Audition de M. Georges ROBIN, Président de la Fédération
nationale
des Industries de Corps gras
(FNCG)
(20 décembre 2000)
M.
Gérard Dériot, Président
- Monsieur le
Président, merci d'avoir répondu à notre invitation. A
partir d'aujourd'hui, nos auditions -comme vous en avez été
informé- seront retransmises en direct sur la chaîne du
Sénat.
Vous êtes entendu dans le cadre d'une commission d'enquête du
Sénat sur le problème des farines animales. Nous sommes avec mes
collègues là pour vous écouter, mais nous vous remercions
d'avoir répondu spontanément à notre invitation.
Vous êtes accompagné, comme vous l'avez signalé par
écrit, par M. Barsac, Secrétaire général de la
FNSG. Vous êtes vous-même le Président de la
Fédération nationale des industries de corps gras.
Notre commission -comme toutes les commissions d'enquête parlementaires-
se réunit sous serment. Je suis donc obligé de vous lire le texte
prévu à cet effet.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Robin
et Barsac.
M. le Président
- Merci, Monsieur le Président. Si vous le
voulez bien, je vais dans un premier temps vous passer la parole puis, mes
collègues et moi-même, nous vous poserons les questions qui nous
semblent utiles pour éclairer notre commission d'enquête.
M. Georges Robin
- Je suis à votre disposition.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, comme vous l'avez
constaté, je suis Président de la Fédération
Nationale des Industries de Corps Gras depuis 1994 et j'ai fait toute ma
carrière dans les corps gras.
La Fédération Nationale des Industries de Corps Gras regroupe
différentes organisations professionnelles ou utilisatrices, parfois
historiquement, des corps gras végétaux ou animaux :
Le Syndicat Général des Fabricants d'Huiles et de Tourteaux de
France.
Il s'agit de l'industrie de transformation des graines oléagineuses,
avec les activités de trituration (production d'huiles brutes et de
tourteaux), de raffinage et de conditionnement, soit une transformation
annuelle de près de 3 millions de tonnes de graines oléagineuses
(colza, tournesol et soja), avec une production de tourteaux de
1,5 million de tonnes, d'huiles brutes de 1,1 tonne et d'huiles
raffinées de 600 000 tonnes.
La Fédération de l'Industrie et du Commerce de l'Huile d'Olive,
dont les adhérents commercialisent un volume d'huile d'olive de l'ordre
de 50 000 tonnes.
Comme je vous l'ai indiqué dans mon CV, j'ai également
assumé pendant quatre ans la présidence de la
Fédération Européenne de l'Huile d'Olive.
La Chambre syndicale de la Margarinerie, qui regroupe les fabricants de
margarine et de matières grasses composées, soit une production
de 140 000 tonnes et une commercialisation de l'ordre de 200 000 tonnes, la
différence étant constituée d'importations.
L'Association des Industries de Savons et Détergents (AISD), dont les
adhérents commercialisent 1,5 millions de tonnes de détergents et
73 000 tonnes de savons.
Historiquement, dans le métier des corps gras (il y a cinquante ans ou
au début du siècle), les savons étaient fabriqués
à partir de corps gras animaux ou végétaux. C'est la
raison historique pour laquelle ils sont toujours parmi nous.
Le Syndicat Général des Fabricants de Bougies et Cierges, qui
produit 18 000 tonnes (pour l'emploi de l'acide stérique).
Le Syndicat des Industries Françaises de Coproduits animaux (SIFCO).
A ce sujet, vous recevrez à 17 heures M. Bruno Point, qui en est le
Président et qui est certainement le plus compétent pour vous
parler des questions relatives aux farines.
Le SIFCO est historiquement membre de la Fédération Nationale des
Corps Gras pour l'activité fondoirs, c'est-à-dire la production
de suif (128 000 tonnes), de saindoux (48 000 tonnes) et de graisse de
volaille, essentiellement de poulet, de canard et d'oie (50 000 tonnes).
Chacune de ces organisations professionnelles gère directement et de
façon autonome les dossiers spécifiques à l'industrie
qu'elle représente tant sur le plan français qu'européen.
Les missions de la Fédération Nationale sont les suivantes :
Représenter ces industries auprès du MEDEF, de l'ANIA et de
l'Union des Industries Chimiques.
