et inciter les propriétaires
à laisser passer les troupeaux transhumants. Il faudrait
également valoriser les productions et services par la marque
« Parc Naturel Régional de... » qui garantisse les
critères de qualité (authenticité, caractère
artisanal) et de prise en compte de l'environnement.
Les difficultés de l'agriculture de montagne expliquent la progression
notable des surfaces boisées, par plantation des parcelles ou
régénération naturelle de la forêt. En concertation
avec les élus et tous les professionnels, les parcs s'attachent à
préserver, voire reconquérir, l'espace agricole et à
veiller à la diversité biologique des boisements. Dans mon parc
par exemple, les chambres d'agriculture et de commerce, l'ONF, font partie
intégrante du parc. Il y a des parcs de syndicats fermés ou
ouverts. Le mien est ouvert, et l'ONF paye une cotisation. Cette concertation
entre élus et professionnels se fait notamment à travers
l'élaboration ou la révision des réglementations de
boisement, la remise en culture de parcelles, la concertation avec l'ONF et les
CRPF pour développer une sylviculture plus diversifiée,
adaptée aux enjeux paysagers, et pour l'intégration
paysagère des schémas de desserte. On fait par exemples des
schémas de paysages vallée après vallée, en faisant
travailler ensemble des élus, les écoles, les jeunes, qui fixent
leur avenir sur dix ans.
Actuellement, nous conduisons une réflexion collective des parcs
naturels régionaux pour la mise en oeuvre des chartes forestières
de territoire.
Pour ce qui concerne les aménagements et le développement
touristique, notre objet n'est pas d'avoir un tourisme de masse, mais de
qualité. Compte tenu des attentes de la clientèle et des atouts
paysagers de ces territoires, les parcs de montagne sont
particulièrement bien placés pour développer un tourisme
misant sur la qualité environnementale et paysagère des
aménagements et hébergements, l'intégration et la prise en
charge des prestations par les forces vives locales. Cela
nécessite :
- un effort particulier pour développer, avec les collectivités,
une logique de mise en scène du territoire par la création et le
balisage cohérent de circuits de découverte, sentiers à
thème, etc... ;
- la concertation avec les associations de sports de pleine nature et les
guides professionnels, pour le respect de « codes de bonne
pratique » et la sensibilisation des participants ;
- la maîtrise de la pénétration des espaces naturels les
plus sensibles, par l'application de la loi sur la circulation des
véhicules de loisirs à moteur ;
- le souci de développer une offre d'activités attractives sur la
période estivale et l'intersaison, grâce au tourisme de nature et
de découverte du patrimoine ;
- l'appui à la création ou à la rénovation
d'hébergements diffus, intégrés au paysage et
adaptés aux contraintes environnementales (assainissements,
économies d'énergie, valorisation des productions locales).
Nous avons par exemple, à travers les marques d'appel que sont les
« Voyages au naturel », les « Gîtes
Panda », les « Hôtels au naturel », un
tourisme de qualité. Je vais à nouveau prendre l'exemple du Parc
des Ballons des Vosges. Le Plateau des Etangs, en Haute-Saône, n'a pas
assez de touristes, bien que l'on fasse le maximum pour en avoir.
A
contrario
, il y en a trop sur la route des crêtes,
fréquentée par un million de touristes chaque année. Notre
rôle est de faire en sorte que la nature soit respectée, avec
notamment la navette gratuite des crêtes qui permet aux touristes de
laisser leur voiture en bas, sur un parking.
Je ne reviendrai que brièvement sur la manière dont Natura 2000 a
été appliqué. Je ne jette pas seulement - gentiment - la
pierre à Madame Lepage, mais également à tous les
ministres qui n'ont rien fait. Bruxelles avait demandé en 1992 ou en
1993, d'appliquer Natura 2000. Tout a été piloté par
l'Etat, alors que Bruxelles souhaitait qu'il y ait un dialogue, une
participation de l'ensemble des acteurs pour l'établissement de Natura
2000. Essayer de regagner la confiance des maires qui avaient dit
« non » au départ, n'est pas facile, alors que sur
le fond, Natura 2000 est une bonne chose. S'il y a de grands espaces Natura
2000 en montagne, il ne faut cependant pas oublier qu'à l'exception des
sites en zone centrale des parcs nationaux, les plus grands sites Natura 2000
concernent les zones humides et maritimes : baie du Mont-Saint-Michel,
marais atlantiques, Parc Naturel Régional de la Brenne, PNR de Camargue,
PNR Armorique.
