2. Des dégâts matériels considérables

Un peu moins de six mois après les événements, le bilan des dégâts ne peut encore être établi avec précision. Particuliers, entreprises, exploitants agricoles, collectivités publiques, tous ont été sévèrement touchés.

a) Les particuliers

Au total, plus de 700 maisons ont été évacuées, 2.000 inondées dont 400 ont subi de graves dommages. Les dégâts les plus importants se concentrent dans les communes d'Abbeville, de Fontaine-sur-Somme, Mareuil-Caubert, Amiens, Cagny et Camon.

Selon les éléments communiqués à la commission d'enquête, le coût moyen des travaux par maison serait compris entre 100.000 et 150.000 francs. 32 demeures devront être détruites puis reconstruites totalement.

Le montant total des dégâts au titre des catastrophes naturelles était estimé, à la fin du mois de juillet, à 100 millions d'euros, soit plus de 650 millions de francs.

Indépendamment du préjudice financier qu'elles ont subies, nombre de personnes sinistrées ont également été profondément affectées par la perte de leurs biens, l'évacuation prolongée de leurs demeures, l'incertitude sur la possibilité de les réintégrer, l'angoisse de nouvelles inondations avec le retour des précipitations à l'automne.

Votre commission d'enquête s'est également inquiétée des risques sanitaires engendrés par l'ampleur et la durée des inondations. Les enquêtes de la direction départementale de l'action sanitaire et sociale de la Somme n'ont relevé aucun problème majeur, M. Jean-Luc Desmet, directeur de ce service, ayant simplement indiqué que les contrôles de la qualité de l'eau avaient révélé une augmentation du taux de nitrates, prévisible mais peu inquiétante.

b) Les activités économiques

Les trois chambres de commerce et d'industrie d'Abbeville, d'Amiens et de Péronne, la chambre des métiers et la chambre d'agriculture de la Somme ont recensé les activités sinistrées et communiqué leurs premiers bilans à la commission d'enquête.

(1) Les dommages aux entreprises

Les entreprises sinistrées sont bien plus nombreuses que les entreprises inondées. Tous les secteurs ont été touchés, qu'il s'agisse de l'industrie, du commerce, de l'artisanat ou encore du tourisme.

Ainsi, à Abbeville, les crues ont contraint une cinquantaine d'entreprises à interrompre partiellement ou totalement leur activité. La plus importante d'entre elles, la COMAP, est une filiale du groupe Legris dont l'activité principale est la robinetterie. Elle emploie 250 salariés et réalise un chiffre d'affaires d'environ 200 millions de francs. Les inondations ont conduit le groupe à rechercher un nouveau site, éventuellement hors de la ville, ce qui a provoqué une vive inquiétude de la population.

Sans être physiquement touchées, un grand nombre d'entreprises ont subi une perte indirecte en raison d'interruptions des commandes et des difficultés de livraison dues à la coupure des routes.

Les difficultés sont d'autant plus grandes que la plupart des entreprises étaient convenablement assurées pour leurs biens immobiliers et leur matériel mais non pour leurs stocks et leurs pertes d'exploitation.

Les conséquences des inondations sur les activités touristiques ont été particulièrement sensibles. Le secteur concerne 2.800 entreprises et représente 9.000 emplois dans le département. Une trentaine d'établissements ont été inondés -terrains de camping, hôtels, etc- et une chute de la fréquentation de 10 % à 35 %  a été enregistrée, pour une part du fait des mauvaises conditions climatiques, mais également en raison de l'image négative produite par les média, dont se sont plaints les représentants des chambres de commerce et d'industrie.

(2) Les dommages agricoles

Les exploitations agricoles ont particulièrement souffert des inondations du printemps 2001, et ce sur l'ensemble du bassin.

Les évaluations établies par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt dans le cadre de la procédure des calamités agricoles demeurent provisoires. Leur montant s'élevait à environ 23 millions de francs, sans compter le coût de la reconstitution des fonds pour les hortillonnages.

Toutes les personnes entendues par la commission d'enquête ont insisté sur la nécessité de dresser un bilan à l'issue des récoltes, qu'il s'agisse de M. Jean-Charles Catteau, président de la chambre départementale d'agriculture ou des représentants des syndicats d'exploitants agricoles.

(a) Les dommages provoqués par les crues

Les dommages spécifiques aux crues ont été circonscrits au lit majeur 28 ( * ) des cours d'eau. Ils ont principalement affecté les prairies permanentes et les hortillonnages d'Amiens.

M. Philippe Caron, directeur départemental de l'agriculture, a indiqué aux membres de la commission d'enquête que quatre exploitants agricoles avaient dû être évacués à Fontaine-sur-Somme.

La submersion pendant plusieurs mois des prairies naturelles a détruit les cultures d'hiver, retardé les plantations de printemps et dégradé la structure des sols. Les terres ne retrouveront probablement leur production normale que dans deux ou trois ans.

L'approvisionnement en fourrage du bétail n'a pu être assuré que grâce à la solidarité d'autres départements, en particulier des Bouches-du-Rhône et de la Dordogne.

Vingt-cinq hectares des hortillonnages de la région d'Amiens ont été abîmés. Aux pertes sur récoltes subies par les maraîchers, estimées à 2,5 millions de francs, se sont ajoutées les pertes de fonds dues à la durée de la submersion. La dégradation des hortillonnages, qui constituent l'une des attractions du département, a également affecté le secteur du tourisme.

LES HORTILLONNAGES

Trois cents hectares de jardins s'étendent au coeur de l'agglomération amiénoise. Ils sont entrecoupés de 55 kilomètres de rieux. La découverte de ce site ne s'effectue qu'en barque, ou à pied, depuis le chemin de halage. Les hortillonnages sont d'anciens marais composés à l'origine de treize bras de la Somme et de fossés. Les Romains donnèrent le nom « hortus » (jardin) à ces terres. Ils furent les premiers à drainer les marécages puis à y entretenir des cultures maraîchères pour nourrir leurs troupes. Les cultures se sont progressivement étendues sur le site et la culture maraîchère amiénoise connut son plein essor au XIX e siècle. Les paysans exploitaient aussi les hortillonnages afin d'extraire la tourbe qui, une fois séchée, servait de combustible.

Au début du siècle, on comptait encore un millier de maraîchers, appelés aussi les « hortillons ». Ils accédaient à leur parcelle en barque à cornet dont une extrémité relevée permettait d'accoster sans détériorer les berges. Ils vivaient de leur production, vendue au marché sur l'eau, quai Parmentier, puis revendue aux halles de Paris. Le marché se tient encore de nos jours, sur ce même quai, tous les samedis matins. Aujourd'hui, il reste encore quelques familles d'hortillons qui vivent de leur production. La richesse de la terre permet trois récoltes par an. Désormais, les parcelles servent principalement de jardins d'agrément.

Source : Office du tourisme d'Amiens

(b) Les cultures situées en dehors de la zone inondée

Les dégâts sont également importants en dehors de la zone inondée, qu'il s'agisse de pertes de récoltes dues aux intempéries ou même de pertes de fonds.

La saturation des sols n'a bien souvent permis d'implanter les cultures qu'à partir du mois de mai. Ce retard risque d'affecter les rendements et les conditions de récolte.

* 28 A ses plus hautes eaux, lorsqu'elle déborde de son cours habituel, une rivière occupe son lit majeur. Le lit mineur se mesure entre les berges franches, où le cours d'eau coule la plupart du temps.

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