Le fond de financement des 35 heures
Charles Descours
Rapport d'information - commission des Affaires sociales
Rapport au format Acrobat ( 272 Ko )Table des matières
-
I. LE FOREC : LE GRAND ÉCART DÈS SA
NAISSANCE
-
A. UN MÉCANISME PÉRIMÉ DÈS
L'ORIGINE
- 1. L'équation improbable : financer les trente-cinq heures sans augmenter les prélèvements
- 2. La solution contestable : la théorie des retours pour les finances publiques
- 3. Le schéma initial : la contribution directe des organismes de sécurité sociale
- 4. La réalité : une contribution des organismes de sécurité sociale désormais indirecte
- B. UN TITRE ERRONÉ POUR UNE RÉFORME ABANDONNÉE
- C. DES LIGNES DE DÉFENSE SUCCESSIVEMENT ENFONCÉES
-
A. UN MÉCANISME PÉRIMÉ DÈS
L'ORIGINE
- II. LE FINANCEMENT DES TRENTE-CINQ HEURES EN 2000 : UN TROU CONSTATÉ DE 13 MILLIARDS DE FRANCS
- III. LE FINANCEMENT DU FOREC EN 2001 : UN DÉFICIT QUI DEVIENT STRUCTUREL
-
IV. LA GESTION DU FINANCEMENT DES TRENTE-CINQ
HEURES : UNE « POLITIQUE PUBLIQUE » AUX MULTIPLES
ERREURS
- A. LES PRÉVISIONS « NORMÉES » : QUELQUES MÉTHODES POUR MASQUER LE COÛT DES TRENTE-CINQ HEURES
-
B. UNE ACCUMULATION D'ERREURS : LES DÉBOIRES
CONSTITUTIONNELS DU GOUVERNEMENT
- 1. Le refus d'un collectif social
-
2. Trois inconstitutionnalités
- a) La taxe sur les heures supplémentaires : d'une recette de trésorerie à une recette comptable
- b) La taxe générale sur les activités polluantes : chronique d'une inconstitutionnalité annoncée
- c) Le projet de loi de financement 2001 et le collectif budgétaire de fin d'année : un collectif social déguisé
- C. LA POLITIQUE DE L'AUTRUCHE : L'ABSENCE DE CONSTITUTION DU FOREC
- V. LE RETOUR ... DES « RETOURS POUR LES FINANCES PUBLIQUES » : LA GRANDE MENACE SUR LA SÉCURITÉ SOCIALE
- TRAVAUX DE LA COMMISSION
-
ANNEXE I
-
QUESTIONNAIRE ADRESSÉ LE 10 JANVIER 2001
PAR LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
ET RÉPONSES DU GOUVERNEMENT -
ANNEXE II
-
LISTE DES NOTES COMMUNIQUÉES
PAR LES MINISTÈRES
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC)
Par M.
Charles DESCOURS,
Sénateur.
LE FONDS DE FINANCEMENT
DES TRENTE-CINQ HEURES :
UN
DÉFICIT STRUCTUREL, UNE EXISTENCE VIRTUELLE,
UNE MENACE
RÉELLE
SUR LES COMPTES DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
NB : Le présent rapport, adopté par la
commission des Affaires sociales lors de sa séance du 5 avril 2001, est
le premier d'une série de travaux sur l'application de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001 qui feront l'objet
de communications échelonnées jusqu'à fin mai
(contrôles du fonds de réserve des retraites, des fonds
médicaux et du fonds d'investissement pour les crèches, analyses
des comptes à mi-parcours à l'issue de la réunion de la
Commission des comptes de la sécurité sociale de mai). Ces
différents travaux seront regroupés pour une publication
définitive, mi-juin, sous la forme d'un rapport d'information unique.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
L'examen des lois de financement de la sécurité sociale n'est pas
un exercice rituel qui réunit le Parlement quelques jours à
l'automne ; c'est un travail tout au long de l'année qui mobilise les
rapporteurs de votre commission pour suivre l'application de la loi
votée et réunir, en amont, les éléments
nécessaires à une analyse pertinente du prochain projet de loi.
L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
1997 prévoit en effet que les rapporteurs des projets de loi de
financement de la sécurité sociale ont le pouvoir de suivre et de
contrôler,
« sur pièces et sur place, l'application
de ces lois auprès des administrations de l'Etat et des
établissements publics compétents. Réserve faite des
informations couvertes par le secret médical ou le secret de la
défense nationale, tous les renseignements d'ordre financier et
administratif de nature à faciliter leur mission doivent leur être
fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tout document
de quelque nature que ce soit »
.
Dans le cadre de ces prérogatives particulières et permanentes
qui leur sont accordées par la loi, les rapporteurs des lois de
financement avaient décidé d'engager, au début de
l'année 2000, plusieurs missions de contrôle « sur
pièces et sur place » dans les organismes de protection
sociale. Gestion des exonérations de cotisations sociales,
difficultés de fonctionnement dans les caisses d'allocations familiales,
mise en oeuvre de la couverture maladie universelle avaient été
ainsi analysées
1(
*
)
.
Pour 2001, dès le 10 janvier, à la suite des décisions du
Conseil constitutionnel des 19 et 28 décembre 2000, votre rapporteur a
été conduit à adresser un questionnaire
2(
*
)
à Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et
de la Solidarité.
Fin janvier
3(
*
)
, M. Jean Delaneau,
président, précisait que les rapporteurs des lois de
financement
4(
*
)
avaient décidé de
faire porter, pour l'exercice 2001, leurs investigations sur les nombreux fonds
sociaux créés par les lois de financement : fonds de
financement des trente-cinq heures, fonds de réserve des retraites,
fonds d'investissement pour les crèches et fonds médicaux et
hospitaliers.
Constatant notamment le caractère sommaire des réponses
apportées à son questionnaire du 10 janvier, votre rapporteur a
effectué, le 14 février 2001, une série de
contrôles « sur pièces et sur place » à
l'ACOSS, au ministère de l'Emploi et de la Solidarité (Direction
de la sécurité sociale) et au ministère de l'Economie et
des Finances (Direction du budget).
Le présent rapport constitue la synthèse des informations
rassemblées à cette occasion.
*
* *
Croire
que le choix de contrôler le « fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale » (FOREC) est né de l'opposition de la majorité
sénatoriale à la politique de réduction du temps de
travail relèverait au mieux d'un malheureux contresens et au pire du
procès d'intention.
La loi du 19 janvier 2000, dite « loi Aubry II », est
désormais une « loi de la République ».
Aussi le présent rapport n'a pas pour objet de se prononcer sur
la
pertinence de la loi sur la réduction négociée du temps de
travail
, mais sur
la gestion du dossier du financement des trente-cinq
heures
par le Gouvernement.
Cette gestion -on n'ose utiliser le terme de « politique
publique »- est à proprement parler catastrophique. Recettes
surestimées, dépenses sous-estimées, erreurs
constitutionnelles répétées : il est à
espérer que la doctrine en écrive un jour l'histoire de
manière complète et que celle-ci serve de (contre)modèle
dans les écoles d'administration publique.
Encore faut-il rappeler que ce rapport n'aborde pas la question du financement
des trente-cinq heures dans la fonction publique, qui relève de la
compétence de votre commission des Finances sous réserve
naturellement de l'impact de la réduction du temps de travail dans la
fonction publique hospitalière, qui concerne directement les finances
sociales. Il ne s'agit ici que du financement de la réduction du temps
de travail dans le secteur privé.
Le Gouvernement a fait le choix, pour tenter de compenser aux entreprises le
coût salarial des trente-cinq heures, de leur accorder un
allégement de charges sociales supplémentaire.
Les
dépenses occasionnées par les trente-cinq heures
dans
le secteur privé correspondent ainsi à des
pertes de
recettes
pour les organismes de sécurité sociale.
Le Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de
sécurité sociale (FOREC) a été créé
par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Il a
pour objet d'encaisser des recettes affectées et de rembourser, à
travers ses dépenses, les régimes sociaux (régime
général et régime agricole) de leurs pertes de recettes
liées aux exonérations de cotisations de sécurité
sociale.
Votre rapporteur s'en tiendra aux faits : un tel financement n'est pas
assuré. Le déficit cumulé est de l'ordre de 30 milliards
de francs sur les deux exercices 2000 et 2001.
Le Gouvernement ne s'est pas donné les moyens de financer sa
politique ; il s'est employé dès l'origine à en faire
supporter le poids à la sécurité sociale.
I. LE FOREC : LE GRAND ÉCART DÈS SA NAISSANCE
Mesure
phare du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2000, la création d'un établissement administratif chargé
de financer la réduction du temps de travail a été,
dès l'origine, un grand « trébuchoir » pour
le Gouvernement.
L'idée initiale était de respecter formellement la loi du 25
juillet 1994 qui a posé le principe d'une compensation intégrale
à la sécurité sociale des exonérations de
cotisations sociales décidées par l'Etat, mais de la violer en
réalité. Pour ce faire,
la sécurité sociale
devait verser une contribution à un fonds chargé de lui compenser
intégralement ses pertes de recettes.
Il suffisait d'y penser...
Las, dès avant le début de l'examen du projet de loi par le
Parlement, le Gouvernement était contraint, par les partenaires sociaux,
de revoir son dispositif tout en ayant de cesse de le réintroduire
grâce à un système de « tuyauteries »
opaque à dessein. La saga du FOREC avait commencé.
A. UN MÉCANISME PÉRIMÉ DÈS L'ORIGINE
La
complexité du FOREC ne peut en effet se comprendre sans revenir
longuement sur son schéma initial, consistant à faire participer
les régimes sociaux au financement des trente-cinq heures.
En raison de charges sociales élevées, principalement sur les bas
salaires, les politiques de l'emploi se sont développées depuis
la fin des années soixante-dix en utilisant le recours aux
exonérations de cotisations de sécurité sociale. Ces
politiques avaient l'inconvénient de priver la sécurité
sociale de ressources nécessaires à son équilibre. En
conséquence, la loi du 25 juillet 1994 a posé le principe
d'une compensation intégrale par l'Etat des exonérations de
cotisations de sécurité sociale.
L'article 131-7 du code de la sécurité sociale dispose ainsi que
« Toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de
cotisations de sécurité sociale, instituée à
compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du
25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu
à compensation intégrale aux régimes concernés par
le budget de l'Etat pendant toute la durée de son
application »
.
Dans le cadre de la réduction du temps de travail, compte tenu du
surcoût salarial pour les entreprises, le Gouvernement a étendu la
ristourne dégressive sur les bas salaires (jusqu'à 1,8 SMIC) et
accordé une aide pérenne de 4.000 francs par an et par
salarié.
1. L'équation improbable : financer les trente-cinq heures sans augmenter les prélèvements
En
l'absence de modification du cadre légal, la compensation de ces
exonérations de cotisations aurait fait l'objet d'une dotation
budgétaire, inscrite sur les crédits du ministère de
l'Emploi et de la Solidarité.
Un tel système aurait conduit à un gonflement important des
dépenses publiques, puisque le coût supplémentaire
représenté par les trente-cinq heures, en sus de la ristourne bas
salaires dite « ristourne Juppé » (40 milliards
de francs), était estimé dès 1999 à 65 milliards de
francs.
Mais le ministère de l'Economie et des Finances a plaidé
constamment pour éviter la création de dépenses
budgétaires nouvelles et l'accroissement des prélèvements
sur les entreprises.
Dès lors, cette situation a conduit le Gouvernement à envisager
la contribution des organismes de sécurité sociale, et donc
à modifier le cadre légal existant, pour les exonérations
relatives à la réduction du temps de travail.
Il annonçait, dès l'exposé des motifs du projet de loi
d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail
(la future « loi Aubry I ») et l'étude d'impact
jointe au projet, que la règle de compensation intégrale
prévue par l'article L. 131-7 du code de la sécurité
sociale ne serait pas respectée :
« Afin de tenir
compte des rentrées de cotisations que l'aide à la
réduction du temps de travail induira pour les régimes de
sécurité sociale
5(
*
)
, cette
aide donnera lieu, à compter du 1
er
janvier 1999, à un
remboursement partiel de la part de l'Etat aux régimes concernés.
Cette disposition figurera dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 1999, après concertation avec les
partenaires sociaux sur le taux de cette compensation. »
6(
*
)
Votre rapporteur a pu prendre connaissance d'une note de la Direction du
budget, en date du 15 février 1999, précisant que
« le dispositif permanent d'aide à la réduction du
temps de travail ne doit pas représenter un surcoût net pour les
finances publiques »
et préconisant
« de
s'orienter vers la mise en oeuvre d'un dispositif structurel d'aide à la
réduction du temps de travail compatible avec les perspectives des
comptes sociaux, strictement autofinancé par les retours attendus de la
réduction du temps de travail pour les comptes des
régimes »
.
Soumis à cette équation impossible,
financer les trente-cinq
heures sans augmenter les financements publics
, le Gouvernement a
imaginé la théorie des
« retours pour les finances
publiques »
afin de transférer aux organismes de
protection sociale (UNEDIC et régimes de sécurité sociale)
tout ou partie du financement de la réduction du temps de travail.
2. La solution contestable : la théorie des retours pour les finances publiques
Les « retours » pour les finances publiques étaient présentés ainsi par le Gouvernement en juin 1999 :
Extrait du rapport déposé par le Gouvernement
pour
le débat d'orientation budgétaire de juin 1999, p. 47-48.
« Les régimes sociaux sont les principaux
bénéficiaires des recettes financières suscitées
par la réduction du temps de travail
« Les « retours directs »
pour les
finances publiques de la réduction du temps de travail, peuvent
être classés en trois catégories : les cotisations
supplémentaires, les gains d'indemnisation de personnes initialement
sans emploi, enfin les recettes d'origine fiscale.
« 1. Les cotisations sociales supplémentaires
« La réduction du temps de travail entraîne des
cotisations sociales supplémentaires, patronales et salariales, qui
bénéficient aux différents régimes sociaux au
prorata des taux de cotisations correspondants.
« Les recettes attendues à ce titre devraient
représenter un montant de l'ordre de la moitié des retours en
direction des finances publiques.
« 2. Les gains d'indemnisation de personnes initialement sans
emploi
« La réduction du temps de travail permet d'insérer
dans l'emploi des personnes initialement au chômage et susceptibles de
bénéficier d'une indemnisation. Ce montant peut être
approché par le montant d'indemnisation du chômage : environ
la moitié des chômeurs est indemnisée, dont les trois
quarts au titre de l'allocation unique dégressive (AUD) et le reste au
titre de l'allocation de solidarité spécifique (ASS).
« Le gain moyen d'indemnisation associé au retour à
l'emploi de chômeurs pourrait en fait être supérieur
à l'indemnisation moyenne du chômage notamment parce que les
personnes qui ont davantage de chance d'être employées peuvent
avoir un profil les conduisant à recevoir un niveau d'indemnisation
moyen plus élevé.
« Les recettes attendues à ce titre devraient
représenter une part significative des retours pour les finances
publiques.
« 3. Les recettes d'origine fiscale
« La déformation des revenus a des effets en termes de
fiscalité, qui concernent essentiellement l'impôt sur le revenu
(IR) et la TVA. Le surcroît d'IR et de TVA serait directement lié
à l'accroissement de la masse salariale consécutive à la
réduction du temps de travail. Ces recettes, montant progressivement en
charge au cours des prochaines années, devraient représenter
moins d'un cinquième du total des retours attendus sur les finances
publiques.
« Ainsi le régime d'assurance chômage, qui
perçoit davantage de cotisations grâce à la progression de
la masse salariale et qui verse moins d'indemnisations chômage, compte
tenu de l'amélioration de l'emploi, saurait être un des
bénéficiaires importants de la réduction du temps de
travail. »
Selon une note de la Direction du budget du 20 mai 1999, la clef de
répartition de ces
« retours pour les finances
publiques »
devait être la suivante :
Clef de répartition des « retours » pour les
finances publiques
UNEDIC |
50 % |
Régimes de base |
32 % |
Etat |
18 % |
Cette
clef ne prenait pas en compte les régimes de retraite
complémentaire.
Peu importe que la théorie des retours s'appuie sur une
« démonstration » mathématique obscure et
contestable, dont personne n'est réellement dupe.
La réalité est plus prosaïque. Comme l'écrit
crûment la Direction du budget le 17 janvier 2000
« seules
ces structures
[l'UNEDIC et les organismes de sécurité
sociale]
sont durablement en mesure de dégager les marges de
financement nécessaires »
.
3. Le schéma initial : la contribution directe des organismes de sécurité sociale
Aucune
concertation n'a eu lieu, pendant toute l'année 1998, entre l'Etat et
les partenaires sociaux. La loi de financement de la sécurité
sociale pour 1999 n'a pas comporté la disposition annoncée, sans
que le Gouvernement n'ait pourtant changé d'un iota sa philosophie du
« recyclage »
7(
*
)
.
C'est à l'occasion du débat parlementaire sur la deuxième
loi sur les trente-cinq heures que cette contribution sera formalisée,
grâce au « fonds de financement ».
Les régimes sociaux et les partenaires sociaux ont
réaffirmé en juillet et en septembre 1999 leur opposition
à cette contribution.
Le plan de financement du FOREC présentait initialement une structure
à sections
a priori
« étanches » :
- la première réservée au financement de la
« ristourne Juppé » par la sécurité
sociale, à laquelle une recette (les droits sur les tabacs) aurait
été transférée parallèlement ;
- la deuxième réservée au financement, par la
contribution sociale sur les bénéfices (CSB) et la taxe
générale sur les activités polluantes (TGAP), du nouvel
allégement de charges réservé aux entreprises
passées à trente-cinq heures (extension de la ristourne
Juppé) ;
- la troisième destinée au cofinancement par l'Etat, les
régimes de sécurité sociale et le régime
d'assurance chômage, du coût de l'aide
« structurelle » à la réduction du temps de
travail.
La troisième section aurait été équilibrée
par construction, tandis que, pour la première, la
sécurité sociale aurait pu prendre en charge l'éventuel
décalage entre l'évolution de la recette tabacs et
l'évolution du coût de la ristourne bas salaires.
Dans le cas de la seconde section, le relèvement des taux de la CSB et
de la TGAP aurait pu compenser un déséquilibre éventuel.
Le schéma de financement initial comptait ainsi sur la création
et la montée en charge de deux véritables impositions, la
taxe
générale sur les activités polluantes
et la
contribution sociale sur les bénéfices
, censées
représenter chacune à terme un produit égal à 12,5
milliards de francs.
Ce schéma avait fait l'objet, au printemps 1999, de désaccords
importants entre Mme Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la
Solidarité, et M. Dominique Strauss-Kahn, alors ministre de l'Economie
et des Finances. L'arbitrage rendu par le Premier ministre ne semble pas avoir
survécu aux premières difficultés.
Il est vrai que le ministère de l'Economie et des Finances a toujours
été défavorable au scénario transformant la TGAP en
« impôt de rendement ». Il avait, pour ce faire, de
bonnes raisons qui, d'ailleurs, n'avaient pas échappé à
votre Commission lors de la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000.
« Une « bonne » fiscalité écologique
« Une « bonne » fiscalité écologique est a priori une fiscalité dont le rapport décroît avec le temps puisqu'elle doit inciter les usagers à modifier leur comportement. Le financement de charges rémanentes par le biais de la fiscalité écologique pose donc un problème sérieux d'adéquation des charges aux recettes dans la durée ».
Note de la direction du budget en date du 19 mai 1999
La volonté d'affecter la recette tabacs au fonds amiante, ainsi qu'à la CNAMTS dans le cadre de la création de la couverture maladie universelle (CMU) et la difficulté d'élever la CSB et la TGAP au niveau annoncé, ont mis fin à ce scénario à compartiments étanches.
