3. Des modalités à préciser
a) Des pistes à suivre
Les mécanismes qui viennent d'être décrits constituent une référence éclairante.
Le détachement ou la mise à disposition par voie législative 63 ( * ) de fonctionnaires qui travaillent dans une entreprise privatisée mais poursuivent des missions de service public permet, en effet, de concilier :
leur maintien dans l'entreprise où leurs compétences sont indispensables ;
le maintien de leur statut et des garanties qu'il leur accorde.
C'est pourquoi, votre Commission et votre groupe d'étude préconisent que le détachement législatif des fonctionnaires de France Télécom constitue le fondement des réflexions qui auraient à être conduites préalablement dans l'hypothèse d'une privatisation de l'opérateur.
Dans cette perspective, un détachement de longue durée apparaît nécessaire, compte tenu de la nécessité de stabiliser la situation. Toutefois, un délai supérieur à vingt ans se heurterait à des objections juridiques car il tendrait à conférer un caractère quasi définitif à l'affectation.
Aussi, votre commission et votre groupe d'étude préconisent-ils qu'en cas de privatisation de France Télécom, soit proposé, pour les personnels fonctionnaires, dans le droit fil de ce qui a été fait pour la CNCA et CDC Finance un détachement de dix-huit ans auprès de l'opérateur et que la loi instituant ce détachement comporte une clause de « rendez-vous » permettant de le proroger sans interruption.
Ceci étant, la disproportion des effectifs en cause -pas plus de quelques centaines de fonctionnaires pour la CNCA et la CDC ; plus de 100.000 pour France Télécom- ne permet pas d'envisager une reproduction du dispositif sans aménagements particuliers.
b) Des adaptations à prévoir
Lors des changements opérés à la CNCA et à la CDC, les fonctionnaires concernés ont été rattachés à une personne morale de droit public (l'Etat pour la CNCA ; la CDC elle-même dans l'autre cas), auprès de laquelle leur a été garanti un droit à réintégration . La mise en oeuvre de ce droit ne posait guère de difficulté du fait de la faiblesse des effectifs en cause.
Il n'en irait pas tout à fait de même dans l'hypothèse d'une privatisation de France Télécom : outre le fait que le départ de beaucoup de ses fonctionnaires pourrait la fragiliser 64 ( * ) , leur arrivée massive dans les administrations d'Etat engendrerait de sérieuses difficultés.
Auraient d'abord à être surmontés les obstacles juridiques résultant du fait que les fonctionnaires de France Télécom ont été soit « reclassés », soit pour la très grande majorité « reclassés » et « reclassifiés » dans cette entreprise 65 ( * ) et que, pour un certain nombre, leurs corps d'origine sont en voie d'extinction.
Surtout, au vu des règles de la fonction publique, les services de l'Etat ne seraient guère en mesure de faire face à d'importants retours de télécommunicants. Leur irruption et les règles de reconstitution de carrière entraîneraient, en effet, une forte perturbation des équilibres existants puisqu'ils se placeraient, pour la plupart, en tête des tableaux d'avancement des catégories dans lesquels ils seraient intégrés, retardant d'autant -et pour longtemps s'ils sont nombreux- la promotion de ceux de leurs collègues en place. L'attention qu'il est nécessaire de porter aux agents publics de France Télécom ne doit pas conduire à négliger ceux des ministères et des services déconcentrés de l'Etat.
Sans interdire la mise en oeuvre de telles procédures, une loi de privatisation devrait donc en inventer de nouvelles.
Conviendrait-il de créer une structure spécifique d'accueil de ceux des fonctionnaires souhaitant quitter l'entreprise du fait de sa privatisation ? Quelle forme juridique serait donnée à cette structure : établissement public, groupement d'intérêt public ? Quelles seraient ses missions : soutien aux activités de service public de France Télécom, prestation auprès des administrations d'Etat, des collectivités locales ou d'établissements publics dans le domaine des télécommunications ?
Toutes ces interrogations auraient à recevoir une réponse.
Devrait également être précisé le régime juridique appliqué aux fonctionnaires détachés souhaitant continuer à travailler à France Télécom.
Pourrait-on continuer à considérer qu'ils sont sous l'autorité du Président de l'entreprise dès lors que l'Etat n'y détiendrait plus la majorité du capital ? Au plan constitutionnel, l'avis précité rendu par le Conseil d'Etat le 18 novembre 1993 ne semble pas le permettre. Mais serait-il raisonnable de construire un pouvoir hiérarchique bicéphale : les agents concernés étant juridiquement employés par une personne morale de droit public mais travaillant pour France Télécom ?
Conviendrait-il en conséquence de prévoir des dispositions spécifiques moins équivoques que celles arrêtées pour CDC Finances et la CNCA ? Sans doute ! Faudrait-il, tout en maintenant un droit à réintégration dans une structure de droit public, prévoir une convention collective propre aux personnels détachés ou des contrats de travail particuliers intégrant les éléments clef de leur statut ? Il importerait d'en débattre.
Quoiqu'il en soit, il est certain que, si elle intervenait, la loi portant privatisation de France Télécom devrait faire oeuvre novatrice dans un cadre déjà balisé.
Les mesures à édicter restent donc à déterminer. Elles relèveraient, bien entendu, de la compétence du Gouvernement et du Parlement. Leur contenu aurait toutefois à être antérieurement discuté au sein de l'opérateur entre toutes les parties concernées.
* 63 Les notions de détachement ou de mise à disposition utilisées par les lois de 1988 et 2001 ne correspondent pas strictement à celles des dispositions statutaires de la fonction publique de l'Etat.
* 64 Cf., ci-dessus, ch. III, II, A, 1.
* 65 Voir sur ce sujet Ch. II, II , B, 1, b.