2. Comment faire baisser le taux de chômage d'équilibre ?
La baisse du taux de chômage d'équilibre est un enjeu crucial. Même si des nuances d'estimation existent, la plupart des experts estiment que ce taux de chômage atteint aujourd'hui 9 %. Autrement dit, le retour au plein-emploi suppose de le réduire.
Votre délégation a récemment présenté un rapport dédié à ce sujet 8 ( * ) . Votre rapporteur vous renvoie à ses conclusions. Mais il souhaite, dans le cadre du présent rapport, mettre en évidence quelques problématiques d'actualité.
• Parmi les stratégies envisageables pour réduire le taux de chômage inflationniste, figure la hausse de la participation au marché du travail des personnes en âge de travailler. Le taux d'activité est, rappelons-le, particulièrement faible en France. La principale mesure prise par le gouvernement pour le redresser est la prime pour l'emploi. Votre rapporteur souligne qu'en projection ses effets sont presque nuls : le taux d'activité des 15-60 ans ne se relève pas. Cela n'est pas surprenant, car le bilan de ce dispositif en termes d'incitation à travailler, tel qu'il a été établi par de nombreux experts, est, a priori , très faible. Votre rapporteur, qui ne peut pas être insensible à la réduction des prélèvements fiscaux que cette mesure comporte et à son inspiration incitatrice au travail, considère que cette mesure, par ailleurs peu lisible, aurait mérité d'être mieux étayée. Elle est bien loin de recouvrir l'excellente proposition de la commission des finances du Sénat d'instaurer un revenu minimum d'activité (RMA). Pourtant, le gouvernement souhaite l'accentuer. Mais sans doute est-il plus sensible à son impact sur le revenu des bénéficiaires qu'à la recherche de solutions alternatives visant à réellement augmenter le taux d'activité de nos compatriotes.
Votre rapporteur s'étonne en particulier, même si lesdites propositions appelaient un approfondissement, qu'aucune des conclusions du rapport du Conseil d'analyse économique sur les retraites progressives n'aient, jusqu'à présent, trouvé de traduction législative.
• La plupart des études conclut qu'une réduction du taux de chômage d'équilibre suppose une modération salariale . En bref, les coûts salariaux unitaires ne doivent pas s'accentuer face à un essor des créations d'emplois. Cette conclusion peut apparaître tautologique. Elle ne l'est pas. Pour qu'une telle configuration survienne, il faut en effet sans doute en appeler à la responsabilité des acteurs sociaux, qui doivent adopter des comportements compatibles avec une évolution sage des salaires . Mais, il faut aussi conduire de bonnes politiques économiques . Votre rapporteur ne considère pas que les orientations du gouvernement répondent à cette condition . Il en donnera deux exemples.
La politique autoritaire de réduction du temps de travail lui semble, en tant que telle, source de rigidification du fonctionnement du marché du travail . Elle renforce la segmentation du marché du travail, aggravant la pénurie de main-d'oeuvre dans les secteurs en expansion et présente une contrainte peu réaliste sur l'offre de travail de ceux qui souhaiteraient travailler davantage. En bref, elle entraîne des pertes de production. Les seules contributions de la réduction du temps de travail à la baisse du taux de chômage d'équilibre proviennent de l'allégement du coût du travail qui lui est associé et de la flexibilité accrue des conditions de travail. Votre rapporteur souligne que la seconde aurait pu être négociée en dehors de toute obligation légale et que le premier, qui n'est pas financé, aurait été, mieux ciblé, plus efficient.
La deuxième illustration a trait à la gestion par l'Etat des fonctions publiques. L'un des devoirs de l'Etat est que sa « politique de personnel » n'évince pas l'emploi privé et reste compatible avec la modération des tensions salariales dans le secteur non public . A ce titre, votre rapporteur s'inquiète des orientations que dessinent les projets de loi de finances publiques en cours de discussion : le retour à un rythme de créations nettes d'emploi élevé ; la réduction du temps de travail étendue aux fonctions publiques. Votre rapporteur observe que l'Etat employeur accentue par ces orientations, non seulement les problèmes d'équilibre des comptes publics, mais aussi le caractère déloyal de la concurrence qu'il livre aux autres agents économiques du pays.
* 8 « Le retour au plein-emploi ? ». Rapport n° 345 du 30 mai 2001, Joël BOURDIN, Délégation du Sénat pour la planification.