Présenté par M. Daniel Hoeffel, vice-président du Sénat, au Bureau du Sénat
CHAPITRE II
LE SÉNAT, REPRÉSENTANT
CONSTITUTIONNEL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET DES FRANÇAIS
ÉTABLIS HORS DE FRANCE
(ARTICLE 24 DE LA CONSTITUTION)
Après avoir été Conseil de la République
sous la IV
ème
République, le Sénat est
redevenu, avec la V
ème
République,
une
assemblée parlementaire de plein exercice, investie d'une
compétence législative générale.
Le
Sénat dispose des mêmes attributions constitutionnelles que
l'Assemblée nationale, à l'exception de la possibilité du
« dernier mot » ou de la mise en cause de la
responsabilité du Gouvernement par le vote d'une motion de censure, qui
sont l'apanage de l'Assemblée nationale élue au suffrage
universel direct.
Les sénateurs, élus au suffrage universel indirect,
représentent la Nation au même titre que les
députés : ils sont des parlementaires à part
entière, dotés du même statut, des mêmes
prérogatives législatives ou de contrôle que les
Députés (droit d'initiative, droit d'amendement, droit de
questionnement, ...). Selon l'article 34 de la Constitution, la loi est
votée par le Parlement, c'est-à-dire par l'Assemblée
nationale et le Sénat : le bicamérisme est par principe
égalitaire jusqu'au moment où le Gouvernement en décide
autrement, après l'échec de la commission mixte paritaire et une
nouvelle lecture, en donnant le « dernier mot » à
l'Assemblée nationale.
Pour être équilibré, le bicamérisme de la
V
ème
République n'en est pas moins
différencié ; le Sénat ne saurait être
regardé comme le « clone » de l'Assemblée
nationale.
A cet effet, l'article 24 de la Constitution accorde au Sénat un
rôle particulier au sein du Parlement :
la représentation
des collectivités territoriales de la République et des
Français établis hors de France
. Aussi bien, le Sénat,
assemblée parlementaire à part entière, dispose en outre
d'un double «
bonus constitutionnel
» pour reprendre
l'expression utilisée par le Président Poncelet dès 1998.
Cette double mission constitue la principale originalité du
bicamérisme de la V
ème
République.
Le groupe de réflexion s'est attaché à étudier,
à partir notamment des suggestions du Président du Sénat,
plusieurs propositions destinées à
un meilleur ancrage de la
spécificité sénatoriale
, à une meilleure
identification du rôle particulier du Sénat à
l'égard des collectivités territoriales et des Français
expatriés, dans le domaine législatif, mais aussi dans les
activités de contrôle ou de prospective.
III. LA REPRÉSENTATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DE LA RÉPUBLIQUE
A. LE CONSTAT : UNE « ASSEMBLÉE DE PROXIMITÉ » À L'ÉCOUTE DES ÉLUS LOCAUX
Elus au
suffrage universel par les délégués des conseils
municipaux, les conseillers généraux et les conseillers
régionaux sans oublier les députés, les sénateurs
représentant les collectivités locales de métropole et
d'outre-mer ont une vocation institutionnelle à répercuter les
attentes des élus locaux.
C'est une évidence : les questions des collectivités locales
trouvent au Sénat une résonance particulière. En raison de
son mode d'élection, le Sénat a vis-à-vis des
collectivités locales un rôle éminent, une
légitimité spécifique, une fonction d'expertise propre,
reconnus de tous.
La commune est la cellule de base de la démocratie de proximité
et, dans leur ensemble, les collectivités locales, à travers
notamment les quelque 500 000 élus locaux, sont les acteurs
essentiels de la vie démocratique et jouent un rôle de premier
plan dans l'investissement public. Il est donc légitime qu'elles
puissent, à travers leurs sénateurs, faire entendre leur voix et
leurs préoccupations dans l'élaboration de la loi, le
contrôle du Gouvernement ou le suivi de la construction européenne.
Les signes de l'attention particulière portée par le Sénat
aux problèmes des collectivités locales sont multiples. Il suffit
d'en citer quelques-uns :
1°) La plupart des questions orales portent sur des questions
intéressant les collectivités locales.
2°) Le Sénat consacre à la discussion des projets ou
propositions de loi concernant les collectivités locales un temps
d'examen beaucoup plus long que l'Assemblée nationale.
