1. Audition de M. François Philizot, directeur, adjoint au délégué à la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR), accompagné de Mme Hélène Jacquet-Monsarrat, chargée de mission (3 avril 2002)
M.
Michel Moreigne, Président -
Je me permets de vous souhaiter la
bienvenue et vous prie d'excuser le Président BLANC retenu dans sa
circonscription électorale. Je donne tout de suite la parole, pour
l'introduction à nos travaux, à notre Rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, Rapporteur -
Merci Monsieur le Président.
Je veux à mon tour accueillir et remercier de leur présence
M. Philizot et Mme Jacquet-Montsarrat, et saluer la présence
de mes collègues sénateurs, en les remerciant de leur
participation à nos travaux. Je veux rappeler à nos
invités de la Délégation à l'aménagement du
territoire et à l'action régionale (DATAR) que le Sénat a
décidé, il y a quelques semaines, la création d'une
mission d'information sur la montagne. Cette mission est commune aux quatre
commissions du Sénat que sont la commission des Affaires
économiques et du Plan, la commission des Affaires
étrangères, la commission des Finances et la commission des Lois.
Cette mission réunit les membres de tous les groupes politiques et je
souhaite en rappeler la composition : le Président, Monsieur
Jacques BLANC ; sénateur de Lozère, votre serviteur,
sénateur de Haute-Savoie ; les vice-présidents, M. Auguste
Cazalet des Pyrénées-Atlantiques, M. Jean-Pierre Vial de la
Savoie, M. Michel Moreigne de la Creuse, Mme Josette Durrieu des
Hautes-Pyrénées, M. Pierre Hérisson de Haute-Savoie, M.
Gérard Bailly du Jura, M. Jean-Paul Émin de l'Ain, M.
François Fortassin des Hautes-Pyrénées, Mme Josiane Mathon
de la Loire et M. André Rouvière du Gard.
Les objectifs assignés à cette mission sont de deux ordres :
évaluer l'application de la politique montagne en
référence notamment à la loi du 9 janvier 1985, dresser le
bilan de cette politique
L'approche que nous avons définie consiste à aborder trois grands
thèmes : l'aménagement des territoires de montagne ;
l'économie, la protection du patrimoine montagnard.
proposer, le cas échéant, de nouvelles orientations, sur la
base des trois thématiques que je viens d'évoquer ; adresser
ces orientations à l'automne à l'adresse du nouveau gouvernement
et du nouveau Parlement, au lendemain du renouvellement prévu en
juin.
Nous voulons donc mettre à profit cette année où les
travaux du Parlement sont suspendus pour travailler, à la fois sur le
terrain et par la voie de missions. Notre chantier est ouvert dès
aujourd'hui et pour ce faire, nous avons décidé d'inviter les
dirigeants de la DATAR, de façon à bénéficier de
votre expérience comme initiateurs et animateurs des politiques
d'aménagement. Je vous laisse la parole, sur la base des questions que
nous avons adressées à titre indicatif et sans préjudice
d'autres sujets de discussion.
M. Michel Moreigne remercie M. le Rapporteur et invite M. François
Philizot à débuter son audition.
M. François Philizot -
Merci Monsieur le Président. Dans
un souci de simplicité et de dialogue direct, je n'ai pas
préparé de long exposé introductif ; je propose
plutôt de partir effectivement des questions que vous m'aviez
adressées. Bien évidemment, la DATAR est à la disposition
de la mission pour lui apporter tous les éléments d'information
qui lui seraient nécessaires. La montagne représente en effet un
enjeu important auquel la DATAR est attachée, de longue date.
La DATAR s'est intéressée à la politique de la montagne
avant même qu'une politique de la montagne soit instituée,
c'est-à-dire depuis le début des années soixante-dix.
Ainsi, les commissaires à l'aménagement des massifs ont
été créés à partir du début de la
décennie soixante-dix sur la base des textes relatifs à la
rénovation rurale, notamment les dispositions du Code rural. Cet
engagement de longue date s'est trouvé renforcé à travers
la mise en oeuvre des dispositions de la loi "montagne" de 1985, notamment
celles relatives au Comité National de la Montagne (CNM) et aux
comités de massifs (CM). En effet, le décret relatif au CNM
prévoit expressément que la DATAR assure le secrétariat de
ce comité.
Mutatis mutandis
, cette implication est la même
au niveau de chaque massif, chaque commissaire de massif assurant le
secrétariat de chaque comité de massif.
