N° 295

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 avril 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation pour l'Union européenne (1) sur l'élargissement de l'Union européenne : état des lieux ,

Par MM. Hubert HAENEL, Denis BADRÉ, Marcel DENEUX,
Serge LAGAUCHE et Simon SUTOUR,

Sénateurs.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; M. Denis Badré, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jean-Léonce Dupont, Claude Estier, Jean François-Poncet, Lucien Lanier, vice-présidents ; M. Hubert Durand-Chastel, secrétaire ; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Bizet, Jacques Blanc, Maurice Blin, Gilbert Chabroux, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Mme Michelle Demessine, MM. Marcel Deneux, Jean-Paul Émin, Pierre Fauchon, André Ferrand, Philippe François, Yann Gaillard, Emmanuel Hamel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Aymeri de Montesquiou, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Simon Sutour, Jean-Marie Vanlerenberghe, Paul Vergès, Xavier de Villepin, Serge Vinçon.

Union européenne.

INTRODUCTION

Il y a aujourd'hui tout lieu de penser que les négociations engagées avec dix des pays candidats à l'Union européenne s'achèveront avant la fin de l'année en cours. Le traité d'élargissement pourrait alors être signé au cours du premier semestre 2003, avant que ne commence le processus de ratification qui devrait permettre la participation des nouveaux membres à l'élection du Parlement européen de l'été 2004. C'est pourquoi, au moment où la Commission européenne commence la rédaction du projet de traité, il a paru intéressant de dresser un état des lieux des négociations et de l'état de préparation des douze pays concernés.

Comme on le sait, la délégation du Sénat a désigné pour chaque pays candidat un de ses membres pour suivre de manière spécifique ses progrès vers l'adhésion. Et, à intervalles réguliers, le sénateur responsable d'un pays, généralement à la suite du déplacement qu'il a effectué dans ce pays, expose à la délégation la synthèse des observations qu'il a pu faire, des progrès qu'il a pu constater comme des retards qu'il a pu déceler.

Mais, au-delà de cet examen individuel des pays candidats, il pouvait être judicieux de procéder à un examen transversal des grandes questions que posera l'élargissement. À cette fin, la délégation a entendu cinq communications :

- la première, sur l'interaction entre l'élargissement et la réforme des institutions de l'Union,

- la deuxième, sur le volet « Justice et affaires intérieures » de l'élargissement,

- la troisième, sur l'incidence de l'élargissement sur le budget de l'Union européenne,

- la quatrième, sur le volet agricole,

- enfin, la cinquième, sur la politique de cohésion économique et sociale.

Pour compléter ces approches horizontales du processus d'élargissement, on trouvera, à la suite du compte rendu de ces cinq communications, des fiches synthétiques présentant l'état de préparation de chacun des douze pays avec lesquels les négociations ont été engagées.

Hubert Haenel

I. L'INTERACTION ENTRE L'ÉLARGISSEMENT DE L'UNION ET LA RÉFORME DE SES INSTITUTIONS (Réunion du mercredi 28 novembre 2001)

A. COMMUNICATION DE M. HUBERT HAENEL

Il y a quelques jours, la Commission européenne a rendu public son document de stratégie sur l'élargissement. Ce document, tout en réaffirmant le principe de différenciation entre les douze pays candidats avec lesquels les négociations ont été engagées, montre clairement - pour la première fois - une option de la Commission européenne en faveur de l'entrée simultanée de dix pays candidats en 2004.

Afin de replacer ce choix de la Commission dans son contexte historique, je crois qu'il n'est pas inutile de rappeler d'abord brièvement les grandes décisions prises successivement par l'Union européenne à propos du processus d'élargissement.

1. L'historique du processus d'élargissement

C'est le Conseil européen de Luxembourg , en décembre 1997, qui a décidé la convocation, au printemps 1998, de conférences intergouvernementales bilatérales pour commencer les négociations avec six pays : Chypre, la Hongrie, la Pologne, l'Estonie, la République tchèque et la Slovénie. Ces négociations d'adhésion ont été effectivement ouvertes le 31 mars 1998.

