EXAMEN EN DÉLÉGATION

La délégation s'est réunie le mercredi 23 janvier 2002 pour l'examen du présent rapport.

M. Jacques Bellanger :

Je suis parfaitement opposé au principe de la « respiration » du capital d'EDF et de GDF. D'autant plus que nous sommes dans le cadre de l'examen d'une proposition de directive européenne, où cette question ne figure pas. Jamais la Commission européen n'a demandé l'ouverture du capital des entreprises publiques.

M. Aymeri de Montesquiou :

Absolument. Libéralisation ne veut pas dire privatisation. Je ne fais que simplement traduire les aspirations de deux entreprises qui veulent bénéficier d'opportunités d'augmenter leur capital pour pouvoir attaquer les marchés étrangers.

M. Jacques Bellanger :

C'est une interprétation qui, en l'état actuel des choses et dans la conception que nous avons du service public, est totalement exclue aujourd'hui pour le groupe auquel j'appartiens.

M. Aymeri de Montesquiou :

Le premier intéressé, M. Gadonneix, président de Gaz de France, a fait récemment une déclaration publique réclamant l'ouverture du capital de son entreprise. Si GDF ne peut pas augmenter sa capacité financière, il sera réduit à être un simple propriétaire de tuyaux et de stockages. Il sera totalement dépendant de l'extérieur pour pouvoir fournir du gaz. Je crois que c'est vraiment tuer Gaz de France que de l'empêcher d'ouvrir son capital.

M. Jacques Bellanger :

D'abord, la situation de Gaz de France n'est pas la même que celle d'EDF. Il est certain que les présidents de ces sociétés ont un certain nombre de désirs. Mais, jusqu'à nouvel ordre, ces entreprises appartiennent à l'ensemble des Français. C'est à la collectivité nationale de faire ces choix, et non pas aux présidents de ces sociétés.

M. Marcel Deneux :

La nécessité d'ouvrir le capital m'apparaît comme une évidence pour GDF. En ce qui concerne EDF, je n'ai pas l'impression que son statut actuel l'empêche de prospérer.

M. Aymeri de Montesquiou :

Il faut souligner simplement que nos partenaires européens trouvent inacceptable qu'on achète des sociétés chez eux et qu'il n'y ait pas de réciprocité. C'est un problème de bon sens. Tout le monde sait ce qui s'est passé en Italie avec la Montedison.

M. Robert del Picchia :

Je confirme que le problème des représentants d'EDF que je rencontre dans les pays où je circule, l'Autriche et l'Allemagne, est qu'ils identifient des opérations rentables mais se heurtent à un problème financier, faute de pouvoir échanger du capital. Il faut savoir ce que l'on veut faire d'EDF.

M. Jacques Bellanger :

Remettons les choses au point. D'abord, je crois savoir qu'EDF a quand-même pu faire des achats en Allemagne. Deuxièmement, je regrette que nous reprenions les arguments de nos concurrents. La finalité de la libéralisation du marché de l'électricité reste la baisse des prix. Or, les prix ont baissé en France de 9,3 %, avec une société d'Etat et un monopole entamé pour les gros consommateurs. Pendant la même période, les prix ont augmenté de 0,8 % en Allemagne et de 13,2 % en Angleterre. Donc, cette baisse des prix n'est pas forcément dépendante d'un changement de statut.

Je ne suis pas fermé à toute évolution, mais cela demandera un certain temps, parce que nous avons un certain nombre d'obligations sociales et que le service public n'est pas considéré en France comme dans le reste de l'Europe. J'ai entendu M. André Roussely, le président d'EDF, lorsqu'il a déclaré que, pour garantir une exploitation normale, il préférait payer le prix social. Je crois que voter ce type de résolution actuellement c'est jouer inutilement les boutefeux, alors qu'EDF est une entreprise qui fonctionne bien.

M. Aymeri de Montesquiou :

Je ne vois pas en quoi l'ouverture du capital, à partir du moment où la majorité de 51 % est conservée par l'Etat, peut remettre en cause des conditions sociales tout à fait exceptionnelles. Le président Roussely considère qu'il faut acheter la paix sociale. C'est un point de vue qui se comprend. Je signale quand même que le prix en est de 2 milliards de francs, à la charge finale du consommateur.

M. Jacques Bellanger :

Je conteste également le calendrier proposé pour l'ouverture à la concurrence du marché résidentiel. Je pense d'ailleurs que c'est tout à fait contraire à l'objectif visé par notre rapporteur, qui est de maintenir une péréquation tarifaire.

M. Aymeri de Montesquiou :

On peut s'inspirer du secteur des télécommunications, qui a su sauvegarder le principe de la péréquation tout en s'ouvrant à la concurrence.

M. Jacques Bellanger :

Je suis également très réservé sur le principe de l'accès des tiers aux stockages de gaz, car ceux-ci conditionnent la sécurité d'approvisionnement et ne sont pas indéfiniment extensibles.

Quant à la proposition d'un fonds de compensation pour le financement des obligations de service public, je ne suis pas sûr que ce soit très efficace, si j'en crois le précédent des télécommunications.

M. Aymeri de Montesquiou :

Sur le principe, tout le monde est d'accord pour qu'il y ait un véritable service public et que chacun ait accès à l'électricité.

*

* *

A l'issue de ce débat, la délégation a autorisé la publication du présent rapport, et conclu au dépôt d'une proposition de résolution dans les termes suivants, le groupe socialiste votant contre :

Proposition de résolution

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 96/92/CE et 98/30/CE concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel (E 1742),

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les conditions d'accès au réseau pour les échanges transfrontaliers d'électricité (E 1742),

Invite le Gouvernement à inscrire dès que possible à l'ordre du jour des assemblées le projet de loi de transposition de la directive 98/30/CE du 22 juin 1998 concernant les règles communes pour le marché intérieur du gaz ;

Invite le Gouvernement à autoriser la « respiration » du capital qui seule peut permettre à EDF et à GDF de tirer le meilleur parti des opportunités offertes par la réalisation du marché intérieur de l'énergie ;

Approuve le calendrier proposé pour l'ouverture totale à la concurrence du marché professionnel, puis résidentiel, de l'électricité et du gaz ;

Demande au Gouvernement :

- d'accepter l'introduction d'un système de tarifs réglementés pour l'accès des tiers aux stockages de gaz ;

- de s'opposer à la séparation juridique obligatoire des gestionnaires de réseaux de distribution ;

- de soutenir l'obligation faite à chacun des Etats membres de mettre en place un régulateur indépendant, distinct de l'autorité de concurrence de droit commun ;

- de veiller à ce que les surcoûts liés aux obligations de service public soient pris en charge par l'ensemble des opérateurs, par l'intermédiaire de fonds de compensation.

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