L'ensemble du réseau DATAR est donc impliqué et joue un
rôle d'animation, tant vis-à-vis des acteurs de la politique de la
montagne que dans l'organisation interministérielle de ce dispositif. Je
souhaite d'ailleurs souligner une spécificité : les espaces
de montagne sont les seuls à bénéficier aujourd'hui d'un
système institutionnel qui leur soit propre. Il n'existe en effet pas de
Comité National du Littoral ou de Comité National des Zones de
Reconversion Industrielle, pour reprendre quelques autres domaines
d'intervention traditionnels de la DATAR.
A côté du Comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) qui est,
depuis 1995, l'outil de cohérence de la politique du territoire, nous
avons un Comité spécialisé qui joue à peu
près le même rôle, puisque la préparation de chaque
Comité national de la montagne est l'occasion de faire avancer un
certain nombre de dossiers. Les élus du littoral revendiquent d'ailleurs
un traitement analogue, ce qui a conduit à créer au sein du
Conseil national d'aménagement et de développement du territoire
(CNADT) une commission spécialisée sur le littoral.
Cette politique de la montagne est donc un engagement fort de la DATAR : sur un
effectif de cent-cinquante personnes, les commissariats de massif
représentent trente agents, ce qui est beaucoup à
l `échelle de la DATAR. Il ne m'appartient pas de juger si la
DATAR, dans son rôle administratif et interministériel est
efficace ; en revanche je dois souligner que les outils institutionnels,
notamment la mécanique du CNM, mais également les outils
déconcentrés que sont les commissariats de massif et les
Comités de massif (CM) sont reconnus comme des lieux d'échange et
d'arbitrage relativement actifs et opérationnels. Je constate, à
la faveur du dernier CNM que les ministères conçoivent bien le
CNM comme un lieu de préparation et de mise en oeuvre des politiques
gouvernementales.
En 1994 a été mise en place une mission d'évaluation de la
loi « montagne », dont les conclusions sont riches
d'enseignements. Cette mission intervenait près d'une décennie
après le vote de la loi de 1985, à la fois dans une perspective
immédiate de l'application de la loi, mais aussi plus
générale, d'aménagement du territoire. Le diagnostic
opéré par la mission d'évaluation était
relativement optimiste quant à l'évolution globale des montagnes
françaises. La situation des montagnes n'est certes pas uniforme :
le Cantal et la Tarentaise ont par exemple connu des évolutions
très divergentes. L'évolution est néanmoins plutôt
globalement positive, plusieurs régions étant passées
d'une logique de déclin très largement répandue à
la fin des années soixante à une logique de renouveau.
Au-delà de ce constat positif qui laissait penser que l'action conduite
par l'ensemble des acteurs de la montagne allait dans le bon sens, la mission
d'évaluation avait insisté sur deux nécessités
premières, à savoir :
- Insuffler un nouvel élan aux institutions de la montagne.
Il s'agit, sur ce point, de les doter de plus de permanence et d'en faire des
lieux de proposition plus que des lieux de débats périodiques. Il
était important que les institutions réformées par toute
une série de décrets en 1995 deviennent des creusets de la
conception de la politique de la montagne. Ceci a conduit, au sein du CNM,
à un travail plus approfondi, autour de groupes de travail qui ont
été particulièrement productifs. Les documents produits
inspirèrent les décisions annoncées par le Premier
Ministre au CNM du 5 février 2001, tendant notamment à la
définition plus précise des fonctions de Préfet
coordonateur de massif, à la redéfinition des fonctions de
commissaires de massif ou à l'institution de la co-présidence de
comités de massif entre le Préfet et le président de la
Commission permanente.
Nous comptons transmettre au Conseil d'Etat dans les semaines à venir le
projet de décret relatif au Préfet coordonnateur de massif et le
projet de décret relatif aux commissaires de massif. En
résumé, le projet est de disposer d'institutions plus vivantes,
mieux intégrées dans le paysage administratif, avec des fonctions
plus fortes pour ce qui concerne l'Etat. Il s'agit également d'aller
vers une évolution du partage des responsabilités entre l'Etat et
ses différents partenaires au premier rang desquels les
collectivités locales.
- La nécessité d'avoir une approche globale et positive des
zones de montagne
La mission d'évaluation a considéré que les zones de
montagne ne devaient pas être entendues comme des zones accumulant les
difficultés, mais comme des zones dotées d'atouts importants et
constituant un élément-clé de l'équilibre du
territoire national. C'est une nouvelle vision de la montagne, une vision
appelant une approche d'ensemble qui associe les différentes
activités et les différentes formes d'occupation de l'espace.