Plan
de financement initial du fonds de financement
de la réforme des
cotisations patronales en 2000
Recettes |
Montant |
Dépenses |
Montant |
1ère section : financement de la ristourne Juppé |
|
|
|
Droits sur les tabacs |
39.500 |
Ristourne Juppé actuelle |
39.500 |
2ème section : financement de l'extension de la ristourne Juppé |
|
|
|
Taxe générale sur les activités polluantes |
3.250 |
Extension de la ristourne Juppé |
7.500 |
Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés |
4.250 |
|
|
Total |
7.500 |
Total |
7.500 |
3ème section : financement direct des trente-cinq heures |
|
|
|
Etat |
4.300 |
Aides 35 heures loi 13 juin 1998 (incitatives) |
11.500 |
Régimes sociaux |
6.200 |
Aides 35 heures 2ème loi RTT (aide structurelle) |
6.000 |
UNEDIC |
7.000 |
|
|
Total concours finances publiques |
17.500 |
Total financement direct des 35 heures |
17.500 |
TOTAL RECETTES 1+2+3 |
64.500 |
TOTAL DEPENSES 1+2+3 |
64.500 |
A terme, le financement aurait été le suivant :
Plan
de financement du fonds de financement
de la réforme des cotisations
patronales à terme
Recettes |
Montant |
Dépenses |
Montant |
1ère section |
|
|
|
Droits sur les tabacs |
40.000 |
Ristourne Juppé actuelle |
40.000 |
2ème section |
|
|
|
Taxe générale sur les activités polluantes |
12.500 |
Extension de la ristourne Juppé |
25.000 |
Contribution sociale sur les bénéfices des sociétés |
12.500 |
|
|
Total |
25.000 |
Total |
25.000 |
3ème section |
|
|
|
Etat |
7.200 |
Aides 35 heures |
40.000 |
Régimes sociaux |
12.800 |
|
|
UNEDIC |
20.000 |
|
|
Total concours finances publiques |
40.000 |
Total financement direct des 35 heures |
40.000 |
TOTAL RECETTES 1+2+3 |
105.000 |
TOTAL DEPENSES 1+2+3 |
105.000 |
Les
modalités de versement du fonds des
« contributions » des organismes sociaux étaient
décrites par l'article 11 paragraphe XVI du projet de loi sur la
réduction négociée du temps de travail
adopté en
première lecture par l'Assemblée nationale
le 19 octobre 1999
et par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000
déposé à l'Assemblée
nationale
le 6 octobre 1999.
Par l'intermédiaire du fonds, les régimes sociaux auraient
été, dans une première étape, intégralement
remboursés des exonérations de charge, puis se seraient
acquittés, dans une deuxième étape, de leur
« contribution ».
Les règles servant à calculer le montant et l'évolution de
ces contributions auraient été définies par voie de
convention entre l'Etat et chacun des organismes concernés, ou à
défaut de la conclusion de telles conventions avant le 31 janvier 2000,
par décret en Conseil d'Etat.
Une fois pris le décret en Conseil d'Etat, des arrêtés
conjoints des ministres chargés de la Sécurité sociale, de
l'Emploi et du Budget auraient fixé le montant prévisionnel des
contributions dues au cours de l'exercice -ce montant pouvant, le cas
échéant, être révisé en cours d'année-
et le montant des régularisations dues au titre de l'exercice.
Ces contributions présentaient ainsi le caractère
d'impositions.
Or, le législateur est seul compétent pour
fixer les règles concernant
« l'assiette, le taux et les
modalités de recouvrement des impositions de toutes
natures »
, selon l'article 34 de la Constitution du
4 octobre 1958. En ne fixant aucune de ces règles, tant le projet
de loi relatif à la réduction du temps de travail que le projet
de loi de financement de la sécurité sociale
méconnaissaient la compétence du législateur.
En cas d'échec -prévisible- des conventions, un décret en
Conseil d'Etat, suivi d'arrêtés ministériels, pris selon
l'imagination de leurs auteurs, aurait constitué le seul régime
juridique de ces contributions. Par « anticipation », le
secrétaire général de la Commission des comptes de la
sécurité sociale avait, sur demande du cabinet du ministre de
l'Emploi et de la Solidarité, d'ores et déjà imputé
5,5 milliards de francs de « dépenses » aux branches
du régime général.
Le Gouvernement s'apprêtait tout simplement, en octobre 1999, à
violer la Constitution, en opérant des
« prélèvements de droit
divin »
8(
*
)
sur les régimes
sociaux.
Devant la pression des partenaires sociaux, le Gouvernement renonçait
finalement à une « contribution directe » de
l'UNEDIC. Puis, après une négociation engagée en
catastrophe le 20 octobre 1999, le ministère de l'Emploi et de la
Solidarité, annonçait le 25 octobre, en fin d'après-midi,
que le Gouvernement renonçait également aux
prélèvements sur les régimes de sécurité
sociale. La discussion à l'Assemblée nationale de la
première lecture du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 s'ouvrait vingt-quatre heures plus
tard.
4. La réalité : une contribution des organismes de sécurité sociale désormais indirecte
Les
branches du régime général de la sécurité
sociale auraient dû logiquement
« récupérer » les 5,5 milliards de francs
« provisionnés » par le rapport de la Commission des
comptes de la sécurité sociale.
Mais le Gouvernement décida de diminuer les recettes du régime
général... à hauteur de 5,5 milliards de francs, afin de
les affecter au « fonds de réserve » des retraites,
à travers 49 % du prélèvement social, de 2 % sur les
revenus du patrimoine et les produits de placement.
Dans le même temps, 5,6 milliards de francs (47 % des droits de
consommation sur les alcools) de recettes du Fonds de solidarité
vieillesse (FSV) étaient affectés au FOREC.
La première série de « tuyauteries »
était mise en place. Cette opération sera poursuivie, à
plus grande échelle encore, par la loi de financement pour 2001.
B. UN TITRE ERRONÉ POUR UNE RÉFORME ABANDONNÉE
1. Une synthèse douteuse
La
Direction du budget n'était pas favorable à la création
d'un établissement public
« ad hoc ».
Elle
préconisait une section comptable particulière au sein de
l'ACOSS.
Dans une note du 20 mai 1999, elle constatait en effet :
« la
création d'un établissement public présente des
inconvénients certains en termes de gestion administrative (insertion
d'un intermédiaire supplémentaire) sans présenter
d'avantages décisifs »
.
Elle jugeait en outre cette création
« peu cohérente
avec l'idée qu'à l'issue de la période de montée en
charge, ces nouveaux allégements de charges ont vocation à
être également intégrés au
barème »
.
L'avantage décisif d'un « fonds de financement »,
pour le Gouvernement, était de prétendre réaliser la
synthèse de deux promesses électorales : les trente-cinq heures
et la réforme des cotisations patronales.
2. La réforme imaginaire des cotisations patronales
Malgré les engagements pris par la majorité
issue des
élections du printemps 1997, et grâce à deux rapports qui
se sont (opportunément ?) neutralisés -le rapport
Chadelat
9(
*
)
, favorable à un passage
progressif à une assiette valeur ajoutée, et le rapport
Malinvaud
10(
*
)
, défavorable à une
telle évolution-, l'assiette des cotisations patronales de
sécurité sociale est restée assise sur les seules
rémunérations.
La dénomination initiale du FOREC était
« fonds de
financement de la réduction du temps de travail »
.
Le choix de l'intitulé «
fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales
» présentait
l'avantage de faire accroire qu'une telle réforme avait eu lieu puisque
l'on était au stade de son financement.
Il n'en est évidemment rien : le calcul des cotisations patronales
n'est aucunement affecté par un élément « valeur
ajoutée », un élément
« pollution » ou un élément
« bénéfices » ni
a
fortiori
par
un élément « tabac » ou
« alcool ».
En revanche, le coût des exonérations de cotisations sociales
accordées dans le cadre de la réduction du temps de travail est
bien financé en 2000 par quatre impositions affectées (tabacs,
droits sur les alcools, contribution sociale sur les bénéfices,
taxe générale sur les activités polluantes) que sont venus
compléter en 2001 deux prélèvements supplémentaires
(une fraction de la taxe sur les conventions d'assurance et la taxe sur les
véhicules de sociétés).
La
non-réforme de l'assiette des cotisations patronales
Mme Martine Aubry, (novembre 1999) : « C'est maintenant chose
faite »
« Le Gouvernement a souhaité (...) réformer les cotisations patronales pour alléger les charges sur les bas et les moyens salaires, notamment dans les secteurs de main-d'oeuvre. Il s'agit d'une des plus importantes innovations de ce projet de loi . A la suite de ce que nous avions fait, voilà deux ans, en transférant les cotisations maladie des salariés vers la CSG, c'est-à-dire en faisant financer les cotisations salariées non plus seulement sur les salaires mais aussi sur l'ensemble des autres revenus, notamment ceux du capital et ceux du patrimoine, j'avais annoncé l'année dernière, au nom du Gouvernement, une réforme visant à élargir l'assiette des cotisations sociales payées par les entreprises. C'est maintenant chose faite , au moyen d'une taxe sur les bénéfices des entreprises de plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires et d'une taxe sur les activités polluantes. »
JO Débats Sénat, séance du 16 novembre 1999.
M. Alfred Recours (octobre 2000) : « Le FOREC porte bien son nom... »
« Le FOREC porte bien son nom, dans le sens où il traduit dans les faits une réforme des cotisations patronales de sécurité sociale » .
(Assemblée nationale, rapport de M. Alfred Recours sur le PLFSS 2001, p. 51).
C. DES LIGNES DE DÉFENSE SUCCESSIVEMENT ENFONCÉES
Face aux
critiques des parlementaires de l'opposition, estimant que le fonds
était une opération de débudgétisation de grande
ampleur et que le Gouvernement mélangeait financement de la politique de
l'emploi et financement de la sécurité sociale, trois arguments
ont été avancés par le Gouvernement au cours des
débats parlementaires de 1999 (loi de financement pour 2000) et 2000
(loi de financement pour 2001) :
la pérennité
,
le
contrôle
et
la transparence
.
L'Assemblée nationale a, quant à elle, introduit l'affirmation
d'un principe de
neutralité
pour la sécurité
sociale.
Toutefois, les mérites éminents et nombreux prêtés
par le Gouvernement à son fonds sont devenus, au fil des mois,
particulièrement fragiles dès lors qu'un retard fâcheux,
puis incompréhensible, puis, enfin, franchement inquiétant,
était pris dans la publication de ses décrets d'application.
Aujourd'hui, ces « mérites » doivent être
appréciés au regard des réalités qui sont cruelles.
La
pérennité
se traduit par un déficit de
financement ; le
contrôle,
par une absence totale de
contrôle, notamment de la part des partenaires sociaux ; la
transparence,
par une suite de manipulations de recettes et la
neutralité,
par une lourde charge de trésorerie pour la
sécurité sociale, qui vient en sus des contributions qu'elle a
dû apporter.
1. La pérennité
La
relecture du dossier de presse distribué à l'occasion de la
réunion de la Commission des comptes de la sécurité
sociale du 21 septembre 1999 ne laisse aucun doute ; c'est l'argument de la
pérennité qui est tout d'abord mis en avant par le
ministère de l'Emploi et de la Solidarité :
« Afin
d'assurer la pérennité des allégements de charge, il est
créé un « fonds de financement de la réforme des
cotisations patronales de sécurité sociale »,
établissement public doté d'un conseil de surveillance comprenant
notamment des membres du Parlement et des représentants des partenaires
sociaux »
11(
*
)
.
Le rapport Malinvaud venait en effet de montrer l'importance d'assurer aux
entreprises qu'un allégement de charges soit
« pérenne » et non susceptible d'être remis en
cause d'une année sur l'autre.
2. Le contrôle
Face aux
critiques de sa majorité plurielle, dont certaines composantes
estimaient que les allégements de charges représentaient des
« cadeaux » au « patronat », l'argument
du « contrôle » est ensuite mobilisé : le
FOREC permettra de contrôler l'utilisation des baisses de charge.
Ce
« fonds indépendant »
est en quelque sorte
le premier gage donné aux auteurs de la proposition de loi relative
à la création de la commission de contrôle des fonds
publics accordés aux entreprises, déposée le 14 octobre
1999 et devenue la loi n° 2001-7 du 4 Janvier 2001 relative au
contrôle des fonds publics accordés aux entreprises.
Mme Martine Aubry (octobre 1999) : « Justement pour pouvoir contrôler... »
Mme
Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité.
Pourquoi
créer un fonds indépendant ? Puisque vous posez la question sur
un ton aussi critique, je vous rappelle que le premier fonds de cette nature,
le FSV, c'est vous qui l'avez créé. C'est exactement le
même type de fonds, le même établissement public que nous
mettons en place en marge du budget de la sécurité sociale.
M. François d'Aubert.
Pas du tout !
M. Bernard Accoyer.
Le FSV a une vocation sociale : sauver les retraites
!
Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.
Pourquoi ce
choix ? Justement pour pouvoir contrôler -et la gauche y tient beaucoup-
l'utilisation des baisses de charges.
Nous avons prévu, dans la loi sur la réduction de la durée
du travail, que l'Etat, chaque année, ferait un rapport au conseil de
surveillance du fonds et au Parlement, pour montrer quelles sont les
conséquences de la réduction des charges sociales sur l'emploi.
Si c'est cela, monsieur d'Aubert, refuser le contrôle du Parlement, je ne
sais pas comment nous pourrions mieux faire !
M. Charles de Courson.
Si vous aviez intégré le fonds dans
le budget, ce serait encore mieux !
Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.
Non, car nous
souhaitons que ce fonds soit individualisé pour pouvoir en mesurer les
effets bénéfiques et pour pouvoir aussi y affecter certaines
ressources.
in JO Débats Assemblée nationale, 3
ème
séance du 27 octobre 1999, p. 8304.
3. La transparence
Totalement absent de la loi de finances dès 2001 du fait de la disparition de toute dotation budgétaire, présenté de manière pour le moins succincte en loi de financement, puisque le Parlement ne se prononce que de manière implicite sur ses recettes (apparaissant dans les catégories « impôts et taxes » et « contributions publiques » des recettes de la loi de financement), le FOREC présente toutefois, aux yeux du Gouvernement, le mérite essentiel de la « transparence ».
Mme Martine Aubry (28 octobre 1999): « Voilà ce que nous ferons parce que, nous, nous souhaitons la transparence »
Mme
la ministre de l'Emploi et de la Solidarité
. Nous avons choisi la
formule de l'établissement public administratif comme vous-mêmes
l'aviez fait lorsque vous avez créé le FSV. Pourquoi ? Pour
assurer une plus grande transparence. Pour que le nouveau fonds puisse
percevoir des recettes fiscales comme le FSV, et Jérôme Cahuzac a
rappelé hier combien les recettes fiscales du FSV étaient
multiples et variées. Pour qu'il y ait un conseil de surveillance
spécifique qui permette de faire toute la clarté sur les
conséquences des baisses des charges.
A la demande du groupe communiste, nous avons accepté dans la loi sur la
durée du travail, et c'est un gage de démocratie, que le
Gouvernement remette chaque année un rapport mesurant les effets de la
baisse des charges sur l'emploi. C'est très important, car nous, nous
souhaitons qu'il y ait des contreparties en matière d'emploi. Ce rapport
sera contradictoire. Il sera en effet présenté au Conseil
national de la négociation collective.
Les avis du patronat et des syndicats y seront joints. Il sera ensuite remis au
conseil de surveillance qui, représentant lui-même les
parlementaires et les partenaires sociaux, pourra formuler son avis. Enfin, il
sera déposé au Parlement.
Voilà ce que nous ferons, car nous, nous souhaitons la transparence.
C'est une condition de la démocratie que l'on puisse savoir à
quoi les fonds publics sont utilisés et surtout s'ils remplissent
l'objectif qui leur est assigné, en l'occurrence la création
d'emplois.
in JO Débats Assemblée nationale, 1
ère
séance du 28 octobre 1999, p. 8330
Un an plus tard, Mme Elisabeth Guigou, lors de la discussion du projet de loi
de financement de la sécurité sociale pour 2001, tiendra un
discours similaire :
Mme Elisabeth Guigou (26 octobre 2000): « Dans un souci de clarté et de transparence »
Mme
Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité
. Sur le
principe, si le Gouvernement a décidé, l'année
dernière, de créer un établissement public pour assurer le
financement de l'ensemble de l'allégement des charges sur les bas et
moyens salaires mis en place dans le cadre de la réduction du temps de
travail, c'est dans un souci de clarté et de transparence,...
M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis
. Evidemment !
Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.
... afin
d'isoler le coût et le financement de ces dispositifs. De surcroît,
le FOREC garantit les modalités de financement puisqu'il est soumis
à une obligation d'équilibre entre ses recettes et ses
dépenses.
M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis.
Très bien !
Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité.
C'est donc bien
une logique de clarté, de transparence et d'équilibre qui a
conduit à la création d'un établissement public
administratif. Je trouve cette logique plutôt saine et je ne comprends
vraiment pas qu'on veuille la remettre en cause en proposant la suppression de
cet article.
in JO Débats Assemblée nationale, 1
ère
séance du 26 octobre 2000, p. 7562.
Mme
Dominique Gillot : « Une telle décision paraît
plutôt saine... »
(Sénat, 15 novembre 2000)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le décret de création est au Conseil d'Etat, et c'est l'ACOSS qui, pour le moment, agit au nom du FOREC ! Ce choix, en permettant d'isoler le coût du dispositif, répond à un objectif de clarté et de transparence. Il en assure également les modalités de financement puisque le fonds est contraint à une obligation d'équilibre entre ses recettes et ses dépenses. C'est cette logique qui a conduit à la création d'un établissement public administratif. Une telle décision paraît plutôt saine, et je ne comprends pas votre volonté de la remettre en cause aujourd'hui en proposant la suppression de l'article 11. Sauf à conclure que vous souhaitez seulement couper les « tuyaux », asphyxier le dispositif et tuer la RTT !
in JO Débats Sénat, séance du 15 novembre 2000, p. 6094.
4. La neutralité
Alors
que le texte original du Gouvernement laissait planer l'ambiguïté,
l'Assemblée nationale a entendu poser un certain nombre de garde-fous.
Ces contraintes tendent à éviter que la sécurité
sociale ne fasse les frais d'un abondement insuffisant du FOREC.
Tout d'abord, à la suite d'une intervention de M. Jérôme
Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des Finances, le Fonds est
considéré comme un « organisme concourant au
financement des régimes de base ». Il bénéficie
d'une annexe, l'annexe
f)
, qui permet de disposer des comptes
prévisionnels de cet organisme, au même titre que le Fonds de
solidarité vieillesse. Ses recettes, incluses initialement dans la
catégorie « cotisations effectives » (!) se
retrouvent dans la catégorie « impôts et
taxes » des prévisions de recettes de la loi de financement de
la sécurité sociale
12(
*
)
.
Ensuite, le fonds a une exigence d'équilibre :
« Les
recettes et les dépenses du fonds doivent être
équilibrées dans les conditions prévues par la loi de
financement de la sécurité sociale »
(nouvel
article L. 131-10 du code de la sécurité sociale). Cette phrase,
issue d'un amendement de M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis
de la commission des Finances, a été complétée par
un sous-amendement de M. Alfred Recours, précisant que
« le
solde annuel des dépenses et des recettes du Fonds doit être
nul ».
L'amendement Cahuzac :
« les dépenses
doivent
correspondre aux recettes, et inversement »
M.
Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des
Finances, de l'Economie générale et du Plan.
