Présenté par M. Daniel Hoeffel, vice-président du Sénat, au Bureau du Sénat
AVANT-PROPOS
Le 16
octobre 2001, après sa réélection, M. Christian PONCELET,
Président du Sénat, concluait son allocution en fixant deux
objectifs pour le nouveau triennat :
- « normaliser » l'existence du Sénat ;
- « rénover nos méthodes de travail et recentrer notre
activité pour devenir une véritable assemblée de
proximité à l'écoute des Françaises et des
Français sans oublier nos compatriotes établis hors de
France ».
Après avoir évoqué un certain nombre de pistes à
explorer, il annonçait, pour ce faire, la mise en place d'un groupe de
travail.
Au cours de sa réunion du 20 novembre 2001, le Bureau du Sénat
décidait que ce groupe serait
présidé par M. Daniel
HOEFFEL, Vice-Président du Sénat
et composé d'
un
représentant par groupe politique
, traduisant ainsi que ce processus
de réflexion et de proposition ne pouvait être qu'une oeuvre
collective reposant d'abord et avant tout sur l'engagement de tous les
Sénateurs.
Ont donc été désignés par leurs groupes
respectifs :
- M. Jean-Pierre BEL (groupe socialiste)
- M. Robert BRET (groupe communiste républicain et citoyen)
- M. René GARREC (groupe des Républicains et Indépendants)
- M. Patrice GÉLARD (groupe du Rassemblement pour la République)
- M. Michel MERCIER (groupe de l'Union Centriste)
- M. Jacques PELLETIER (groupe du Rassemblement Démocratique et Social,
Européen)
Au cours de sa première réunion, le 12 décembre 2001, le
groupe de réflexion avait estimé souhaitable la
désignation de
suppléants
. Ont donc été
désignés, à ce titre, par leurs groupes respectifs :
- M. Jean ARTHUIS (groupe de l'Union Centriste)
- Mme Nicole BORVO (groupe communiste républicain et citoyen)
- M. Jean-Patrick COURTOIS (groupe du Rassemblement pour la République)
- M. Gérard DELFAU (groupe du Rassemblement Démocratique et
Social, Européen)
- M. Jean-Claude PEYRONNET (groupe socialiste)
- M. Henri de RAINCOURT (groupe des Républicains et Indépendants)
En fait, le mécanisme de suppléance n'a que rarement joué
en raison de la participation suivie des membres titulaires tout au long des
séances de travail qui se sont déroulées en
février, mars et avril 2002.
Les trois premières réunions ont été
consacrées à la définition du périmètre de
l'étude, des méthodes de travail et des axes de réflexion
à privilégier à partir des orientations fixées par
le Président PONCELET qui avait, au surplus, indiqué qu'aucun
sujet ne devait être, a priori, écarté et que le groupe de
travail avait toute latitude pour déterminer lui-même le champ de
ses réflexions et propositions.
Pour ce faire, le groupe de réflexion a décidé de
travailler sur la base de l'exploitation d'un questionnaire écrit et
ouvert, comportant une liste de onze thèmes, chaque destinataire ayant
la faculté de soulever toute autre question.
Ce questionnaire a été adressé aux représentants
des groupes au sein du groupe de réflexion et au
délégué de la réunion administrative des
sénateurs non-inscrits, aux Présidents des commissions et des
délégations parlementaires et au Premier Vice-Président de
l'office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (soit au
total 18 destinataires).
Les contributions adressées au groupe de réflexion et les
orientations tracées par le Président du Sénat dans son
discours du 16 octobre 2001
1
(
*
)
ont servi de base aux discussions et ont conduit
à centrer les travaux et délibérations sur ce qui est
apparu comme reflétant les principales interrogations et
préoccupations, que l'on peut ordonner autour des thèmes
suivants :
- le mandat sénatorial ;
- la fonction législative ;
- la fonction de contrôle, d'évaluation et de prospective ;
- la représentation constitutionnelle des collectivités
territoriales et des Français de l'étranger ;
- l'Europe, l'International et la Communication.
