C. LA POLITIQUE DE L'AUTRUCHE : L'ABSENCE DE CONSTITUTION DU FOREC
1. Un blocage de nature politique...
L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale
prévoit que
« le Fonds de financement de la réforme
des cotisations patronales »
est un établissement public
administratif.
Pour que cette création soit effective, il faudrait qu'un décret
en Conseil d'Etat soit adopté en conseil des ministres :
« un décret en Conseil d'Etat fixe la composition du
conseil d'administration, constitué de représentants de l'Etat,
ainsi que la composition du conseil de surveillance, comprenant notamment des
membres du Parlement et des représentants des organisations syndicales
de salariés et des organisations d'employeurs les plus
représentatives au plan national. Ce décret en Conseil d'Etat
fixe également les conditions de fonctionnement et de gestion du
fonds »
.
Le Parlement fustige souvent « l'administration », coupable
de retarder l'application des mesures qu'il a votées.
Ici, l'administration n'est pas en cause : c'est le Gouvernement qui a
bloqué toute parution du décret, même s'il a le front de
prétendre le contraire aux parlementaires. Ce qui est très
injuste à l'égard des fonctionnaires auxquels votre rapporteur
tient, quant à lui, à rendre hommage.
Mme Dominique Gillot (15 novembre 2000) : « Il a fallu un certain temps à l'administration... »
M.
Charles Descours, rapporteur
. Nous vous demandons pourquoi le FOREC, qui a
été créé par une loi, n'est toujours pas mis en
place (...)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat
. Je vous rassure tout de
suite, monsieur le rapporteur, le décret de création du FOREC est
actuellement soumis au Conseil d'Etat et va sortir sous peu.
Il a
effectivement fallu un certain temps à l'administration pour aboutir
à cette étape
.
M. Jean Delaneau, président de la commission des Affaires
sociales
. On verra !
in JO Débats Sénat, séance du 15 novembre 2000, p. 6088.
En
effet, la Direction de la sécurité sociale a transmis au ministre
de l'Emploi et de la Solidarité un avant-projet de décret
dès le
17 décembre 1999,
avant même la promulgation
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Le
7 janvier 2000
, la Direction de la sécurité sociale
transmet au cabinet une note prévoyant que la gestion administrative du
fonds sera confiée au Fonds de solidarité vieillesse. Compte tenu
des procédures de consultation et d'avis (caisses nationales/Conseil
d'Etat), la publication du décret est prévue à la fin du
mois de février ou au début du mois de mars.
Le comité interministériel de coordination en matière de
sécurité sociale (DSS, DGEFP, DARES, DAGEMO, DGCP, DB, DEPSE),
examine l'avant-projet de décret le
12 janvier 2000
et le
modifie. La direction du budget estime qu'il est suffisant de prévoir
une seule réunion annuelle du conseil de surveillance. Elle souhaite
également que les exonérations accordées en janvier 2000
soient rattachées au FOREC
31(
*
)
.
Le
28 janvier 2000
, le Directeur de la sécurité sociale
écrit à la Direction de la comptabilité publique en lui
joignant le projet de décret. Des dispositions sont également
prévues pour prévoir l'embauche de personnels régis par la
convention collective de la sécurité sociale.
Le
9 février 2000
, la Direction de la sécurité
sociale rend compte à la ministre de la réunion du 12 janvier
2000 et envoie le projet de décret. Compte tenu de l'annulation de la
taxe sur les heures supplémentaires, la DSS propose que les
exonérations de janvier 2000 soient laissées à la charge
de l'Etat.
Le
21 février 2000
, la DSS dresse des perspectives
financières désastreuses pour le FOREC, en se fondant sur des
nouvelles prévisions de la DARES en date du 11 février, et
propose à la ministre de demander, dans le cadre du collectif
budgétaire, soit la majoration de la dotation budgétaire, soit
l'affectation d'une nouvelle recette au fonds.