L'équilibre futur du fonds est un enjeu important, nous l'avons tous
souligné. Nos collègues de l'opposition ont insisté
là-dessus, c'est bien normal. Il faut que ce fonds soit abondé
régulièrement dans le cadre des lois de financement. C'est la
moindre des choses. A partir du moment où nous avons
décidé que la transparence et la cohérence seraient les
deux règles qui s'imposeraient dans la gestion de ce fonds, les
dépenses doivent correspondre aux recettes, et inversement. C'est un
amendement de cohérence avec l'esprit même du projet de loi de
financement de la sécurité sociale et notamment avec l'article 2,
qui institue le fonds.
(...)
M. Alfred Recours, rapporteur de la commission des Affaires culturelles,
familiales et sociales, pour les recettes et l'équilibre
général.
Le Parlement doit en effet prendre ses
responsabilités en votant l'équilibre du fonds. L'amendement
déposé par M. Cahuzac au nom de la commission des Finances me
paraît tout à fait légitime. Il a d'ailleurs
été adopté par notre commission. Celle-ci a
néanmoins tenu à préciser que le solde annuel des
dépenses et des recettes du fonds devait être nul. Peut-être
est-ce un peu rigoureux ? J'observe que l'amendement de M. Cahuzac donnerait,
par lui-même, en grande partie satisfaction à notre commission.
(...)
Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité.
Le
Gouvernement est favorable à l'amendement n° 4
présenté par M. Cahuzac. Cet amendement reprend d'ailleurs les
dispositions existant pour le FSV. Il permet de garantir l'équilibre
entre les recettes et les dépenses du fonds sur l'ensemble de
l'année. Il n'empêche pas ce fonds d'être
éventuellement en excédent. C'est d'ailleurs la raison pour
laquelle je suis réservée sur le sous-amendement. Je pense que
M. Recours et M. Cahuzac veulent éviter l'un et l'autre tout
déficit. Mais je crois que l'on peut admettre
l'éventualité d'un excédent, et donc s'en tenir à
l'amendement de M. Cahuzac.
in JO Débats Assemblée nationale,
2
ème
séance du 28 octobre 1999, p. 8358.
Par ailleurs, si les dépenses du fonds connaissent un dérapage,
l'Etat est alors tenu -au nom du respect de l'article L. 131-7- de compenser
à la sécurité sociale le manque à gagner :
« Les versements mentionnés aux a, b et c du 1°
ci-dessus se substituent à la compensation par le budget de l'Etat
prévue à l'article L. 131-7 sous réserve que cette
compensation soit intégrale. Dans le cas contraire, les dispositions
prévues à l'article L. 131-7 s'appliquent ».
Cette disposition, introduite par amendement de M. Alfred Recours en nouvelle
lecture, n'a pas fait l'objet de travaux parlementaires étendus.
Elle apparaît cependant d'une clarté limpide.
Enfin, l'article 5 de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000 a également introduit un article L. 131-11 au code de
la sécurité sociale, prévoyant que
« les
relations financières entre le fonds et les organismes de protection
sociale, d'une part, le fonds et l'Etat, d'autre part, font l'objet de
conventions destinées notamment à garantir la neutralité
en trésorerie des flux financiers pour les organismes de
sécurité sociale ».
Non seulement le FOREC doit être neutre comptablement pour les organismes
de sécurité sociale, mais selon la loi, il doit être
également neutre en trésorerie.
Pour l'ACOSS, le remplacement d'une dotation budgétaire par un
versement du Fonds de financement est neutre... à supposer que les
recettes du FOREC correspondent aux pertes de recettes des régimes
sociaux.
Le contrôle effectué par votre rapporteur a montré que ce
n'était absolument pas le cas.
II. LE FINANCEMENT DES TRENTE-CINQ HEURES EN 2000 : UN TROU CONSTATÉ DE 13 MILLIARDS DE FRANCS
L'établissement public n'est, pour l'instant, toujours
pas
constitué.
Ce retard représente pour le Gouvernement un avantage : tant que le
FOREC n'est pas constitué, son « déficit »
n'apparaît nulle part.
Pour le moment, l'ACOSS joue le rôle de
« collecteur » des recettes du FOREC. Votre rapporteur a pu
constater que cette mission n'avait pas été sans lui poser des
problèmes, puisqu'une discordance a longtemps existé entre les
montants des recettes enregistrées par le ministère de l'Economie
et des Finances et l'ACOSS.
Lorsque votre rapporteur a effectué son contrôle sur pièces
et sur place, le 14 février 2001, l'ACOSS disposait déjà
des chiffres définitifs pour 2000.
A. DES RECETTES INFÉRIEURES AUX « PRÉVISIONS »
1. Un total à peine supérieur à 59 milliards de francs
En 2000, le montant global des recettes encaissées a été de 59 milliards de francs , à comparer aux 63,9 milliards de francs prévus par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 et à l'évaluation de 67 milliards de francs figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Recettes du FOREC janvier - décembre
2000 :
des
prévisions aux réalisations
(en millions de francs)
|
Prévisions PLFSS 2000 |
Prévisions PLFSS 2001 |
Résultats 2000 |
RECETTES |
|
|
|
Tabacs |
39.500 |
44.600 (2) |
38.431 |
TGAP |
3.250 |
2.800 |
2.599 |
CSB |
4.250 |
3.800 |
2.769 |
Alcools |
5.600 |
6.100 |
5.541 |
Alcools FSV |
- |
5.400 |
5.400 |
Contribution budgétaire |
4.300 |
4.300 |
4.300 |
Taxe sur les heures supplémentaires (1) |
7.000 |
- |
- |
TOTAL |
63.900 |
67.000 |
59.040 |
(1)
recette annulée par la
décision du Conseil constitutionnel 13 janvier 2000.
(2)
y compris le reliquat de droits tabacs de 3,1 milliards de
francs.
Par rapport aux prévisions initiales, la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 et la loi de finances rectificative
pour 2000 avaient tenté un « colmatage », à
travers l'affectation de l'intégralité des droits sur les alcools
au FOREC dès 2000, au détriment du FSV, et d'un reliquat de
droits tabacs affecté initialement à l'Etat (8,5 milliards de
francs de recettes supplémentaires).
L'écart entre les prévisions et les encaissements s'explique
principalement pour deux raisons :
- le produit décevant des « nouveaux
impôts »
;
- la présentation douteuse par le Gouvernement, lors de la
discussion des deux derniers projets de loi de financement de la
sécurité sociale, des évaluations de recettes.
L'effet des décisions du Conseil constitutionnel sur les recettes 2000
doit en conséquence être relativisé.
2. Le produit décevant des « nouveaux impôts »
Pour
2000, tant la contribution sociale sur les bénéfices que la taxe
générale sur les activités polluantes n'ont pas atteint
les montants escomptés.
Lors de son entretien avec votre rapporteur, le 14 février 2001,
à l'occasion du contrôle au ministère de l'Economie et des
Finances, Mme Sophie Mahieux, Directeur du Budget, a reconnu que
la
contribution sociale sur les bénéfices
(- 1.450 millions de
francs par rapport à la prévision initiale) avait fait l'objet
d'une erreur d'évaluation par les services du ministère de
l'Economie et des Finances.
Cette nouvelle contribution a été considérée comme
un « succédané » de l'impôt sur les
sociétés. Or, le champ des entreprises qui lui sont assujetties
n'est pas identique. L'évolution n'est pas calée par rapport au
résultat imposable. La CSB est marquée par l'effet
« solde-acompte » : en 2001, les entreprises versent des
acomptes sur 2001 et le solde 2000. En 2000, elles n'ont versé que des
acomptes pour 2000, sans s'acquitter d'un solde pour 1999 : la CSB
n'était pas un « impôt mûr ».
S'agissant de la
taxe générale sur les activités
polluantes
(- 650 millions de francs par rapport à la
prévision initiale), il est utile, pour expliquer la moins-value
constatée, de revenir au chiffre définitif de l'année
1999, première année de perception de cette taxe : celle-ci
était censée rapporter 1,935 milliard de francs. Selon la
Cour des comptes
13(
*
)
, le montant final est
proche de la prévision révisée de la loi de finances
rectificative (1,8 milliard de francs). En conséquence, il y a un
« effet base » 1999.
Le dispositif d'élargissement de l'assiette de la TGAP adopté par
l'article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2000 (lessives, granulats, produits phytosanitaires) et d'intégration de
la taxe et de la redevance sur les installations classées était
censé procurer 1,1 milliard de francs supplémentaires
14(
*
)
. Il semble que cet effet ait été
surévalué d'environ 500 millions de francs.
3. La présentation douteuse des recettes du FOREC
Compte
tenu de la « débudgétisation » du FOREC, les
parlementaires ne disposent pour analyser sa situation que de l'annexe
f)
du projet de loi de financement de la sécurité sociale,
fort succincte sur la partie « recettes », et du
« jaune » budgétaire
« Bilan des
relations financières entre l'Etat et la protection
sociale »
.
En ce qui concerne les
droits sur les alcools
, votre rapporteur
s'était inquiété des différences d'estimations de
recettes entre ces deux documents officiels.
Les prévisions de recettes « droits alcools » du FOREC
(en millions de francs)
Recettes |
Annexe PLFSS |
Annexe PLF |
Ecart |
47 % droits consommation alcools |
5.600 |
np |
- |
Reste droits alcools FSV |
5.880 |
np |
- |
Total droits alcools 2000 |
11.500 |
11.068 |
432 |
Droits alcools 2001 |
12.000 |
11.570 |
362 |
np : non précisé
Une différence de 432 millions de francs en 2000 et de 362 millions de
francs en 2001 apparaissait entre les deux « sources »
gouvernementales, ce qui peut s'expliquer par une différence entre des
prévisions établies en
« encaissements/décaissements » et des
prévisions établies en « droits
constatés ».
S'agissant des
droits sur les tabacs
, l'écart entre les
prévisions de septembre 2000, présentées à l'annexe
f)
du PLFSS pour 2001, et les résultats définitifs est
important (6 milliards de francs) : il ne s'explique pas seulement par la
décision du Conseil constitutionnel, qui intervient pour 3,1 milliards
de francs.
En fait, la prévision, annoncée en septembre 1999, de 39,5
milliards de francs, intégrait la mise en place de la réforme
d'accélération des procédures de reversement aux
affectataires, qui permettait de faire apparaître un mois double en
octobre 2000.
Le projet d'accélération des circuits de reversement des droits sur les tabacs
La
recette d'un mois est aujourd'hui transférable aux affectataires le mois
suivant.
Le ministère de l'Economie et des Finances souhaite supprimer
l'étape de la centralisation des sommes dans les recettes
régionales. Mis en place au moment judicieux,
l'accélération permettrait de rattacher la recette de
décembre (évaluée de 3 à 3,3 milliards de francs)
à l'année en cours, en comptabilité de caisse comme en
comptabilité de droits constatés.
Cette accélération, qui nécessite des modifications des
circuits informatiques de la Direction générale des douanes et
des droits indirects, s'est avérée impossible à mettre en
oeuvre : d'abord prévue pour septembre 2000, puis pour janvier 2001,
elle ne serait susceptible d'intervenir qu'au 1
er
juillet 2001.
Cette réforme n'a pas eu lieu en 2000 : l'administration a
été au courant de cette mauvaise surprise dès mars 2000.
En revanche, un gain exceptionnel et non reconductible de 1,78 milliard de
francs réalisé en début d'année a été
constaté, suite à un report de la date d'exigibilité
applicable au SEITA.
Le soupçon de votre rapporteur reprend alors forme : les recettes du
FOREC auraient-elles été présentées au Parlement
en droits constatés
, permettant de rattacher à l'exercice
2000 un certain nombre de « bonnes nouvelles » ?
Une note du 27 novembre 2000 de la Direction de la sécurité
sociale vient confirmer ses craintes.
Pour rendre plus crédible l'« affichage » de
certaines recettes du FOREC lors du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 et 2001, le Gouvernement a choisi de
les présenter en
droits constatés
et non en
encaissements-décaissements
. Mais les dépenses du FOREC
restaient en
encaissements/décaissements
...
Autant dire que le compte FOREC 2000 de l'annexe
f)
du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001 n'avait
décidément ni queue ni tête.
Le système aurait permis de valoriser lors du débat parlementaire
les recettes tabacs 2000 de 3,7 milliards de francs, les recettes alcools
2000 de 400 millions de francs et les recettes TGAP de 200 millions de francs.
Encaissements/décaissements et droits constatés
(en millions de francs)
Recettes |
Prévisions affichées lors du PLFSS (droits constatés) |
Encaissements/
|
Ecart |
Droits tabacs(*) |
41.500 |
37.800 |
3.700 |
Droits alcools |
11.500 |
11.100 |
400 |
TGAP |
2.800 |
2.600 |
200 |
(*)
hors les 3,1 milliards de francs prévus initialement
Or, si les comptes du FOREC, comme ceux de l'ensemble des régimes et
des organismes de sécurité sociale, doivent être
effectivement établis en droits constatés, le Parlement continue
d'examiner les chiffres de la loi de financement en
encaissements/décaissements.
Les comptes des régimes et organismes font normalement l'objet d'un
« retraitement » en encaissements/décaissements.
Dans le cas du FOREC, comme l'établissement public n'était
pas constitué, le retraitement a été effectué par
la Direction de la sécurité sociale.
Pour masquer dans une annexe distribuée au Parlement en octobre 2000
le déséquilibre du FOREC, toutes les astuces comptables -que
votre rapporteur se permettra de juger douteuses- ont été
utilisées.
4. Un effet « mineur » des décisions du Conseil constitutionnel
En
réponse à la publication partielle de la première
synthèse de ce contrôle, le Gouvernement et plusieurs
parlementaires de la majorité ont tenté d'expliquer que le
principal responsable du déficit du FOREC n'était autre que le
Conseil constitutionnel.
Sur 2000, le Conseil constitutionnel a tout d'abord annulé la taxe sur
les heures supplémentaires, par sa décision n° 99-423
DC du 13 janvier 2000.
Selon une note de la Direction du budget en date du 17 janvier 2000, le produit
de la taxe sur les heures supplémentaires, annoncé pour
7 voire 9 milliards de francs,
« se situait en
réalité dans une fourchette de 3 milliards à
6 milliards de francs »
. Selon la même note,
même en l'absence de décision du Conseil constitutionnel,
« le problème serait apparu en gestion 2000 »
.
La taxation des heures supplémentaires : du simple au triple
(en millions de francs)
Source |
Evaluation |
Etude d'impact |
9.000 |
Rapport n°1826 (XI ème législature) Assemblée nationale, p. 232 |
5.400 |
Rapport économique, social et financier du PLF 2000, p. 246 |
6.000 |
Martine Aubry (JO débats AN, p. 7033) |
7.500 |
Note de la Direction du budget - 17 janvier 2000 |
de 3.000 à 6.000 |
Ainsi,
la décision du Conseil constitutionnel n'a fait que précipiter
l'apparition d'une situation de déséquilibre qui se serait de
toute façon produite en cours d'année. Ou, pour se montrer
optimiste, la décision du Conseil, en réalité,
n'était pas si grave puisque la recette dont elle privait le FOREC avait
été grossièrement surestimée.
Dans sa décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000 sur
la loi de finances rectificative pour 2000, le Conseil constitutionnel a
annulé l'affectation de 3,1 milliards de francs de droits sur les tabacs.
Mais il est simple de comprendre, par une simple soustraction à la
portée de tous, que le niveau des recettes du FOREC aurait dû
alors atteindre 63,9 milliards de francs
15(
*
)
.
Or, il se situe à 59 milliards de francs.
B. DES DÉPENSES PLUS ÉLEVÉES QU'ANNONCÉ
1. Les évaluations de septembre 1999 et septembre 2000
L'évaluation de septembre 1999 (PLFSS 2000) des dépenses du FOREC était la suivante :
Les dépenses 2000 du FOREC : les prévisions initiales
(en millions de francs)
Dépenses |
LFSS 2000 |
Ristourne dégressive 1,3 SMIC (39 heures) |
28.600 |
Ristourne dégressive Aubry II |
10.900 |
Loi Aubry I |
12.500 |
Supplément ristourne Aubry II |
7.500 |
Aide pérenne 35 heures Aubry II |
5.000 |
Majoration ZRR, ZF Corse ou 32 heures |
300 |
Aide entreprises nouvelles |
200 |
TOTAL DEPENSES |
64.500 |
source : Direction de la sécurité
sociale
Dès l'adoption de la loi de financement de la sécurité
sociale pour 2000, il y avait un décalage de l'ordre de
600 millions
de francs
entre la prévision de dépenses (64,5 milliards
de francs) et la prévision de recettes (63,9 milliards de francs).
En outre, les amendements de l'Assemblée nationale au projet de loi sur
la réduction négociée du temps de travail (majorations
ZRR, ZF Corse ou 32 heures, aide aux entreprises nouvelles) avaient
augmenté les dépenses du FOREC de
500 millions de francs
,
sans que des recettes correspondantes aient été prévues.
En conséquence, avant même la décision du Conseil
constitutionnel du 13 janvier 2000 annulant la taxe sur les heures
supplémentaires, le FOREC était d'ores et déjà en
déséquilibre de 1,1 milliard de francs, puisque la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000
(loi du 29
décembre 1999)
avait, « défini » son
budget avant même l'adoption définitive de la loi sur la
réduction négociée du temps de travail
(loi du
19 janvier 2000)
.
L'évaluation des dépenses avait été
révisée à la hausse lors de l'examen du projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001 : 67 milliards
de francs. Cette prévision s'appuyait sur trois évaluations
laconiques à destination des parlementaires :
- le montant de la ristourne dégressive 1,3 SMIC ;
- l'allégement supplémentaire jusqu'à 1,8 SMIC ;
- les aides à la réduction du temps de travail, englobant
les aides Aubry I et Aubry II.
Les dépenses 2000 du FOREC : les «prévisions» de septembre 2000
(en millions de francs)
Dépenses |
Annexe f) du PLFSS 2001 |
Ristourne dégressive 1,3 SMIC |
39.500 |
Supplément ristourne Aubry II |
5.800 |
Aides à la réduction du temps de travail |
21.700 |
TOTAL DEPENSES |
67.000 |
Source : annexe f) du PLFSS 2001
Une note de la Direction de la sécurité sociale du 27 novembre
2000 aboutit au même chiffre « officiel » : 67
milliards de francs. Mais elle repose sur des comptabilisations
différentes : le coût de la ristourne dégressive n'est
évalué que pour les entreprises restées aux 39 heures,
tandis que le coût de la loi Aubry II est appréhendé de
manière globale (aide pérenne, part de la ristourne
dégressive à 1,3 SMIC pour les entreprises passées aux
trente-cinq heures, supplément de ristourne dégressive
jusqu'à 1,8 SMIC).
Les dépenses 2000 du FOREC : les «prévisions» de la DSS de novembre 2000
(en millions de francs)
Dépenses |
Note DSS du 27 novembre 2000 |
Ristourne dégressive 1,3 SMIC |
31.300 |
Loi Aubry I |
14.700 |
Aide pérenne 35 heures Aubry II + ristourne dégressive Aubry II + supplément ristourne Aubry II |
20.600 |
Majoration ZRR, ZF Corse ou 32 heures |
400 |
TOTAL DEPENSES |
67.000 |
Source : note DSS du 27 novembre 2000
Votre rapporteur constate qu'il devient urgent de définir une
méthodologie simple et stable de comptabilisation des coûts
respectifs de la ristourne dégressive «Juppé» et des
lois Aubry I et II.
2. Les constatations de mars 2001
Pour
2000, les dépenses s'élèveraient en réalité,
selon les estimations et les périodes de calcul, entre 71,2 et
80 milliards de francs.
Etablir un chiffre définitif nécessite tout d'abord
d'appréhender de manière correcte les dépenses des autres
régimes que le régime général. Il s'agit
essentiellement du régime agricole. Les régimes ENIM (marins),
CRPCEN (clercs de notaires), CANMSS (mines), éligibles
théoriquement au FOREC, ne semblent pas avoir transmis leur
« facture » à la Direction de la
sécurité sociale ...