Encore doit-il être précisé que, parmi ces thèmes,
les trois premiers sont apparus comme les thèmes centraux ayant
donné lieu aux propositions les plus nombreuses, les plus
complètes et les plus élaborées, traduisant ainsi la
préoccupation de s'attacher, d'abord et avant tout, à l'analyse
et, le cas échéant, à
la consolidation du
« socle de légitimité » d'une
assemblée parlementaire à part entière à travers sa
représentativité et ses fonctions législative et de
contrôle
.
A cet égard, il est vite apparu que la question du mandat
sénatorial et donc celle de la représentativité
constituait, sinon un préalable, à tout le moins le
point de
passage obligé
d'une réflexion sur l'institution
sénatoriale et qu'il y avait
distorsion
entre d'une part la
réalité et d'autre part l'image du Sénat
,
fondée sur la méconnaissance de son rôle ou, au mieux, sur
des approximations.
Cela ne signifie pas que certaines critiques ne méritent pas
d'être écoutées voire entendues ; que certains
ajustements, corrections ou réformes ne sont pas nécessaires ou
souhaitables.
Et, dans ces temps incertains de ce que l'on appelle
« crise » du politique et de la représentation
parlementaire, une réflexion à ce sujet apparaît
nécessaire et chaque Institution doit en prendre elle-même
l'initiative pour ce qui la concerne.
En effet, et il ne sert à rien de le nier, le Sénat souffre d'une
image paradoxale, contrastée et ambivalente
.
Partons à ce propos d'un constat :
D'un côté, le Sénat apparaît comme une institution
incontournable, qui joue un rôle irremplaçable dans
l'équilibre des institutions de la V
ème
République. A deux reprises, en 1946 et en 1969, le peuple
français a confirmé son attachement au bicamérisme et les
différentes études d'opinion montrent, si besoin en était,
que l'existence d'une seconde assemblée rencontre l'adhésion la
plus large.
Le bicamérisme offre la garantie d'un « double
regard » sur la loi et la politique du Gouvernement. A cet
égard, le Sénat jouit d'une image positive de technicien de la
loi, d'orfèvre législatif. Sa contribution essentielle à
la qualité de la loi est reconnue de tous, d'autant que les
Sénateurs, représentants constitutionnels des
collectivités territoriales de la République, sont au plus
près des réalités de la vie locale et peuvent, en raison
de leur mode d'élection, maintenir une certaine distanciation par
rapport aux circonstances politiques du moment. Ainsi, au cours de la
précédente législature, le Sénat a su,
par-delà les légitimes divergences politiques, prendre une part
déterminante dans l'élaboration de la loi ou dans le
contrôle parlementaire.
Par la qualité et le sérieux de ses travaux, le Sénat a pu
faire entendre sa voix. Le ministre des relations avec le Parlement l'a
souligné le 21 février dernier, lors de la dernière
séance de la législature : plus de deux lois sur trois ont
été adoptées en termes identiques par l'Assemblée
nationale et le Sénat et plus de 63 % des amendements sénatoriaux
ont été retenus par l'Assemblée nationale, ces deux
statistiques illustrant l'apport constructif du Sénat malgré les
différences de majorité. Au surplus, une loi sur huit a eu pour
origine une proposition de loi sénatoriale, qu'elle émane de la
majorité ou de l'opposition.
Cependant, force est, d'un autre côté, de reconnaître que
l'appréciation positive des travaux sénatoriaux est
altérée, en quelque sorte
« brouillée », par le débat récurrent
sur le statut électoral des Sénateurs et notamment par les
critiques lancinantes à l'encontre de la durée du mandat
sénatorial et de la représentativité du Sénat.