Par sa conception même de protection contractuelle
négociée, Natura 2000 correspond bien à la pratique des
parcs naturels régionaux. Les parcs naturels régionaux
s'investissent actuellement pour expliquer, sensibiliser et animer la
concertation nécessaire à une procédure de la
compétence de l'Etat souvent mal perçue. Par exemple, lorsque les
maires reçoivent le préfet, ils lui disent « Monsieur
le Préfet, non à Natura 2000 ; le parc, oui ». Les gens
ne sont en fait pas contre Natura 2000 sur le principe. Ils veulent participer
par eux-mêmes et par la base. Notre rôle est de convaincre les
maires de discuter.
Un autre domaine d'intervention des parcs naturels régionaux - en
contradiction avec l'ANEM, que je connais bien pour en avoir été
le premier Secrétaire Général - est la préservation
d'espèces animales emblématiques, comme le vautour, le
gypaète, le lynx, et même le loup. Le Parc du Queyras gère
bien le problème du loup, bien mieux d'ailleurs que les parcs nationaux.
Pour ce qui concerne l'articulation de la démarche de pays avec les
parcs de montagne, les logiques de parcs et pays sont bien différentes.
En effet, les territoires des parcs tirent leur cohérence des enjeux
patrimoniaux et identitaires, indépendamment des limites
administratives. Par contre, les pays se constituent en respectant la limite
EPCI à fiscalité propre, selon une logique de solidarité
socio-économique, et sont donc beaucoup plus influencés par les
limites cantonales et départementales.
De ce fait, la grande majorité des parcs de montagne,
généralement centrés sur des petits massifs et
intégrant les parties hautes des piémonts, voient leur
périmètre concerné par plusieurs pays organisés
autour des villes et bassins d'emploi périphériques ou des fonds
de vallées (sauf le Queyras, parc de haute montagne, qui est totalement
inclus dans le pays du Briançonnais).
Le risque est donc de voir la cohérence et la lisibilité du
projet de territoire, porté par le parc, éclatées par des
dynamiques différentes, selon chaque pays. Si une réflexion
particulière n'est pas engagée par les collectivités pour
différencier les missions du parc ou du pays sur le territoire commun,
deux approches différentes du développement pourraient
s'affronter, à terme :
- un développement résolument « durable »,
fondé sur une identité patrimoniale, porté par le
Parc ;
- un développement par rapport aux pôles urbains, tirant les
entreprises dans les vallées et faisant des espaces de montagne des
zones d'habitat résidentiel ou de récréation, porté
par les pays.
L'organisation des collectivités en pays ne pose pas de
difficultés aux parcs lorsque le Conseil régional s'investit
clairement dans sa compétence d'aménagement du territoire, en
tenant compte de ses parcs, et contractualise avec ces derniers sur la base
d'un projet global au même titre qu'avec les pays. C'est le cas des
régions Franche-Comté et Midi-Pyrénées. Les
chevauchements de territoires sont alors marginaux, et ne posent alors pas de
problème. Il n'y a d'autre part pas de difficultés
particulières lorsque les élus choisissent d'orienter leur charte
de pays, en étroite concertation avec le parc. Je citerai à
nouveau le cas du Parc naturel régional des Ballons des Vosges,
concerné par huit pays. Au départ, j'ai dit aux
présidents, Monsieur Poncelet et d'autres, que nous ne signerions de
convention qu'à la condition que les pays respectent le parc, et soient
en complémentarité avec lui. Ainsi, on travaille avec tout le
monde lors de la création de pays. Cela ne se passe pas toujours aussi
bien, car les pays sont beaucoup plus politisés que les parcs. Je n'ai
jamais entendu parler de politique dans un parc. Je suis moi-même
élu par la droite comme par la gauche. La situation est bien
différente dans les pays.
La loi Montagne est une loi d'équilibre qui a permis un
développement économique important dans certains secteurs, une
protection de l'intégrité des paysages montagnards dans d'autres.
A la lumière de l'expérience des parcs naturels régionaux,
fondée sur la recherche d'un équilibre entre développement
et protection, dans une approche de planification territoriale, nous pouvons
affirmer que la loi Montagne a fait ses preuves. Je ne sais pas si tout le
monde est de cet avis.