C'est le Conseil européen d'Helsinki , deux ans plus tard, qui a décidé d'organiser, en février 2000, des conférences intergouvernementales bilatérales avec la Roumanie, la Slovaquie, la Lettonie, la Lituanie, la Bulgarie et Malte. C'était l'abandon de deux groupes distincts pour le principe de la « régate », selon lequel tous les pays candidats sont à égalité sur la ligne de départ, chacun avançant à son rythme et arrivant sur la ligne d'arrivée à une date résultant de ses propres capacités. Je vous rappelle que la délégation avait vu ainsi son propre voeu satisfait puisque nous avions jugé qu'il n'était pas souhaitable que les pays candidats demeurent répartis en deux groupes distincts. Je vous rappelle aussi que la France avait alors fait entendre sa voix pour que la Roumanie et la Bulgarie ne soient pas tenues à l'écart.

Enfin, c'est le Conseil européen de Göteborg , en juin dernier, qui a décidé que les progrès accomplis sur la voie du respect des critères d'adhésion devaient « permettre de clôturer les négociations d'ici la fin de 2002 pour les pays candidats qui sont prêts ». Le Conseil européen ajoutait même que l'objectif était « que ces pays participent aux élections au Parlement européen en 2004 en tant que membres ».

Le document de stratégie que la Commission vient de présenter fait valoir que les critères politiques définis par le Conseil européen de Copenhague pour l'adhésion étaient respectés par tous les pays candidats pour lesquels les négociations sont en cours. Il ajoutait que la Turquie ne remplissait toujours pas ces critères qui sont, je le rappelle, « des institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l'Homme, le respect des minorités et leur protection ».

Le Conseil européen de Copenhague avait également défini des critères économiques qui étaient « l'existence d'une économie de marché viable ainsi que la capacité de faire face à la pression concurrentielle et aux forces du marché à l'intérieur de l'Union ». A cet égard, la Commission fait une différence entre les treize pays candidats. Elle estime en effet :

- que Chypre et Malte remplissent ces deux critères économiques,

- que la République tchèque, l'Estonie, la Hongrie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie sont des économies de marché viables et qu'elles devraient être en mesure de faire face à court terme à la pression concurrentielle et aux forces du marché au sein de l'Union.

- qu'il manque peu de choses à la Bulgarie pour être une économie de marché viable et qu'elle devrait être en mesure de faire face à moyen terme à la pression concurrentielle et aux forces du marché au sein de l'Union,

- que la Roumanie ne répond encore à aucun de ces deux critères.

Par ailleurs, sans jamais se prononcer de manière explicite sur la date d'entrée de chacun de ces pays dans l'Union, la Commission mentionne à plusieurs reprises, dans son document de stratégie, que le cadre financier défini à Berlin permet l'adhésion d'un maximum de dix nouveaux États membres en 2004. A l'évidence, la préférence de la Commission est claire et conduit à l'entrée de dix pays dans l'Union européenne en 2004, la Roumanie et la Bulgarie étant laissées en marge de ce processus.

C'est cela qui a amené Hubert Védrine à demander que l'on réfléchisse à l'inconvénient de laisser deux pays en dehors de l'Union « avec le contrecoup que cela peut créer et les perspectives elles-mêmes déstabilisantes » que cela peut provoquer. En fait, cette initiative de notre ministre des Affaires étrangères répond au constat que la Commission, en se prononçant pour l'entrée de dix pays d'un seul coup, privilégie le critère politique sur le critère purement technique car chacun sait que les dix pays concernés n'ont pas atteint le même niveau de préparation pour rejoindre l'Union dans de bonnes conditions. Si l'on retient seulement le critère technique, il est en effet difficile de justifier l'entrée de dix pays. Mais, dès lors que l'on retient essentiellement le critère politique, pourquoi dix pays et non douze ?

L'autre question qui vient immédiatement à l'esprit concerne la compatibilité d'un élargissement aussi massif - qu'il soit de dix ou de douze pays - avec l'approfondissement de l'Union . Je pense que nous avons tous lu à ce propos l'article paru dans « Le Monde » samedi dernier sous le titre « Qui osera dire non à l'élargissement de l'Europe ? ». Toutefois, nous devons être conscients que cette question appartient désormais à l'histoire et non plus au présent. Ce à quoi il convient de se consacrer aujourd'hui, c'est à la meilleure réussite possible de l'élargissement.

Du point de vue du calendrier, le document de stratégie de la Commission laisse clairement entendre que les négociations d'adhésion avec les dix pays retenus devraient pouvoir être conclues d'ici la fin de la présidence danoise, c'est-à-dire décembre 2002, en vue d'une adhésion en 2004.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page