Neuf ans, est-ce trop long ? Il faut le rappeler à titre
liminaire : le mandat de neuf ans est un héritage de la tradition
républicaine de la III
ème
République,
héritage repris en 1958 par le Général de Gaulle, soucieux
de restaurer le Sénat dans sa plénitude parlementaire et de
contrebalancer la prédominance de l'Assemblée nationale de la
République précédente. Jusqu'aux années
quatre-vingt-dix, le « novennat » semblait être
perçu positivement comme un élément substantiel du
bicamérisme différencié, comme le meilleur gage
d'indépendance, de sérénité, comme la garantie,
avec le renouvellement triennal, d'une certaine distanciation par rapport aux
préoccupations de l'instant ou à l'égard des appareils
politiques. Aujourd'hui, les arguments en faveur du novennat, quels qu'ils
soient, ne sont plus « audibles » par une part importante
de l'opinion publique et ne sont plus « politiquement
corrects », surtout depuis le passage au quinquennat pour le mandat
du Président de la République qui fait que le
« différentiel » entre d'une part le mandat
sénatorial et d'autre part les mandats nationaux et locaux est de 3
à 4 ans. La durée actuelle du mandat sénatorial est
d'autant plus brocardée, pour reprendre une expression du
Président PONCELET, que le Sénat est suspecté d'user d'un
pouvoir de blocage qu'il tient de la Constitution, dans la mesure où
cette durée relève d'une « loi organique relative au
Sénat », non susceptible d'être votée par la
seule Assemblée nationale.
Le Sénat est-il suffisamment représentatif ? D'une
manière générale, un mode de scrutin ne peut être
apprécié dans l'abstrait, mais à l'aune de la fonction de
représentation qui est assignée à une assemblée.
Pour l'Assemblée nationale, le mode de scrutin est destiné
à dégager une majorité de Gouvernement, au risque de ne
pas assurer la représentation de toutes les sensibilités du corps
électoral. Pour sa part, le Sénat a pour vocation
constitutionnelle de représenter les collectivités territoriales
et chacune des quelque 36 000 communes
2
(
*
)
doit participer à l'élection
sénatoriale, aussi peu peuplée soit-elle.
Faut-il revoir le nombre des Sénateurs et la répartition des
sièges entre les départements, qui ont été
déterminés en 1976 par une loi d'initiative sénatoriale en
fonction du recensement de 1975 ? En 2000, le Sénat a refusé
une augmentation importante de son effectif, considérant, entre autres,
que la qualité d'une assemblée ne se mesurait au nombre de ses
membres. Aucun texte tendant à la redistribution des sièges
à effectif globalement constant n'ayant été inscrit
à l'ordre du jour du Sénat, il reste que la répartition
actuelle des sièges entre les départements n'a pas
évolué depuis 1976 et ne tient pas compte du dernier recensement
de la population de 1999.
Loin d'éluder toutes ces questions et conformément à la
mission qui lui a été confiée par le Président du
Sénat et le Bureau, le groupe de réflexion les a examinées
sans
a priori
, avec la lucide conviction que pour mettre un terme
au procès en représentativité qui lui était
intenté, le Sénat se doit de prendre l'initiative des
évolutions de son mode d'élection, malgré les
évidentes difficultés de l'exercice.
Une fois de plus, le Sénat doit montrer sa capacité à se
réformer lui-même, sans pour autant devenir le
« clone » de l'Assemblée nationale, ce qui, chacun
peut en convenir, ne serait ni conforme à l'esprit des institutions ni
compatible avec un bicamérisme efficace, équilibré et
différencié.
*
C'est
à partir de ces constats, en ayant à l'esprit ces orientations et
ces principes directeurs, que le groupe de réflexion a mené ses
travaux.
Au-delà des divergences qui ont pu apparaître sur tel ou tel point
particulier, la volonté unanime des membres du groupe de
réflexion a été la recherche du consensus sur les lignes
directrices et la recherche d'accords sur des propositions concrètes ou
des recommandations afin de démontrer ainsi la capacité du
Sénat d'évoluer, de s'adapter et de se réformer
lui-même.
La procédure suivie par le groupe de réflexion, pour la
totalité des thèmes retenus, a eu pour base un
« état des lieux », constitué d'un bilan, le
cas échéant d'un récapitulatif des initiatives
législatives récentes et d'une analyse des propositions et
suggestions contenues dans les contributions écrites adressées au
groupe de réflexion.
A partir de cet ensemble, les délibérations ont pu se
dérouler dans la transparence et dans un climat de sérieux et de
convivialité où chaque membre du groupe a exprimé son
point de vue. Ce climat a contribué indiscutablement à faire en
sorte que beaucoup, sinon la plupart des propositions et recommandations que le
groupe de réflexion présente, ont été
adoptées à l'unanimité ou par consensus.
D'autres propositions, et c'est légitime et naturel, ne l'ont
été qu'avec des nuances, des réserves ou des objections.