Traiter les dossiers à caractère horizontal intéressant
plusieurs secteurs d'activité : la fiscalité, le transport,
le droit de la concurrence, le droit alimentaire, le Codex Alimentarius et le
droit social.
Représenter l'ensemble de ces activités dans le cadre des
négociations paritaires concernant l'évolution de la Convention
Collective des Industries Chimiques, dont la Fédération Nationale
des Corps Gras est cosignataire aux côtés de l'Union des
Industries Chimiques.
Organiser des travaux de recherche collective avec le concours de l'Institut
des Corps Gras, l'ITERG (Institut Technique d'Etude de Recherche sur les Corps
Gras), centre technique professionnel des industries de corps gras.
S'agissant plus précisément du SIFCO, il convient de distinguer
trois activités principales :
*L'équarrissage, qui depuis 1997 est réalisé dans le cadre
du service public de l'équarrissage.
*La collecte et transformation des coproduits animaux valorisables en farines
et graisses animales.
*La collecte et transformation des tissus adipeux en corps gras animaux (suif,
saindoux et graisse de volaille).
L'ensemble des dossiers spécifiques à ces activités est
directement géré par le SIFCO.
L'activité corps gras animaux bruts et raffinés figure quant
à elle dans le champ d'application de la Convention Collective Nationale
des Industries Chimiques.
Je suis prêt à répondre aux questions que vous voudrez bien
me poser sur l'activité de la Fédération, puis j'essaierai
d'aller plus loin dans d'autres domaines.
M. le Président
- Je pense qu'il vaut mieux poursuivre
immédiatement sur l'action proprement dite, car la
Fédération est une organisation professionnelle. Or, il s'agit en
l'occurrence d'un problème purement professionnel, ce qui nous
intéresse étant surtout l'action que vous menez, à travers
la fabrication et les différentes utilisations qui ont pu être
faites des graisses et farines animales.
M. Georges Robin
- Je tiens à préciser tout d'abord que
dans aucun cas les farines ne sont du ressort du SIFCO.
Les produits que nous avons pris en charge dans la filière fonte sont le
suif -ce qui s'inscrit dans le traitement des tissus adipeux du boeuf-, le
saindoux, pour le porc, et la graisse de volaille.
Deux circuits peuvent être mis en évidence pour les
matières grasses animales : le circuit fonte, qui provient du
traitement des tissus adipeux des animaux dont je viens de parler, et les
matières grasses de cuisson, que M. Point évoquera, ainsi que les
farines. Les matières grasses produites après la fonte et le
raffinage sont le suif, le saindoux et les graisses de volaille.
Qu'appelle-t-on le raffinage ? Il s'agit essentiellement de celui des
huiles, qui est un métier très simple.
Le raffinage physique (démucilagination) consiste en un traitement
à la vapeur, en une desacidification, en une décoloration et en
une anti-oxydation. Quant au raffinage chimique, il s'agit de fabriquer des
savons, comme pour les huiles, avec correction de l'acidité et
neutralisation. La décoloration se fait à l'argile et la
désodorisation sous vide, la matière première étant
du même type que celle utilisée pour les huiles
végétales raffinées.
M. Point vous précisera les quantités d'huile produites. Environ
125 000 tonnes de suif sont produites, à raison de 14 000
pour l'alimentation humaine, 53 000 tonnes pour l'alimentation
animale et 58 000 pour les applications industrielles (lipochimie et
savonnerie).
51 000 tonnes de graisse de volaille sont produites, à raison de
10 000 pour l'alimentation humaine et 41 000 pour l'alimentation
animale.
Pour le saindoux (graisse de porc), 48 000 tonnes sont produites, à
raison de 18 000 pour l'alimentation, 25 000 pour l'alimentation
animale et 5 000 pour une utilisation industrielle.
Vous avez tous utilisé à un moment quelconque le saindoux ou la
graisse d'oie, puisque l'on peut en acheter pour faire la cuisine, par exemple
pour un confit de canard ou des pommes de terre sarladaises.
On trouve souvent les premiers jus sous l'appellation « blanc de boeuf
» -ils servent à faire les frites-, car les corps gras animaux sont
constitués d'acide gras saturés qui résistent bien
à l'oxydation.
Ils sont utilisés pour leur stabilité thermique en friture et
dans l'industrie céréalière pour leurs qualités de
plasticité (rhéologiques), pour les biscottes, le pain de mie et
les biscuits. Quant à leur caractère organoleptique
(l'onctuosité), il sert pour les plats cuisinés (pour la
charcuterie ou les sauces). Ce sont les principaux débouchés de
ces graisses, qui ont toujours existé.