En ce qui concerne les parcs naturels régionaux, les dispositions de la
loi Montagne ne sont donc pas des contraintes supplémentaires, mais une
base qui permet d'aller plus loin et d'organiser plus finement le
développement au regard des objectifs de préservation du
patrimoine naturel et paysager. Il faut rappeler qu'en adhérant à
un parc naturel régional, les communes expriment une attitude volontaire
en termes de maîtrise de l'urbanisation et des grands
aménagements. Chaque commune doit voter dans son conseil municipal. Avec
213 communes et 250 000 habitants, notre parc est le plus
peuplé de France, et le deuxième plus étendu en
superficie, derrière le parc des Volcans. Sur ces 213 communes, 203 ont
adhéré. Sur neuf communes qui, pour des raisons diverses avaient
refusé, cinq viennent de nous informer qu'elles veulent adhérer.
C'est un acte volontaire, qui implique que l'on observe les recommandations de
la charte. Nous donnons par exemple un avis sur tous les PLU et sur les permis
de construire, dans les zones d'intérêt majeur. Nous
élaborons avec les communes et les communautés de communes des
chartes paysagères. Nous appuyons le conseil aux collectivités
pour l'élaboration de documents d'urbanisme intégrant les
orientations de la charte et les recommandations des chartes paysagères.
Dans la charte, nous réalisons un travail de prospective à dix
ans pour l'extension, ou la non-extension des domaines skiables. Nous
effectuons enfin des cahiers des charges spécifiques pour la
procédure UTN, des restrictions au recours aux canons à neige
dans certains secteurs fragiles, et des recommandations particulières en
matière d'aménagements routiers.
Les dispositions d'urbanisme de la loi Montagne ont permis d'éviter le
mitage et la banalisation des paysages et espaces montagnards et de limiter en
conséquence les coûts d'infrastructures pour les
collectivités. Elles méritent d'être maintenues, comme
principes fondamentaux, permettant aux territoires organisés de
développer, comme les parcs, des approches qualitatives volontaires et
adaptées. Dans le même esprit, la procédure UTN est
intéressante, en particulier si elle permet de mesurer la
faisabilité économique des équipements. Nous sommes
actuellement confrontés à une évolution climatique
où la majorité des stations de moyenne montagne sont
amenées à réaliser des investissements de plus en plus
importants, pour contrer le manque de neige. Par ailleurs, le
développement d'une offre touristique alternative, l'été
et en moyenne saison, est tributaire de la protection de ces espaces naturels
et des paysages de très grande qualité.
Globalement, la loi Montagne nous donne satisfaction. J'avais demandé,
au moment de la rédaction de la loi, que le président du
comité des massifs soit un élu. Je n'ai pas été
écouté, le ministre de l'époque a imposé sa propre
vision. Cela a depuis été modifié, et il y a une
co-présidence dans le bureau. J'accepterai volontiers que ce soit un
élu qui prenne la présidence, comme je l'avais proposé
à l'époque.
M. Jean-Paul Amoudry
- Merci pour cet exposé très clair,
précis et complet. J'ai quelques questions à vous poser. Je
m'interroge tout d'abord sur les moyens financiers. Cette question m'est venue
au moment où vous évoquiez votre politique du tourisme, dont le
caractère est diffus. Il n'est peut-être pas toujours
générateur de ressources directes. Comment équilibrez-vous
ces initiatives ?
M. Jean-Paul Fuchs
- Chaque parc est autonome, donc spécifique.
Ce sont des parcs régionaux, ce qui veut dire que l'essentiel des
ressources provient des régions. Les régions donnent entre 40 et
60 % en moyenne des ressources des parcs naturels régionaux. Les
départements donnent entre 5 et 30 %. Quand la région donne
beaucoup, le département donne moins. En Lorraine par exemple, la
totalité des fonds provient des régions. L'Etat donne en gros 10
%. Au niveau de la population, cela varie, de 0,61 € par habitant en
Lorraine à 3,81 € pour le Vercors. Certains parcs font plus de
choses que d'autres. Les parcs les plus anciens s'occupent de tout, comme la
Corse, ou le Vercors qui gère même les monuments de
commémoration de la résistance. Les parcs les plus récents
s'occupent de moins de choses, car ils n'empiètent pas sur les
plate-bandes des organismes qui ont déjà pris en charge la
gestion de quelque chose. Le budget du Parc des Ballons des Vosges est autour
de 1 million 220.000 € de frais de fonctionnement, et autant pour les
dépenses d'investissement. Voilà en gros le budget moyen d'un
parc ; cela dépend de la surface, du nombre d'habitants et de
communes. Le Parc du Queyras n'a que cinq communes, contre 203 pour le mien,
avec 28 000 entreprises. On ne peut donc pas comparer un parc à un
autre ; c'est la philosophie qui est la même.
M. Jean-Paul Amoudry
- Je termine avec deux questions.