Les plus notables et les plus significatives sont mentionnées dans le
corps du rapport. C'est la raison pour laquelle, en particulier sur ces points,
le groupe de réflexion a estimé nécessaire de
présenter dans le corps du rapport les éléments
d'information qui avaient fondé sa réflexion, ses
préférences et ses décisions afin que chacun puisse
disposer des mêmes éléments pour fonder son opinion,
autrement qu'à travers des clichés, des a priori et des jugements
à l'emporte pièce.
Au surplus, dans un souci de totale transparence, le groupe de réflexion
a estimé nécessaire que les groupes, s'ils le souhaitent,
puissent faire figurer en annexe du rapport leurs observations sur les
propositions et recommandations formulées.
Il faut encore préciser, pour être tout à fait clair, que
le groupe de réflexion n'a pas retenu toutes les propositions qui lui
ont été adressées. Le rapport n'en fait pas mention mais
il n'est pas inutile d'indiquer, à ce stade, quelques principes qui
expliquent que certaines propositions n'aient pas été retenues.
Tout d'abord, le
groupe de travail a considéré que sa
réflexion devait porter prioritairement et quasi-exclusivement sur le
Sénat
. C'est pourquoi il n'a pas souhaité remettre en cause
les équilibres institutionnels fondamentaux de la V
ème
République ni les prérogatives gouvernementales du
parlementarisme rationalisé.
Ensuite, le
groupe de réflexion a refusé la solution de
facilité qui aurait consisté
, dans certains domaines,
à créer des structures permanentes nouvelles
; il a
estimé, non seulement qu'elles étaient toujours coûteuses,
mais aussi, le plus souvent, qu'elles risquaient d'entraîner des double
emplois ou de provoquer de difficiles et délicats problèmes de
répartition de compétences. Il a donc exprimé, notamment
dans le domaine du contrôle, sa nette préférence pour des
structures temporaires et pour un recentrage sur les commissions permanentes,
tout en étant conscient que cette option pouvait, à terme, poser
la question de leur nombre en raison de la surcharge quasi-permanente de leur
programme de travail législatif.
Enfin, le groupe de réflexion a constaté que dans certains
domaines, peu de propositions et suggestions lui avaient été
adressées. Il en a déduit que cela comportait, implicitement, une
appréciation positive sur le bilan et les actions menées. A
contrario, cela l'a conforté dans l'idée, somme toute
évidente, qu'après le nécessaire examen de la question du
mandat sénatorial, il convenait, dans le droit fil de l'idée
exprimée par le Président PONCELET le 16 octobre 2001, de
recentrer les moyens et les efforts sur le « coeur de
métier » du Sénat, assemblée parlementaire
à part entière forte de ses deux bonus constitutionnels, la
représentation des collectivités territoriales et des
Français de l'étranger
.
C'est, en effet, prioritairement sinon exclusivement, sur le triptyque, mandat
sénatorial, fonction législative, fonction de contrôle, que
pourra être confortée la légitimité du Sénat
et que l'on peut espérer évacuer et mettre un terme, comme
l'indiquait le Président PONCELET le 16 octobre 2001,
« aux procès en représentativité et donc en
légitimité qui sont instruits, ça et là, à
l'encontre du Sénat ».
*
C'est
dans cette perspective que le groupe de réflexion a
déterminé les orientations générales des
propositions et des recommandations qu'il formule dans ce rapport.
Le groupe de réflexion a tout d'abord affirmé la
nécessité de préserver les principes essentiels du mode
d'élection du Sénat, qui permettent de le différencier par
rapport à l'Assemblée nationale :
- l'élection au suffrage universel indirect ;
- le maintien de la circonscription départementale ;
- la représentation constitutionnelle des collectivités
territoriales.
Mais le statut électoral du Sénat a évolué depuis
1875, il peut encore évoluer en vue d'une meilleure adéquation
aux changements de la démographie ou à une nouvelle donne de la
décentralisation.