3°) Les Présidents des plus grandes associations
représentatives des collectivités locales siègent ou ont
siégé au Sénat, sans oublier que le comité des
finances locales est présidé depuis sa création en 1980
par un sénateur, M. Jean-Pierre Fourcade.
4°) Depuis la mise en place de la décentralisation en 1982, le
Sénat a souhaité élaborer périodiquement des
rapports d'information faisant le point sur l'état de la
décentralisation en 1983, 1984, 1990, 1992 et 1998.
LES MISSIONS D'INFORMATION COMMUNES SUR LA DÉCENTRALISATION
Date de demande |
Date
|
Commissions intéressées
|
Objet |
Dépôt du rapport |
29 avril 1983 |
3 mai 1983 |
Aff.
Cult., Aff. Eco., Aff. Soc., Finances et Lois
|
Déroulement et mise en oeuvre de la politique de décentralisation et premier bilan |
(Fin de
la mission : octobre 1983)
|
14 février 1984 |
14 février 1984 |
Aff.
Cult., Aff. Eco., Aff. Soc., Finances et Lois
|
Déroulement et mise en oeuvre de la politique de
décentralisation
|
(Fin de
la 1
ère
session ordinaire 1984-1985)
|
27 avril 1990 |
2 mai 1990 |
Aff.
Cult., Aff. Eco., Aff. Soc., Finances et Lois
|
Déroulement et mise en oeuvre de la politique de décentralisation (3 ème bilan) |
(Fin de
la mission :
|
3 novembre 1992 |
9 décembre 1992 |
Aff.
Cult., Aff. Eco., Aff. Soc., Finances et Lois
|
Problèmes de l'aménagement du territoire |
(Fin de
la mission :
prolongée au 30 juin 1994
|
10 décembre 1998 |
17 décembre 1998 |
Finances, Lois,
|
Bilan de la décentralisation et amélioration de nature à faciliter l'exercice des compétences locales |
(Fin de
la mission :
prolongée à juin 2000)
28
juin 2000
|
Depuis
la discussion du budget 2001, le Président de la commission des Finances
a proposé l'organisation dans le cadre de l'examen de la première
partie du projet de loi de finances, d'un débat spécifique sur
les finances locales. Cette expérience a été
renouvelée pour le budget 2002 et a rencontré un réel
succès : 13 orateurs se sont succédé à la
tribune du Sénat durant 1 heure 56 avant l'examen des articles
« Finances locales » qui a duré plus de 5 heures 30.
Ce débat « Finances locales » est ainsi devenu un
moment « fort » de la discussion budgétaire.
Pour le Président du Sénat, le Sénat doit se
considérer comme une véritable «
Assemblée de
proximité
» qui entend «
conserver et
consolider sa spécificité territoriale
» tout en
demeurant «
une chambre législative à part
entière
».
Le Sénat, «
maison des collectivités
locales
», a cherché à développer les liens
avec les élus locaux à travers plusieurs initiatives :
- la diffusion depuis 1996 d'une lettre d'information à l'attention des
élus locaux « Sénat-Actualités »,
- le lancement, en partenariat avec le groupe Dexia, partenaire financier des
collectivités locales, d'une collection d'ouvrages
« L'argumentaire du maire », véritable boîte
à outils à l'usage des élus locaux,
- la création en 1997 d'un service des Collectivités
territoriales, qui n'a pas d'équivalent à l'Assemblée
nationale,
- l'extension de la compétence de l'antenne administrative permanente
à Bruxelles, créée en 1999, en vue d'apporter, sous
l'égide du service des collectivités territoriales, son soutien
aux collectivités locales désireuses de monter des projets
éligibles aux fonds européens, tout particulièrement les
fonds structurels,
- la mise en service en 1999 d'un site Internet dédié aux acteurs
et décideurs locaux « Carrefour des collectivités
locales » ; ce site connaît un succès
important :
CARREFOUR DES COLLECTIVITÉS LOCALES
|
Consultations en pages html |
juillet 2001 |
118 489 |
août 2001 |
117 845 |
septembre 2001 |
115 922 |
octobre 2001 |
146 627 |
novembre 2001 |
143 792 |
décembre 2001 |
158 176 |
-
l'organisation de colloques, notamment le 29 avril 1999 sur la
« Sécurité juridique et action publique
locale » et le 16 novembre 2000 sur la « Réforme des
délits non intentionnels : mode d'emploi ».