M. le Président
- Je vais si vous le voulez bien commencer par
vous poser quelques questions, ce que mes collègues pourront faire
également, mais je vais d'abord vous demander, Monsieur le Directeur, de
prêter serment et de dire la vérité rien que la
vérité et toute la vérité, de lever la main droite
et de dire je le jure. Je souhaite en effet que tout soit fait de façon
réglementaire si nous avons à vous interroger.
M. Barsac
- Je le jure.
M. le Président
- Vous avez décrit les différentes
graisses animales dont vous êtes fabricant et utilisateur, sachant que
les farines interdites actuellement contiennent également des graisses,
notamment sous forme de farines de viande. Quelles graisses sont-elles
interdites parmi celles que vous utilisez ?
M. Barsac
- Aucune des graisses qui viennent d'être
décrites ne sont interdites puisque sont interdites les graisses
animales issues de la fabrication de farines animales, une distinction
étant opérée entre celles-ci et les corps gras animaux
(suif, saindoux et graisse de volaille).
M. Georges Robin
- Je ne vous cache pas, Monsieur le Président,
que c'est une de mes préoccupations, car l'on tape à longueur de
journée sur les graisses animales, alors que le suif, le saindoux et la
graisse d'oie ne font pas partie des « métaux à risque
» spécifiques. Cela n'a jamais été mis en
évidence, alors qu'un amalgame est fait dans ce domaine. Des biscuits
sont condamnés parce qu'ils contiennent des graisses animales, mais ils
sont fabriqués avec des premiers jus.
M. le Président
- Il était en effet nécessaire de
le repréciser pour le grand public, car un amalgame est fait de par
l'information donnée. Les graisses qui ont été interdites
sont des graisses de cuisson issues des farines animales. En revanche, les
graisses directement prélevées sur le tissu adipeux de l'animal
ne sont pas interdites, et pour cause, car jusqu'à présent on n'y
a jamais trouvé de prions.
M. Georges Robin
- J'ai relu trois ans de travaux parlementaires avant
de venir vous voir. Depuis M. Dormont, toutes les commissions d'enquête
ou d'évaluation des risques n'ont jamais trouvé quoi que ce soit
en cette matière.
M. le Président
- En revanche, les graisses issues du tissu
adipeux de l'animal sont-elles utilisées pour l'alimentation humaine et
aussi dans d'autres domaines ?
M. Georges Robin
- Les graisses issues des tissus adipeux sont
utilisées pour l'industrie et essentiellement en lipochimie.
M. Barsac
- La lipochimie est la chimie des corps gras et peut par
exemple être utilisée pour les détergents. De même,
les suifs et les corps gras végétaux (huile de palme) sont
historiquement utilisés pour les savons, le suif se substituant parfois
à la palme. C'est une question de cours des matières
premières et de qualité des produits. La savonnerie et la
lipochimie sont les principaux aspects industriels.
Ces graisses servent également à l'industrie alimentaire et sont
par exemple utilisées pour la biscuiterie ou les plats cuisinés,
comme les quenelles. Il s'agit là aussi d'une utilisation historique qui
continue pour des raisons de prix et de caractéristiques techniques des
produits qui justifient leur utilisation.
De plus, ces graisses peuvent être utilisées directement par les
ménages, sous forme de saindoux ou de graisse de volaille.
Dans le cadre de l'utilisation en alimentation animale, il s'agit des suifs
pour les veaux, qui sont également un débouché important
pour toute l'industrie.
M. Georges Robin
- Les suifs et le saindoux sont utilisés en
savonnerie (pour les savons et détergents) et en lipochimie (pour les
acides et alcools gras, agents de surface et tensio actifs).
La graisse d'os est utilisée pour la lipochimie. On en fait des acides
et alcools gras, des agents de surface et des tensio actifs.
Elle est dans le laminage à froid employée pour les tôles
de carrosserie et les emballages métalliques.
Les acides gras sont utilisés pour la savonnerie (savons et
détergents) et en lipochimie pour la fabrication d'acides et d'alcools
gras.
Les autres graisses animales sont employées pour la lipochimie (acides
et alcools gras et agents de surface tensio actifs) et les cuirs bruts
(tannerie, semelles, etc.).