Le groupe de réflexion a donc formulé cinq propositions ou pistes
de réflexions destinées à conforter la
représentativité spécifique du Sénat :
- L'abaissement de l'âge d'éligibilité de trente-cinq
à
trente ans
;
- La réduction de la
durée du mandat à six ans
, qui
est la durée de droit commun des mandats locaux ; cette
réduction devrait intervenir dès le prochain renouvellement
triennal de 2004,
sans que les mandats actuels soient remis en
cause
; ainsi s'ouvrira une
période transitoire
au cours
de laquelle les mandats en cours iront jusqu'à leur terme, le mandat de
six ans entrant progressivement en vigueur au fur et à mesure des
renouvellements partiels. Sous la même réserve, le passage d'un
renouvellement par tiers à un renouvellement par moitié appellera
des mesures transitoires qui seront précisées par une loi
organique.
-
L'actualisation
, demandée à deux reprises par le Conseil
constitutionnel,
de la répartition des sièges entre les
départements
en fonction du recensement de 1999, le nombre total de
Sénateurs devant rester globalement stable à quelques
unités près ;
- L'élection des sénateurs à la
proportionnelle dans
les départements élisant quatre sénateurs
, afin
d'assurer un meilleur équilibre entre représentation
proportionnelle et scrutin majoritaire ;
-
L'augmentation du collège sénatorial
, d'abord pour une
meilleure prise en compte du fait urbain
et notamment de la place des
grandes villes, ensuite
pour garantir une meilleure représentation
aux départements et aux régions, qui pourraient désigner
des délégués supplémentaires
à l'instar
des communes les plus peuplées, le Sénat devant être le
reflet le plus fidèle possible du paysage territorial.
Dans le même esprit, le groupe de réflexion a émis la
suggestion que, lorsque le moment sera venu, le mode de scrutin du Sénat
prenne en compte le phénomène des intercommunalités
aujourd'hui naissantes.
Aujourd'hui, la révision ou l'actualisation de certains
éléments du régime électoral du Sénat
apparaît comme une nécessité, car à force
d'être répétées à l'envi, certaines critiques
peuvent, de proche en proche, mettre en cause la représentativité
du Sénat et, à terme, sa légitimité, au risque de
fragiliser le bicamérisme en France.
Le Sénat est loin de mériter l'image d'archaïsme ou de
conservatisme que certains voudraient lui accoler.
Contrairement à une idée répandue par les
détracteurs du Sénat, l'âge moyen des Sénateurs
n'est pas très éloigné de celui des Députés
et depuis le dernier renouvellement triennal, les Sénatrices sont en
proportion aussi nombreuses que les Députées. La
réalité est différente : loin d'être immuable,
le Sénat change, évolue et se transforme au fil des
renouvellements triennaux dans une proportion habituellement
sous-estimée.
Depuis plusieurs années, le Sénat n'a eu de cesse de moderniser
et d'améliorer ses méthodes de travail et de communication, comme
le confirme par exemple le succès rencontré par son site Internet
qui a contribué à mieux faire connaître les initiatives
sénatoriales.
Sous l'impulsion de son Président, le Sénat a poursuivi et
diversifié sa politique d'ouverture, d'abord vers les élus
locaux, ensuite vers le monde de l'entreprise et dans la sphère
internationale.
Trois événements parmi tant d'autres :
- Le Forum des Sénats du monde (mars 2000) a confirmé le
dynamisme du bicamérisme qui est une idée d'avenir, notamment
pour les démocraties émergentes ;
- Le 14 juillet 2000, le pacte républicain entre le Sénat et les
maires a été solennisé par le rassemblement à Paris
de plus de 13 000 maires ;
- Les états généraux des élus locaux,
organisés dans les régions de France et d'outre-mer, ont
confirmé que le Sénat, « maison des
collectivités territoriales », était en phase avec les
questions de la décentralisation et à l'écoute des
préoccupations des élus locaux.
A l'évidence, le Sénat est une institution moderne, ouverte et
dynamique ; c'est une raison de plus pour vider la querelle sur le mandat,
il faut l'espérer, d'une manière définitive.
Avec un régime électoral rénové, le Sénat
sera mieux à même d'assurer, dans la sérénité
et en dehors de toute vaine polémique institutionnelle, ses missions
constitutionnelles. Au surplus, un Sénat, conforté par une
représentativité renouvelée, devrait en toute logique,
avoir des compétences plus affirmées pour les textes
concernant les collectivités territoriales
.