Parallèlement, le Sénat qui se veut «
le veilleur et
le gardien vigilant de la décentralisation
» s'est
porté au-devant des élus, d'abord avec l'exposition
« Média-Sénat » qui est devenue
itinérante, ensuite et surtout avec l'organisation des « Etats
généraux des élus locaux » qui ont permis au
Président du Sénat et aux sénateurs de la région
concernée de prendre le « pouls des élus
locaux » et d'écouter leurs doléances et leur point de
vue sur des thèmes d'actualité comme l'intercommunalité,
la sécurité juridique, l'eau, les finances locales, le devenir de
la décentralisation outre-mer, ...
Le 14 juillet 2000, le pacte républicain entre le Sénat et les
élus locaux a été solennisé par la Fête de la
Fédération qui a rassemblé plus de 13 000 maires
lors du défilé militaire sur les Champs-Elysées, puis dans
le Jardin du Luxembourg.
Lors des tournages effectués en province, la chaîne Public
Sénat peut être amenée à interroger les élus
sur leurs principales préoccupations. La chaîne parlementaire est
aussi la chaîne de la démocratie locale et de la proximité.
L'ensemble de ces initiatives ou événements est de nature
à resserrer les liens entre les collectivités territoriales et le
Sénat qui améliore ainsi sa capacité d'écoute des
interrogations ou des propositions des élus locaux.
Il reste que ces initiatives ou événements ont par essence un
caractère ponctuel ; il paraît aujourd'hui souhaitable de
pérenniser ou d'institutionnaliser les instruments de veille ou
d'écoute à l'égard des élus locaux pour mieux
appréhender les difficultés qu'ils rencontrent « sur le
terrain ».
Le Sénat, « Maison des Collectivités territoriales de
Métropole et d'Outre-mer », doit se fixer un double
objectif :
- être en permanence en phase avec les préoccupations des
élus et de leurs organisations représentatives (colloques,
auditions, états généraux, dialogue interactif à
travers le site du « Carrefour des collectivités
locales », études d'opinion, etc...),
- mieux faire connaître ses travaux et ses propositions sur le devenir de
la décentralisation et le développement des libertés
locales.
B. UN PARADOXE CONSTITUTIONNEL : L'ABSENCE DE PRÉROGATIVE PARTICULIÈRE DU SÉNAT À L'ÉGARD DES TEXTES CONCERNANT LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
La place
du Sénat dans l'équilibre des institutions oblige à
relever un paradoxe : si le Sénat est censé
représenter constitutionnellement les collectivités locales,
aucune disposition de la Constitution ne lui attribue de pouvoirs particuliers
à l'égard des textes concernant les collectivités locales.
Certes, l'article 34 de la Constitution range dans le domaine de la loi
«
les principes fondamentaux... de la libre administration des
collectivités locales, de leurs compétences et de leurs
ressources
», mais l'ensemble de ces questions relève de
la loi ordinaire qui, en cas de désaccord au cours de la navette, est
passible de la procédure du « dernier mot » de
l'Assemblée nationale, si du moins le Gouvernement le décide.
Autrement dit,
il n'y a aucun élément dans la Constitution qui
permette de concrétiser, d'asseoir la spécificité
constitutionnelle du Sénat
.
Tout au plus, M. Patrice Gélard, en sa qualité de rapporteur de
la proposition de loi constitutionnelle
32
(
*
)
relative à la libre administration des
collectivités territoriales et à ses implications fiscales et
financières, a-t-il pu relever l'existence d'une «
pratique
constitutionnelle remontant au début de la
III
ème
République
» qui tendrait
pour les textes relatifs aux collectivités locales, à
privilégier leur premier examen au Sénat. Il faut
néanmoins reconnaître que cette pratique a fait l'objet d'une
application variable et inconstante.
Si l'on met à part le projet de loi relatif au développement des
responsabilités locales présenté par M. Christian
Bonnet, ministre de l'intérieur, et défendu par M. Marc
Bécam, secrétaire d'Etat aux collectivités locales, la
quasi-totalité des textes importants concernant les collectivités
locales ont, depuis 1981, été déposés en premier
sur le bureau de l'Assemblée nationale, comme cela a été
récemment le cas pour l'intercommunalité ou la démocratie
de proximité.
Au total, il n'est pas exagéré de dire que le Sénat, fort
de son bonus de la représentation constitutionnelle des
collectivités locales, n'a eu de cesse de rechercher depuis 1958, face
à l'Assemblée nationale, un meilleur positionnement à
l'égard des questions concernant les collectivités territoriales.