Mais surtout, il convient de définir précisément la
période de calcul. Le FOREC, comme tous les organismes de
sécurité sociale, doit établir sa comptabilité en
droits constatés, selon une logique créances/dettes. Pour
déterminer ses charges et ses produits à recevoir, il convient de
définir le fait générateur.
Or, les administrations
responsables
(Direction de la sécurité sociale (DSS) du
ministère de l'Emploi et de la Solidarité, Direction du budget du
ministère de l'Economie et des Finances)
ne sont pas d'accord, depuis
plus d'un an, sur
le mode de comptabilisation des exonérations
accordées sur les cotisations versées au mois de janvier 2000 sur
les salaires de décembre 1999
.
A la recherche du fait générateur : le salaire ou la cotisation ?
Pour les
entreprises de plus de 10 salariés, les cotisations exigibles à
partir du 1
er
janvier -date limite : 5 janvier- portent sur les
salaires du mois précédent (décembre)
Pour les entreprises de moins de 10 salariés, les cotisations exigibles
à partir du 1
er
janvier -date limite : 15 janvier- portent
sur les salaires du 4
ème
trimestre 1999.
Dans le cas de la Mutualité sociale agricole, il s'agit des salaires
d'octobre-novembre-décembre 1999 (4
ème
trimestre 1999)
quelle que soit la périodicité de paiement (mensuelle ou
trimestrielle) et donnant lieu, à tous les cas, à émission
de cotisation en février 2000.
Pour la DSS, ces exonérations sont antérieures à la
« création » du FOREC (le fait
générateur est lié aux salaires versés en
décembre 1999 ou au dernier trimestre 1999) et doivent être prises
en compte par le budget de l'Etat, parce que rattachées comptablement
à l'exercice 1999. Cette position logique (les exonérations de la
loi Aubry II n'existaient pas au moment du versement des salaires de
décembre 1999) a été validée par le Conseil d'Etat.
Pour la Direction du budget, le financement de ces exonérations doit
être assuré par le FOREC : le fait générateur
est lié aux cotisations, versées en janvier 2000.
L'arbitrage du cabinet du Premier ministre n'a toujours pas été
rendu sur cette question. L'enjeu financier porte sur 5,6 milliards de francs,
dont 4,7 milliards de francs pour le seul régime
général.
Deux notes de la Direction de la sécurité sociale des 22 et
24 janvier 2001 évaluent à 71,2 milliards de francs les
dépenses du FOREC. Elle se fondent, pour les dépenses, sur les
données des régimes disponibles décembre 2000 (dix
premiers mois réalisés, novembre quasi réalisé,
décembre estimé).
Dépenses du FOREC selon la Direction de la sécurité sociale
(en millions de francs)
|
Mode
de comptabilisation
|
Mode
de comptabilisation 12 mois glissants
(2)
|
Mode
de comptabilisation
|
Ristourne dégressive 1,3 SMIC (39 heures) |
36.800 |
35.800 |
40.200 |
Loi Aubry I |
13.900 |
14.400 |
15.500 |
Loi Aubry II Majorations ZRR, ZF Corse, 32 h et routiers |
20.500 |
24.300 |
24.300 |
TOTAL |
71.200 |
74.500 |
80.000 |
(1)
Encaissements-décaissements selon la DSS, droits constatés selon
la Direction du budget
(2) Droits constatés selon la DSS
(3) Droits constatés selon la DSS si le FOREC prend en charge les
exonérations de cotisations de janvier 2000.
Dépenses du FOREC - Champ régime général
(en millions de francs)
|
Mode
de comptabilisation
|
Mode
de comptabilisation 12 mois glissants
|
Mode
de comptabilisation 13 mois
|
janvier 2000 |
4.672.145.866 |
|
4.672.145.866 |
février 2000 |
3.514.644.448 |
3.514.644.448 |
3.514.644.448 |
mars 2000 |
4.155.602.038 |
4.155.602.038 |
4.155.602.038 |
avril 2000 |
6.429.452.616 |
6.429.452.616 |
6.429.452.616 |
mai 2000 |
5.077.407.696 |
5.077.407.696 |
5.077.407.696 |
juin 2000 |
5.178.791.289 |
5.178.791.289 |
5.178.791.289 |
juillet 2000 |
6.858.924.491 |
6.858.924.491 |
6.858.924.491 |
août 2000 |
6.277.221.167 |
6.277.221.167 |
6.277.221.167 |
septembre 2000 |
5.748.013.860 |
5.748.013.860 |
5.748.013.860 |
octobre 2000 |
8.234.801.051 |
8.234.801.051 |
8.234.801.051 |
novembre 2000 |
6.293.484.688 |
6.293.484.688 |
6.293.484.688 |
décembre 2000 |
5.663.359.698 |
5.663.359.698 |
5.663.359.698 |
janvier 2001 |
|
7.465.700.000 |
7.465.700.000 |
TOTAL RG |
68.103.848.898 |
70.897.403.032 |
75.569.548.898 |
Source : ACOSS
L'ACOSS
estime les dépenses des autres régimes en se fondant sur la
« part » du régime général, qui varie
selon les chiffres présentés dans les notes entre 94,65 % et
95,65 % du total.
Il semble que les pertes de cotisations du régime agricole aient fait
l'objet d'une sous-estimation. Selon les chiffres communiqués à
votre rapporteur le 14 mars 2001 par la Caisse centrale de mutualité
sociale agricole, elles se situeraient à un niveau supérieur
à celui estimé par la Direction de la sécurité
sociale.
Dépenses du FOREC en 2000
(en millions de francs)
|
Mode
de comptabilisation
|
Mode
de comptabilisation 12 mois glissants
|
Mode
de comptabilisation 13 mois
|
Total RG / ACOSS |
68.104 |
70.897 |
75.570 |
Dépenses MSA |
4.072 |
4.367 |
5.211 |
Total estimation CAS |
72.176 |
75.264 |
80.781 |
Source : commission des Affaires sociales du Sénat
C. UN DÉFICIT SUPÉRIEUR À 13 MILLIARDS DE FRANCS
La détermination du déficit 2000 du FOREC reste ainsi soumise à un facteur essentiel : le mode de comptabilisation des dépenses, ainsi que le montant des recettes de janvier 2001 à imputer sur le compte « droits constatés » du FOREC.
Le compte du FOREC en 2000
(en millions de francs)
|
Mode
de comptabilisation
|
Mode de comptabilisation 12 mois glissants ou 4 trimestres (2) |
Mode de comptabilisation 13 mois ou 5 trimestres (3) |
Régime général |
68.103.848.898 |
70.897.403.032 |
75.569.548.898 |
Régime agricole |
4.072.348.247 |
4.366.707.385 |
5.210.848 247 |
Autres régimes (pm) |
? |
? |
? |
TOTAL régimes |
72.176.197.145 |
75.264.110.417 |
80.780.397.145 |
Recettes |
59.040.000.000 |
63.200.000.000 |
63.200.000.000 |
Solde |
- 13.136.197.145 |
- 12.064.110.417 |
-17.580.397.145 |
Source : ACOSS/MSA pour les dépenses - estimations
de la
DSS pour les recettes de (2) et (3)
Le chiffrage en « encaissements/décaissements » (1)
apparaît désormais définitif.
Le chiffrage en droits constatés du FOREC sur douze mois glissants (2)
ou sur treize mois (3) se fonde sur l'estimation de recettes effectuée
par la Direction de la sécurité sociale : 63,2 milliards de
francs.
Au total, le « déficit » en droits
constatés du FOREC en 2000 serait donc compris entre 12 et 17,5
milliards de francs.
III. LE FINANCEMENT DU FOREC EN 2001 : UN DÉFICIT QUI DEVIENT STRUCTUREL
Pour
2001, à partir du moment où, par définition,
l'année n'est pas terminée, le déficit n'est pas
« constaté ». Il n'en est pas moins hautement
prévisible, en raison d'une amputation des recettes par le Conseil
constitutionnel et d'une sous-estimation manifeste des dépenses.
La discussion de la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001, en dehors du cas spécifique de la ristourne dégressive
de CSG, s'était focalisée sur le financement du FOREC. En effet,
le Gouvernement a présenté une estimation pour 2001, en recettes
comme en dépenses, de 85 milliards de francs.
A. LA TENTATIVE DE REPLÂTRAGE DE LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE POUR 2001
1. L'affectation de deux nouvelles impositions
La loi
de financement pour 2001 a affecté au FOREC deux
prélèvements supplémentaires : une fraction de la
taxe sur les conventions d'assurance (14,1 %) et la taxe sur les
véhicules des sociétés.
Le FOREC est désormais financé par six types de
prélèvements différents. En réalité, le
nombre de taxes qui lui sont affectées est supérieur, du fait de
l'existence d'une pluralité de droits sur les alcools.
Il est ainsi frappant de constater que l'Etat transfère des recettes
« de poche » fragiles et, à terme, menacées,
en quelque sorte
« les rossignols » de la
fiscalité d'Etat
. La taxe sur les véhicules des
sociétés n'aura guère de justification, à partir du
moment où la vignette a été supprimée. La taxe sur
les conventions d'assurance pourrait être allégée, avant
d'être éventuellement supprimée. Enfin, faut-il le
rappeler, une politique de santé publique digne de ce nom devrait
s'attaquer franchement au tabagisme. Son succès devrait, en principe,
entraîner une forte baisse de la consommation et donc du produit des
droits sur les tabacs dont les taux doivent être dissuasifs. Il devrait
en être de même pour la TGAP.
De plus, pour le cas de la taxe sur les véhicules des
sociétés, son affectation pose un problème de
trésorerie ; en effet, elle est recouvrée en une seule fois,
en fin d'année.
2. Un élargissement de son champ de compétences
Parallèlement, la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 élargit les compétences
du FOREC, puisqu'elle prend en charge deux nouvelles mesures
d'exonérations de cotisations de sécurité sociale :
- l'allégement en faveur de l'aménagement et de la
réduction conventionnels du temps de travail (ARTT « loi de
Robien ») ;
- l'exonération de cotisations d'allocations familiales applicable
aux salariés des exploitants agricoles et des entreprises relevant de
certains régimes spéciaux de sécurité sociale.
Selon le bleu budgétaire « emploi » du projet de loi
de finances pour 2001, ces nouvelles dépenses du FOREC -correspondant
à une économie pour l'Etat- devraient représenter pour
2001 un montant de 3,63 milliards de francs.
3. Un recyclage de recettes affectées à la sécurité sociale
Enfin,
un nouveau mécanisme de « tuyauteries » a
été mis en place au profit du FOREC, à travers
l'affectation dès 2000 de l'intégralité des droits sur les
alcools précédemment affectés au Fonds de
solidarité vieillesse, et d'une fraction des droits sur les tabacs
affectée à la CNAMTS. La CNAMTS était elle-même
compensée par une augmentation de la part de CSG affectée
(5,25 points au lieu de 5,1 points) au détriment du FSV.
D'autre part, l'Etat se défaussait d'un certain nombre de
dépenses à travers la mise à la charge du FSV du
contentieux AGIRC-ARRCO
16(
*
)
et du financement
par la branche famille de l'intégralité de la majoration de
l'allocation de rentrée scolaire.
Les différentes recettes fiscales affectées au FOREC en 2001
B. DES RECETTES AMPUTÉES
L'équilibre du FOREC, qui semblait incertain dès
l'examen du projet de loi, n'est plus assuré, suite à la
décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2000,
annulant l'extension de l'assiette de la taxe générale sur les
activités polluantes, prévue par la loi de finances rectificative.
De plus, il faut tenir compte de l'effet base 2000 pour les droits sur les
tabacs, la contribution sociale sur les bénéfices et les droits
sur les alcools.
L'évaluation de la contribution sociale sur les bénéfices
des sociétés est sujette à caution : un rendement de
6 milliards de francs apparaît élevé par rapport au produit
estimé pour 2000 (3,8 milliards de francs).
Le rendement annoncé pour 2001 des droits sur les tabacs est de
53,8 milliards de francs en loi de financement. La prévision est
construite sur un objectif d'augmentation des prix de 5 %, qui semble atteint.
S'agissant des recettes, celles-ci ne dépasseraient pas 80 milliards
de francs selon la Direction de la sécurité sociale.
Les recettes du FOREC en 2001
(en millions de francs)
Recettes |
Prévisions PLFSS 2001 (septembre 2000) |
Prévisions de la DSS de janvier 2001 (1) |
Droits de consommation tabacs |
52.200 |
51.200 |
CSB |
6.000 |
5.700 |
TGAP |
7.000 |
3.000 |
Droits de consommation alcools |
12.000 |
11.500 |
14,1 % de la taxe sur les conventions d'assurance |
4.000 |
4.000 |
Taxe sur les véhicules des sociétés |
4.000 |
4.000 |
TOTAL |
85.200 |
79.300 |
(1)
Note du 24 janvier 2001.
Les incertitudes de la croissance -que M. Laurent Fabius, ministre de
l'Economie et des Finances, estime désormais un peu en dessous de 3 % au
lieu des 3,3 % annoncés- pourraient peser sur les recettes. La Direction
du budget doute toutefois d'un impact sur le FOREC, compte tenu de la faible
élasticité des recettes par rapport à la conjoncture
économique. Le problème se poserait davantage en 2002.
C. DES DÉPENSES SCIEMMENT SOUS-ESTIMÉES
Elles se situeraient désormais entre 95,6 (prévision DARES) et 100,2 milliards de francs (prévision ACOSS-MSA). L'ACOSS attend, en effet, un « saut » début 2001, compte tenu du renchérissement du coût des heures supplémentaires 17( * ) .
Les dépenses 2001 du FOREC : les nouvelles prévisions
(en millions de francs)
Dépenses |
Septembre 2000 (PLFSS 2001) |
Janvier 2001 (DARES) |
Janvier 2001 (ACOSS- MSA) (1) |
Ristourne dégressive 1,3 SMIC (39 heures) |
27.000 |
27.200 |
23.100 |
Loi Aubry I |
16.200 |
17.100 |
14.600 |
Loi Aubry II |
37.200 |
46.600 |
58.900 |
Aide de Robien |
3.700 |
3.700 |
3.200 |
Majorations ZRR, ZF Corse et routiers |
900 |
1.000 |
- |
Exonération cotisations allocations familiales régimes spéciaux agricoles |
300 |
300 |
300 |
TOTAL DEPENSES |
85.200 |
95.600 |
100.200 |
(1)
citées dans la note de la Direction de la sécurité sociale
du 24 janvier 2001.
Ainsi, selon ces nouvelles estimations, tant en recettes qu'en dépenses,
le déficit 2001 du FOREC se situerait entre 16,4 et
20,9 milliards de francs
.
Naturellement, le Gouvernement est incapable de préciser comment sera
financé le FOREC en 2002 et « à terme »,
c'est-à-dire en 2003, où les dépenses du FOREC devraient
atteindre 110 à 120 milliards de francs.
IV. LA GESTION DU FINANCEMENT DES TRENTE-CINQ HEURES : UNE « POLITIQUE PUBLIQUE » AUX MULTIPLES ERREURS
A. LES PRÉVISIONS « NORMÉES » : QUELQUES MÉTHODES POUR MASQUER LE COÛT DES TRENTE-CINQ HEURES
1. Les recettes : une dépendance du ministère de l'Emploi et de la Solidarité vis-à-vis du ministère de l'Economie et des Finances
Affecter
une multitude de taxes à un fonds contribuant au financement de la
sécurité sociale présente un inconvénient
indubitable. Ni le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, ni
les régimes de sécurité sociale ne sont compétents
pour pouvoir en appréhender les enjeux. Les services de la Direction de
la sécurité sociale, déjà sollicités
à rude épreuve, sans création d'effectifs, depuis la
création des lois de financement de la sécurité sociale,
ne peuvent rivaliser face au ministère richement doté qu'est
Bercy.
De manière symptomatique, l'extension de l'assiette de la TGAP avait
été prévue dans le deuxième collectif
budgétaire pour 2000, et non dans le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001.
La Direction de la sécurité sociale et l'ACOSS se retrouvent en
situation de « dépendance » par rapport aux chiffres
et aux informations communiquées par le ministère de l'Economie
et des Finances.
2. Les dépenses : une volonté politique de sous-estimer le coût des trente-cinq heures
a) Les différents modes d'évaluation
Le
Gouvernement dispose de plusieurs sources d'information :
-
les prévisions de la Direction de la prévision du
ministère de l'Economie et des Finances
; le rapport
économique, social et financier du projet de loi de finances pour 2001
prévoyait ainsi 7 millions de salariés aux trente-cinq heures,
hors salariés postés et bénéficiant de l'aide de
Robien ;
-
les prévisions de la DARES
du ministère de l'Emploi
et de la Solidarité : ces
prévisions reposent sur les
effectifs
passés aux trente-cinq heures éligibles aux aides
de la loi Aubry I et de la loi Aubry II : la DARES prévoit ainsi
7,8 millions de salariés aux trente-cinq heures à la fin
2001 (contre 6,1 millions à la fin 2000) ;
-
les prévisions de l'ACOSS
,
qui se fondent sur les
assiettes salariales considérées
.
L'évaluation du montant annuel des allégements relatifs à
la RTT consiste dans un premier temps à établir un modèle
fournissant, pour un mois et un nombre donné d'entreprises
passées aux trente-cinq heures, les cotisations exonérées
qui seront générées.
Le modèle de l'ACOSS fait reposer les estimations sur les
éléments à disposition les plus fiables : les
montants en francs, à savoir les exonérations et les assiettes
salariales. Leur utilisation permet d'intégrer la distribution des
salaires par secteur d'activité, taille de l'entreprise, région,
critères essentiels pour déterminer le niveau des
exonérations de chaque établissement, ce que ne permet pas une
approche à partir de l'emploi. Les estimations sont
réalisées à partir de deux bases issues de l'Infoservice
Statistique National (ISN), les bases ORME (base statistique mensuelle sur les
mesures en faveur de l'emploi) et SEQUOIA (base statistique mensuelle sur les
assiettes salariales et les effectifs).
L'évaluation de l'ACOSS pour 2001 repose sur une hypothèse qui
demande naturellement à être vérifiée : une
accélération du passage aux trente-cinq heures à partir du
1
er
janvier 2001, en raison du renchérissement des heures
supplémentaires. A compter de cette date, toute heure travaillée
au-delà de trente-cinq heures hebdomadaires donne lieu à une
bonification de 25 % attribuée au salarié par l'entreprise
sous forme de repos supplémentaire ou de majoration de salaire (cette
bonification était de 10 % en 2000). Pour éviter de verser la
bonification, il est probable qu'un nombre important d'entreprises
décide de commencer à appliquer les trente-cinq heures au tout
début de l'année 2001. L'ACOSS estime ainsi à 81 % en
novembre 2000 les assiettes de masses salariales concernées par les
trente-cinq heures dans les entreprises de plus de 20 salariés.
b) Le choix politique de sous-estimer le coût
Le
Gouvernement a systématiquement choisi, dans ses prévisions pour
les deux dernières lois de financement, des hypothèses
« basses » de passage des entreprises aux trente-cinq
heures.
Pour la préparation du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000, l'évaluation des
dépenses oscillait entre 62 et 67 milliards de francs
18(
*
)
. Le chiffre de 64,5 milliards de francs sera
finalement retenu par le Gouvernement.
Il n'apparaît pas possible ainsi d'imputer au Gouvernement une
volonté de sous-estimer, en septembre 1999, le coût des
trente-cinq heures en 2000.