Dans cette perspective, le groupe de réflexion formule plusieurs
propositions destinées à consolider la fonction du Sénat
comme représentant des collectivités territoriales :
- la
création d'un observatoire sénatorial de la
décentralisation
;
- la publication régulière de rapports d'information sur la
décentralisation ;
- le développement du questionnement sur les problèmes des
collectivités territoriales ;
-
une meilleure identification du rôle législatif du
Sénat à l'égard des textes relatifs aux
collectivités territoriales
(dépôt en premier lieu sur
le Bureau du Sénat, absence de déclaration d'urgence et
application du régime juridique des lois organiques).
A cet effet, le groupe de réflexion souhaite la
poursuite de la
navette sur la proposition constitutionnelle adoptée par le Sénat
en juin 2000
, cette proposition pouvant constituer le point de
départ d'une réflexion d'ensemble sur une relance de la
décentralisation.
A l'égard des Français de l'étranger
, le groupe de
réflexion a retenu plusieurs propositions ou recommandations de nature
à améliorer la participation aux élections au Conseil
supérieur des Français de l'étranger et à mieux
marquer la fonction de représentation par le Sénat des
Français expatriés, notamment par la publication
périodique de rapports d'information sur les problèmes des
Français de l'étranger.
Fort de ses spécificités,
le Sénat doit assumer
pleinement sa vocation première d'assemblée parlementaire
, en
veillant à un meilleur équilibre entre les deux piliers de
l'activité parlementaire, d'une part l'élaboration de la loi et
d'autre part le contrôle, l'évaluation et la prospective.
Pour le groupe de réflexion, le Sénat doit mieux
légiférer pour plus de contrôle et de débat en
séance publique.
A cet effet, le groupe de réflexion, sous la double réserve du
respect des prérogatives gouvernementales et du droit d'amendement de
chaque sénateur, estime souhaitable, sans altérer la
qualité du débat, de
moderniser et de diversifier les
procédures d'examen des textes en fonction de leur objet
(vote en
commission de certains textes, discussion des textes sur la base des
conclusions de la commission, simplification des procédures
abrégées). Cette diversification des procédures, qui ont
pour point commun d'entraîner un accroissement du rôle
délibératif des commissions, permettrait d'assurer une meilleure
articulation entre le travail en commission et en séance publique pour
consacrer plus de temps à la fonction de contrôle.
Le Président PONCELET l'a souligné avec force et le groupe de
réflexion partage ce point de vue :
le contrôle, pris au
sens large, doit devenir la « seconde nature » du
Parlement
, lequel doit partager son temps entre l'examen de textes
gouvernementaux et les débats généraux qui
intéressent les Français dans leur vie quotidienne.
Pour mieux marquer l'importance de la
fonction de contrôle, le groupe
de réflexion propose de la mentionner expressément à
l'article 24 de la Constitution
:
« Le parlement vote la
loi et contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue la
législation et les politiques publiques. »
Pour accroître l'autonomie d'initiative des deux assemblées,
une deuxième séance mensuelle réservée serait
instituée
notamment dans la perspective d'assurer un
débouché en séance publique aux travaux de contrôle
des commissions ou des délégations, mais aussi pour rattraper le
retard de transposition des directives et de ratification des ordonnances.
En vue d'une meilleure coordination ou synergie des actions de contrôle,
d'évaluation ou de prospective, conduites par les commissions ou les
délégations, dont les moyens devraient être
renforcés, un
programme semestriel serait établi par une
réunion spéciale de la Conférence des
Présidents
.
Le groupe de réflexion estime souhaitable que les
procédures
de questionnement
en séance publique soient rénovées
et dynamisées, notamment en ce qui concerne les séances de
questions d'actualité qui devraient être plus spontanées et
faire l'objet d'une programmation une fois par semaine, le mardi
après-midi. Une fois par mois, une séance de
« questions orales thématiques » permettrait aux
Sénateurs d'interroger le Gouvernement sur des problèmes
intéressant les collectivités territoriales ou sur des sujets de
société. Le groupe de réflexion recommande
également un renouveau des questions orales avec débat,
recentrées sur les sujets les plus sensibles, ainsi qu'une
amélioration du délai de réponse aux questions
écrites.