Plus précisément, il ne s'agit pas d'avoir une politique agricole
de la montagne, une politique touristique de la montagne ou une politique
industrielle de la montagne. Bien au contraire, il s'agit d'avoir une approche
d'ensemble, de la Limagne au massif du Cantal, le Grésivaudan de la
même façon que le Trièves.
L'objectif est de ne pas séparer, tronçonner les espaces, les
activités. En conséquence, l'utilisation d'outils permettant la
mise en cohérence de ces politiques est accentuée, d'où la
relance des travaux par exemple sur la pluriactivité. D'où la
conclusion de conventions interrégionales de massifs pour la
première fois dans le cadre des contrats de Plan Etat-Régions.
Au-delà de cet effort, le gouvernement a proposé aux
différentes régions d'avoir des conventions
interrégionales de massif, dotées d'un budget de trois milliards
de francs (1,2 milliard consacré aux activités
socioéconomiques et 1,8 milliard pour les infrastructures, en
particulier pour les infrastructures de transport).
Au-delà de ces aspects figure une idée forte : nous sommes
dans une logique de valorisation de territoires spécifiques qui
mérite d'être appuyée non pas dans une politique de
réparation mais dans une politique de dynamisation de l'ensemble des
espaces, donc dans la vision d'un territoire national complètement
équilibré.
La politique de la montagne, comme celle ayant trait à
l'aménagement du territoire, a été initiée par
l'Etat dans une France non-décentralisée. L'Etat y avait plus de
pouvoir et les Préfets y assuraient la tutelle des collectivités
locales. Dans notre équilibre institutionnel, la politique
d'aménagement du territoire telle qu'elle ressort des lois du 4
février 1995 et 27 juin 1999, est une politique forte de l'Etat. Il
intervient en effet en tant que garant de l'équilibre économique
et social de la nation, comme la loi du 2 mars 1982 le dispose.
Ceci étant, cette politique est conduite aujourd'hui dans un cadre
différent, qui doit tenir compte de l'implication légitime des
collectivités locales. Je ne pense pas qu'il faille considérer
que la décentralisation soit une source de frein ou de complexité
particulière. On retrouve dans le domaine de la politique de la montagne
les difficultés traditionnelles de toute politique conjointe : les
financements croisés ont leurs avantages en même temps qu'ils sont
source de lourdeur et de complexité dans le montage des dossiers.
La loi montagne et l'évolution des outils institutionnels et
administratifs ont clairement posé la nécessité pour
l'Etat de travailler en étroit partenariat avec les collectivités
locales. Ainsi, les comités de massif sont constitués
majoritairement et légitimement de représentants des
collectivités territoriales. Le gouvernement entend d'ailleurs suivre
cette logique jusqu'à son terme : ainsi, la coprésidence des
comités de massif témoigne de cette volonté d'une
démarche partagée. De la même manière,
« l'invention » des fonctions interrégionales est un
signe de cette volonté de gérer et conduire la politique dans un
cadre partagé.
Les questions que l'on peut se poser tournent largement autour de
l'évolution de la décentralisation et des conséquences
qu'il faudra en tirer sur la répartition des compétences. Ainsi,
la période qui suivra les prochaines élections annonce
vraisemblablement une nouvelle étape de la décentralisation, mais
j'ignore quelles en seront les conséquences, notamment sur la politique
de la montagne. Je crois en tout cas que les territoires de montagne sont
encore plus concernés que d'autres par la nécessité de
s'appuyer sur les outils de structuration territoriale mis en place par la loi
Voynet et la loi Chevènement. Je pense particulièrement à
tout ce qui concerne la coopération intercommunale et structuration en
pays.
En effet, les territoires de montagne sont souvent fragiles d'un point de vue
patrimonial et écologique, où la dispersion des habitats et la
dilution des forces imposent d'autant plus de se regrouper. Ces territoires
sont également la source de conflits d'intérêts, à
l'image de l'opposition qu'il peut y avoir, notamment dans les Alpes entre des
villes assez fortes et des zones rurales qui vivent dans leur orbite, tout en
étant différentes. Il y a donc une nécessité
d'avoir des outils permettant à la fois de structurer l'espace et de
porter des projets de long terme, qui est encore plus forte que dans des zones
où les problématiques d'aménagement sont plus
aisées à définir. Ce territoire, doté de nombreux
atouts tant agricoles que touristiques et industriels, mérite en effet
d'être valorisé.
