2. Les actions de la Communauté
L'action de la Communauté en matière éducative emprunte trois canaux distincts : - des normes juridiques (règlements ou directives) ; - un ensemble de textes non contraignants ; - des programmes de financement gérés par la Commission européenne mais d'une manière décentralisée. Cette action communautaire ne fait pas obstacle au recours à la méthode intergouvernementale , qui est largement utilisée en matière d'enseignement supérieur. |
a) Les normes juridiques
La première catégorie d'actions correspond à un ensemble de normes juridiques contraignantes relatives à la reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles . La base juridique de celles-ci est sans équivoque : il s'agit de la libre circulation des travailleurs, qui est l'une des quatre libertés consacrées par le Marché intérieur, avec la liberté de circulation des marchandises, des services et des capitaux. Ces normes ont commencé à être adoptées à la fin des années 1970, profession par profession, puis, dans la perspective du marché unique, elles ont été refondues dans un dispositif général qui comporte deux directives, l'une qui concerne les diplômes qui sanctionnent des formations d'une durée supérieure à trois ans ( 4 ( * ) ), et l'autre les formations courtes (5 ( * ) |
).
Ce dispositif est complété par plusieurs directives qui concernent des professions spécifiques (6 ( * ) |
).
Cette première action doit relever à l'évidence des compétences de la Communauté et n'est nullement contraire au principe de subsidiarité. Elle s'inscrit pleinement dans l'objectif recherché d'une plus grande mobilité des travailleurs qui permettrait une allocation optimale du marché du travail en Europe en améliorant à la fois la compétitivité des entreprises et la situation de l'emploi. De plus, la nature de la norme (la directive), l'instrument utilisé (le principe de la reconnaissance mutuelle plutôt que l'harmonisation) et le remplacement de la trentaine de directives profession par profession par deux directives générales, répondent pleinement au souci d'efficacité et de proportionnalité contenu dans le principe de subsidiarité. Cette reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles doit être distinguée de la reconnaissance académique des diplômes et des périodes d'études, dont le but est de permettre la mobilité des étudiants. La reconnaissance académique n'appelle pas d'harmonisation contraignante. Elle s'effectue à travers des accords de partenariats entre établissements d'enseignement, avec un système de code de bonne pratique par le biais du système européen de transfert de crédits académiques (ECTS). Les Etats membres peuvent également instituer, en tenant compte de leurs traditions nationales, des systèmes nationaux. Il n'existe donc pas de système communautaire de reconnaissance académique des diplômes à l'image des instruments internationaux développés par le Conseil de l'Europe et de l'Unesco . On ne peut donc juger excessive l'intervention communautaire sur ce point. |
b) Les textes non contraignants
L'article 149 du traité ne prévoit, dans son alinéa 4, que des « recommandations » adoptées à la majorité qualifiée, en plus des décisions portant mesures d'encouragement. Pourtant, on retrouve à propos de l'éducation une assez grande variété d'instruments communautaires, puisque, d'une part, les ministres des États membres sont intervenus à travers des résolutions et des conclusions, et, d'autre part, que la Commission est intervenue également par le biais de communications, de rapports, de livres blancs, et plus récemment de plans d'action ou de mémorandums. Or, certaines de ces initiatives, qui ne sont pas prévues par le traité, ont soulevé des difficultés au regard du respect du principe de subsidiarité. Ainsi, s'agissant du plan d'action « elearning » , M. Jérôme Vignon, conseiller au Secrétariat général de la Commission européenne, estimait, lors de son audition par la délégation pour l'Union européenne du Sénat, le mardi 23 janvier 2001 : « On peut se demander si l'Union européenne est véritablement fondée à promouvoir l'accès aux nouvelles technologies dès l'enseignement primaire, comme l'y invite le plan d'action « eEurope ». La question du principe de subsidiarité ne semble pas avoir été posée lors du Conseil européen de Lisbonne qui a adopté ce plan d'action, ce qui a entraîné, par la suite, de fortes critiques de la part des Länder allemands, critiques justifiées à mon avis. » Toutefois, il semble que la difficulté majeure liée à l'utilisation croissante de ce type d'instrument réside moins dans l'atteinte portée au principe de subsidiarité, que dans l'absence d'un réel contrôle