Pour l'ensemble des corps gras animaux, la lipochimie et la savonnerie sont des
emplois importants.
M. le Président
- Il faut apporter des précisions, car
j'ai eu l'impression que vous citiez deux sources de corps gras dont la
même utilisation est faite.
M. Barsac
- Les corps gras animaux sont utilisés pour l'industrie
alimentaire, l'alimentation animale et par les ménages. En revanche, les
graisses animales sont essentiellement utilisées dans l'alimentation
animale et en lipochimie.
M. le Président
- Cela signifie que ces deux sortes de graisses
peuvent être utilisées en lipochimie.
M. Barsac
- Oui, mais il apparaît au vu des chiffres que les
graisses animales sont essentiellement utilisées pour l'alimentation
animale.
Les graisses animales peuvent être valorisées pour
l'énergie, des voies étant à rechercher dans ce domaine.
De même, des utilisations peuvent être intéressantes en
lipochimie, étant entendu qu'il appartient à la recherche d'aller
plus loin dans ce cadre, bien entendu dans la mesure où cela ne
présente aucun risque pour la santé humaine.
M. le Président
- Le problème de l'interdiction des
farines de viande telle qu'elle a été récemment
décidée -donc des graisses qui en découlent- aura
néanmoins un impact économique, mais dans quel domaine sera-t-il
le plus important ?
M. Barsac
- Le Conseil Européen a interdit en décembre les
farines, mais non les graisses qui en découlent.
M. Michel Souplet
- Nous nous faisons en quelque sorte l'avocat du
diable, mais les farines animales sont interdites alors que les graisses qui en
découlent ne sont pas citées.
J'ai participé vendredi dernier, dans le cadre de la Chambre
d'agriculture de mon département, à une réunion
d'information à laquelle assistaient les consommateurs, les
organisations agricoles, la Chambre des métiers et la Chambre de
commerce. Énormément de monde était présent, et les
représentants des consommateurs ont été très
catégoriques sur le fait que l'on pouvait consommer de la viande sans
risque. Ils l'ont dit et redit.
En revanche, ils ont été très stricts sur l'utilisation
des farines de viande et de leurs dérivés ainsi que sur les
abats, sachant qu'il est souhaitable de limiter les risques partout où
c'est possible.
Les corps gras issus des farines animales représentent-ils un volume
important, auquel cas cela risque de poser problème, ou pourrions-nous
quasiment nous en passer ?
M. Georges Robin
- M. Point, qui est Président du SIFCO, vous
répondra.
Je vais peut-être un peu sortir du débat, mais je souhaite
répondre à votre question. Ce qui me préoccupe avant tout
aujourd'hui et que l'on mélange tout et que l'on fait un amalgame, ce
qui est grave, car vous mettez en cause les suifs alimentaires, le saindoux et
les graisses de volaille.
Il ne faut pas dire au public qu'il ne doit pas manger de foie gras ou de
graisse d'oie. Celle-ci provient du Sud-Ouest, elle est utilisée depuis
toujours et il n'a été démontré à aucun
moment que « l'oie folle » était à nos portes. Un
problème de fond se pose.
Je dispose des textes parus depuis le 14 juillet 1990 : ce qui me navre
est l'amalgame qui est fait, sachant que vous avez visité un certain
nombre d'abattoirs, l'industrie faisant sérieusement son métier.
Vous venez visiter nos usines quand vous le souhaitez, l'ANIA organisant chaque
année des opérations portes ouvertes.
S'il faut éliminer les graisses de cuisson -comme M. Point vous
l'expliquera-, nous le ferons, mais il faudra les remplacer par des suifs
alimentaires, qui pourront notamment être importés des Etats-Unis.
J'ai passé dix ans en usine et j'ai voulu retrouver ce qui était
notre standard de contrôle, les corps gras animaux étant
contrôlés, notamment s'agissant de leur teneur en eau et
matières volatiles -qui est définie par le Codex Alimentarius- et
de leur teneur en impuretés insolubles à l'hexane.
Trois pages de contrôles sont effectués, sachant que les graisses
animales destinées à l'alimentation humaine ne posent pas de
problème, mais j'ignore ce que nous ferons si elles sont
matraquées à longueur d'émissions
télévisées.