Le dépôt et l'examen par le Sénat, lors de la séance
mensuelle réservée du 16 octobre 2000, de la proposition de loi
constitutionnelle sur la consécration de l'autonomie financière
des collectivités territoriales s'inscrivent dans le droit fil de cette
préoccupation.
Cette proposition de loi constitutionnelle a été
déposée le 22 juin 2000 par M. Christian Poncelet,
Président du Sénat, M. Jean-Paul Delevoye, Président de
l'association des maires de France, M. Jean-Pierre Fourcade, Président
du comité des finances locales, M. Jean Puech, Président de
l'association des départements de France et M. Jean-Pierre Raffarin,
Président de l'association des régions.
Les auteurs de ce texte partaient du constat que la Constitution, tout en
consacrant le principe de la libre administration des collectivités
territoriales, n'en définit pas exactement les contours, ce qui explique
peut-être que le Conseil constitutionnel ne puisse, en l'état
actuel des textes, en assurer une protection efficace. A cette question se
surajoute l'appréhension d'une « recentralisation
rampante » se traduisant notamment par une réduction du
pouvoir fiscal des collectivités locales, comme en témoigne la
diminution de la part de l'ensemble des ressources locales des recettes
fiscales, tombée de 54 % en 1995 à 30 % de l'ensemble
des ressources en 2000. L'essentiel des recettes provient de l'Etat sous la
forme de dotations. Pour M. Patrice Gélard, rapporteur de la
proposition de loi : «
la décentralisation
engagée en 1982 est actuellement en panne
».
Face à ce constat, la proposition de loi constitutionnelle poursuit
l'objectif principal d'insérer dans la Constitution
expressis
verbis
la garantie de la libre administration des collectivités
locales dont la protection serait assurée par une triple
innovation :
1°) Les ressources fiscales devraient impérativement
représenter la part prépondérante des ressources des
collectivités territoriales. Toute suppression d'une ressource fiscale
perçue par les collectivités territoriales donnerait lieu
à l'attribution d'une ressource fiscale équivalente.
2°) Les transferts de compétences de l'Etat vers les
collectivités locales devraient être accompagnés du
transfert concomitant des ressources nécessaires à l'exercice
normal de ces compétences : c'est le principe de la compensation
intégrale et concomitante des transferts de charges, qui sous-tendait la
décentralisation de 1982.
3°) Le rôle du Sénat comme représentant
constitutionnel des collectivités locales, comme
«
défenseur
» ou
«
protecteur
»
des collectivités
locales
, serait consacré dans le texte de la Constitution dans la
mesure où le Sénat aurait un pouvoir législatif
égal à celui de l'Assemblée nationale pour les projets ou
propositions de loi relatifs à l'administration des collectivités
locales.
Lors de l'examen de cette proposition de loi, la commission des Lois, sur le
rapport du Doyen Gélard, a accepté l'économie
générale de cette proposition de loi ; s'agissant des
compétences du Sénat, la commission des Lois a proposé une
solution moyenne : «
l'organisation et les
compétences des collectivités territoriales
»
devraient être fixées par
une loi organique, les projets de loi
ayant cet objet seraient par ailleurs déposés en premier lieu au
Sénat
.
C. LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE RÉFLEXION : CONFORTER LE SÉNAT DANS SON RÔLE SPÉCIFIQUE À L'ÉGARD DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. L'institutionnalisation de la réflexion sénatoriale sur les libertés territoriales
a) La création d'un Observatoire de la décentralisation
Sans
aller jusqu'à suggérer l'institution d'une
délégation à la décentralisation qui supposerait le
vote d'une loi subordonnée à l'accord de l'Assemblée
nationale et risquerait de poser un problème de répartition des
compétences avec les commissions, le groupe de réflexion propose
de créer un
Observatoire de la décentralisation
.
Cet organe purement interne au Sénat pourrait être institué
par le Bureau du Sénat ; il serait chargé d'établir
un tableau de bord financier et budgétaire de la
décentralisation
; il devrait en outre élaborer des
études générales, y compris de droit comparé, sur
la décentralisation et les collectivités territoriales.
L'observatoire s'appuierait sur le concours du
Service des
Collectivités territoriales
qui pourrait, si besoin est, commander
des études ou encore engager des actions de coopération
permanente avec des organismes spécialisés dans les questions des
collectivités locales.