sur leur mise en oeuvre. Ainsi, l'adoption d'une résolution sur la promotion de la diversité linguistique et de l'apprentissage des langues par le Conseil des ministres de l'éducation des Quinze du 29 novembre dernier a été présentée comme une avancée majeure. En effet, cette résolution mentionne l'objectif d'encourager l'apprentissage par les élèves de la Communauté d'au moins deux langues autres que leur(s) langue(s) maternelle(s). Or, d'une part, cet objectif a été assorti, à la suite des fortes réserves du Royaume-Uni, de la mention suivante « autant que faire se peut » et il est bien précisé qu'il s'agit d'une invitation faite aux Etats membres « dans le cadre et les limites de leurs systèmes politiques, juridiques, budgétaires, d'éducation et de formation respectifs et compte tenu des priorités de ceux-ci » . Et, d'autre part, cette résolution semble même en retrait par rapport à une précédente résolution adoptée par ce même Conseil le 31 mars 1995, qui énonce que « les élèves devraient avoir, en règle générale, la possibilité d'apprendre deux langues de l'Union européenne autres que la ou les langues maternelles » . C'est dire le faible impact de ce type de déclaration. |
c) Les mesures d'encouragement
L'Union européenne consacre moins de 0,8 % de son budget à l'éducation, à la formation et à la jeunesse. Toutefois, même si on ne peut que regretter la modicité des financements disponibles, il faut cependant garder à l'esprit que les dépenses communautaires sont essentiellement des dépenses d'intervention et qu'il est moins coûteux d'octroyer des bourses ou de soutenir financièrement des projets de coopération que de s'acquitter du salaire des enseignants ou de la dotation des établissements. La modestie des moyens financiers est donc la conséquence du caractère subsidiaire de ce type d'action. Les trois domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse font l'objet de financements distincts. |
(1) Le programme Jeunesse et l'action en faveur des jeunes
L'idée d'une action communautaire spécifique en faveur de la jeunesse est relativement récente. Réclamée par le Parlement européen dans plusieurs résolutions, elle s'est traduite par la mise en place d'un programme d'action visant à promouvoir les échanges et la mobilité des jeunes, le programme Jeunesse pour l'Europe, adopté le 16 juin 1988. Ce programme a, d'abord, été fondé sur l'article 235 du traité (devenu l'article 308 depuis le traité d'Amsterdam), puis, à la suite de l'introduction d'une référence aux échanges de jeunes dans le nouvel article relatif à l'éducation du traité de Maastricht (l'article 149), il a été plusieurs fois renouvelé sur cette nouvelle base juridique. En 1996, la Commission européenne a lancé un autre programme relatif à un « service volontaire européen ». Celui-ci permettait à des jeunes, issus principalement de milieux défavorisés, de participer, en tant que volontaires, à des activités d'ordre social, culturel ou environnemental. Dans son rapport d'évaluation sur ces deux programmes, la Commission estime que ceux-ci ont concerné près de 400 000 jeunes au sein d'environ 15 000 projets (soit un jeune sur mille) et que environ 7000 jeunes ont participé au « service volontaire européen » entre 1996 et 1999. En avril 2000, ces deux programmes ont été fusionnés dans un nouvel instrument, le programme Jeunesse, qui a été adopté pour une durée de six ans. Ce dernier regroupe donc des aides financières à la mobilité, de court ou de long terme, ainsi que des contributions à la réalisation de projets. Il est ouvert à une trentaine de pays et il est doté d'un budget de près de 80 millions d'euros par an. Par ailleurs, les ministres chargés de la jeunesse des Etats membres ont adopté plusieurs résolutions dans le domaine de la jeunesse, notamment sur la participation des jeunes à la vie publique, sur le rôle du sport ou sur l'intégration sociale des jeunes. En outre, la Communauté contribue financièrement aux frais de fonctionnement du Forum européen de la jeunesse, qui regroupe différentes organisations de jeunesse. Toutefois, comme le reconnaît elle-même la Commission européenne, l'action européenne en faveur des jeunes a rencontré des limites, et la Commission a proposé récemment un Livre blanc en vue de donner un nouvel élan à cette politique, à la suite d'une vaste consultation qu'elle a menée avec les jeunes et les organisations représentatives de la jeunesse. Or, la plupart des attentes exprimées par ceux-ci ne relevaient pas des compétences communautaires, mais des compétences des Etats membres, voire des compétences des différentes collectivités locales. La Commission européenne reconnaît, dans son Livre blanc, que le principe de subsidiarité doit s'appliquer, tant pour des raisons de principe, que d'efficacité, en matière de jeunesse. Dès lors, afin de concilier le respect de ce principe et une coopération accrue en matière de jeunesse au niveau européen qui renforcerait l'impact et la cohérence des politiques nationales , elle propose de définir une nouvelle forme d'action reposant sur la méthode ouverte de coordination, sur le modèle des lignes directrices pour l'emploi . |