M. le Président
- Le problème réside dans le fait
qu'un amalgame est fait. En effet, on n'a jamais trouvé de prions dans
les graisses issues du tissu adipeux des animaux et l'on est à peu
près persuadé qu'il n'existe aucun risque. En revanche, dans la
mesure où des corps gras proviennent des graisses issues de la
fabrication des farines de viande, le problème se pose davantage pour
nous. C'est la raison pour laquelle nous vous demandons si ces corps gras ont
été interdits ou pas.
M. Georges Robin
- Les graisses issues de la fabrication de farines
animales sont interdites depuis le décret du 14 novembre 2000 en France
et en Allemagne et autorisées dans les autres états membres, le
Conseil ayant à travers sa décision du 15 décembre
interdit les farines mais non les graisses.
Il s'agit en France d'un volume de l'ordre de 220 000 tonnes. La substitution
se fera -c'est la raison pour laquelle la Fédération Nationale
des Corps Gras est intéressée- par des graisses
végétales, de même que l'interdiction des farines animales
a une incidence évidente sur les protéines d'origine
végétale.
M. Jean Bernard
- Je voudrais vous poser une question technique. On nous
indique que le prion est sensible à 140 degrés sous 3 bars, mais
les traitements dont les produits d'origine animale font l'objet sont-ils
susceptibles d'assurer une sécurité supplémentaire ?
M. Georges Robin
- L'un des rares traitements mis en évidence est
la soude, mais c'est à contrôler. En tout cas, les
problèmes après raffinage ne sont pas plus nombreux aujourd'hui
qu'avec une huile raffinée. C'est mon sentiment compte tenu des
connaissances que nous avons à ce jour en la matière. Les acides
gras et les impuretés sont éliminés et des contrôles
effectués.
M. le Président
- Les contrôles que vous effectuez ne
comprennent pas la recherche de prions, et pour cause.
M. Georges Robin
- Non, mais ils incluent la teneur en impuretés
insolubles à l'hexane. Cela fait référence au Codex
Alimentarius. Le raffinage est à ma connaissance certainement l'une des
méthodes qui apporte le plus de sécurité.
M. le Président
- Pouvez-vous rappeler grosso modo dans quelles
conditions physiques, chimiques et techniques se fait le raffinage ?
M. Georges Robin
- Le traitement est le même que pour la
saponification, celui effectué à la soude étant classique
pour les huiles. On désodorise en général à
180 degrés sous vide.
M. Barsac
- On pense automatiquement aux bovins quand on parle du
prion : un arrêté est sorti le 23 novembre qui précise
que les tissus adipeux traités doivent être exempts d'os de
ruminants. Cela signifie que le risque a été
éliminé à la collecte pour les tissus adipeux
valorisés sous forme de suif ou de saindoux.
De même, on élimine lors de l'opération de raffinage toute
impureté et toute protéine. Il n'y a donc a priori pas de raison
de trouver de prions dans ces graisses.
M. Paul Blanc
- Regroupez-vous tous les industriels au sein de votre
Fédération ou compte-t-elle également des
indépendants au nom desquels vous ne pouvez pas parler ?
M. Georges Robin
- Vous avez raison de poser la question, car une
organisation professionnelle comme l'huilerie compte un syndicat
indépendant.
M. Barsac
- Seul un fondoir du nord de la France n'est pas membre du
SIFCO. Nous devons en matière de production de farines et graisses
animales en être à 95 % de couverture des opérateurs.
M. Paul Blanc
- J'en conclus que vous ne pouvez pas vous porter garant
de ce que vous venez d'indiquer pour les 10 ou 15 % de personnes qui ne
font pas partie de votre confédération.
Vous avez par ailleurs évoqué l'utilisation des graisses dans
l'alimentation animale, mais à quoi cela correspond-il ?
M. Georges Robin
- Elles sont utilisées pour les
lacto-remplaceurs.
M. Barsac
- Il faut faire une distinction entre les corps gras animaux
et les graisses animales, ces dernières étant interdites pour les
ruminants et mammifères, étant entendu qu'elles n'étaient
utilisées que pour les volailles et les porcs.
Restent les corps gras animaux dont les suifs sont utilisés dans les
lacto-remplaceurs. Ils sont fabriqués dans les conditions prévues
pour l'alimentation par l'arrêté du 23 novembre, à savoir
des matières premières exemptes de tout os de ruminant.