Premièrement, avez-vous des difficultés sur la question des
motoneiges, et comment la circulaire s'applique-t-elle ?
Deuxièmement, avez-vous des éléments à nous
communiquer sur les moyens financiers qui assortissent la procédure
Natura 2000 ? Dans le département où je suis élu,
nous avons le plus grand mal à éclairer nos collègues
maires, qui voient arriver les contraintes engendrées par la mise en
place de Natura 2000, sans savoir comment les gérer
financièrement. Comment les sites seront-ils gérés, et
avec quels moyens européens ?
M. Jean-Paul Fuchs
- Concernant votre première question, nous
n'avons pas de problème. Les parcs ne sont pas contre le tourisme de
neige ; nous voulons simplement éviter l'anarchie. Les motoneiges
qui sont dans les Vosges appartiennent généralement aux
collectivités municipales ou au département. Les raquettes ne
nous posent pas non plus de problème ; il faut seulement veiller
à ce que les gens n'aillent pas partout, afin de protéger les
quelques tétras qui existent encore dans les Vosges. Les Parcs incitent
les communes à s'appuyer sur la loi du 3 janvier 1991 pour
organiser la circulation des motoneiges.
Concernant Natura 2000, il y a des moyens qui sont à disposition,
d'abord en personnel. Le parc dispose de personnel, grâce aux
crédits de l'Etat, pour organiser Natura 2000. Nous sommes gestionnaires
de l'ensemble, mais nous travaillons également avec l'ONF et d'autres
associations. Natura 2000 ne doit pas être, dans l'esprit, une
interdiction, mais une gestion exemplaire, s'appuyant sur la participation des
élus pour faire un ensemble de choses, dont la protection.
Dans le massif du Jura, les maires ont dès le départ dit oui,
globalement. Dans le massif des Vosges, ils ont globalement dit non. C'est
à nous, par le dialogue, de discuter et de raisonner.
M. Gérard Bailly
- J'ai un pu suivre la vie des parcs dans la
région de Franche-Comté ; j'ai été pendant
quinze ans conseiller régional, poste que j'ai quitté l'an
dernier pour cause de cumul. J'ai aussi pu suivre le Parc des Vosges. J'ai
trois questions. La première concerne les prérogatives
respectives des parcs et des pays. Je n'ai en effet pas très bien
compris la différence entre la charte des parcs, et celle des pays qui a
été conduite à un an d'intervalle.
M. Jean-Paul Fuchs
- Les parcs existent depuis 35 ans, tandis que les
pays viennent d'être créés. Les pays sont extrêmement
variables ; certains ne s'occupent que d'économie, d'autres
ajoutent une touche environnementale. Leurs chartes ne sont en aucun cas
opposables. Tandis que la notion de parc naturel régional est
partagée par les régions et le ministère de
l'environnement qui reconnaît la qualité de leur charte par
classement. Tous les dix ans, il faut donner une nouvelle charte au Parc.
M. Gérard Bailly
- Dans la loi c'est pourtant bien le territoire
du parc qui est considéré comme le pays, du moins chez nous, pour
ce qui est du Haut Jura.
M. Jean-Paul Fuchs
- Ah non ! La loi reconnaît aux Parcs,
comme aux pays, la possibilité de signer un contrat particulier avec la
région dans le cadre des contrats de plan. La région
Franche-Comté a intitulé ces contrats « contrats de
pays » qu'ils soient portés par un parc naturel
régional ou un pays. C'est le cas également pour la région
Centre, avec les parcs du Perche et de la Brenne.
M. Gérard Bailly
- Chez nous aussi, c'est la même chose.
M. Jean-Paul Fuchs
- Cette situation est une exception. La loi sur les
pays fait référence aux objectifs du développement
durable, mais ne dit pas que parcs et pays sont équivalents dans leurs
objectifs puisqu'elle recommande une recherche préalable
d'harmonisation des périmètres. Il n'y a que deux parcs sur les
40, où les deux notions peuvent se superposer, le parc étant
englobé dans un grand pays. Dans quelques cas, il n'y a pas de pays qui
se créent sur le parc. Dans mon parc, il y a eu huit pays. La loi
prévoit alors qu'il y a une convention pour qu'il n'y ait pas deux
politiques différentes, cette convention est obligatoire pour permettre
à un pays de se créer sur un parc existant.