(2) La formation professionnelle : le programme Leonardo da Vinci et le Fonds social européen
Le domaine de la formation professionnelle, à la différence du domaine scolaire et universitaire, a été expressément visé par le traité de Rome et bénéficie du rang d'une « politique commune ». Toutefois, mise à part la création, en 1975, du Centre Européen de Développement de la Formation Professionnelle (CEDEFOP), qui apporte une assistance à la Commission européenne pour le développement de la formation professionnelle dans l'Union et qui favorise l'échange d'informations et d'expériences, c'est surtout à la fin des années 1980 que s'est développée cette politique. Avec le doublement des crédits affectés aux fonds structurels (« paquet Delors I » de 1988 à 1992), des moyens importants ont été alloués au Fonds social européen (FSE), avec notamment pour objectif de favoriser, par des actions de formation professionnelle, la reconversion des salariés touchés par les mutations industrielles. Par ailleurs, plusieurs programmes ont été lancés, tels que Eurotecnet, Force et Petra. Le traité de Maastricht a précisé le rôle de la Communauté en matière de formation professionnelle : La Communauté est compétente pour adopter des « mesures » dans ce domaine, mais elle doit respecter la « responsabilité des Etats membres pour le contenu et l'organisation de la formation professionnelle » . En outre, l'harmonisation des législations est expressément exclue. Après le traité de Maastricht, le soutien communautaire à la formation professionnelle par le biais du FSE s'est accru en raison du deuxième doublement des crédits des fonds structurels (« paquet Delors II » de 1993 à 1999). Par ailleurs, la Communauté a décidé la création de la Fondation européenne pour la formation, installée à Turin, dont le rôle est d'aider les pays d'Europe centrale et orientale, ainsi que les Etats issus de l'ex-URSS, à développer leurs systèmes de formation professionnelle. En outre, les différents programmes communautaires ont été regroupés à partir de 1994 au sein du programme Leonardo da Vinci. Ce programme, adopté pour une durée de cinq ans (1995-1999), a été renouvelé en 1999 pour une durée de sept ans (2000-2007), avec une augmentation sensible de son budget (qui est passé de 720 millions d'euros à 1,15 milliard d'euros soit une augmentation de l'ordre de 60%), mais avec également une ouverture aux pays d'Europe centrale et orientale. Dans sa deuxième phase, le programme poursuit trois objectifs principaux : renforcer les aptitudes et les compétences, en particulier des jeunes suivant une première formation professionnelle ; améliorer la qualité de la formation professionnelle continue (formation tout au long de la vie) ; promouvoir et renforcer la contribution de la formation professionnelle au processus d'innovation afin d'améliorer la compétitivité et l'esprit d'entreprise. Cinq mesures permettent la mise en oeuvre de ces objectifs, dont les deux principales, tant en termes de financement que de nombre de bénéficiaires, sont l'aide à la mobilité et des projets pilotes destinés à développer l'innovation et la qualité dans les outils de formation professionnelle. Malgré l'emploi du terme de « politique» en matière de formation professionnelle dans le traité, on est bien, en réalité, en présence d'une simple contribution communautaire à la coopération entre les Etats qui s'inscrit dans le respect du principe de subsidiarité . A cet égard, l'enjeu principal est d'assurer, à l'avenir, une réelle cohérence entre le programme Leonardo da Vinci et le FSE, d'une part, et, d'autre part, entre ces programmes et la stratégie européenne pour l'emploi. |
(3) L'éducation : le programme Socrates