(1) La sous-estimation en septembre 2000 des dépenses 2000
En
revanche, la préparation du PLFSS pour 2001, imposant d'afficher un
compte FOREC à l'annexe
f)
du projet de loi, tant pour
l'année 2000 que pour l'année 2001, montre que le Gouvernement,
amplement informé, a souhaité que des prévisions
«
normées
» soient
présentées au Parlement.
L'administration a multiplié les notes à destination du
Gouvernement. Ce dernier était particulièrement bien
informé, et par différents canaux : Direction de la
sécurité sociale, DARES, Direction du budget.
Dès le
20 janvier 2000
, une note de la Direction de la
sécurité sociale réévalue les dépenses 2000
du fonds à environ 70 milliards de francs, et fait part de son
scepticisme sur certains éléments des recettes (réforme
des droits tabacs, CSB...).
Une deuxième note de la même direction, en date du
21
février 2000,
évalue les dépenses du FOREC à 73
milliards de francs.
La Direction du budget estime, dans une note du
11 avril 2000,
que les
dépenses du FOREC seront plus élevées que prévu.
Elle chiffre la dépense totale à 72 milliards de francs pour 2000.
Une note du
13 novembre 2000
19(
*
)
de la
Direction de la sécurité sociale évalue les
dépenses du FOREC à 71 milliards de francs (en
encaissements/décaissements) et à 76 milliards de francs en
droits constatés.
Toutes ces évaluations sont supérieures à celle retenue
officiellement par le Gouvernement (67 milliards de francs) : lorsque
le Gouvernement a présenté le plan de replâtrage pour 2000,
il savait déjà qu'il serait insuffisant.
Pourtant,
au même moment
, il explique devant le Sénat que
le FOREC sera équilibré :
Mme Dominique Gillot (15 novembre 2000) : « Vous verrez que l'équilibre est atteint »
M.
Charles Descours, rapporteur.
Madame le secrétaire d'Etat, vous
venez de nous dire que le FOREC, qui n'est pas encore constitué, avait
une obligation d'équilibre. Monsieur Fréville, je vais vous dire,
moi, en quoi consiste l'obligation d'équilibre du FOREC, qui est
géré actuellement par l'ACOSS, dont je préside le conseil
de surveillance. Et si ce que je vais dire -cela figure, au demeurant, à
la page 37 du tome I de mon rapport- n'est pas vrai, que le Gouvernement
apporte un démenti.
A la fin du mois d'août, 32 milliards de francs de recettes avaient
été encaissés par le FOREC -du moins par la ligne
« FOREC » puisque l'établissement FOREC n'existe pas
encore-, contre 42 milliards de francs d'exonérations de charges
correspondant aux « dépenses » du FOREC et
« aux pertes de recettes » des régimes sociaux. Le
déséquilibre est ainsi d'une dizaine de milliards de francs. Le
FOREC n'étant pas constitué, l'ACOSS supporte cette charge de
trésorerie supplémentaire.
(...)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat.
J'en viens à
votre remarque sur la ligne concernant le FOREC. Au mois d'août dernier,
il s'agissait d'une activité de six mois : 32 milliards de francs
encaissés, 42 milliards de francs décaissés au titre des
allégements de charges. La participation de l'Etat n'avait pas encore
été versée puisque nous ne sommes pas dans le même
calendrier d'exécution.
Attendez la fin de l'année : la réunion du conseil de
surveillance vous permettra d'avoir l'expression complète des comptes,
et vous verrez que l'équilibre est atteint.
JO Débats Sénat, séance du 15 novembre 2000, p. 6094.
(2) La sous-estimation en septembre 2000 des dépenses 2001
Pour
justifier ses prévisions 2001, le Gouvernement n'a pas apporté,
lors du débat parlementaire, d'informations significatives.
En revanche, la DARES a avancé, dès février 2000, une
prévision de 91 milliards de francs sur l'exercice 2001, hors
allégement de Robien.
La note d'avril 2000 du ministère de l'Economie et des
Finances
20(
*
)
évalue les dépenses
du FOREC en 2001 à 86,4 milliards de francs, ce qui ne comprend pas
l'abattement de Robien, qui sera finalement intégré dans le champ
FOREC, soit 3,5 milliards de francs supplémentaires.
Lorsque le Gouvernement a présenté, début octobre 2000,
le plan de financement 2001, il était en mesure de savoir
depuis au
moins le mois d'avril
que les dépenses se situeraient aux alentours
de 90 milliards de francs, voire au-delà.
Du reste, en raison d'un cafouillage dû à la difficulté
d'obtenir les derniers « arbitrages », la Direction de la
sécurité sociale avait effectué un premier chiffrage, pour
le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale du
21 septembre 2000.
Les dépenses du FOREC sont des « recettes » pour les
régimes de base de la sécurité sociale. Le rapport
présenté à la Commission des comptes de la
sécurité sociale, s'il omet de décrire la partie recettes
du FOREC, a implicitement décrit sa partie dépenses, en indiquant
les transferts provenant du FOREC.
Les dépenses du FOREC
(en millions de francs)
|
2000 |
2001 |
CNAMTS |
27.504 |
36.190 |
CNAMTS - AT |
5.053 |
6.648 |
CNAVTS |
19.227 |
25.300 |
CNAF |
13.538 |
17.814 |
Total régime général |
65.322 |
85.952 |
Source : CCSS septembre 2000
Lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le
Gouvernement admet 85,9 milliards de dépenses pour le seul régime
général. Il suffit d'ajouter les 4 milliards
représentés par le régime agricole pour disposer d'une
évaluation globale de 90 milliards de francs.
L'estimation finalement retenue par le Gouvernement, dans le cadre de la
préparation de la loi de financement pour 2001, a été de
85 milliards de francs. Les prévisions de dépenses,
«
normées
» selon l'expression
utilisée, s'adaptent ainsi, en quelque sorte, aux recettes
disponibles.
Une note de l'ACOSS du 29 septembre 2000, transmise à la DARES le 9
octobre 2000, évalue le montant des dépenses du FOREC pour 2001
à 95,3 milliards de francs, pour le seul régime
général. Le coût global tous régimes serait de 100,2
milliards de francs.
Avant même le début de la discussion en première lecture
à l'Assemblée nationale du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, le Gouvernement sait que les chiffres
présentés aux parlementaires ne tiennent pas la route.
Ainsi il apparaît que le Gouvernement a sciemment choisi, en septembre
2000, de sous-estimer les dépenses du FOREC pour 2000 et 2001.
B. UNE ACCUMULATION D'ERREURS : LES DÉBOIRES CONSTITUTIONNELS DU GOUVERNEMENT
1. Le refus d'un collectif social
Examinant, le 13 janvier 2000, la loi relative à la
réduction négociée du temps de travail, le Conseil
Constitutionnel
21(
*
)
déclarait contraire
à la Constitution la taxation des heures supplémentaires.
La recette correspondant, telle qu'évaluée par le Gouvernement,
soit 7 milliards de francs, était inscrite dans la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000, promulguée
une quinzaine de jours auparavant, le 29 décembre 1999.
Lors de la réception des conseils économiques et sociaux
régionaux le 19 janvier 2000, M. le Président de la
République déclarait :
« L'ancrage du dialogue social dans notre démocratie doit
être renforcé. Cela n'implique pas, bien sûr, que l'Etat
doive se tenir toujours à l'écart du champ social, comme si le
législateur n'avait pas pour vocation de poser des principes,
d'établir des garanties, de donner l'impulsion aux changements
nécessaires pour développer l'activité et pour
améliorer les systèmes de protection sociale.
« C'est d'ailleurs dans cet esprit que
j'ai voulu en 1996 que le
Parlement se prononce chaque année sur l'équilibre de la
sécurité sociale. C'est une réforme à mes yeux
essentielle et je suis très attentif à ce que les nouveaux droits
du Parlement dans ce domaine soient toujours respectés
.
« Je promulguerai aujourd'hui, c'est ainsi, en l'état comme la
Constitution le prévoit, la loi sur la réduction du temps de
travail, dans toutes celles de ses dispositions qui n'ont pas été
jugées contraires à la Constitution par la récente
décision du Conseil constitutionnel. Mais
cette décision
juridictionnelle affecte les conditions de l'équilibre financier de la
sécurité sociale que le Parlement vient, par ailleurs, de
déterminer. Pour que les droits du Parlement, soient pleinement
respectés, je souhaite qu'une loi de financement rectificative soit
soumise dans les meilleurs délais au
Parlement
».
22(
*
)
La réaction du « ministère de la
Solidarité »
23(
*
)
à ce
souhait du premier personnage de l'Etat, a pris la forme d'un argumentaire
distribué à la presse le 20 janvier 2000 :
« Loi de financement rectificative
« Après la promulgation par le Président de la
République de la loi sur les trente-cinq heures, l'opposition tente
de susciter une polémique autour de la suppression de la contribution de
10 %.
« Les 7 milliards de francs de cette contribution sont à
mettre en regard des 64 milliards de dépenses du fonds, dont 40
milliards seront financés par une affectation de droits tabac,
7,5 milliards par la contribution sur les bénéfices et la
TGAP, 5,6 milliards de droits alcool et 4,3 milliards de contribution
de l'Etat, soit 57 milliards de ressources au total.
« Il est possible d'ores et déjà d'indiquer les
grandes lignes qui permettront d'équilibrer le fonds
.
« Du fait des excellents résultats économiques et
sociaux de 1999,
les recettes de la contribution sur les
bénéfices et de la TGAP seront plus importantes que
prévu
; il faut rappeler que la LFSS et la LF ont
été construites sur des prévisions qui datent de
septembre.
Il en va de même pour les droits sur les tabacs
, dont
85,5 % sont affectés au fonds d'allégement
24(
*
)
.
« Au total, cela devrait compenser la majeure partie de la perte de
recettes pour le fonds d'allégements de charge.
« De plus, conformément aux dispositions de la loi de
financement pour 2000, le fonds doit être équilibré. Il le
sera donc. Au cas où des recettes supplémentaires seraient
nécessaires, des moyens supplémentaires seront apportés en
gestion au cours de l'année 2000 qui n'impacteront pas la
sécurité sociale.
« Les recettes 1999 et
les nouvelles perspectives pour 2000 sont
en cours d'examen. Des éléments plus précis seront
communiqués au Parlement dès que cet examen sera
achevé
.
« Le Gouvernement s'engageant à équilibrer le fonds
comme le prévoit la loi, la sécurité sociale sera
intégralement remboursée des exonérations de cotisations
patronales. Il n'y aura donc aucune perte de recette. Au contraire, les
cotisations sur la rémunération des heures supplémentaires
viendront abonder les recettes de la sécurité sociale et auront
un impact positif sur ses comptes.
« En outre, l'opposition fait une mauvaise lecture de la loi
organique.
Quand bien même il y aurait un impact sur les comptes, une
loi de financement rectificative ne s'imposerait pas pour autant
.
« La loi de financement prévoit des recettes et fixe des
objectifs de dépenses. Elle ne comporte pas d'articles
d'équilibre.
« Ce sont des lois qui tracent un cadre pour l'action des pouvoirs
publics. Les lois de financement rectificative n'ont été
prévues que pour éviter que des lois ordinaires puissent venir
modifier ce cadre.
« Il serait bien évidemment aberrant de débattre d'une
loi de financement rectificative dès lors qu'un des paramètres
des prévisions est modifié. Nous devrions réunir le
Parlement, chaque mois, dès la première
grippe. »
.
25(
*
)
Ce sont ces considérations qui ont été reprises, notamment
par M. Claude Bartolone, ministre délégué à la
Ville, lors des questions au Gouvernement au Sénat
26(
*
)
.
La relecture de cet argumentaire laisse pantois et il est heureux que cette
« lecture »
a minima
de la loi organique du
22 juillet 1996 ait été implicitement démentie par le
Conseil constitutionnel lui-même.
En effet, saisi par les groupes de la majorité sénatoriale sur la
question de l'inclusion, dans les prévisions de recettes de la loi de
financement pour 2001, de la recette TGAP, hypothétique car relevant de
la discussion de la loi de finances rectificative, le Conseil a, tout en
rejetant l'argumentation présentée par les requérants,
pris soin de préciser
« qu'il appartiendrait à une
loi de financement ultérieure de prendre en compte les excédents
sur les conditions générales de l'équilibre financier de
la sécurité sociale des mesures en définitive
arrêtées par la loi de finances rectificative pour
2000 ».
De plus, dans sa décision sur la loi de finances rectificative pour 2000
(n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000), il a montré qu'il
était impossible, par une seule loi de finances rectificative, de
bouleverser l'équilibre de la loi de financement 2000.
Le Conseil a clairement établi que seule une « loi de
financement ultérieure » (rectificative ou loi de financement
postérieure) pouvait remédier aux conséquences de ses
décisions.
2. Trois inconstitutionnalités
a) La taxe sur les heures supplémentaires : d'une recette de trésorerie à une recette comptable
Le
Gouvernement a commis une première erreur manifeste, en comptant sur la
taxe sur les heures supplémentaires dans son plan de financement pour
2000.
Le projet tendait à pénaliser le recours aux heures
supplémentaires des entreprises restées à 39 heures.
Le Conseil constitutionnel a censuré un tel dispositif, sans rapport
avec l'objet de la loi (n° 99-423 DC du 13 janvier 2000).
b) La taxe générale sur les activités polluantes : chronique d'une inconstitutionnalité annoncée
Le
Gouvernement a commis une seconde erreur, en comptant sur l'extension de
l'assiette de la taxe générale sur les activités
polluantes à l'électricité et aux produits
énergétiques fossiles. Le projet gouvernemental aboutirait
à des situations d'inégalité entre les différents
acteurs, non justifiées au regard de l'objectif de lutte contre l'effet
de serre. La « censure » du Conseil constitutionnel a
été annoncée dès le passage en Conseil d'Etat et
les débats parlementaires en première lecture, la majorité
de l'Assemblée nationale s'efforçant
désespérément de redonner au texte une
constitutionnalité incertaine.
Le Conseil constitutionnel a logiquement rendu sa décision du
28 décembre 2000, sanctionnant les erreurs du Gouvernement.
c) Le projet de loi de financement 2001 et le collectif budgétaire de fin d'année : un collectif social déguisé
N'ayant
pas déposé de projet de loi de financement rectificatif, le
Gouvernement a été obligé de tenter d'équilibrer le
compte du FOREC par la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001.
De manière discrète, différents droits sur les alcools ont
été transférés rétrospectivement à
compter du 1
er
janvier 2000, du FSV vers l'ACOSS, pour un montant de
5,4 milliards de francs.
Cette disposition a obligé le FSV à opérer un versement
à l'ACOSS, par la voie d'un arrêté ministériel. On
notera que cet arrêté a été pris dès le
28 décembre 2000, afin de soulager la trésorerie du
régime général, handicapée par le
« trou » du FOREC.
Ce versement ampute les « excédents » du FSV et
l'alimentation du Fonds de réserve des retraites d'un montant
équivalent
27(
*
)
; M. Alain Vasselle,
rapporteur pour l'assurance vieillesse, développera ce point dans ses
investigations parallèles sur le fonds de réserve
28(
*
)
.
Solde du Fonds de solidarité vieillesse en 2000
(en millions de francs)
Solde CCSS de septembre 2000 |
5.356 |
Transfert de droits sur les boissons |
- 5.404 |
Solde après LFSS pour 2001 |
- 48 |
Par
ailleurs, la loi de finances rectificative prévoyait l'affectation au
FOREC de 3,1 milliards de francs de droits tabacs
29(
*
)
, malgré l'article L. 131-10 du code de la
sécurité sociale qui dispose que
« les recettes et
les dépenses du fonds doivent être équilibrées dans
les conditions prévues par la loi de financement de la
sécurité sociale »
et au mépris, surtout,
des dispositions de la loi organique du 22 juillet 1996.
L'affectation d'une recette à un organisme concourant au financement des
régimes de base, sans que cette affectation ne soit prise en compte par
une loi de financement, a été justement sanctionnée par le
Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi de finances
rectificative.
Le « reliquat » de droits tabacs est finalement
resté à l'Etat, ce qui lui a permis de réduire son
déficit budgétaire de 3,2 milliards de francs
supplémentaires
30(
*
)
.
Devant ces inconstitutionnalités répétées, votre
rapporteur se demande si le FOREC n'est pas frappé par une sorte de
malédiction.
C. LA POLITIQUE DE L'AUTRUCHE : L'ABSENCE DE CONSTITUTION DU FOREC
1. Un blocage de nature politique...
L'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale
prévoit que
« le Fonds de financement de la réforme
des cotisations patronales »
est un établissement public
administratif.
Pour que cette création soit effective, il faudrait qu'un décret
en Conseil d'Etat soit adopté en conseil des ministres :
« un décret en Conseil d'Etat fixe la composition du
conseil d'administration, constitué de représentants de l'Etat,
ainsi que la composition du conseil de surveillance, comprenant notamment des
membres du Parlement et des représentants des organisations syndicales
de salariés et des organisations d'employeurs les plus
représentatives au plan national. Ce décret en Conseil d'Etat
fixe également les conditions de fonctionnement et de gestion du
fonds »
.
Le Parlement fustige souvent « l'administration », coupable
de retarder l'application des mesures qu'il a votées.
Ici, l'administration n'est pas en cause : c'est le Gouvernement qui a
bloqué toute parution du décret, même s'il a le front de
prétendre le contraire aux parlementaires. Ce qui est très
injuste à l'égard des fonctionnaires auxquels votre rapporteur
tient, quant à lui, à rendre hommage.
Mme Dominique Gillot (15 novembre 2000) : « Il a fallu un certain temps à l'administration... »
M.
Charles Descours, rapporteur
. Nous vous demandons pourquoi le FOREC, qui a
été créé par une loi, n'est toujours pas mis en
place (...)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat
. Je vous rassure tout de
suite, monsieur le rapporteur, le décret de création du FOREC est
actuellement soumis au Conseil d'Etat et va sortir sous peu.
Il a
effectivement fallu un certain temps à l'administration pour aboutir
à cette étape
.
M. Jean Delaneau, président de la commission des Affaires
sociales
. On verra !
in JO Débats Sénat, séance du 15 novembre 2000, p. 6088.
En
effet, la Direction de la sécurité sociale a transmis au ministre
de l'Emploi et de la Solidarité un avant-projet de décret
dès le
17 décembre 1999,
avant même la promulgation
de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.
Le
7 janvier 2000
, la Direction de la sécurité sociale
transmet au cabinet une note prévoyant que la gestion administrative du
fonds sera confiée au Fonds de solidarité vieillesse. Compte tenu
des procédures de consultation et d'avis (caisses nationales/Conseil
d'Etat), la publication du décret est prévue à la fin du
mois de février ou au début du mois de mars.
Le comité interministériel de coordination en matière de
sécurité sociale (DSS, DGEFP, DARES, DAGEMO, DGCP, DB, DEPSE),
examine l'avant-projet de décret le
12 janvier 2000
et le
modifie. La direction du budget estime qu'il est suffisant de prévoir
une seule réunion annuelle du conseil de surveillance. Elle souhaite
également que les exonérations accordées en janvier 2000
soient rattachées au FOREC
31(
*
)
.
Le
28 janvier 2000
, le Directeur de la sécurité sociale
écrit à la Direction de la comptabilité publique en lui
joignant le projet de décret. Des dispositions sont également
prévues pour prévoir l'embauche de personnels régis par la
convention collective de la sécurité sociale.
Le
9 février 2000
, la Direction de la sécurité
sociale rend compte à la ministre de la réunion du 12 janvier
2000 et envoie le projet de décret. Compte tenu de l'annulation de la
taxe sur les heures supplémentaires, la DSS propose que les
exonérations de janvier 2000 soient laissées à la charge
de l'Etat.