M. Gérard Bailly
- Dans mes deux autres questions - ou
plutôt thèmes que je souhaiterais que l'on aborde - je vais un peu
me faire l'avocat du diable. On entend souvent dire que les parcs ne servent
qu'à faire des études qui coûtent beaucoup d'argent, alors
que l'on n'arrive pas à trouver de crédit pour certaines
professions comme les bergers, ou certains secteurs dont vous parliez tout
à l'heure. Il semble que l'on préfère attribuer des
crédits pour réaliser des études, plutôt que pour
investir.
Une circulaire dit aussi que dans les parcs, on peut être financé
à 100 %. Or, les élus de collectivités, conseils
généraux ou régionaux qui ne font pas partie d'un parc,
n'admettent pas que l'on puisse être financé intégralement.
M. Jean-Paul Fuchs
- Je réponds à la première
question, en essayant de généraliser, bien que chaque parc soit
spécifique. Les études dépendent en grande partie du
président, du directeur et du conseil d'administration. Je peux vous
dire qu'au niveau de mon parc, aucune étude ne peut être
réalisée sans application concrète. Je sais que les
élus ne veulent pas d'études. J'ai moi-même
été député, conseiller général et
régional et conseiller municipal pendant 44 ans. Notre objectif est de
ne jamais commander d'étude qui ne serve à rien.
Il y a effectivement un décret du ministère de l'environnement
qui prévoit que les investissements découlant de la charte du
parc peuvent être financés à 100 %. Il me semble
anormal d'exiger de petites communes rurales, un apport important pour des
réalisations qui bénéficient au territoire global du parc.
Rappelons que les syndicats mixtes des parcs n'ont pas de fiscalité
propre, et donc pas de contribution financière propre à apporter
aux projets.
M. Gérard Bailly
- Ma dernière question est
également provocante. Depuis les dernières élections, dans
le message du Président de la République d'hier et sans doute
dans le discours de politique générale du Premier Ministre cet
après-midi, on a beaucoup parlé de simplification, de
rapidité dans les décisions. A contrario, on dit souvent que les
parcs sont une structure de plus, qui contribue à la lourdeur
administrative. Avez-vous déjà réfléchi à la
manière qui permettrait d'agir plus vite, avec plus de simplicité
au niveau des parcs ?
M. Jean-Paul Fuchs
- C'est un petit peu le sujet tarte à la
crème. Je me rappelle encore de Madelin qui disait « on va
simplifier... ». Les parcs existent depuis 35 ans. Le mien, le
25
ème
à été créé en 1989.
Puis on a créé les communautés de communes, les pays, ce
qui ne simplifie pas les choses. Les relations entre les parcs et les communes
et communautés de communes qui constituent leurs territoires, sont
déjà opérationnelles. C'est la raison pour laquelle, alors
que les parcs ne représentent que 11 % du territoire
français, il convient de ne pas superposer deux politiques territoriales
différentes au sein d'un même parc.
Il faut quatre à cinq ans pour créer un parc, car nous ne pouvons
que convaincre du bien fondé de ses objectifs très exigeants et
non contraindre. On a pensé que l'on pouvait simplifier la
procédure, ce qui me semble difficile si l'on veut obtenir un consensus
sur des mesures environnementales fortes.
Il y a un an, prenant exemple sur la Corse, voulant simplifier, on a dit que ce
ne serait plus l'Etat, mais les régions qui donneraient la marque. Je
m'y suis opposé, car la vraie décentralisation est celle que nous
avons aujourd'hui. La région a la responsabilité de mettre
à l'étude un parc, de piloter la procédure de
création, d'approuver le périmètre du parc défini
par l'adhésion des communes ainsi que le contenu de la charte. Mais tout
vient d'en bas, des communes et des communautés de communes, qui
ensemble fixent la charte et les objectifs. C'est ensuite l'Etat, en
décentralisant la marque déposée à chaque parc, qui
garantit une qualité minimale du projet et la cohérence de la
politique des parcs régionaux. La base se fixe des objectifs, avec un
Etat qui régule. En Espagne, où chaque région fixe ses
critères, les 200 parcs existants sont de qualité totalement
différente et certains n'existent guère que sur le papier.
M. Gérard Bailly
- Ma question concernait les porteurs de
projets, dans les parcs, qui souhaitent que l'on aboutisse rapidement, dans
l'année ou les 18 mois qui suivent. Les gens ont besoin de
rapidité dans la décision.
M. Jean-Paul Fuchs
- Oui, mais il faut du temps, on ne peut pas
brûler les étapes pour créer un parc.
M. Gérard Bailly
- Je ne parlais pas de la création de
parcs...
M. Jean-Paul Amoudry
- Merci Monsieur le Président. Nous vous
ferons parvenir le moment voulu notre rapport, comme à tous nos
auditeurs.