Audition de M. Yves MONTÉCOT,
Président du Syndicat national
des Industriels de la Nutrition
animale
(20 décembre 2000)
M.
Gérard Dériot, Président
- Monsieur Montécot,
vous êtes Président du Syndicat National des Industriels de la
Nutrition Animale (le SNIA).
Merci d'avoir répondu à notre invitation pour témoigner et
répondre aux questions que nous vous poserons sur les problèmes
traités par la commission d'enquête du Sénat sur les
farines animales.
Vous savez que toutes les commissions d'enquête parlementaires se
déroulent en prêtant serment. Je vais donc être
obligé de vous lire le texte réglementaire et de vous demander de
prêter serment. Par ailleurs, je voudrais que vous nous présentiez
la personne qui vous accompagne pour que je puisse également lui faire
prêter serment au cas où elle s'exprimerait.
M. Yves Montécot
- La personne qui m'accompagne est M. Radet,
cadre qui s'occupe des questions juridiques au SNIA.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à MM.
Montécot et Radet.
M. le Président
- Monsieur Montécot, si vous le voulez
bien, je vais dans un premier temps vous demander de nous parler
brièvement de votre organisation et de votre place dans la
filière agroalimentaire ainsi que du problème posé par les
farines animales.
L'important est que vous résumiez le plus possible, pour que l'ensemble
de nos collègues puissent vous poser le maximum de questions.
M. Yves Montécot
- Monsieur le Président, Mesdames et
Messieurs les Sénateurs, je suis Président du SNIA (Syndicat
National des Industriels de Nutrition Animale), qui représente le
secteur privé des fabricants d'aliments, celui des coopératives
étant représenté par le SYNCOPAC, que je crois vous
auditionnerez plus tard.
Je suis moi-même chef d'entreprise dans la Manche, où je
possède une entreprise de nutrition animale. Je fabrique à
90 % des aliments bovins. Je suis Président du SNIA depuis 1996.
Notre profession représente globalement 23 millions de tonnes d'aliments
par an, à raison de 60 % dans le Grand Ouest (Bretagne et Pays de
Loire) et de 40 % répartis sur l'ensemble du territoire.
En effet, les produits que nous fabriquons, compte tenu de marges de 80 %,
du prix de vente et de la matière première, voyagent peu et pas
plus de 150 kilomètres.
Dans la mesure où l'élevage se développe un peu partout en
France, les usines sont réparties sur tout le territoire, à
raison d'environ 300 fabricants, de l'entreprise familiale ou petite entreprise
à la multinationale, des Groupes comme Glon-Sanders ou Guyomarc'h
fabriquant respectivement 2 et 3 millions de tonnes. Il s'agit donc d'une
segmentation très élargie.
Nous sommes fabricants d'aliments pour les animaux et non de farines animales.
Je le répète toujours car, en particulier dans les médias,
nous constatons encore aujourd'hui une confusion totale.
C'est à ce titre que nous avons été amenés à
utiliser des farines animales lorsqu'elles étaient autorisées.
Elles représentent pour nous une matière première et une
source de protéines. En effet, quand elles arrivent en tant que
matière première chez nous, elles contiennent entre 50 et
60 % de protéines.
Un aliment doit être équilibré non seulement en fonction
des espèces, mais aussi des âges dans une même
espèce, les besoins n'étant pas les mêmes pour un jeune
poussin que pour un poulet en finition, de même façon pour les
vaches laitières. Pour ces dernières, qui nous
préoccupent, nous fabriquons généralement un
complément de la ration de base.
L'alimentation principale d'un bovin consiste en ressources qui se trouvent sur
l'exploitation (fourrages, maïs, etc.) et l'aliment n'intervient que pour
une faible partie. En considérant qu'une vache mange 50 kilos par jour,
l'aliment peut représenter au maximum 5 à 6 kilos, ce qui n'est
pas vrai pour les autres espèces, mais la digestion des bovins fait
qu'un encombrement et une ration de base sont nécessaires.