Le
21 février 2000
, la DSS dresse des perspectives
financières désastreuses pour le FOREC, en se fondant sur des
nouvelles prévisions de la DARES en date du 11 février, et
propose à la ministre de demander, dans le cadre du collectif
budgétaire, soit la majoration de la dotation budgétaire, soit
l'affectation d'une nouvelle recette au fonds.
Comme la décision politique n'intervient pas, le décret portant
création du fonds n'est pas présenté au Conseil d'Etat.
Une deuxième tentative intervient alors en
avril 2000
. Il est
alors imaginé de mettre en place le dispositif dans la deuxième
quinzaine de décembre 2000, et donc de faire paraître le
décret entre fin octobre et fin novembre. En effet, aucun budget ne peut
être présenté et adopté par le conseil
d'administration avant le règlement juridique de l'exercice 2000. Ce
règlement juridique ne peut intervenir qu'à l'issue du vote du
PLFSS 2001, voire du deuxième collectif budgétaire.
Le ministère de l'Economie et des Finances est, à ce moment, du
même avis. En
mai 2000
, dans la réponse au questionnaire de
M. Didier Migaud, rapporteur général du budget à
l'Assemblée nationale, il plaide pour une accélération de
la procédure.
Réponse du ministère de l'Economie et des
Finances
au questionnaire de M. Didier Migaud (mai 2000)
« Le décret relatif au FOREC n'est toujours pas publié, ni le directeur ni les membres du CA n'ont été nommés et les conventions financières régissant les relations Etat/FOREC et FOREC/sécurité sociale restent à rédiger. Il paraît indispensable de lancer la procédure en Conseil d'Etat au plus tard courant juillet et nommer un directeur en septembre dernier délai pour lui laisser trois mois pour préparer le budget 2001 et les conventions. » 32( * )
Rapport AN, n° 2387, p. 51
Un
projet de décret a été examiné par le conseil
d'administration de l'ACOSS le
27 octobre 2000
, qui a émis un
avis négatif.
Le décret a été examiné par le Conseil d'Etat le
21 novembre 2000
.
Le
29 novembre 2000
, le Directeur de la sécurité sociale
écrit à M. Christian Vigouroux, directeur de cabinet de
madame la ministre de l'Emploi et de la Solidarité, en vue d'une
« réunion interministérielle prévue à
Matignon le 1
er
décembre »
. Compte tenu des
différentes prévisions de dépenses, qui ne correspondent
pas aux « affichages normés » du PLFSS 2001 -dont la
discussion n'est toujours pas terminée au Parlement- le Directeur de la
sécurité sociale propose que le décret sorte dans les
premiers jours de décembre et que des crédits budgétaires
soient prévus dans le collectif 2000.
Mais le collectif budgétaire de décembre 2000 ne comprendra pas
de mesures d'équilibre. Et le décret ne sort pas dans les
premiers jours de décembre.
Il semble que la réunion interministérielle du 1
er
décembre 2000 ait conclu à l'urgence d'attendre.
Le blocage se situe ainsi au niveau du cabinet du Premier ministre.
2. ... pour tenter de masquer le déficit du financement des trente-cinq heures
Tant que
le FOREC n'est pas constitué, il n'y a pas de
« budget » en tant que tel à afficher
33(
*
)
.
Par définition, le Fonds ne dispose ni de conseil d'administration, ni
de conseil de surveillance, censé pallier la visibilité
budgétaire pour le moins déficiente du fonds.
Les conventions de trésorerie, prévues à l'article L.
131-11, entre le fonds et les organismes de protection sociale et le fonds et
l'Etat, censées
« garantir la neutralité en
trésorerie des flux financiers pour les organismes de
sécurité sociale »
n'ont pas à être
conclues.
Enfin, le mécanisme particulier du Fonds, qui est dérogatoire par
rapport au cadre général de l'article L. 131-7 du code de la
sécurité sociale (compensation par le budget de l'Etat des
exonérations de cotisations), n'a pas à s'appliquer.
En effet, selon l'article L. 131-9, si les pertes de recettes des
régimes de sécurité sociale excèdent les recettes
du fonds, l'Etat se substitue pour compenser le manque à gagner, dans
les conditions prévues par l'article L. 131-7. Tant que le fonds
n'est pas constitué, l'Etat n'est pas tenu de compenser, même si
les opérations sont déficitaires.
V. LE RETOUR ... DES « RETOURS POUR LES FINANCES PUBLIQUES » : LA GRANDE MENACE SUR LA SÉCURITÉ SOCIALE
La
presse s'est fait l'écho des premières conclusions de votre
rapporteur au lendemain de son contrôle du 14 février 2001. Cette
« indiscrétion » a eu le mérite de provoquer
une réaction du Gouvernement dont l'analyse constitue en quelque sorte
l'épilogue du présent rapport.
Si le Gouvernement ne conteste pas les déficits du FOREC, qu'il
connaît mieux que quiconque, il prétend exhumer la vieille
théorie des « retours » pour les finances sociales
de la réduction du temps de travail.
A. LA BOUCLE EST BOUCLÉE
1. La théorie des « retours » au secours de « l'impasse » du FOREC
Le 7
mars 2001, sur France 2, Mme Elisabeth Guigou a souligné sa
volonté d'étudier le financement des trente-cinq heures
« en concertation avec les partenaires sociaux ».
La
ministre de l'Emploi et de la Solidarité a rappelé que l'an
dernier
« près de 500.000 personnes ont
retrouvé un emploi, beaucoup
(sic)
grâce aux
35 heures ».
Ces 35 heures
« produisent
des dépenses et génèrent des recettes à la fois
pour l'Etat et pour la sécurité sociale ».
Il
« est normal »
a-t-elle ajouté, de faire la
« balance entre les dépenses supplémentaires et les
recettes supplémentaires reçues »
et de voir
« comment trouver un bon équilibre pour financer les
35 heures »
.
Votre commission a toujours considéré que la théorie des
« retours » n'était que l'habillage
pseudo-économique d'une « partie de bras de fer »
consistant à faire supporter à la protection sociale le
coût de mesures décidées par l'Etat.
Tant M. Louis Souvet, dans son rapport sur le projet de loi d'orientation et
d'incitation à la réduction du temps de travail
34(
*
)
, que votre rapporteur, dans le cadre de l'examen du
projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2000
35(
*
)
, ont fait valoir les nombreuses
raisons qui rendaient cette théorie irrecevable :
-
toute mesure d'exonération de cotisations pourrait légitimer
la théorie des retours :
il est étonnant, à ce
titre, que le Gouvernement n'ait pas appliqué une telle théorie
à la « ristourne dégressive de CSG » puisque
cette mesure était censée favoriser le « retour
à l'emploi » ;
-
l'effet de la modération salariale liée à la
réduction du temps de travail n'est pas pris en compte
36(
*
)
;
-
toute tentative d'une comptabilisation des emplois créés par
les trente-cinq heures est vaine
comme l'a montré, l'an dernier, la
mission de contrôle sur la gestion des exonérations de cotisations
de sécurité sociale
37(
*
)
; en
1998, le Gouvernement avait l'ambition de
« quantifier à
l'unité près »
38(
*
)
ce nombre d'emplois mais force est de constater que la loi Aubry II ne
comporte aucune contrainte dans ce domaine et que le Gouvernement confond, de
manière générale, les « engagements »
et les créations d'emplois
;
-
la théorie des retours compromet la nécessaire clarification
des relations financières entre l'Etat et la sécurité
sociale ainsi que le bien-fondé des efforts demandés aux
gestionnaires, aux assurés, comme aux professionnels de santé
pour assurer une maîtrise des dépenses
;
- elle fait peu de cas de la quinzaine de milliards de francs
d'exonérations de cotisations non compensés, qui sont à la
charge de la sécurité sociale
.
Point n'est donc besoin de revenir longuement sur ces raisons avancées
en 1998 et 1999, sinon que les partenaires sociaux, unanimes, avaient fait
reculer le Gouvernement en octobre 1999.
Or, si le « retour » de la théorie des retours est
l'ultime ligne de défense du Gouvernement, il constitue également
un retour à la case départ, c'est-à-dire au schéma
initial des « contributions » des organismes de
sécurité sociale au financement des trente-cinq heures.
2. ... alors la sécurité sociale finance déjà les trente-cinq heures, à la différence de l'Etat
« L'idée d'une participation de la sécurité
sociale au financement de la RTT n'a jamais été acceptée
par les partenaires sociaux. C'est la raison pour laquelle nous avons dû
opérer par transferts de recettes au moyen de la
« tuyauterie » mise en place dans le cadre des LFSS pour
2000 et 2001. »
La note de la Direction de la
sécurité sociale du 24 janvier 2001 ne manque pas de franchise.
De fait, sur l'exercice 2000, la sécurité sociale contribue
à hauteur de 11 milliards de francs au financement des trente-cinq
heures. Ses recettes, qui ont été détournées au
profit du FOREC représentent 18,6 % des ressources de ce fonds
(59 milliards de francs).
Sur l'exercice 2001, la « participation » de la
sécurité sociale est de 18,5 milliards de francs (droits
alcools + droits tabacs soustraits de la CNAMTS) sur les 79,3 milliards de
francs attendus, soit 23,3 % du total.
Cette participation dépasse ainsi largement ce qui était
initialement prévu, puisque la sécurité sociale
était censée financer un tiers des nouvelles aides
pérennes et incitatives (donc en dehors des 40 milliards de francs de la
ristourne Juppé), participation qui pouvait être
évaluée à 7 milliards de francs en 2000 (soit un
équivalent de 11 % des recettes) et 11 milliards de francs en 2001 (soit
13,9 %).
Ce qui veut dire que, malgré l'opposition des partenaires sociaux et du
Sénat,
la sécurité sociale participe d'ores et
déjà au financement des trente-cinq heures bien au-delà
d'une quote-part pourtant elle-même inacceptable : près de
30 milliards de francs en 2000-2001 contre 18 milliards de francs
exigés au titre de la clef de répartition établie par le
ministre de l'Economie et des Finances.
Parallèlement et simultanément,
l'Etat s'est
exonéré lui-même de la théorie des retours :
il
ne finance plus rien des trente-cinq heures. Certes, il a perdu des recettes
(tabacs, taxes sur les conventions d'assurance, taxe sur les véhicules
de sociétés), mais en contrepartie de diminution de
dépenses (ristourne Juppé, allégement de Robien).
En outre, le Gouvernement a mis en place des
« tuyauteries » lui permettant de substantielles
économies budgétaires au dépens des comptes sociaux :
transfert à la CNAF de la majoration de l'allocation de rentrée
scolaire et au FSV du financement de la dette contractée à
l'égard de l'ARRCO et de l'AGIRC.
Source : rapport Sénat n° 67 (2000-2001) tome I.
Ainsi, en 2001, la loi de financement de la sécurité sociale,
devenue « loi de financement des trente-cinq heures »,
prévoyait les transferts financiers suivants :
Modifications d'affectations de recettes et d'imputations de
dépenses
Les « tuyauteries » de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001
(en millions de francs)
Organismes |
Mesures |
Recettes |
Dépenses |
CNAMTS |
Baisse fraction droits sur les tabacs |
-7 096 |
|
|
Disparition fraction prélèvement social de 2 % |
-920 |
|
|
Relèvement du taux de la CSG maladie |
7 515 |
|
|
CHAA - CHRS |
|
54 |
|
Total |
-501 |
54 |
|
SOLDE |
|
-555 |
CNAF |
Disparition fraction prélèvement social de 2 % |
- 1.495 |
|
|
Majoration allocation rentrée scolaire |
|
4 100 |
|
Fraction majorations retraite 3 enfants |
|
2 910 |
|
FASTIF |
|
-1 100 |
|
Total |
-1 495 |
5 910 |
|
SOLDE |
|
-7 405 |
FSV |
Perte des droits sur les alcools |
-5 669 |
|
|
Affectation prélèvement social 2 % |
2 300 |
|
|
Baisse taux CSG |
-7 515 |
|
|
Fraction majorations retraite 3 enfants |
|
-2 910 |
|
AGIRC - ARRCO |
|
2 884 |
|
Cessation anticipée d'activité |
|
130 |
|
Total |
-10 884 |
104 |
|
SOLDE |
|
-10 988 |
ETAT |
Taxe sur conventions d'assurance |
-3 986 |
|
|
Vignette véhicules des sociétés |
-4 000 |
|
|
CHAA - CHRS |
|
-54 |
|
MARS |
|
-4 100 |
|
FASTIF |
|
1 100 |
|
Droits tabacs |
-3 138 |
|
|
Suppression contribution Etat au FOREC |
|
-4 300 |
|
Cessation anticipée d'activité |
|
-130 |
|
AGIRC - ARRCO |
|
-2 884 |
|
Débudgétisation de Robien + exos |
|
-3630 |
|
Total |
-11 124 |
-13 998 |
|
SOLDE |
|
2.874 |
FOREC |
Affectation droits sur les alcools |
5 669 |
|
|
Fraction taxe sur les conventions d'assurance |
3 986 |
|
|
Vignette véhicules sociétés |
4 000 |
|
|
Droits tabacs |
10 234 |
|
|
Suppression contribution Etat |
-4 300 |
|
|
Dépenses de Robien + exos familiales |
|
3 630 |
|
Total |
19 589 |
3 630 |
|
SOLDE |
15 959 |
|
Fonds de réserve |
Affectation prélèvement social 2% |
115 |
|
|
TOTAL DES SOLDES |
- 4.300 |
- 4.300 |
Au
total, la sécurité sociale a déjà été
ponctionnée lourdement et au-delà de ce qu'exigeait l'application
d'une théorie qui est désormais ramenée à ce
qu'elle n'a jamais cessé d'être : l'habillage d'une
confiscation des excédents sociaux.
Et pourtant, face aux déficits persistants du FOREC, le Gouvernement
entend, semble-t-il, aller plus loin encore au nom du
« bon
équilibre pour financer les trente-cinq heures ».
B. LA SÉCURITÉ SOCIALE EST LA VARIABLE D'AJUSTEMENT DE LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE DU GOUVERNEMENT
1. L'arrêté des comptes de 2000
La forme
de « politique de l'autruche » conduite par le Gouvernement
a atteint ses limites, compte tenu de l'imminence de l'arrêté des
comptes 2000 des régimes sociaux.
L'ACOSS, qui stocke les impositions affectées dans une sorte de
« compte spécifique d'attente », a attendu des
instructions avant de « répartir » entre les
régimes et les branches les recettes 2000.
En l'absence de telles instructions adressées aux agents comptables de
l'ACOSS et des caisses du régime général, la tenue de la
réunion du printemps 2001 de la Commission des comptes de la
sécurité sociale aurait été compromise, sauf
à faire apparaître, dans une
présentation en
«
encaissements/décaissements »,
un
déficit du régime général d'environ
70 milliards de francs.
Dans le cas d'une
présentation en droits constatés
, les
comptes des branches du régime général seraient, par
construction, équilibrés, les régimes et les caisses
faisant apparaître dans leurs recettes des
« créances »
sur le FOREC.
Premier effet direct du contrôle effectué par votre rapporteur,
l'instruction ministérielle a été finalement faxée
le jeudi 22 février 2001 à l'ACOSS. Il lui a été
demandé de répartir les recettes disponibles au prorata des
pertes de recettes constatées par les régimes et par les caisses.
Le régime agricole a ainsi « perçu » 3,2
milliards de francs, pour 4 milliards de francs de pertes de cotisations,
et le régime général 55,8 milliards de francs, pour 68,1
milliards de francs de pertes de cotisations.
Une telle instruction ministérielle, dont un projet avait
été préparé dès le courant du mois janvier
2001 par la Direction de la sécurité sociale, manque de base
légale en l'absence de constitution du FOREC : l'ACOSS a pour seule
mission d'encaisser des recettes sur un compte spécifique.
Pour passer outre, le Gouvernement se livre à une interprétation
des travaux préparatoires de l'article 5 de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 créant le FOREC.
En
encaissements/décaissements
, les différents
régimes « supportent » ainsi le déficit 2000
du FOREC :
- 12,3 milliards de francs pour le régime général ;
- 0,8 milliard de francs pour le régime agricole.
En
droits constatés
, des
« restes à
recouvrer »
sur le FOREC neutralisent comptablement, pour les
régimes sociaux, le déficit du FOREC.
En cas de constitution de ce fonds, selon les dispositions de l'article L.
131-9, ces
« restes à recouvrer sur le
FOREC »
se transformeraient en
« restes à
recouvrer sur l'Etat »
.
2. Le prétexte de l'équilibre du régime général
Le
régime général de sécurité sociale serait
à l'équilibre en 2000, même en
encaissements/décaissements. Cette donnée a été
confirmée par M. Pierre-Louis Bras, directeur de la
sécurité sociale, lors de l'entretien du 14 février
2001.
Pour le Gouvernement, il suffit d'afficher un régime
général « à l'équilibre ». La
« cagnotte sociale » -estimée à plus de
20 milliards de francs en 2000, compte tenu de la progression de la masse
salariale- prendrait ainsi en charge la dérive des dépenses
d'assurance maladie (17 milliards de francs) et le
« trou » du financement des trente-cinq heures
(12 milliards de francs sur le champ du régime
général).
Cette position ressort également des
« réponses » du Gouvernement au questionnaire de
votre rapporteur : tant que « l'équilibre » des
régimes sociaux n'est pas en cause, le Gouvernement n'a pas à
agir.
Les
« restes à recouvrer »
des caisses se
transformeraient, au fil du temps, en
« créances
irrecouvrables »
. La sécurité sociale, qui
participe d'ores et déjà au financement des trente-cinq heures
pour 11 milliards de francs en 2000
39(
*
)
se
verrait infliger une charge supplémentaire de 13 milliards de
francs pour 2000.
Financement des dépenses
supplémentaires
occasionnées par les trente-cinq heures en
2000
(en millions de francs)
Prélèvement supplémentaire CSB |
2.769 |
Prélèvement supplémentaire TGAP |
800 |
Sous-total prélèvements supplémentaires |
3.569 |
Droits alcools participation sécurité sociale |
10.941 |
Prise en charge du déficit 2000 |
13.136 |
Sous-total sécurité sociale |
24.077 |
Contribution budgétaire |
4.300 |
TOTAL |
31.946 |
En 2000, la sécurité sociale prendrait en charge 24 des 32 milliards de francs représentant les dépenses supplémentaires occasionnées par les trente-cinq heures, c'est-à-dire les dépenses excédant les 40 milliards de francs de la ristourne « bas salaires » qui existait avant les lois Aubry.
Vers
un financement des trente-cinq heures à 75 % par la
sécurité sociale ?
Cette
« participation » est bien supérieure au
« retour » pour les organismes de base de
sécurité sociale qu'aurait calculé le Commissariat
général du Plan
40(
*
)
pour
l'année 2000, soit 6,8 milliards de francs.
En définitive, il ne s'agit plus de la théorie des retours,
mais d'un retour au système antérieur à la loi du 25
juillet 1994, consistant à ne pas compenser à la
sécurité sociale les exonérations de cotisations de
sécurité sociale.
En ce qui concerne les exonérations de cotisations de janvier 2000,
point qui n'est toujours pas tranché au 31 mars 2001, le temps joue
indéniablement en faveur du ministère de l'Economie et des
Finances : compte tenu de l'adoption prochaine par le Parlement de la loi
de règlement pour 1999, qui a déjà fait l'objet d'une
lecture à l'Assemblée nationale et du silence des deux collectifs
budgétaires de 2000, il appartiendrait paradoxalement à
la loi
de règlement pour 2000
de régulariser ce « reste
à recouvrer sur l'Etat », portant sur
l'exercice 1999
.
Il est vrai que des crédits correspondant à des compensations
d'exonérations de cotisations sont nécessairement
évaluatifs ; comme il convient que l'Etat s'acquitte de sa dette,
les montants inscrits en loi de finances ne sont jamais réellement
identiques aux dépenses réellement estimées pour
l'année.