Le diagnostic que l'on peut établir aujourd'hui est qu'il n'y a pas de
retard particulier en matière de coopération intercommunale et de
pays, par rapport à d'autres zones. La structuration en pays est
très largement liée aujourd'hui aux anticipations des acteurs de
terrain, à l'image de la région Poitou-Charentes et de la
Bretagne, plutôt qu'à la déclinaison brute de la loi. Nous
sommes dans un contexte décentralisé et je ne crois pas que cela
ait gêné la mise en oeuvre de la politique d'aménagement de
la montagne.
Les schémas de service collectif représentent un outil sur lequel
on peut s'appuyer. Il convient néanmoins de souligner que ces
schémas dans leur génération actuelle, sont
inégalement déclinés au niveau géographique. Ainsi,
deux d'entre eux contiennent des approches géographiques
spécifiques aux zones de massifs, notamment le schéma de
transport (voyageurs et marchandises) concernant les traversées alpines
et pyrénéennes. On parle souvent des Alpes, mais il existe
également un vrai problème pour la traversée des
Pyrénées, avec notamment l'engorgement d'Hendaye.
Le deuxième schéma traitant spécifiquement de la montagne
est le schéma des espaces naturels et ruraux. Celui-ci identifie dix
espaces à enjeu spécifique. On peut citer comme exemple un
certain nombre de zones périurbaines.
Les autres approches déclinées géographiquement, comme le
schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche, le
schéma de la culture, privilégient une approche
interrégionale, faite de regroupements de régions et non pas de
zonages transcendant les limites régionales, comme les zonages de
massifs. Ce dernier ne semble en effet pas pertinent sur un certain nombre
d'enjeux comme l'enseignement supérieur. Il en va ainsi pour les Alpes
du Sud, où il est impossible de conserver cette logique pour ce qui
concerne l'enseignement supérieur : les universités se
trouvent à Avignon, à Marseille, à Toulon et à
Nice. La même remarque vaut pour les Vosges qui dépendent de la
capacité d'offre universitaire de Nancy, Metz, Strasbourg, Mulhouse
voire Belfort-Montbéliard. Nous essayons donc de prendre en compte de
façon variée des perspectives globalement positives.
Il n'existe pas aujourd'hui d'approche statistique coordonnée,
cohérente sur les espaces de montagne. Il y a certes une
géographie des zones de montagne, mais notre appareil statistique ne
contient aujourd'hui aucun regroupement systématique sur la montagne.
L'INSEE ne sort notamment aucune statistique identifiée autour de
l'idée de montagne : ses statistiques respectent le
découpage traditionnel des départements, des régions, par
zones d'emploi. Néanmoins, on sait que l'évolution
démographique de la montagne est globalement positive, sauf dans le
Massif central. Les Pyrénées ont gagné 1 % de
population entre 1990 et 1999, les Alpes sont en croissance
régulière depuis le début des années soixante, les
Vosges et le Jura sont également en progression.
Cependant, cette évolution globale masque des disparités assez
grandes. Par exemple, sur le Massif central, la bordure sud-est se porte mieux
que le coeur de la région, le Cantal ayant notamment vu sa population
décroître à une vitesse accélérée, se
rapprochant ainsi de la Creuse qui connaît un déclin plus
modéré qu'avant. On distingue d'ailleurs des évolutions
assez curieuses, ce qui tendrait à prouver qu'il n'y a pas de
fatalité absolue en matière démographique sur le long
terme. Par exemple, dans la Creuse, le canton le moins peuplé, le plus
isolé a gagné quelques habitants. Il en va de même en
Ardèche avec le canton de Valgorge qui était en dessous de 1 000
habitants il y a une vingtaine d'années, mais regagne sensiblement et
régulièrement des habitants recensement après recensement.
Dans les Pyrénées, le canton de Castillon en Couseran dans
l'Ariège qui avait particulièrement vieilli (50 % de plus de
60 ans) a gagné des habitants au dernier recensement, pour la
première fois depuis 1840, avec pour conséquence un
rajeunissement relatif de la population. Ainsi, le fait que des cantons comme
ces derniers arrivent à repartir est significatif d'une capacité
de rebond.