Un aliment est équilibré quand il répond aux besoins en
matière d'énergie, de protéines et de minéraux et
nous y parvenons en fonction de ce qu'apporte chaque matière
première. C'est la raison pour laquelle nous avons l'habitude de dire
que cette nutrition est parfois plus pointue et plus équilibrée
que celle de l'homme compte tenu des indications que je vous ai données.
Les principales matières premières sont les
céréales, 70 % de nos compositions étant
constituées de ces dernières. Nous sommes dans notre profession
le premier consommateur de céréales, en France et en Europe, et
nous en consommons plus que pour l'alimentation humaine. Elles sont notre
principale matière première, sachant que nous en consommerons
cette année en France plus de 10 millions de tonnes. C'est à
comparer à 400 000 ou 500 000 tonnes de farines animales lorsqu'elles
étaient utilisées.
Les céréales apportent l'énergie et l'amidon, tandis que
les protéines sont apportées par des tourteaux de colza, de
tournesol et de soja ainsi que par des pois et de la luzerne.
Qu'est-ce qu'un tourteau, qui représente la deuxième source de
protéines ? On extrait d'une graine de colza, de tournesol ou de
soja l'huile qui sert à l'alimentation humaine, ce qui reste constituant
le tourteau, qui est riche en protéines.
Pour bien repréciser la place des farines animales, elles rentraient
dans la composition des aliments, quand elles étaient utilisées
-car, même quand elles étaient légalement
autorisées, elles ne l'étaient pas forcément pour
ceux-ci-, entre 3 et 6 %.
Elles sont de moins en moins utilisées pour une raison simple. Par
exemple, toutes les productions labels qui ont été
créées dans les années 1960 interdisaient les farines
animales et, depuis la mise en place des signes de qualité en France
(les labels ou la certification de conformité), de plus en plus de
cahiers des charges volontaires les interdisent. Elles sont donc de moins en
moins utilisées, nonobstant le problème de sécurité
sanitaire qui se pose, s'il existe.
Pour en revenir aux farines animales par rapport à notre profession,
nous n'avons pas attendu la crise de l'ESB -que nous pouvons situer dans les
années 1990- pour nous intéresser à la qualité des
farines animales, puisqu'elles sont un produit qui a fait l'objet d'accords
interprofessionnels dans les années 1980 et même avant, un accord
interprofessionnel résidant dans la rencontre entre des fournisseurs et
des utilisateurs qui définissent un cahier des charges d'utilisation des
matières premières.
Notre profession utilise un terme très ancien : « SLM ».
Dès que nous concluons une affaire -qui est généralement
confirmée par écrit-, cela correspond à la mention «
SLM », depuis l'origine de la profession, ce qui signifie : «
Sain, loyal et marchand ». C'est l'une de nos attentes.
Pour notre profession -et en particulier pour le SNIA-, la qualité des
matières premières est très importante. A titre d'exemple,
nous avons commencé dans la profession à nous intéresser
en 1990 à la certification d'entreprises (ISO 9000), 60 % des
industriels étant aujourd'hui certifiés ISO 9000.
De plus, en 1989, la profession, à travers un mot d'ordre professionnel,
décidait un an avant la réglementation de ne plus utiliser de
farines animales dans l'alimentation des bovins. Je tiens à la
disposition des membres -je n'étais alors pas Président- le
courrier de mon prédécesseur à ce sujet.
C'est la raison pour laquelle nous sommes un peu ulcérés -mais je
pense que nous y reviendrons à travers vos questions- de constater
certains excès médiatiques. Nous sommes accusés de n'avoir
rien fait ou d'être des empoisonneurs, sachant que nous ne sommes pas du
tout décidés à nous laisser faire et que nous avons
déposé il y a quelques jours deux plaintes en diffamation.
M. Roland du Luart
- Contre X ?
M. Yves Montécot
- Non, contre M. José Bové et M.
Jean-Claude Jaillette, un journaliste de « Marianne ».
Des mesures de précaution ont été prises très
tôt en France, d'où le différentiel important qui existe
entre notre pays et le Royaume-Uni. Environ 200 000 cas ont
été répertoriés au Royaume-Uni contre un peu plus
de 200 en France pour la même période, le cheptel français
étant deux fois plus important.