« Chambre de réflexion », le Sénat doit
également accorder toute sa place à la prospective.
Concernant l'Europe, l'International et la Communication, le groupe de
réflexion a été amené à constater que
beaucoup avait été réalisé dans ces trois domaines
à partir des conclusions du groupe de travail de 1990, amplifié
et diversifié au cours de ces dernières années avec, en
particulier, la création de la Chaîne Public-Sénat.
Le Sénat n'a pas à « rougir » de son
bilan : les Sénateurs travaillent beaucoup, les Sénateurs
travaillent bien, encore faut-il le faire mieux savoir, grâce notamment
à une meilleure lisibilité ou une meilleure visibilité des
travaux parlementaires. En particulier, l'objectif de chaque instant doit
demeurer d'assurer la diffusion la plus large possible des rapports du
Sénat auprès du grand public et des élus locaux car les
rapports législatifs, les rapports d'information des commissions et des
délégations, les rapports d'enquête constituent, avec les
comptes rendus des séances, le meilleur vecteur de la communication
d'une assemblée parlementaire.
Comme on peut le voir, les propositions, recommandations ou suggestions du
groupe de réflexion sont de portée ou d'importance
variable : certaines exigent une modification de la Constitution, d'une
loi organique ou d'une loi ordinaire, d'autres passent par une révision
du Règlement du Sénat, d'autres encore supposent de simples
changements de pratique.
La préoccupation de base du groupe de réflexion a
été de formuler des propositions simples, pragmatiques et
adaptées qui se présentent plutôt comme des pistes de
réflexion. Si elles étaient retenues, les modalités
pratiques de leur mise en oeuvre relèveraient bien entendu de
l'appréciation des organes compétents du Sénat, raison
pour laquelle le groupe n'a pas souhaité à ce stade entrer dans
le détail des mesures proposées.
Par-delà la diversité des propositions, la volonté commune
est claire : rénover et moderniser l'image du Sénat,
conforter sa crédibilité auprès de l'opinion publique et
des médias, donner un nouvel élan au bicamérisme.
Avec un régime électoral renouvelé et modernisé
(mandat de 6 ans, rééquilibrage entre scrutin majoritaire et
représentation proportionnelle, mise à jour du nombre et de la
répartition des sièges de sénateurs, prise en compte du
fait départemental et régional, représentation plus juste
des communes les plus peuplées), le Sénat verra sa
légitimité consolidée avec, en parallèle, une
réaffirmation et un renforcement de ses compétences
législatives et de contrôle, notamment dans le domaine des
collectivités locales. Ces deux orientations sont complémentaires
voire indissociables. Plus précisément, la réduction du
mandat sénatorial à 6 ans ne devrait intervenir que sous la
réserve d'un rééquilibrage entre scrutin majoritaire et
représentation proportionnelle et sous la condition que les
compétences du Sénat soient mieux affirmées à
l'égard des textes législatifs relatifs aux collectivités
territoriales.
Mais la rénovation de l'institution sénatoriale ne saurait se
limiter aux travaux d'un groupe de travail ou de réflexion,
constitué tous les dix ans :
la modernisation de la
« Maison Sénat » doit être une
préoccupation permanente, elle est l'affaire de tous et d'abord et avant
tout de chaque Sénateur
; son succès suppose le
consensus le plus large entre les groupes politiques. Aujourd'hui comme hier,
toutes les énergies et toutes les compétences doivent être
mobilisées pour faire en sorte que l'image du Sénat
reflète la spécificité de son rôle
irremplaçable de chambre de réflexion et de
prospective.
* 1 Le groupe de réflexion n'a pas manqué de se reporter aux travaux menés d'octobre 1989 à février 1991 par MM. Henri de RAINCOURT, Guy ALLOUCHE, Gérard LARCHER et Jean FAURE, Secrétaires du Bureau du Sénat dont les rapports de février 1990 et février 1991, comportant une réflexion d'ensemble et des propositions de réforme du fonctionnement du Sénat, constituent deux documents de référence.
* 2 36 681 y compris l'outre-mer, dont 6 dépourvues de population.