Nous avons fait, à la demande de la Commission du Littoral, un important
travail de statistique sur la base de toutes les données exploitables
concernant le littoral. Nous envisageons de reproduire le même travail
sur les zones de massifs. Nous disposons cependant de moyens limités en
la matière, c'est-à-dire d'une seule statisticienne, en attendant
la création d'un autre poste en juillet prochain. Il s'agit sans doute
d'une faiblesse de notre dispositif. Je crains qu'il ne soit pas propre
à la montagne. Comme cela a été identifié par la
mission de Madame Geneviève Perrin-Gaillard, députée des
Deux-Sèvres et de M. Philippe Duron, député du Calvados,
sur la problématique des zonages, nous souffrons d'un déficit
d'exploitation des données statistiques permettant d'alimenter la
réflexion sur les politiques d'aménagement du territoire. Le
problème est identique sur les zones de revitalisation rurale.
Il y a un éclatement de l'appareil d'Etat qui nous dessert : chaque
ministère dispose de son service de statistiques, de son programme
d'études. Pour y remédier, nous nous dirigeons vers un
système inter-administration qui permettrait d'avoir des dispositifs de
suivi et d'analyses bien meilleurs, sachant que l'Etat dispose de toutes les
données, même dispersées, qui sont utiles.
En résumé, la DATAR établit une vision
générale de la montagne plutôt optimiste : le
recensement de 1999 a montré que la montagne allait globalement mieux
que pendant la période précédente, avec cependant de
fortes disparités d'un territoire à l'autre. Le seuil migratoire
des départements de montagne est partout positif, sauf pour l'Allier et
le Cantal. Il est important de poursuivre l'effort entrepris : la
montagne, zone en déclin et de départ massif de ses populations
il y a trente ans attire désormais des habitants.
En ce qui concerne le programme de travail de la DATAR pour les années
à venir, sous réserve de l'accord du prochain gouvernement, la
DATAR a établi quelques pistes de travail pour nourrir les
décisions et les réorientations dans les mois et années
à venir.
Dans le domaine institutionnel, de nombreux dossiers demeurent à
traiter. Ainsi la DATAR va avoir à réécrire les
décrets relatifs aux Comités de massif, pour tenir compte des
modifications apportées par la loi « démocratie de
proximité », mais également recomposer le Conseil
National de la Montagne.
D'autre part, nous envisageons de produire deux décrets
spécifiques.
un décret sur le Préfet coordonateur de massif
Il s'agit d'une véritable innovation administrative, dans la mesure
où le Préfet sera ordonnateur secondaire pour l'ensemble du
massif et assurera donc l'autorité réelle en la matière.
L'objectif est ainsi de faciliter la gestion et la conduite des politiques de
massifs.
un décret relatif aux Commissaires de massif
Nous poursuivons actuellement nos discussions avec le ministère de
l'Economie et des Finances pour obtenir la création d'une vingtaine de
postes au profit de ces Commissariats.
La DATAR va également poursuivre des travaux de réflexion sur
certaines dispositions d'urbanisme et sur les activités agricoles et
touristiques
Le dernier CNM a été l'occasion de relancer le dispositif des
prescriptions particulières de massif prévu par la loi montagne.
Il s'agit de poser le principe d'une modification de la procédure UTN
(Unités touristiques nouvelles), c'est-à-dire de l'assouplir tout
en conservant les garanties économiques, urbanistiques et
environnementales qu'elle apporte. Ce domaine est particulièrement
important dans la mesure où il suscite des prises de position
très tranchées.
La question du pastoralisme en zones de montagne mobilise un groupe de travail
sous l'égide du ministère de l'Agriculture, groupe qui devrait
rendre ses conclusions à l'été prochain. D'autre part, il
nous faudra tirer les premiers enseignements de la loi d'orientation
forestière en ce qui concerne l'apport des Chartes de territoires
forestiers, qui touchent tout particulièrement les zones de montagne. En
effet, il subsiste un enjeu de taille pour tout ce qui concerne la forêt
de montagne, qu'il s'agisse du devenir des forêts RTM des Alpes du sud ou
de la valorisation des forêts à replanter dans le Massif central.
L'économie touristique des stations de montagne va faire l'objet d'une
expérimentation menée en partenariat avec le ministère du
Tourisme et la Caisse des dépôts. En effet, une partie de
l'immobilier de loisir tel qu'il a été construit entre les
années soixante et quatre-vingts est largement inadaptée aux
demandes sociales en matière d'hébergement et d'environnement. Ce
phénomène est encore plus avéré dans certaines
stations de moyenne montagne, dont l'avenir est particulièrement
incertain. Notre calendrier comprend une phase d'études jusqu'à
2003, date à laquelle s'ouvriront les véritables chantiers,
évalués à plusieurs milliards d'euros.