M. Roland du Luart
- Le problème des stocks produits avant la
parution de l'arrêté reste posé. Vous avez indiqué
que si c'est nécessaire vous pourriez en importer des Etats-Unis,
sachant qu'ils ne sont pas soumis aux mêmes contrôles, ce qui pose
un vrai problème par rapport à la sécurité des
consommateurs.
M. Georges Robin
- Il faudra également trouver des
protéines végétales.
M. le Président
- La question qui vous a été
posée est très claire : comment appréhendez-vous le
problème des graisses importées par rapport à la
réglementation actuelle ?
M. Barsac
- Il s'agit d'un problème essentiel, quand des mesures
nationales sont prises, au regard de la santé, sachant que, si l'on
estime que cela présente un risque, c'est valable tout autant pour les
produits d'origine nationale que pour ceux qui sont importés. Il est
donc indispensable que les mesures soient identiques de part et d'autre de la
frontière.
Il faut aller jusqu'au bout du raisonnement. Quand on importe des produits
transformés, par exemple pour les biscuits, il est essentiel qu'ils
aient été produits avec des matières premières
fabriquées dans des conditions comparables à celles que nous nous
imposons chez nous.
Je mets l'aspect économique de côté, même s'il est
très important, mais il faut avoir la logique, dans le cadre des mesures
prises sur le plan de la santé, d'aller jusqu'au bout.
Le Gouvernement français a eu raison d'amener à Bruxelles les
autres états membres à prendre des mesures en matière
d'interdiction des farines, mais nous ignorons si les graisses animales
présentent un risque ou non.
L'AFSSA va se prononcer, mais je ne vois pourquoi elles présenteraient
un risque d'un côté de la frontière et pas de l'autre.
C'est un problème majeur qui concerne non seulement nos produits mais
aussi, de façon plus générale, tout le fonctionnement
européen.
M. le Président
- Vous avez également parlé de
l'huile végétale et nous connaissons les risques qui peuvent
exister, par exemple pour les huiles de palme importées de Malaisie ou
d'ailleurs. A votre avis, que pourrait-il se passer ?
M. Georges Robin
- L'industrie des huiles est confrontée à
ce type de problème depuis toujours. Elle n'est jamais parvenue à
avoir ce que l'on pourrait appeler des « tankers dédiés
», qui par exemple ne transporteraient que de l'huile d'Indonésie
en Europe, parce qu'ils repartiraient à vide.
La Fédération Européenne des Huiles a mis au point un
système de contrôle et d'analyse et des problèmes se sont
posés dans cette manière justement parce qu'un contrôle est
exercé, d'ailleurs aussi bien à l'arrivée dans les ports
que dans les usines.
Nous pouvons donc être raisonnablement rassurés, sachant que ce
contrôle doit aussi s'exercer en France. Il faut notamment trouver des
camions citernes à usage alimentaire pour le transport des huiles, etc.
M. le Président
- Le contrôle exercé porte
nécessairement uniquement sur les caractéristiques physiques ou
chimiques des huiles.
M. Georges Robin
- Non. Beaucoup de personnes disent que l'on trouve ce
que l'on cherche, ce qui est vrai pour la vache folle. Nous recherchons pour
notre part ce que nous estimons pouvoir constituer un risque, une huile pouvant
être polluée par un benzène.
Nous demandons des certificats concernant le nombre de transports
déjà effectués, mais nous effectuons également un
véritable contrôle. Par exemple, nous avons dernièrement
trouvé à Rotterdam un bateau qui venait d'Indonésie et
transportait de l'huile de palme présentant des traces d'hydrocarbure.
M. le Président
- Cela n'a rien à voir.
M. Barsac
- C'est un exemple intéressant, car nous avons
fonctionné de façon très transparente. Nous avons
signalé que nous avions trouvé du benzène dans l'huile
brute, la marchandise a été consignée et nous nous sommes
assurés que le bateau repartait en Indonésie.
Notre système d'alerte a parfaitement fonctionné, entre les
états membres et l'industrie, et nous avons fait en sorte que toutes les
huiles livrées soient récupérées, en
éliminant le circuit ce chargement de l'huile brute.
S'agissant du transport -c'est la réglementation européenne qui
le prévoit, ainsi que le Codex Alimentarius-, nous avons l'obligation
d'avoir connaissance des trois chargements précédents, qui ne
doivent en aucun cas avoir été constitués de produits
autres qu'alimentaires.