Dans cette perspective, le groupe de réflexion préconise un
renforcement de la capacité d'information et d'étude du
service des Collectivités territoriales,
pour répondre aux
demandes des commissions et des délégations, des groupes et des
sénateurs, sans bien entendu interférer avec les attributions
traditionnelles des associations représentatives des élus locaux.
En effet, il ne serait pas souhaitable d'ériger ce service en un
« bureau de renseignements » qui répondrait
directement aux élus locaux sans passer par l'intermédiaire des
sénateurs. Un tel projet nécessiterait en tout état de
cause le recrutement significatif d'administrateurs et créerait un
risque de double emploi avec les informations fournies par les services de
l'Etat et les associations d'élus.
b) La publication régulière de grands rapports d'information sur la décentralisation
Le
groupe de réflexion a souhaité
la poursuite de
l'élaboration régulière de rapports d'information sur la
décentralisation
.
Ces rapports seraient établis par une
mission d'information
commune
(MIC), constituée entre toutes les commissions (notamment
les commissions des Lois et des Finances), sans préjudice de la
possibilité pour chacune d'entre elles de créer en interne une
mission d'information ou un groupe de travail sur tel ou tel sujet.
Ces rapports feraient périodiquement le point sur la
décentralisation et dégageraient les perspectives d'avenir, sur
le modèle des cinq rapports publiés en 1983, 1984, 1990, 1992 et
1998.
Le groupe de réflexion n'a pas jugé opportun de déterminer
par avance et
ne varietur
la périodicité de la publication
de ces rapports d'information, qui dépendra de la programmation des
actions de contrôle, telle qu'elle serait établie par une
réunion particulière de la Conférence des
Présidents, conformément à l'une des recommandations
émises par le groupe de réflexion à propos de la fonction
de contrôle.
c) L'organisation régulière en séance publique de débats sur la décentralisation
Dans son
souci de développer la fonction de contrôle, le groupe de
réflexion a préconisé la programmation
régulière (une fois par mois) de séances de
questions
orales thématiques
: une ou plusieurs de ces séances
pourraient porter sur des problèmes concernant plus
particulièrement les collectivités locales, si la
Conférence des Présidents en décidait ainsi.
Afin de marquer mieux encore le bonus constitutionnel de représentation
des collectivités territoriales, le groupe de réflexion propose
de programmer
une fois par trimestre
un débat sur une question de
portée générale relative à la
décentralisation et intéressant les élus locaux : il
y aurait ainsi des
questions orales
« Décentralisation »
, comme il y a
déjà des
questions orales européennes
,
programmées en principe une fois par trimestre, à l'initiative
notamment de la Délégation pour l'Union européenne.
A titre d'exemple, les travaux d'une mission d'information commune, une fois le
rapport publié, pourraient donner lieu au dépôt d'une
question orale avec débat ; cette question servirait de base
à un débat en séance publique qui permettrait à
chaque groupe de défendre son point de vue et au Gouvernement de faire
connaître ses réactions aux travaux de la MIC.
2. Une meilleure identification dans la Constitution du rôle législatif du Sénat à l'égard des textes portant sur les principes fondamentaux de la décentralisation
A titre
liminaire, il faut souligner que le groupe de réflexion n'a pas
souhaité toucher, ni dans un sens ni dans un autre, au
« dernier mot » que le Gouvernement peut donner à
l'Assemblée nationale pour le vote définitif des lois ordinaires
ou des lois organiques autres que relatives au Sénat. Le
« dernier mot » de l'Assemblée nationale constitue
l'un des éléments fondamentaux de l'équilibre
institutionnel tel qu'il a été consacré par la
Constitution de 1958 pour la procédure d'élaboration de la loi.
Peut-être est-il possible d'envisager une meilleure prise en compte du
rôle de l'assemblée qui représente les collectivités
territoriales pour les textes portant sur les principes essentiels de la
décentralisation ? Peut-être est-il souhaitable de
recommander que cette catégorie de textes donne lieu à un accord
entre l'Assemblée nationale et le Sénat en sa qualité de
représentant constitutionnel des collectivités territoriales de
la République ? Le groupe de réflexion a estimé que
cette question essentielle relève d'abord et avant tout d'une
concertation au plus haut niveau entre le Chef de l'Etat, le Premier
ministre, le Président du Sénat et le Président de
l'Assemblée nationale
.