D'autre part, le Comité interministériel pour
l'aménagement et le développement du territoire (CIADT) vient
d'élaborer la circulaire relative aux programmes de
réhabilitation de l'immobilier des établissements de tourisme
social. Là encore, ce dossier concerne tout particulièrement la
moyenne montagne, qui concentre une bonne partie de l'immobilier de tourisme
social nécessitant une re-dynamisation.
Au-delà de ces enjeux spécifiques se pose la question de la
consolidation du développement touristique global, tant il est vrai que
des éléments de fragilité perdurent dans un certain nombre
de massifs.
En ce qui concerne les politiques de développement régional, la
Commission européenne va les réformer en vue des
conséquences de l'élargissement de l'Union européenne
(UE). Il appartiendra ainsi au futur gouvernement de présenter les
conclusions de la France à l'automne 2002.
Au-delà de cet aspect, un des grands sujets de discussion actuels est la
prise en compte par les politiques européennes des espaces dits
spécifiques ; les espaces de montagne pouvant constituer un de ces
espaces, bien que cela ne soit pas toujours accepté par certains de nos
partenaires européens. Ainsi, le dispositif "montagne", d'inspiration
française a eu bien du mal à être accepté. La Cour
de Justice des Communautés européennes avait ainsi
considéré que le premier dispositif de 1995 était
incompatible avec la libre-circulation des marchandises. Il a ensuite fallu
reformuler ce dispositif dans la loi d'orientation agricole.
Il va s'agir en effet d'ajuster aux enjeux de la politique de la montagne
certains aspects des contrats de Plan ou des documents uniques de programmation
dont les échéances respectives sont 2003 et 2004.
S'agissant de l'accès des zones de massifs au haut débit
,
le gouvernement a pris un certain nombre de dispositions relatives au GSM. A
présent, nous sommes sur le point de terminer la rédaction de la
circulaire relative aux conditions d'application de l'article L 1506 du Code
général des collectivités territoriales. Cet article
régit en effet l'intervention des collectivités locales en
matière de télécommunications. Ici, l'incertitude se porte
plutôt sur le comportement des opérateurs de
télécommunications, qui, suite aux déboires
rencontrés par leur secteur, rechignent désormais à
investir, sauf à coup sûr. Quelle que soit la technologie
employée (satellite, fibre optique), l'objectif est de couvrir les zones
de montagne par le haut-débit à l'horizon des années
2004-2005.
En ce qui concerne les aspects financiers, les volets "massifs" des contrats de
Plan représentent environ 120 millions d'euros. Le FIAM (Fonds
interministériel d'auto-développement de la montagne), outil
emblématique utilisé essentiellement par l'ingénierie, a
été maintenu à un peu plus de 4 millions d'euros
depuis trois ans. Enfin, les ICHN (indemnités compensatrices de handicap
naturel) ont été modifiées dans leur mode d'attribution,
leur montant global s'élevant désormais à 375 millions
d'euros en 2001 pour 115 000 bénéficiaires.
Pour l'aspect institutionnel,
à l'occasion du vote de la loi sur
la démocratie de proximité, le Sénat a mené un
certain nombre de débats pour savoir s'il fallait identifier le Morvan
comme un massif de montagne. Ce territoire dispose certes de nombreuses
caractéristiques d'un territoire de montagne, tant du point de vue de la
géographie physique, que d'un certain déclin démographique
ininterrompu depuis plus d'un siècle. D'ailleurs, une partie du Morvan
est aujourd'hui classée en communes de montagne au sens agricole du
terme.
Pour autant, la DATAR ne pense pas qu'il soit nécessaire de le doter
d'une institution de massif particulière, en raison notamment de sa
faible population (40 000 habitants seulement). Il nous paraîtrait plus
logique de voir dans quelle mesure nous pouvons étendre le
périmètre du Massif central vers le nord.
Par ailleurs, la fusion des massifs des Alpes a été
opérée par la loi sur la démocratie de proximité.
Elle nous semble répondre à la réalité des Alpes :
en effet, le découpage antérieur entre Rhône-Alpes d'un
côté et Provence-Alpes-Côte-d'Azur de l'autre ne semble pas
pertinent. Ainsi, certaines problématiques, comme la traversée
des Alpes, le pastoralisme, la question du loup, sont transversales et
nécessitent une approche commune.