Le transport maritime fait l'objet d'un suivi très précis, le
transport communautaire, intra-communautaire et national étant
effectué dans des tanks ou citernes dédiés à celui
des huiles.
Notre préoccupation pour les huiles est de rechercher des traces de
contaminants, l'ITERG ayant réalisé des études pour que
nous disposions de tous les outils nécessaires en matière de
méthode d'analyse, pour détecter ces traces.
Les pesticides sont également l'une de nos préoccupations, notre
but étant de veiller à ne pas en retrouver de traces dans les
huiles brutes et a fortiori raffinées.
Sur le plan de la sécurité sanitaire, les contaminants et
pesticides sont une préoccupation permanente de l'industrie de
l'huilerie aujourd'hui, ce qui est vrai pour l'huile et les tourteaux,
utilisés dans l'alimentation animale.
M. Jean-François Humbert
- Si je vous ai bien
écouté, vous n'avez rien à voir avec la farine animale,
mais vous avez évoqué les lacto-remplaceurs. Dans la mesure
où je ne suis pas un spécialiste, pouvez-vous nous dire en
quelques mots de quoi il s'agit et de quelle façon vous conditionnez
leur fabrication ? Posent-ils des problèmes de cuisson, comme cela
a été évoqué à différentes reprises,
et si oui à quel degré ?
M. Georges Robin
- Il faut que ce soit clair : les
lacto-remplaceurs sont fabriqués par les fabricants d'aliments pour le
bétail.
La base des lacto-remplaceurs est de la poudre de lait
écrémé à laquelle un corps gras d'origine animale
ou végétale est ajouté. On enlève la crème
du lait ou la matière grasse à laquelle un corps gras est
ajoutée.
Je ne veux pas rentrer dans le détail, car j'avoue que je ne connais pas
tous les règlements communautaires, mais il existait des stocks de
poudre de lait écrémé, une des façons de l'utiliser
étant d'y ajouter des corps gras végétaux ou animaux et
d'en faire des lacto-remplaceurs. Cependant, mes amis en sauront un peu plus
que moi si vous voulez connaître le détail de l'opération.
M. Jean-François Humbert
- Vous dites vous même que l'on
utilise dans ce cadre non seulement du lait, mais aussi des corps gras
d'origine animale ou végétale : sont-ils fabriqués
dans vos entreprises et si oui comment ?
M. Georges Robin
- Il s'agit des premiers jus dont nous avons
parlé. De la même façon qu'ils servent à
l'alimentation humaine, ils peuvent servir à l'alimentation animale.
Cela ne pose aucun problème de type particulier.
Je voudrais pour terminer vous indiquer que le travail que vous faites est
passionnant, mais un certain nombre de points me soucient quand je lis tout ce
qui s'écrit, ce dont je vais m'ouvrir à vous.
J'ai lu dernièrement qu'un groupement d'intérêt
scientifique avait été créé dans le domaine de la
recherche, mais j'ai été étonné de ne pas trouver
qui en est le patron.
Or, dans l'industrie, quand un groupement d'études est
créé, un Président est nommé et a six mois pour
faire le travail, étant entendu qu'il est remplacé s'il n'y
arrive pas. Je suis peut-être brutal, mais c'est la méthode que
j'ai utilisée dans l'industrie .
M. le Président
- Le temps de vie de notre commission est de six
mois et un Président et un rapporteur ont été
nommés.
M. Georges Robin
- Nous devons essayer de bien mesurer les
conséquences et la cohérence des mesures que nous pouvons
être amenés à prendre.
J'ai appris récemment l'existence de la directive concernant
l'élimination des animaux de plus de 30 mois mais, quand je fais le
compte des tonnes, de la farine et de la matière grasse dans ce cadre,
je me pose la question de savoir ce qui sera mis en oeuvre.
Je sais que les stocks de farine de 1996 ont à peu près tous
été éliminés, mais qu'en ira-t-il des stocks
actuels ? Il faut essayer de penser d'une façon ou d'une autre
à la cohérence des mesures prises et à leur
conséquence. Je voudrais que vous interrogiez M. Point -qui
possède des usines- à ce sujet pour qu'il y
réfléchisse. Je suis véritablement un peu
désemparé.
M. le Président
- Ne mélangeons pas les sujets. Nous
enquêtons sur les origines d'une maladie transmise dans le cadre du
circuit alimentaire, ce qui aura effectivement des conséquences
économiques, ce dont tout le monde est parfaitement conscient. Le
rapport que nous publierons en tiendra bien entendu compte et vous y trouverez
sans doute les renseignements que vous attendez, tout au moins je
l'espère.