3. L'hypothèse d'une absence de constitution du FOREC
Le
Gouvernement semble désormais vouloir renoncer à une constitution
du FOREC. C'est effectivement le meilleur moyen de ne pas faire
apparaître son déséquilibre et de ponctionner la
sécurité sociale.
Mais une loi de financement de la sécurité sociale sera
nécessaire pour revenir sur le texte de la loi de financement pour
2000
.
Le Gouvernement devra alors se déjuger spectaculairement, par rapport
à tous les arguments qui avaient été mis en avant pour
justifier la création du FOREC : pérennité des
allégements de charges, contrôle des fonds publics, transparence
des comptes et neutralité pour les organismes de sécurité
sociale.
Le Gouvernement peut encore choisir une tactique dite « loi
Thomas »
41(
*
)
: ni abrogation, ni
application. Mais une telle stratégie l'obligerait à afficher un
équilibre du compte FOREC pour 2001 et 2002 à l'annexe
f)
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002.
L'épreuve de vérité aurait lieu dans ce cas en octobre
2001.
4. Une détérioration de la trésorerie de l'ACOSS
Le point
le plus bas du profil de trésorerie de l'ACOSS se monte à
20,1 milliards de francs en 2000 (contre 19,4 en 1999).
L'absence d'une amélioration significative de ce profil par rapport
à 1999, alors même que les encaissements des URSSAF ont
été supérieurs de 18,5 milliards de francs par
rapport à la prévision initiale de la loi de financement de la
sécurité sociale, s'explique par la charge que représente
le déficit de financement du FOREC (12 milliards de francs pour le
seul régime général).
Sur 2001, compte tenu d'une prévision de croissance de la masse
salariale du secteur privé très élevée
(5,9 %), il n'y aura pas de « cagnotte sociale ».
Toute nouvelle dérive des dépenses d'assurance maladie, et la
prise en charge du déficit 2000 du FOREC, pèseront sur la
trésorerie de l'ACOSS.
Le plafond d'avances retenu par la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 (29 milliards de francs) risque ainsi
d'être dépassé.
Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement dans ses réponses
au questionnaire, le régime général supporte en
trésorerie le déficit du FOREC et risque de le traîner
comme un boulet.
*
* *
Force
est de constater que le financement des trente-cinq heures est aujourd'hui dans
l'impasse.
Réduire le coût de cette politique
, comme le propose le
ministère de l'Economie et des Finances, c'est diminuer la compensation
du coût financier des trente-cinq heures pour les entreprises et remettre
en cause une réforme emblématique du Gouvernement.
Augmenter les recettes qui lui sont attribuées,
c'est augmenter
la TGAP et la CSB et donc les prélèvements obligatoires, ou
encore majorer la part affectée de taxe sur les conventions d'assurance,
ce qui a pour conséquence directe une réduction moins importante
que prévu du déficit budgétaire.
La piste d'un nouveau barème des cotisations sociales se substituant aux
mécanismes d'exonérations actuellement en vigueur, a
été évoquée ici ou là.
Dans le contexte actuel, cette porte de sortie consisterait, pour le
Gouvernement, à jouer une nouvelle fois sur les mots.
Le FOREC reposait initialement sur une
« trouvaille » : la sécurité sociale
finançait massivement un fonds chargé de lui compenser
intégralement ses pertes de recettes.
De même, la piste d'un nouveau barème, intégrant les
exonérations, mettrait fin à l'obligation -toute relative en
l'espèce-, d'une compensation de ces dernières à la
sécurité sociale.
Il semble que le Gouvernement entende annoncer ses
« décisions » lors de la prochaine réunion de
la Commission des comptes de la sécurité sociale, au milieu du
mois de mai.
L'analyse des avatars du financement des trente-cinq heures depuis près
de trois ans fait craindre à votre rapporteur qu'il n'en sorte rien de
bon pour la sécurité sociale.
TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. RÉUNION DU MARDI 30 JANVIER 2001
Durant la réunion de commission du mardi 30 janvier
2001,
M. Jean Delaneau, président,
a fait état des travaux
envisagés par MM. Charles Descours, Jean-Louis Lorrain et Alain
Vasselle, rapporteurs des lois de financement de la sécurité
sociale dans le cadre de leur mission de suivi de l'application de ces lois.
Il a indiqué que les rapporteurs avaient retenu, pour leurs travaux, une
préoccupation commune, celle des nombreux fonds créés par
les lois de financement : fonds de financement des trente-cinq heures et
fonds de réserve des retraites, ces deux fonds faisant apparaître
de grandes incertitudes quant à leur financement et quant à leur
statut, fonds d'investissement pour les crèches et fonds médicaux
et hospitaliers.
Il a précisé que ces travaux de suivi et de contrôle sur
pièces et sur place donneraient lieu à plusieurs communications
des rapporteurs dans le courant du printemps et à la publication d'un
rapport d'information qui pourrait être rendu public début juin.
Il a en outre indiqué que la commission entendrait début avril
une communication de M. Charles Descours sur les améliorations
souhaitables de la loi organique relative aux lois de financement de la
sécurité sociale. Cette communication, qui fait suite au rapport
très complet présenté par M. Charles Descours en juin
1999, devrait déboucher sur le dépôt d'une proposition de
loi organique.
II. RÉUNION DU JEUDI 5 AVRIL 2001
Réunie le jeudi 5 avril 2001, sous la
présidence de
M. Jean Delaneau, président, la commission a entendu une
communication de M. Charles Descours
, rapporteur des lois de
financement de la sécurité sociale (équilibres financiers
et assurance maladie) sur les
résultats de sa mission de
contrôle
sur pièces et place sur le
fonds de financement de
la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale
(FOREC), et
ses propositions de réforme de la loi
organique du 22 juillet 1996
relative aux
lois de financement de la
sécurité sociale
.
M. Charles Descours, rapporteur,
a rappelé que les rapporteurs de
la loi de financement de la sécurité sociale avaient
décidé de contrôler, au cours du premier semestre 2001, les
fonds de la protection sociale. Il a précisé que ce programme de
contrôle avait débuté le 10 janvier par l'envoi d'un
questionnaire à Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi et de la
solidarité. Il a ajouté que les réponses lacunaires aux
questions portant sur le « fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales » (FOREC) avaient
achevé de le convaincre de se rendre pour effectuer un contrôle
« sur pièces et sur place », le
14 février dernier, à l'Agence centrale des organismes de
sécurité sociale, au ministère de l'emploi et de la
solidarité et au ministère de l'économie et des finances.
Il a observé que le choix de contrôler le FOREC n'était pas
né de l'opposition de la majorité sénatoriale à la
politique de réduction du temps de travail, puisque la loi du
19 janvier 2000, dite « loi Aubry II », était
désormais « une loi de la République ». Il a
ajouté que le rapport de contrôle n'avait pas pour objet de se
prononcer sur la pertinence de la loi sur la réduction
négociée du temps de travail, mais sur la gestion du dossier du
financement des trente-cinq heures par le Gouvernement.
Il a jugé que cette « gestion » était
« à proprement parler catastrophique » :
surévaluation de recettes, sous-estimation de dépenses et
répétition d'erreurs constitutionnelles. Il a rappelé que
les échos donnés par la presse aux premiers résultats du
contrôle l'avaient conduit, en accord, avec le président Delaneau,
à adresser aux commissaires un exemplaire de la note qu'il avait
rédigée dès le 20 février dernier.
M. Charles Descours, rapporteur,
a résumé ses conclusions
par trois adjectifs : structurel, virtuel et réel.
Le financement des trente-cinq heures n'est pas assuré : son
déficit est structurel.
L'organisme chargé de leur financement, le « fonds de
financement de la réforme des cotisations patronales », n'a
toujours pas été constitué : le FOREC est virtuel.
En revanche, la menace sur les comptes de la sécurité sociale est
bien réelle.
S'agissant du déficit,
M. Charles Descours, rapporteur,
a
confirmé son ampleur : 13 milliards de francs en 2000, entre 15 et
21 milliards de francs en 2001. Il a relevé que le chiffre
communiqué pour 2001 était une prévision, à la
différence de celui de 2000, qui est déjà constaté.
Il a observé cependant que cette prévision était
« hautement probable ».
Il a indiqué que les recettes avaient été
surévaluées par le Gouvernement, comme le montre l'écart
entre les dernières prévisions communiquées en septembre
2000 au Parlement (67 milliards de francs figurant à l'annexe f du
projet de loi de financement) et le « résultat » (59
milliards de francs). Cet écart ne s'explique pas seulement par
l'annulation de 3,1 milliards de francs de droits tabacs par le Conseil
constitutionnel, dans sa décision du 28 décembre 2000 sur la
loi de finances rectificative. La préparation de l'annexe f a
été l'occasion de « gonfler »
artificiellement des recettes, en mélangeant deux modes de
comptabilisation, la comptabilisation en encaissements/décaissements et
la comptabilisation en droits constatés.
M. Charles Descours
a considéré que cette
« petite duperie comptable » n'était rien à
côté des prévisions « normées »
de dépenses.
Il ressort en effet des notes du ministère de l'emploi et de la
solidarité et du ministère de l'économie et des finances
que, dès le mois d'avril 2000, le Gouvernement disposait de
prévisions de dépenses supérieures à 70 milliards
de francs pour 2000 et aux alentours de 90 milliards de francs en 2001.
Lors de la préparation du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, le Gouvernement a choisi sciemment de
sous-estimer les dépenses, probablement faute de recettes
suffisantes : seuls 67 milliards de francs ont été
prévus pour 2000 et 85 milliards de francs pour 2001.
La prévision de dépenses pour 2001 réalisée par les
régimes sociaux, disponible dès octobre 2000,
s'élève à 100 milliards de francs. Elle repose sur
une hypothèse, qu'il conviendra naturellement de vérifier :
l'accélération, au 1
er
janvier 2001, du nombre
d'entreprises passant aux trente-cinq heures, compte tenu du
renchérissement du coût des heures supplémentaires.
L'évaluation de la direction de l'animation, de la recherche, des
études et des statistiques (DARES), direction du ministère de
l'emploi et de la solidarité, se situe quelque peu en dessous :
95 milliards de francs.
M. Charles Descours, rapporteur,
a constaté que l'administration
avait multiplié les notes alertant les ministres sur la situation
financière du FOREC et que le choix de sous-estimer la situation avait
été pris en toute connaissance de cause par le Gouvernement.
Concernant les recettes 2001 du FOREC, il a indiqué qu'elles se
situaient plutôt entre 79 et 80 milliards de francs, en raison de la
décision du Conseil constitutionnel sur l'extension de l'assiette de la
taxe générale sur les activités polluantes et de la
révision à la baisse de certaines recettes.
En conséquence, il a estimé que le déficit
prévisionnel du FOREC en 2001 était compris entre 15 milliards de
francs, en étant « optimiste », et 21 milliards
de francs, en étant « pessimiste ». Le
déficit cumulé sur deux années serait ainsi compris entre
28 et 34 milliards de francs.
Il a ajouté que, de manière structurelle, il manquait 30
milliards de francs par an pour financer les trente-cinq heures.
M. Charles Descours, rapporteur,
a constaté que
l'établissement public « FOREC » était pour
l'instant « virtuel », compte tenu de l'absence de
publication du décret de création, prévu à
l'article 5 de la loi de financement de la sécurité sociale pour
2000. Il a observé que la responsabilité de l'administration
n'était pas en cause, puisqu'elle avait multiplié les tentatives
pour constituer cet établissement public, d'abord dans les
premières semaines de l'année 2000, puis à la fin de cette
même année.
Il a ajouté que le décret avait été examiné
par le Conseil d'Etat en novembre 2000 et que rien ne s'opposait à sa
signature et à sa publication au Journal officiel.
Il a indiqué qu'une réunion interministérielle, tenue le
1
er
décembre 2000, à Matignon, semblait avoir
conclu à « l'urgence d'attendre ». En effet, si le
FOREC était créé, il serait nécessaire d'afficher
clairement un budget. Ce budget ne pourrait être qu'en
déséquilibre. Or, la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000 a prévu que le FOREC
était nécessairement en équilibre. Pour respecter la loi,
il faudrait dans ce cas adopter une loi de financement rectificative avant de
constituer le FOREC, ce qu'a refusé le Gouvernement en 2000.
M. Charles Descours, rapporteur,
a remarqué que, tant que le
FOREC n'était pas créé, les dispositions votées en
loi de financement pour 2000, relatives à la compensation des pertes de
cotisations des régimes, n'avaient pas à s'appliquer. Ces
dispositions prévoient en effet que si le FOREC ne dispose pas assez de
recettes pour compenser les pertes de cotisations des régimes sociaux,
l'Etat le supplée dans les conditions analogues à la compensation
« classique » des exonérations de cotisations de
sécurité sociale, principe posé par l'article
L. 131-7 du code de la sécurité sociale.
Il s'est déclaré en conséquence
« pessimiste » sur la création à venir du
FOREC.
M. Charles Descours, rapporteur,
a considéré que le
déficit du financement des trente-cinq heures faisait peser sur la
sécurité sociale « une menace réelle ».
En réaction aux articles de presse sur le financement des trente-cinq
heures, Mme Elisabeth Guigou s'est référée à
la « vieille antienne » de la « théorie
des retours » pour les finances sociales, déjà entendue
de 1997 à 1999 et rejetée unanimement par les partenaires
sociaux, et qui consiste à expliquer qu'il est normal que la
sécurité sociale contribue au financement des emplois
créés par « le bon effet » de la politique du
Gouvernement. Dès lors, la sécurité sociale prendrait
à sa charge le déficit 2000 et le FOREC ne serait pas
constitué.
M. Charles Descours
a observé qu'une lettre en date du
22 février 2001 de Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'emploi
et de la solidarité, dépourvue de base légale, avait
autorisé l'ACOSS à répartir les encaissements du FOREC
entre les régimes et les branches, afin de permettre
l'arrêté des comptes. Cette lettre se place dans
l'hypothèse d'une compensation partielle dans une comptabilité en
encaissements/décaissements et « totale » dans une
comptabilité en « droits constatés »,
à travers « des restes à recouvrer ».
Il a indiqué que le régime général serait en
excédent en 2000 de 3 à 4 milliards de francs, même en
tenant compte de la compensation partielle des exonérations de
cotisations.
Il a estimé que la théorie des « retours »
était absurde et n'avait d'autre raison que de justifier la
« ponction » sur les organismes de sécurité
sociale. Il a rappelé en outre que la sécurité sociale
contribuait déjà au financement des trente-cinq heures, à
travers toutes les « tuyauteries » mises en place par les
lois de financement de la sécurité sociale pour 2000 et 2001,
tandis que l'Etat s'était affranchi, dans le domaine, de toute
contrainte.
Il a ainsi évalué la « participation » de la
sécurité sociale à 11 milliards de francs en 2000 et
à plus de 18 milliards de francs en 2001. Il a remarqué
qu'elle était bien supérieure au soi-disant
« retour » pour les organismes de base de
sécurité sociale qu'aurait calculé le Commissariat
général du Plan : 6,8 milliards de francs pour
l'année 2000. En conséquence, ce n'est plus la théorie des
retours qui s'applique, mais le système antérieur à la loi
du 25 juillet 1994 : un système de non-compensation des
exonérations de cotisations de sécurité sociale. En effet,
si le déficit 2000 du FOREC était finalement laissé
à sa charge, la sécurité sociale financerait 75 % des
dépenses supplémentaires occasionnées par les trente-cinq
heures en 2000, soit 32 milliards de francs, chiffre que l'on obtient en
retranchant des 72 milliards de francs les 40 milliards de francs de
la « ristourne Juppé ».
M. Charles Descours, rapporteur,
a observé qu'une loi de
financement de la sécurité sociale serait nécessaire pour
revenir sur le texte adopté par la loi de financement pour 2000. Dans ce
cas, le Gouvernement devrait alors se déjuger par rapport à tous
les arguments mis en avant, lors des débats parlementaires de 1999 et de
2000, pour justifier la création du FOREC : pérennité
des allégements de charges, contrôle des fonds publics,
transparence des comptes et neutralité pour les organismes de
sécurité sociale.
Il a estimé que le Gouvernement devrait trouver une solution d'ici
octobre 2001, date du dépôt du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002, pour équilibrer le FOREC.
Cet équilibre est difficile à atteindre :
- réduire les dépenses, comme le propose le ministère
de l'économie et des finances, revient à diminuer la compensation
du coût financier des trente-cinq heures pour les entreprises et toucher
à une réforme emblématique du Gouvernement ;
- augmenter les recettes, revient à augmenter la part
affectée de la taxe sur les conventions d'assurance, ce qui a pour
conséquence directe une réduction moins importante que
prévu du déficit budgétaire.
M. Charles Descours, rapporteur,
a jugé que la piste du
« nouveau barème », évoquée par
certains, consistait à nouveau à jouer sur les mots car elle
revenait à réduire d'autorité le taux des cotisations de
sécurité sociale pour éviter de compenser des
exonérations. Au demeurant, le barème traiterait sur le
même pied d'égalité les entreprises passées aux
trente-cinq heures et les entreprises qui ne sont pas passées aux
trente-cinq heures.
Pour conclure, il a indiqué que le Gouvernement annoncerait probablement
ses décisions à la mi-mai, date de la prochaine commission des
comptes de la sécurité sociale et que, compte tenu de la
« saga » du FOREC, il n'en attendait rien de bon pour la
sécurité sociale.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
a ironisé sur la majorité
sénatoriale, qui, simultanément, appelle à des
allégements de charges sur les bas salaires et en déplore le
coût. Elle a estimé que la loi sur la réduction
négociée du temps de travail avait eu justement pour objet de
« donner un sens » à la réduction des charges
patronales. Elle a considéré que la transparence était un
objectif partagé et que le FOREC aurait pu aider à cette
transparence.
S'agissant de la sous-estimation des dépenses, elle a observé que
l'opposition aurait également critiqué le Gouvernement si les
dépenses avaient été surestimées pour
accroître le succès des trente-cinq heures. Elle a estimé
que le coût de la politique de la réduction du temps de travail
devait être assumé. Elle a rappelé en outre l'impact des
décisions du Conseil constitutionnel sur le niveau des recettes.
En ce qui concerne le déficit, elle a indiqué que le débat
était « ouvert », à la suite des travaux du
commissariat général du plan et qu'il était
nécessaire que les organisations syndicales et patronales fassent
connaître leur avis sur cette question.
Elle a considéré que la piste du « nouveau
barème » était très intéressante et
s'inscrivait dans le cadre d'une réforme structurelle des cotisations
patronales.
M. Philippe Nogrix
a remercié le rapporteur pour les
éclaircissements apportés. Il a déploré la
complexité des « tuyauteries ». Il a regretté
la charge financière des trente-cinq heures pour les entreprises.
Il a souhaité que la commission puisse étendre ses investigations
au coût des trente-cinq heures dans la fonction publique.
M. Roland Muzeau
a distingué deux parties dans le rapport de
M. Charles Descours. La première partie est relative aux chiffres,
et apparaît incontestable. La seconde est interprétative :
elle est bien évidemment critiquable. Il importe de déterminer
quels sont les effets de retours, y compris pour les entreprises :
celles-ci semblent avoir bénéficié amplement des
trente-cinq heures, en procédant à des restructurations.
M. Alain Vasselle
s'est interrogé sur le coût des
trente-cinq heures dans la fonction publique, y compris territoriale, ainsi que
sur leur coût financier pour les très petites et moyennes
entreprises. S'agissant des « tuyauteries », il a
estimé qu'il était nécessaire d'appréhender les
équilibres sociaux branche par branche.