Les dispositions de la loi sur la « démocratie de
proximité » auront un impact significatif sur le
fonctionnement des institutions propres à la politique de la montagne,
notamment sur le rôle des comités de massif, dans la mesure
où la co-présidence ouvrira plus largement le débat sur
les attentes et propositions des acteurs des massifs.
M. Michel Moreigne -
Madame Jacquet-Montsarrat, souhaitez-vous apporter
des compléments à l'intervention de M. François Philizot.
Mme Hélène Jacquet-Monsarrat -
Je tiens simplement
à préciser mon rôle au sein de la DATAR. Je suis
l'interlocutrice classique de l'ensemble des acteurs de la montagne au sein du
CNM ainsi que des acteurs économiques de l'ensemble des massifs.
M. Jean-Paul Amoudry -
Je souhaite revenir sur l'importance que nous
attachons à disposer d'outils statistiques. Nous savons certes que la
logique de notre Etat "verticalise" les données et les présente
de manière séparée. Néanmoins, les données
que vous pourriez nous transmettre sur les questions de montagne nous seraient
bien utiles, notamment celles concernant l'évolution
démographique entre les recensements de 1990 et 1999. Dans le même
ordre d'idées, pouvez-vous nous communiquer les rapports du CNM pour les
dernières années ?
Par ailleurs, la DATAR mène-t-elle une réflexion sur l'avenir des
réseaux de distribution d'énergie, dans la perspective de la
transposition en droit français de la directive adoptée à
Barcelone ?
Enfin, je suis personnellement très inquiet sur l'avenir des petites
stations de ski, stations qui furent créées par les
collectivités locales sous l'impulsion de l'Etat. Quel est, selon vous,
l'avenir de ces stations ?
M. François Philizot -
S'appuyant sur le Conseil national
d'aménagement et de développement du territoire, la DATAR a
lancé une série de réflexions sur l'avenir des services
publics. Ceci concerne le secteur de l'énergie, mais également la
Poste, qui risque de fermer de 6 000 à 7 000 bureaux suite au
processus de libéralisation. La DATAR a ainsi alimenté la
déclaration approuvée par le Conseil lors du sommet de Nice.
Je partage tout à fait votre inquiétude sur l'avenir des petites
stations de montagne. Ceci impose de revisiter la manière dont elles ont
été construites (question des problématiques de friche
touristique et d'immobilier), mais également les produits et services
qu'elles fournissent. Dans ce domaine, je ne pense pas qu'il faille agir
station par station, mais plutôt à l'aide de projets globaux sur
des zones touristiques. Des structures de type "pays" pourraient ainsi
utilement se pencher sur la question.
M. Pierre Jarlier -
Je reviens à nouveau sur la question des
outils statistiques, et de la pertinence des analyses que l'on peut tirer des
données disponibles. Ceci me conduit à revenir sur le tableau
globalement positif des territoires de montagne que vous avez dressé.
Personnellement, je n'entrevois guère une logique de renouveau,
particulièrement pour le Massif central. Je pense à l'inverse que
nous sommes confrontés à une situation particulièrement
préoccupante, au regard des résultats des derniers recensements.
Vous avez ainsi mis en exergue le rétablissement de certains cantons qui
s'étaient repeuplés. Or, on constate souvent que de telles
micro-résistances se font généralement au détriment
des zones périphériques très rurales. Elu du Cantal,
j'observe que ce département a perdu plus de 7 000 habitants
entre deux recensements, certains cantons ayant vu leur population diminuer de
18 %. Il convient donc d'être très prudent sur l'analyse des
statistiques, et sans doute de changer les critères
d'appréciation pour permettre de disposer d'une vision plus
précise d'un bassin de vie.
D'autre part, je souhaite évoquer les futurs Fonds structurels
européens. En effet, les zones de montagne peuvent
bénéficier ou se voir priver de ces fonds en fonction de
l'appréciation qui est faite des critères régionaux
déterminant l'octroi de ces aides. Ainsi, la région Auvergne est
éligible à l'objectif 2 des fonds structurels. Or certains
secteurs défavorisés de cette même région auraient
pu bénéficier d'aides au titre de l'objectif 1. Ceci tend
à souligner la limite de l'appréciation régionale dans la
définition des fonds structurels européens.