Le programme Socrates a succédé, depuis le traité de Maastricht, aux précédentes initiatives communautaires dans le domaine de l'éducation proprement dite, comme les programmes Erasmus, Comett et Lingua, qui ont néanmoins subsistés, sous forme d'actions, dans ce programme-cadre unique. Destiné à une trentaine de pays, ce programme a été renouvelé en 1999 pour une période de sept ans (2000-2007) avec un budget de 1,85 milliard d'euros. Il contient huit actions différentes et il se traduit concrètement par un soutien financier accordé par l'Union pour réaliser trois sortes d'activités : des bourses de mobilité ; des projets de coopération ; la mise en place de réseaux destinés à favoriser les échanges d'expériences et de pratiques. Ainsi, l'action Erasmus vise à encourager la coopération entre les universités et à favoriser la mobilité des étudiants et des professeurs. Il s'agit, en quelque sorte, de revenir aux sources de l'université médiévale, où « le séjour dans une ou plusieurs universités étrangères constitue une nécessité pour les maîtres et les étudiants » , comme le rappelait Jacques Le Goff, dans sa conférence prononcée en Sorbonne, le 24 mai 1998. D'autres actions prévues au titre du programme Socrates sont tout aussi pertinentes. Ainsi, l'action Lingua, qui est destinée à améliorer les connaissances linguistiques des enseignants et des étudiants, répond pleinement au souci d'encourager le multilinguisme à l'intérieur de l'Union. Le programme Comenius, qui concerne l'enseignement scolaire, permet, quant à lui, de développer une « conscience européenne » chez les Européens, dès le plus jeune âge, en favorisant les partenariats entre les écoles de différents pays de l'Union. Ces différentes actions répondent pleinement au respect du principe de subsidiarité, car l'Union européenne est la mieux placée pour favoriser les échanges, que ce soit par des partenariats, l'apprentissage des langues étrangères ou la mobilité. Ces actions s'inscrivent pleinement dans l'émergence d'une « conscience européenne », qui complèterait la citoyenneté européenne, et répondent, dans le même temps, à des impératifs économiques. On ne peut donc que déplorer la modicité de la dotation financière du programme Socrates, car cette dotation ne paraît pas à la hauteur des enjeux. Ainsi, les échanges d'étudiants dans le cadre d'Erasmus, dont le budget est de l'ordre de 150 millions d'euros par an, ne concernent qu'environ 100 000 étudiants des Quinze par année sur plus de 11 millions d'étudiants (dont, pour la France, seulement 18 000 étudiants français qui vont étudier dans un autre pays européen et 17 000 étudiants étrangers qui viennent étudier en France). Même si l'on se base sur plusieurs années, ces échanges n'auront concerné, en définitive, que moins de 2 % des étudiants. On est donc loin de l'objectif fixé par ce programme d'une mobilité qui concernerait 10 % des étudiants. La mobilité des enseignants est, quant à elle, dérisoire (pour la France, elle concernerait moins d'un millier d'enseignants et cela pour des courts séjours). Il paraît donc souhaitable d'augmenter la part des financements de Socrates destinée aux bourses de mobilité (Erasmus ne représente que moins de la moitié du budget de Socrates), en particulier en diminuant les financements destinés aux échanges d'informations et aux colloques, qui représenteraient près de 30 % de l'enveloppe totale. Il faut, en effet, savoir que tous les étudiants Erasmus ne bénéficient pas d'une bourse et que le montant de celle-ci ne représente que 22 % du revenu mensuel moyen des étudiants qui vont étudier à l'étranger, dont une large part reste constituée par les contributions de leur famille (44 %) et par des bourses supplémentaires ou des prêts (21 %), selon une étude de la Commission européenne. Mais le renforcement de la mobilité doit faire l'objet d'une approche globale, car elle dépend de nombreux facteurs, comme l'accès à l'information, les obstacles financiers, la reconnaissance et la valorisation des études effectuées à l'étranger, les contraintes liées au logement et à la protection sociale, ou encore l'apprentissage des langues étrangères, qui relèvent essentiellement des compétences des Etats membres. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement français a pris l'initiative, lors de sa dernière présidence de l'Union, de faire adopter par la Communauté un « Plan d'action pour la mobilité », qui se présente comme une véritable « boîte à outils » dans laquelle les Etats membres peuvent puiser les mesures qu'ils souhaitent transposer chez eux pour renforcer la mobilité. Là encore, il est précisé que ce plan d'action s'inscrit dans le plein respect du principe de subsidiarité . Il appartient, en effet, à chaque Etat membre de décliner, au plan national, les mesures, d'ordre réglementaire, fiscal, juridique et statutaire, qu'il juge les plus appropriées pour renforcer la mobilité. |
(4) Des actions touchant au contenu même de l'enseignement