Dans l'immédiat
, le groupe de réflexion a estimé
préférable de
s'en tenir à la philosophie
générale de la proposition de loi, telle qu'elle a
été adoptée par le Sénat en octobre 2000, sur le
rapport du Doyen Gélard, le groupe socialiste et le groupe communiste
républicain et citoyen maintenant leur opposition à toute
extension des prérogatives du Sénat, fût-ce dans le domaine
de la décentralisation
.
Aussi, le groupe de réflexion propose, à la majorité de
ses membres, de soumettre
les textes de loi
- projets ou propositions de
loi
portant sur les principes fondamentaux de la décentralisation ou
de la libre administration des collectivités territoriales
à
un régime juridique particulier
et plus précisément
de leur appliquer des
garanties de procédure
de nature à
leur assurer un examen serein et approfondi, indispensable s'agissant de textes
qui engagent l'avenir de la décentralisation, notamment pour les
compétences et les libertés territoriales.
Ces garanties de procédure seraient au nombre de trois :
Le dépôt de ces projets de loi en premier lieu sur le Bureau
du Sénat.
L'absence de déclaration d'urgence.
L'application à ces textes du
régime juridique des lois
organiques
qui implique notamment qu'en cas de désaccord avec le
Sénat, l'Assemblée nationale pourrait avoir le
« dernier mot », mais à la condition de se prononcer
à la majorité absolue de ses membres. Avec le régime
juridique des lois organiques, le bicamérisme serait plus
équilibré car pour passer outre à un désaccord du
Sénat, le Gouvernement devrait réunir une majorité
qualifiée,
plus de la moitié des députés
composant l'Assemblée nationale
.
Sur le plan technique, ce nouveau dispositif supposerait que les dispositions
touchant aux principes fondamentaux de la décentralisation, à
l'exception bien sûr de celles devant figurer dans un projet de loi de
finances de l'année ou rectificative, soient clairement
identifiées et regroupées dans les projets ou propositions de loi
concernant exclusivement la décentralisation, notamment l'organisation
et les compétences des collectivités territoriales.
Au total, le groupe de réflexion appelle de ses voeux
la poursuite de
la navette
sur la proposition de loi constitutionnelle relative à la
libre administration des collectivités territoriales et à ses
implications fiscales et financières, telle qu'elle a été
adoptée par le Sénat en octobre 2000 et retransmise à
l'Assemblée nationale au début de la présente
législature.
La navette permettra sans nul doute d'enrichir et d'améliorer le texte
voté par le Sénat.
La proposition sénatoriale de révision de la Constitution
pourrait ainsi constituer le point de départ d'une réflexion
constitutionnelle sur la nécessaire relance de la
décentralisation. Cette réflexion pourrait notamment porter sur
la prise en compte des spécificités des départements
d'Outre-mer et la reconnaissance d'un droit à l'expérimentation
locale de réformes susceptibles d'être étendues
après une évaluation approfondie des mesures.
Sur ce dernier point, il faut rappeler que l'Assemblée nationale a
adopté en janvier 2001, à l'initiative de M. Pierre
Méhaignerie, une proposition de loi constitutionnelle autorisant
l'expérimentation à l'initiative des collectivités
territoriales de mesures nouvelles concernant leur organisation, leurs
compétences et leurs ressources, en vue de leur
généralisation à l'ensemble du territoire. Dans le
même esprit, la commission présidée, par M. Pierre
Mauroy, a admis la possibilité d'expérimentations locales, sous
la réserve qu'elle préfigurent, en cas de réussite, une
généralisation à l'ensemble du territoire.
Toutes ces réflexions, comme celles de tous horizons qui ont
été développées au cours de la campagne
électorale pour l'élection présidentielle, confirment une
évidence, à savoir qu'une révision de la Constitution
s'impose comme un préalable pour donner un nouvel élan, un
nouveau souffle à la décentralisation et tout
particulièrement au développement des libertés
territoriales. Vingt ans après les « lois
Defferre », l'acte II de la décentralisation ne peut faire
l'économie d'une importante modification du Titre XII de la Constitution
sur les collectivités territoriales :
la décentralisation
ne peut plus avancer à droit constitutionnel constant
.
Le Sénat, représentant constitutionnel des collectivités
territoriales, sera sans nul doute appelé à jouer un rôle
central dans cette nouvelle réflexion constitutionnelle qui
façonnera ces contours de la « République
territoriale » conformément au souhait maintes fois
exprimé par le Président du Sénat.
* 32 Proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières, n° 432 (1999-2000).