A ce titre, le rendez-vous de 2003 est extrêmement important pour sortir
des critères strictement régionaux, dans le domaine
transfrontalier ou pour des territoires plus spécifiques comme le Massif
central. Il s'agit dès lors d'observer une approche beaucoup plus
pointue afin de trouver des réponses adaptées aux
difficultés de ces territoires de moyenne montagne.
En conséquence, je souhaiterais connaître votre avis sur
l'évolution de ces critères, qui devraient être, à
mon sens, plus territoriaux. Par ailleurs, je voudrais attirer l'attention sur
certains territoires en grande difficulté qui sont pourtant exclus de la
prime à l'aménagement du territoire (PAT) majorée,
à l'image de la Lozère.
Ensuite, je veux également poser le problème de l'accueil des
nouvelles populations. Il demeure en effet très difficile de fixer des
populations en montagne, même lorsque des bassins d'emplois existent.
Cette difficulté concerne aussi bien le public que le privé, et
touche tout particulièrement le domaine de la santé.
Enfin, les prescriptions particulières de massifs (PPM) sont très
attendues par les acteurs locaux. Pour autant, la loi Solidarité et
Renouvellement urbain n'a pas défini clairement la façon
d'envisager la mise en place de ces prescriptions de massifs. Il y a dans ce
domaine une nécessité de simplification et de clarification
absolument primordiale.
M. François Philizot -
Concernant les outils statistiques, notre
préoccupation est également de disposer d'outils plus clairs,
offrant une meilleure vision.
Je partage tout à fait votre analyse sur la complexité et la
diversité de l'évolution des moyennes montagnes
françaises, notamment le Massif central. Au sein des régions,
certaines zones sont particulièrement fragiles, dans le Cantal, la
Creuse, Le Puy de Dôme, la Loire et le nord de la Lozère. Il faut
certes se garder d'avoir une idée générale ; cependant il
n'existe pas de logique intangible du déclin.
Au sujet des Fonds structurels, il est légitime de se demander s'il y
aura encore une politique de développement régional en France
après 2006. Les Allemands ne semblent pas y être
particulièrement favorables. La question qui se pose est la suivante :
comment peut-on justifier le maintien d'une politique européenne de
développement régionale qui ne soit pas uniquement centrée
sur les parties les plus pauvres de l'UE nouvelle, c'est-à-dire, les
PECO (pays d'Europe centrale et orientale), le sud de l'Espagne et du Portugal,
le nord de la Grèce et les DOM pour la France ? La DATAR
considère qu'il est de l'intérêt de l'UE d'avoir une
politique de développement régional qui s'intéresse
également aux inégalités à l'intérieur des
pays. Mais ce sujet demeure plus que jamais un combat au niveau
européen. Je suis persuadé ainsi que nous tenons là un
débat majeur, tant politiquement que symboliquement, pour les
années à venir.
La question des zonages et des critères est relativement seconde pour la
DATAR actuellement. Nous hésitons à poser à nouveau un
débat statistique complexe sur les différences de niveau de
zonages. Les mêmes interrogations se portent sur la carte PAT. Ce
débat a également été initié par le rapport
Durand-Perrin-Gaillard précédemment évoqué. Il
faudra en outre se poser la question des zones de revitalisation rurale (ZRR).
Ensuite, la question de l'accueil de nouvelles populations dans les zones
rurales et de leur fixation est effectivement un véritable enjeu pour la
politique d'aménagement du territoire. Nous réfléchissons
ainsi sur des dispositifs financiers incitatifs, sommes en contact avec la
Caisse Nationale d'Assurance Maladie et la Direction des hôpitaux.
Enfin, je partage entièrement votre souci de simplicité au sujet
des PPM.
M. Jean-Paul Émin -
Connaissant pour ma part le massif jurassien,
je me rends compte qu'il est affecté par une forte déprise
économique. La DATAR peut-elle mesurer l'incidence des 35 heures sur
l'activité économique des zones de montagne ?
M. François Philizot -
Je ne dispose d'aucun
élément d'appréciation permettant de juger l'impact des 35
heures sur le tissu industriel jurassien. Il est vrai que celui-ci
connaît quelques évolutions préoccupantes, notamment
à Oyonnax, car il me paraît important de ne pas laisser penser que
la montagne est uniquement un espace d'agriculture et de tourisme. Il existe
ainsi des zones de montagne très industrialisées ; la
montagne jurassienne est une des zones les plus industrielles de France.