Alors que l'alinéa 1 de l'article 149 dispose clairement que l'action de la Communauté respecte pleinement « la responsabilité des Etats membres pour le contenu de l'enseignement et l'organisation du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle de linguistique » , l'action de la Communauté s'est peu à peu intéressée au contenu même de l'enseignement. Par le biais de ses programmes, notamment l'action Jean Monnet ou l'action Comenius, la Communauté incite, en effet, les Etats membres à développer dans les programmes scolaires ou universitaires des actions destinées à renforcer l'adhésion à la construction européenne, ou relatives à la connaissance de l'histoire, du patrimoine et des valeurs communes des Etats membres, mais aussi des actions relatives à certaines politiques communes, comme l'éducation à la santé ou à l'environnement, qui paraissent plus problématiques au regard du respect du principe de subsidiarité. En France, plusieurs mesures directement inspirées du souci de développer une « dimension européenne » dans l'éducation ont été mises en place. Ainsi, dès l'école primaire, la discipline histoire-géographie prévoit dans son programme une première approche de l'Europe à travers un chapitre intitulé « La France en Europe ». Trois aspects sont mis en avant : une présentation de l'Europe (les grandes régions, l'Union européenne, les Etats européens) ; la population en France et en Europe (les grands foyers de peuplement et les grandes villes) ; les grandes voies de communication. Dans l'enseignement secondaire (collège et lycée), les programmes d'histoire, de géographie et d'éducation civique sont le support privilégié de cette dimension européenne de l'enseignement. Ainsi, l'histoire est étudiée d'un point de vue national, mais aussi européen. Le programme de géographie propose une étude du continent européen. Le programme d'éducation civique réserve une partie à l'étude de l'Europe dans sa dimension institutionnelle, sociale et culturelle, ainsi qu'aux valeurs communes des européens. En ce qui concerne l'enseignement supérieur, il convient de citer notamment la place de plus en plus importante consacrée au droit européen dans les disciplines juridiques, les enseignements d'ouverture à la culture européenne dans les filières économiques, littéraires ou scientifiques, ainsi que l'ouverture de nombreux troisièmes cycles spécifiques d'études européennes dans toutes les disciplines. Toutefois, le rapport de l'Inspection générale de l'Education nationale sur « L'Europe dans l'enseignement de l'histoire, de la géographie et de l'éducation civique » , de septembre 2000, relève que l'Europe reste un « objet d'étude mal défini » et que la dimension européenne apparaît plus dans les discours et les projets d'établissements, « pour donner les apparences du dynamisme et du modernisme, garants des demandes de subvention auprès des collectivités qui abondent les généreux fonds communautaires » , que dans les pratiques. Il est vrai que, comme le note ce rapport, l'enseignement de l'Europe est un objet en débat parce que c'est un objet politique inachevé. |
d) L'émergence d'un « espace européen de l'enseignement supérieur » s'inscrit principalement dans un cadre intergouvernemental
Le recours à la méthode intergouvernementale en matière d'éducation n'est pas une nouveauté, y compris entre les Etats membres de la Communauté. Il a même précédé l'utilisation de la méthode communautaire, puisque l'une des toutes premières initiatives des Etats membres dans le domaine de l'éducation a été la création de l'Institut universitaire européen de Florence, en 1972, par une convention à laquelle sont aujourd'hui parties les quinze Etats membres de l'Union. Il convient également de citer la création par ce biais des « écoles européennes », réservées, en règle générale, aux enfants des fonctionnaires communautaires. Le recours à la méthode intergouvernementale a pris, cependant, une nouvelle ampleur ces dernières années, en particulier dans le domaine de l'enseignement supérieur. Ainsi , l'harmonisation européenne des cursus universitaires , autour de trois niveaux, souvent résumés par la formule « 3-5-8 », ne s'inscrit pas dans un cadre communautaire mais résulte d'une initiative strictement intergouvernementale. En effet, cette harmonisation résulte d'une première décision de quatre ministres de l'éducation (France, Allemagne, Italie et Royaume-Uni) prise, à l'initiative de la France, le 25 mai 1998 à la Sorbonne. Ces quatre Etats ont ensuite été rejoints par vingt-cinq Etats, dont tous les autres Etats membres de l'Union, lors de la Conférence intergouvernementale de Bologne, qui s'est tenue le 19 juin 1999. Il n'a pas été utile, pour aboutir à cette harmonisation, de recourir à des directives ou des règlements communautaires. Par ailleurs, l'idée se développe