Comme la décision politique n'intervient pas, le décret portant
création du fonds n'est pas présenté au Conseil d'Etat.
Une deuxième tentative intervient alors en
avril 2000
. Il est
alors imaginé de mettre en place le dispositif dans la deuxième
quinzaine de décembre 2000, et donc de faire paraître le
décret entre fin octobre et fin novembre. En effet, aucun budget ne peut
être présenté et adopté par le conseil
d'administration avant le règlement juridique de l'exercice 2000. Ce
règlement juridique ne peut intervenir qu'à l'issue du vote du
PLFSS 2001, voire du deuxième collectif budgétaire.
Le ministère de l'Economie et des Finances est, à ce moment, du
même avis. En
mai 2000
, dans la réponse au questionnaire de
M. Didier Migaud, rapporteur général du budget à
l'Assemblée nationale, il plaide pour une accélération de
la procédure.
Réponse du ministère de l'Economie et des
Finances
au questionnaire de M. Didier Migaud (mai 2000)
« Le décret relatif au FOREC n'est toujours pas publié, ni le directeur ni les membres du CA n'ont été nommés et les conventions financières régissant les relations Etat/FOREC et FOREC/sécurité sociale restent à rédiger. Il paraît indispensable de lancer la procédure en Conseil d'Etat au plus tard courant juillet et nommer un directeur en septembre dernier délai pour lui laisser trois mois pour préparer le budget 2001 et les conventions. » 32( * )
Rapport AN, n° 2387, p. 51
Un
projet de décret a été examiné par le conseil
d'administration de l'ACOSS le
27 octobre 2000
, qui a émis un
avis négatif.
Le décret a été examiné par le Conseil d'Etat le
21 novembre 2000
.
Le
29 novembre 2000
, le Directeur de la sécurité sociale
écrit à M. Christian Vigouroux, directeur de cabinet de
madame la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en vue d'une
« réunion interministérielle prévue à
Matignon le 1
er
décembre »
. Compte tenu des
différentes prévisions de dépenses, qui ne correspondent
pas aux « affichages normés » du PLFSS 2001 -dont la
discussion n'est toujours pas terminée au Parlement- le Directeur de la
sécurité sociale propose que le décret sorte dans les
premiers jours de décembre et que des crédits budgétaires
soient prévus dans le collectif 2000.
Mais le collectif budgétaire de décembre 2000 ne comprendra pas
de mesures d'équilibre. Et le décret ne sort pas dans les
premiers jours de décembre.
Il semble que la réunion interministérielle du 1
er
décembre 2000 ait conclu à l'urgence d'attendre.
Le blocage se situe ainsi au niveau du cabinet du Premier ministre.
2. ... pour tenter de masquer le déficit du financement des trente-cinq heures
Tant que
le FOREC n'est pas constitué, il n'y a pas de
« budget » en tant que tel à afficher
33(
*
)
.
Par définition, le Fonds ne dispose ni de conseil d'administration, ni
de conseil de surveillance, censé pallier la visibilité
budgétaire pour le moins déficiente du fonds.
Les conventions de trésorerie, prévues à l'article L.
131-11, entre le fonds et les organismes de protection sociale et le fonds et
l'Etat, censées
« garantir la neutralité en
trésorerie des flux financiers pour les organismes de
sécurité sociale »
n'ont pas à être
conclues.
Enfin, le mécanisme particulier du Fonds, qui est dérogatoire par
rapport au cadre général de l'article L. 131-7 du code de la
sécurité sociale (compensation par le budget de l'Etat des
exonérations de cotisations), n'a pas à s'appliquer.
En effet, selon l'article L. 131-9, si les pertes de recettes des
régimes de sécurité sociale excèdent les recettes
du fonds, l'Etat se substitue pour compenser le manque à gagner, dans
les conditions prévues par l'article L. 131-7. Tant que le fonds
n'est pas constitué, l'Etat n'est pas tenu de compenser, même si
les opérations sont déficitaires.