S'adressant au président, il a souhaité que la commission des
affaires sociales continue à publier des
« schémas » pour expliquer les différents
financements.
M. Jean Delaneau, président,
a observé que le rapport de
M. Charles Descours était un rapport « quasi
comptable » et qu'il portait non pas sur l'application des
trente-cinq heures, mais sur le seul sujet de leur financement.
Répondant à M. Alain Vasselle, il a rappelé que les
rapports de la commission comportaient déjà de tels
«schémas» et qu'il était avant tout nécessaire
que le Gouvernement simplifie les différentes
« tuyauteries ».
En réponse à MM. Philippe Nogrix et Alain Vasselle,
M. Charles
Descours, rapporteur,
s'est montré soucieux du respect des
compétences des différentes commissions, gage de
l'efficacité des travaux du Sénat. Si l'analyse de la situation
du FOREC est à l'évidence au coeur des compétences de la
commission des affaires sociales, la question des trente-cinq heures dans la
fonction publique de l'Etat et la fonction publique territoriale relève,
sans nul doute, de la compétence de la commission des finances qui ne
manquera pas de prendre les initiatives qui s'imposent dans ce domaine crucial
pour la préparation du budget 2002.
Il a précisé qu'il lui apparaissait souhaitable d'étudier
également la fonction publique hospitalière, qui doit passer aux
trente-cinq heures en 2002. Le coût, estimé à
12 milliards de francs, rejaillit directement sur les dépenses
hospitalières et sera l'un des sujets les plus importants de la
prochaine loi de financement de la sécurité sociale.
Répondant à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, il a observé
que la différence entre la « ristourne
Juppé » et la « ristourne Aubry » tenait
à la nécessité de compenser aux entreprises le
surcoût des trente-cinq heures, dans le cadre de la loi RTT, tandis que
la « ristourne Juppé » n'était assortie
d'aucune obligation.
Il a précisé que l'effet de la décision du Conseil
constitutionnel du 28 décembre 2000 devait être
relativisée : sans elle, le déficit 2000 serait de 10
milliards de francs et le déficit 2001 resterait compris entre 11 et
17 milliards de francs.
La commission a décidé
d'autoriser la publication de la
communication de M. Charles Descours sous la forme d'un rapport
d'information
.
M. Jean Delaneau, président,
a précisé qu'un
document provisoire serait rapidement disponible puis joint aux autres
communications des rapporteurs des lois de financement pour la publication
définitive d'un rapport d'information unique mi-juin.
ANNEXE I
-
QUESTIONNAIRE ADRESSÉ LE 10 JANVIER 2001
PAR
LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
ET RÉPONSES DU
GOUVERNEMENT
Question n° 1 :
Dans sa décision n° 2000-437 DC du 19 décembre 2000, le
Conseil constitutionnel a déclaré non conforme à la
Constitution, comme étranger au domaine des lois de financement de la
sécurité sociale, l'article 29 de la loi de financement pour 2001
mettant à la charge du FSV la validation, par des organismes de retraite
complémentaire, des périodes de chômage et de
préretraite indemnisées par l'Etat.
a) Comment le Gouvernement entend-il désormais appliquer la
convention signée entre l'Etat et les régimes ARRCO/AGIRC le 23
mars 2000 ?
b) Entend-il maintenir sa position initiale tendant à la prise en
charge par le FSV de cette dette de l'Etat ? Si oui, par quel support
législatif et par quel montage juridique au sein du FSV compte-t-il
atteindre cet objectif ? Sinon entend-il ouvrir rapidement, dans un projet
de loi de finances rectificative ou par décret d'avance, les
crédits budgétaires nécessaires ?
Réponse :
a) et b)
: Le Gouvernement entend respecter ses engagements
retracés dans la convention signée avec les régimes ARRCO
et AGIRC le 23 mars 2000. Aussi, suite à la décision du
Conseil constitutionnel n° 2000-437 DC du 19 décembre
2000, il a introduit par amendement lors de la première lecture par
l'Assemblée nationale du projet de loi de modernisation sociale un
article reprenant la substance de l'ex-article 29 de la loi de financement
de la sécurité sociale pour 2001, amendement adopté par
l'Assemblée (art. 11 bis nouveau). Ces nouvelles dispositions
seront applicables comme les précédentes à compter du
1
er
janvier 2001.
Question n° 2 :
Dans sa décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, le
Conseil Constitutionnel a déclaré non conforme à la
Constitution, comme contraire aux dispositions de l'article LO. 111-3 du code
de la sécurité sociale, l'article 3 de la loi de finances
rectificative pour 2000, transférant au FOREC le reliquat des droits de
consommation sur les tabacs manufacturés perçu par l'Etat au
titre de l'année 2000.
Il en résulte qu'en 2000, les opérations de compensation à
la sécurité sociale des exonérations de charges sociales
entrant dans le périmètre du FOREC, tel que défini par la
loi de financement pour 2000, sont déséquilibrées.
a) Le Gouvernement a-t-il chiffré pour l'exercice 2000 le
coût de trésorerie résultant pour l'ACOSS de la prise en
charge des opérations du FOREC en l'absence de mise en place effective
de ce fonds ? Comment l'ACOSS sera-t-elle remboursée de cette
charge indue ?
b) Comment le Gouvernement entend-il financer le déficit des
opérations de compensation constaté à la fin de l'exercice
2000 ?
c) En l'absence d'initiative du Gouvernement, est-il concevable que les
plafonds de recours à l'emprunt autorisés par le Parlement pour
2001 dans la loi de financement soient utilisés par l'ACOSS pour
financer ce déficit des opérations de compensation en 2000 ?
d) Comment le Gouvernement explique-t-il le retard enregistré dans
la publication du décret d'application de la loi du 29 décembre
1999 créant le FOREC ? A quel stade en est aujourd'hui la
procédure ? (avis du Conseil d'Etat, avis des caisses, etc.)
e) Dans l'hypothèse d'une mise en place effective du FOREC courant
2001, le Gouvernement entend-il lui affecter une dotation budgétaire
pour apurer la situation déficitaire en 2000 des opérations qui
entrent dans son champ de compétences ?
Réponse :
a)
En l'absence de constitution du fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale
(FOREC), l'ACOSS a centralisé les produits des recettes du fonds dans
des comptes spécifiques ouverts à cet effet, en application du
2
ème
alinéa du III de l'article 5 de la loi
n° 99-1140 du 29 décembre 1999 de financement de la
sécurité sociale pour 2000, portant création du fonds. Ces
produits sont reçus en trésorerie par l'Agence. Dès lors,
cette situation ne crée aucune charge en trésorerie pour le
régime général.
b)
Les montants définitifs des dépenses et des
recettes du FOREC au titre de l'année 2000 ne sont pas encore connus
définitivement à ce jour. L'annulation de l'affectation de la
recette tabac de l'Etat de 3,1 milliards de francs par le Conseil
constitutionnel dans sa décision n° 2000-441 DC du
28 décembre 2000 minore ces recettes. En tout état de cause,
le Gouvernement prendra si nécessaire les mesures propres à
assurer l'équilibre des comptes sociaux.
c)
En l'état actuel des informations disponibles, l'ACOSS ne
devrait pas recourir à l'emprunt en 2001 pour un montant
supérieur au plafond de trésorerie du régime
général prévu par l'article 59 de la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2001 (29 milliards
de francs).
d)
S'agissant du décret d'application de
l'article L. 131-8 du code de la sécurité sociale,
l'avis du Conseil d'Etat ainsi que ceux des caisses du régime
général de la sécurité sociale obligatoirement
consultées ont été rendus.
e)
Cette question appelle une réponse identique à
celle apportée à la question b) ci-dessus.
Question n° 3 :
Dans sa décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, le
Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la
Constitution l'article 37 du projet de loi de finances rectificative pour 2000,
étendant à la TGAP à l'électricité et aux
produits nucléaires.
Il en résulte pour 2001 une perte de recettes pour le FOREC de
3,8 milliards de francs par rapport aux prévisions figurant dans la
loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.
Le refus par le Gouvernement de saisir le Parlement d'un projet de loi de
financement rectificative de la sécurité sociale permettant de
tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel
n° 99-423 DC du 13 janvier 2000 (annulation de la taxe sur les heures
supplémentaires) a conduit à une grande confusion
Fort de cette expérience malheureuse, le Gouvernement entend-il saisir
le Parlement d'un projet de loi de financement rectificative de la
sécurité sociale pour 2001 permettant d'équilibrer les
recettes et les dépenses du FOREC ?
Réponse :
Le Gouvernement proposera en temps utile les mesures rendues
nécessaires notamment par la décision du 28 décembre
2000 du Conseil constitutionnel. Conformément à la jurisprudence
de ce dernier, il est souligné que la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2002, qui sera débattue cet automne,
pourra porter rectification de la loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001.
ANNEXE II
-
LISTE DES NOTES COMMUNIQUÉES
PAR LES
MINISTÈRES
Ministère de l'Emploi et de la Solidarité - Direction de la sécurité sociale
Date |
Destinataire |
Objet |
24/01/2001 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Financement des exercices 2000 et 2001 du FOREC |
22/01/2001 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Point sur la situation du FOREC et orientations possibles |
22/01/2001 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Instruction aux organismes de sécurité sociale/prise en compte des recettes affectées au FOREC pour la clôture de l'exercice 2000 |
18/01/2001 |
Ministre Emploi et Solidarité |
FOREC - Mise en place après le 31 décembre 2000 |
19/12/2001 |
|
Droits sur les tabacs : accélération des circuits |
29/11/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC)/situation financière sur l'exercice 2000/Préparation de la réunion interministérielle prévue à Matignon le 1 er décembre |
24/11/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Garantie des objectifs de recettes des droits sur le tabac en 2001 |
14/11/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Transfert UNEDIC/Etat/FSV |
14/11/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Deuxième séance de travail au Conseil d'Etat sur le projet de décret FOREC |
13/11/2000 |
Directeur |
Prévisions de l'ACOSS concernant les mesures prises en charge par le FOREC |
13/11/2000 |
Mme la déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle |
Information des régimes spéciaux sur la mise en place du FOREC - Transfert de charge entre l'Etat et l'établissement public |
9/11/2000 |
Directeur |
Séance de travail au Conseil d'Etat sur le projet de décret FOREC |
24/10/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Equilibre du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
16/10/2000 |
Vice-Président du Conseil d'Etat |
Projet de décret relatif au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et modifiant le code de la sécurité sociale |
13/10/2000 |
Spaeth, Président de la CNAMTS |
Projet de décret en Conseil d'Etat |
13/10/2000 |
|
Fiche de présentation d'article PLFSS 2001 - 1 ère lecture AN (article 10) |
4/10/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Projet de décret en Conseil d'Etat relatif au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
29/09/2000 |
|
Fiche de présentation d'article PLFSS 2001 - 1 ère lecture AN (article 11) |
29/09/2000 |
6 ème sous-direction de la Direction du budget |
Situation de la trésorerie du régime général de sécurité sociale en 2000 |
18/09/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Situation de la trésorerie du régime général en 2000 et 2001 |
24/07/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
PLFSS 2001 - Transferts financiers au bénéfice du FOREC |
30/06/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Mise en place du FOREC |
30/06/2000 |
Ministre Economie, des Finances et de l'Industrie |
Encaissements de l'ACOSS au titre du FOREC |
15/06/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 |
25/05/2000 |
|
FOREC - Mesures nouvelles 2000 |
25/05/2000 |
|
FOREC |
25/05/2000 |
|
FOREC - Compte de reconduction 2000/2001 |
28/04/2000 |
Directeur de cabinet, ministre Emploi et Solidarité |
Entretien sur le contenu de la note du 28/04/2000 |
28/04/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Premiers éléments de cadrage pour la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2001 |
12/04/2000 |
|
FOREC |
10/04/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Ressources fiscales du FOREC/Etat des lieux |
7/04/2000 |
Directeur de l'ACOSS |
Recettes du FOREC recouvrées par l'ACOSS |
7/04/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Recettes fiscales affectées au financement du FOREC |
31/03/2000 |
|
FOREC - Compte de reconduction 2000 |
08/03/2000 |
Directeur de l'ACOSS |
Identification financière et comptable des recettes fiscales reçues à titre transitoire par l'ACOSS pour le compte du FOREC |
24/02/2000 |
Ministre Economie, Finances et Industrie |
Recettes fiscales affectées au financement du FOREC |
21/02/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Préparation du collectif/besoins de financement Etat |
09/02/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Projet de décret en Conseil d'Etat relatif au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
28/01/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Personnels du fonds CMU et du FOREC |
28/01/2000 |
Ministre Economie Finances et Industrie |
Agent comptable du fonds de solidarité vieillesse, du fonds de financement de la couverture universelle du risque maladie (fonds CMU) et du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
28/01/2000 |
Directeur de l'ACOSS |
Suivi des mesures d'allégement prises en charge par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
27/01/2000 |
ACOSS, CNAMTS, CNAF, CANVTS, direction du budget, direction de la prévision, DSS, CCMSA, ministère de l'agriculture (DEPSE) |
Réunion de trésorerie du mois de février 2000 |
26/01/2000 |
Ministre Economie Finances et Industrie Direction du budget |
Réunion relative au circuit de recouvrement de la recette tabac |
21/01/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Nomination des présidents des conseils d'administration des fonds CMU et réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC) |
20/01/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Equilibre financier du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales/Annulation par le Conseil constitutionnel de la contribution sur les heures supplémentaires |
18/01/2000 |
Ministre Economie Finances et Industrie Direction générale de la comptabilité publique |
Projet de décret en Conseil d'Etat relatif au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
07/01/2000 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Mise en place du FOREC/Mission donnée au Fonds de solidarité vieillesse |
17/12/1999 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Avant-projet de décret instaurant un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
21/07/1999 |
Ministre Emploi et Solidarité |
Fonds sur la réduction du temps de travail |
Ministère de l'Economie et des Finances - Direction du Budget
Date |
Destinataire |
Objet |
21/09/2000 |
Ministre de l'Emploi et de la Solidarité |
Hypothèses de trésorerie de l'ACOSS relatives aux allégements de charges |
15/09/2000 |
Ministre de l'Emploi et de la Solidarité |
Réponse au questionnaire parlementaire sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 |
13/09/2000 |
Ministre de l'Emploi et de la Solidarité |
Encaissements de l'ACOSS au titre du FOREC |
07/09/2000 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Affectation de recettes au FOREC |
08/08/2000 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Compensation par l'Etat d'un abattement de CSG et équilibrage du FOREC |
11/04/2000 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Equilibre financier du fonds de réforme des cotisations sociales patronales (FOREC) |
07/03/2000 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Financement du fonds de réforme des cotisations sociales (FOREC) |
17/01/2000 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Décision du 13 janvier 2000 du Conseil constitutionnel relative à la loi sur la réduction négociée du temps de travail |
07/01/2000 |
Ministre de l'Emploi et de la Solidarité |
Echéancier des versements du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale |
23/08/1999 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Modalités de financement du fonds d'allégements des charges sur les bas salaires |
25/05/1999 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Réforme des cotisations sociales |
15/02/1999 |
Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie |
Réforme des allégements de charges sur les bas salaires et articulation avec la mise en place du dispositif permanent d'aide à la réduction du temps de travail |
1
Cf. rapport de MM. Charles Descours,
Jacques
Machet et Alain Vasselle sur l'application des lois de financement de la
sécurité sociale, n°356 (1999-2000).
2
Le questionnaire et les réponses du Gouvernement sont
reproduits en annexe du présent rapport.
3
Séance de la commission du 30 janvier 2001.
4
M. Charles Descours (équilibres financiers
généraux et assurance maladie), M. Jean-Louis Lorrain
(famille) et M. Alain Vasselle (assurance vieillesse).
5
L'UNEDIC ne semblait pas, à l'époque,
concernée.
6
Projet de loi n° 512 (XIème législature)
d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de
travail, déposé le 10 décembre 1997.
7
Cf. rapport déposé pour le débat
d'orientation budgétaire de juin 1999.
8
Selon l'expression de Mme Nicole Notat.
9
Le rapport de M. Jean-François Chadelat a été
publié par « Liaisons sociales ».
10
Le rapport de M. Edmond Malinvaud est un rapport du Conseil
d'analyse économique.
11
Dossier de presse «Sécurité sociale : les
réformes portent leurs fruits», p. 7.
12
Pour 2000, la contribution budgétaire est incluse dans la
catégorie de recettes « contributions publiques ».
13
Rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1999, p.
46.
14
Un relèvement des quotités sur la pollution
atmosphérique et les huiles usagées devant par ailleurs
représenter 250 millions de francs de recettes supplémentaires.
15
67 milliards de francs (nouvelle prévision du PLFSS pour
2001) diminués de 3,1 milliards de francs (recette tabacs annulée
par le Conseil constitutionnel).
16
Même si le Conseil constitutionnel a annulé cette
disposition de la loi de financement de la sécurité sociale, elle
a été réintroduite le 11 janvier 2001 dans le projet de
loi de modernisation sociale (article 11 bis nouveau) adopté par
l'Assemblée nationale.
17
Cf. infra, p. 43.
18
Cf. dossier de presse du 21 septembre 1999 et exposé des
motifs du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
19
Chronologiquement, le projet de loi de financement de la
sécurité sociale est à la veille de la première
lecture Sénat.
20
Note précitée de la Direction du budget en date du
11 avril 2000.
21
Décision n° 99-423 DC du 13 janvier 2000.
22
Allocution de M. Jacques Chirac, Président de la
République - réception des conseils économiques et sociaux
régionaux - Palais de l'Elysée - mercredi 19 janvier 2000 - c'est
votre rapporteur qui souligne.
23
Pour reprendre les termes de la dépêche AFP du 20
janvier 2000.
24
L'ensemble de ces allégations ont naturellement
été systématiquement démenties par les faits.
25
Communiqué à la presse du
« Ministère » de l'emploi et de la solidarité
- Jeudi 20 janvier 2000.
26
Réponse à M. Charles Descours, Sénat,
Séance du 20 janvier 2000 (JO débats Sénat page 193).
27
L'évaluation d'ici à 2020 de ces
« siphonnages » donne le tournis.
28
Communication devant la commission le 19 avril 2001.
29
Cette recette s'est finalement élevée à 3,2
milliards de francs, cf. infra.
30
Source : Communiqué de presse du ministère de
l'économie et des finances du mardi 30 janvier 2001,
« Dernières opérations comptables concernant le budget
2000 ».
31
Cf. ci-dessus le débat passionnant concernant le mois de
janvier 2000...
32
Rapport AN, n° 2387, p. 51.
33
A part les prévisions de l'annexe f) du projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
34
Rapport n° 306 (1997-1998) déposé le 25
février 1998.
35
Rapport n° 58 (1999-2000), tome I, déposé le 9
novembre 1999.
36
Selon le Gouvernement lui-même, la modération
salariale totale, par anticipation et après le passage effectif aux
35 heures, freinerait la hausse du salaire moyen par tête d'environ
0,3 point en moyenne annuelle en 2000, 0,2 point en 2001 et 0,1 point en
2002. Ce chiffrage ne prend pas en compte l'effet négatif des
années 1998-99 : il est désormais admis, en effet, que la
modération salariale a été anticipée dès la
fin de l'année 1997.
37
Rapport d'information n° 356 (1999-2000).
38
Mme Aubry, JO débats AN, 1
ère
séance du 29 janvier 1998, p. 754.
39
En dehors même de tous les transferts financiers complexes
opérés en dépenses entre l'Etat et la
sécurité sociale (majoration de l'allocation de rentrée
scolaire, prise en charge par le FSV de cotisations de retraite
complémentaire, ...).
40
Selon « Les Echos » du 3 avril 2001.
41
Loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans
d'épargne retraite dont l'abrogation constitue une saga digne du
FOREC.