M. Jean-François Humbert
- Cette question rejoint celle que j'ai
posée précédemment. Pardonnez-moi d'insister, mais j'ai le
sentiment que vous n'y avez pas complètement répondu. Nous sommes
d'accord sur le fait que les lacto-remplaceurs contiennent du lait
écrémé, mais ils sont également constitués
en partie de graisse d'origine animale ou végétale. Vous nous
avez paré des premiers jus, mais comment cela se passe-t-il et à
combien de degrés sont-ils chauffés ?
M. le Président
- Il faut repréciser que vous parlez du
tissu adipeux de l'animal et non du résidu des farines animales.
M. Jean-François Humbert
- Le lait constitue l'essentiel du
lacto-remplaceur, mais il contient également des suifs. Or, si je vous
ai bien entendu, ce sont bien vos entreprises qui les fabriquent. Pourriez-vous
s'il vous plaît nous donner quelques détails sur cette
fabrication ? En effet, je ne suis pas un spécialiste et j'aimerais
comprendre.
De plus, nous sommes issus de différentes régions
françaises dans lesquelles nous avons essayé d'écouter les
éleveurs de bovins. C'est la raison pour laquelle, quand vous parlez de
lacto-remplaceurs, je me permets d'insister sur les graisses animales rentrant
dans leur fabrication.
M. Georges Robin
- Les tissus adipeux sont prélevés dans
les abattoirs et les centres de collecte puis fondus dans des
établissements agréés.
M. Barsac
- Ces établissements sont spécifiques et tout
à fait distincts de ceux qui créent des coproduits pour fabriquer
des graisses animales. Ils ont un agrément pour fabriquer des suifs dits
de premier jus qu'ils raffinent ensuite de façon physique ou chimique.
M. Jean-François Humbert
- A quelle température les suifs
sont-ils fondus ?
M. Barsac
- A 80 degrés, le raffinage étant
effectué à une température plus élevée.
Les suifs commercialisés auprès des entreprises d'alimentation
animale pour des lacto-remplaceurs sont de même qualité que ceux
à usage alimentaire.
M. Jean-François Humbert
- Vous parlez de 80 degrés pour
la fonte.
M. Barsac
- Vous me demandez quelles sont les conditions de fabrication
des suifs et je vous réponds dans quelles circonstances ils sont
fabriqués, sachant qu'il s'agit de coproduits contrôlés par
les services vétérinaires à l'abattoir et que depuis le
23 novembre ces matières premières sont exemptes de traces
d'os de ruminant.
M. Jean-François Humbert
- Quelles entreprises interviennent
à côté des vôtres en la matière ?
M. Barsac
- Je précise que notre industrie fabrique des produits
et les met à disposition des utilisateurs éventuels, étant
entendu qu'il appartient à chacun de faire le choix des matières
premières qu'il utilise ou non.
Nous apportons la garantie de la qualité des produits que nous livrons,
avec un cahier des charges bien précis que nous respectons. Le travail
fait et les produits commercialisés pour l'alimentation animale
répondent à un cahier des charges très précis, dans
le cadre de relations commerciales tout à fait normales.
M. Jean-François Humbert
- D'autres entreprises travaillent-elles
avec vous en complément de ce que vous faites, sachant que vous
fournissez la matière première ? Qui faudrait-il interroger
pour connaître « la fin du film », si vous me permettez cette
expression ?
M. Barsac
- Il faut, si vous voulez une réponse précise
à votre question, interroger les fabricants et utilisateurs de
lacto-remplaceurs dans les élevages. L'industrie ne fait jamais que
répondre à une demande. Il faut demander à l'utilisateur
final pourquoi il utilise le produit.
M. Jean-François Humbert
- C'est la raison pour laquelle je
m'étais permis de vous poser une nouvelle question.
M. le Président
- Je pense que nous avons à peu
près fait le tour du problème en ce qui vous concerne, les uns et
les autres ayant fait préciser quelle partie des graisses était
utilisée et mise ensuite sur le marché pour d'autres utilisateurs.
M. Georges Robin
- Pour des utilisations en direct.
M. le Président
- Je vous remercie. Espérons que cela
s'arrangera.
M. Georges Robin
- J'attends votre rapport.