aujourd'hui de favoriser au plan européen, à partir d'un petit nombre d'universités, dont la taille, le rayonnement et la notoriété sont importants, l'émergence de véritables « pôles d'excellence européens ». Ainsi, il existe aujourd'hui huit pôles universitaires européens en France (Bordeaux, Grenoble, Lille, Montpellier, Nancy-Metz, Paris-Sud, Strasbourg et Toulouse). Ces pôles universitaires européens ont été créés en 1991, sous la forme juridique d'un groupement d'intérêt public (G.I.P.) dans lequel des établissements d'enseignement supérieur s'associent pour une durée de cinq ans renouvelable en partenariat avec les organismes de recherche et les collectivités locales. Ils sont tenus de respecter une charte et ils passent un contrat quadriennal avec l'Etat. Chaque pôle universitaire européen a une identité qui lui est propre et des objectifs spécifiques, mais ils visent tous trois objectifs prioritaires : la mise en commun de moyens et d'objectifs de recherche ; le développement des relations internationales des établissements qui les composent ; le renforcement de la mobilité des étudiants et des chercheurs. Ainsi, le Pôle universitaire européen de Strasbourg a, par exemple, mis en oeuvre l'aménagement des campus et l'accueil des étudiants étrangers. D'autres actions visent un meilleur accès aux bibliothèques et la mise en réseau informatique de la documentation. Enfin, au sein de ce pôle s'ébauche un futur bilinguisme. En définitive, les actions mises en oeuvre par la Communauté sont, pour l'essentiel, respectueuses de la répartition des compétences et du principe de subsidiarité. Dès lors, la question porte moins sur la manière d'établir une délimitation plus précise des compétences entre l'Union et les Etats membres en matière éducative, mais sur le degré d'ambition que l'on se donne et sur la question de savoir si cette répartition des compétences n'est pas un obstacle à une action plus ambitieuse en matière d'éducation. |
Les compétences et les actions de la Communauté en matière d'éducation En matière d'éducation, la Communauté ne dispose que d'une compétence encadrée et subsidiaire : son action complète, avec des moyens limités, celle des Etats membres. 1. L'action de la Communauté porte principalement sur l'enseignement supérieur. 2. Le contenu de l'enseignement relève de la compétence des Etats membres, mais la Communauté peut prendre des mesures incitatives visant à développer la dimension européenne dans l'éducation, notamment par le plurilinguisme ou la coopération entre établissements d'enseignement. La Communauté finance aussi directement des chaires universitaires spécialisées dans la construction européenne (chaires Jean Monnet). 3. L'organisation du système éducatif reste une prérogative nationale. L'action de la Communauté se borne à des initiatives favorisant l'échange d'informations et d'expériences sur les systèmes éducatifs, les performances scolaires, etc. 4. La Communauté intervient par le biais de réglementations uniquement en matière de reconnaissance des diplômes à des fins professionnelles, alors que la reconnaissance des diplômes à des fins académiques se fait sur une base volontaire. 5. Le soutien à la mobilité fait l'objet de programmes de financement, mais il ne concerne qu'un nombre réduit d'étudiants. En 2000, environ 18 000 étudiants français ont bénéficié d'une bourse Erasmus pour aller étudier dans un autre pays européen et près de 17 000 étudiants européens ont bénéficié de cette bourse pour venir étudier en France. 6. Certaines mesures décidées au niveau national s'inspirent directement des priorités définies au niveau européen. Ainsi, le Gouvernement a lancé, en juin 2000, un ensemble de mesures en faveur de l'étude des langues étrangères, comprenant notamment l'introduction de l'enseignement des langues vivantes dès l'école primaire. De même, le Gouvernement a renforcé le soutien à la mobilité en créant un système complémentaire de bourses de mobilité qui devrait bénéficier à près de 12 000 étudiants. Enfin, avec le « processus de Bologne », c'est-à-dire l'harmonisation européenne des cursus universitaires, l'annonce de la généralisation du système européen de transfert de crédits ou encore la création de pôles universitaires européens, les autorités françaises mènent une politique active pour favoriser l'émergence de l'« espace européen de l'enseignement supérieur » à l'échelle de l'ensemble du continent. |
* (4) directive 89/48/CEE du Conseil du 21 décembre 1988.
* (5) directive 92/51/CEE du Conseil du 18 juin 1992.
* (6) par exemple : directive 93/16/CEE du 5 avril 1993 pour les médecins, ou directive 85/5/CE du 16 février 1998 pour les avocats.