Les mesures qui ont été prises, à la fois par les
professionnels et les Pouvoirs publics qui se sont succédés, ont
été efficaces du fait de ce différentiel très
important.
M. le Président
- Merci pour cette entrée en
matière.
Savez-vous à peu près depuis quand les farines animales sont
utilisées dans l'industrie ?
M. Yves Montécot
- J'ai retrouvé une revue agricole de
1913 -que je pourrai vous fournir si cela vous intéresse- dans laquelle
il était recommandé aux futurs agriculteurs de donner 30 ou 40
grammes de farine animale par jour à une truie. Nous pouvons donc dire
que les farines animales ont été utilisées dès le
début du siècle, sachant que l'espèce des bovins est
certainement celle pour laquelle elles l'ont été le moins, mais
beaucoup de fabricants traditionnels ou qui produisent des aliments bovins
n'ont jamais utilisé de farines animales.
Les farines animales ont été utilisées pour les bovins
dans les années 1970-1975 sur les conseils de l'INRA, leur
caractéristique résidant dans le fait qu'elles sont riches en
méthionine, acide aminé qui protège. Elles ont
été utilisées un peu avant les tourteaux tannés -la
digestion des bovins, qui ont plusieurs estomacs, générant une
déperdition de la protéine-, notamment durant les pics de
lactation, quand l'animal a le plus besoin d'acides aminés, de l'ordre
de 2 à 3 %.
M. le Président
- Pour des animaux producteurs de lait ou de
viande ?
M. Yves Montécot
- Plutôt producteurs de lait, car les
besoins en termes de lactation concernent beaucoup plus les cheptels laitiers.
Cependant, la situation n'est pas la même au Royaume-Uni -la
différence étant d'importance-, ce pays ayant très peu
utilisé les tourteaux tannés, qui étaient une
découverte de l'INRA en France et ont été très
protégés pendant longtemps.
Dans la mesure où le Royaume-Uni n'avait pas accès aux tourteaux
tannés, il était un plus gros consommateur de farines animales,
sachant que les rations pouvaient aller de 10 à 11 %.
M. le Président
- Cela a été vérifié.
Cela signifie que, quand on utilisait en France de 2 à 3 % de
farines animales, on en utilisait à peu près 10 % en
Angleterre.
M. Yves Montécot
- Cela provient du fait qu'au départ le
tannage des protéines a fait l'objet d'un brevet de l'INRA qui a
été protégé.
Le tannage des protéines consiste à utiliser un peu de formol
à température pour protéger le tourteau et en particulier
le soja. Cela empêche que la protéine soit détruite dans le
premier estomac de la vache et permet de la protéger pour qu'elle soit
totalement assimilée. C'est en quelque sorte un emballage qui retarde la
digestion, qui n'est bien entendu utilisé que pour les bovins.
M. le Président
- Quand les farines animales étaient
autorisées, qu'indiquiez-vous sur l'étiquetage des sacs
d'aliments ?
M. Yves Montécot
- Nous indiquions jusqu'en 1992 « farine de
viande » ou « de poisson », mais un texte européen
est paru en 1992 qui demandait que les étiquettes soient
uniformisées en Europe à travers la mention « farine
d'animaux terrestres » ou « marins ». C'est la raison pour
laquelle je bondis quand j'entends des éleveurs qui me disent parfois
qu'ils ne savaient pas ce que contenaient les farines.
Je tiens à préciser à cet égard que les textes sur
l'étiquetage des aliments du bétail en France, qui datent des
années 1940, doivent être au nombre d'une quarantaine, la
réglementation étant dans ce domaine beaucoup plus stricte que
pour l'étiquetage relatif à l'alimentation humaine.
Pas un sac d'aliments ne part sans être étiqueté. Les
étiquettes sont cousues sur celui-ci au moyen d'un système
inviolable et chaque étiquette accompagne le bon de livraison quand il
s'agit de vrac.
M. le Président
- Les « animaux terrestres » sont
nombreux ! Cela signifie qu'il peut part exemple s'agir de chien ou de chat.
M. Yves Montécot
- Il faut préciser s'agissant de
l'étiquetage que nous devions jusqu'en 1992 faire figurer la liste des
ingrédients que nous utilisions en ordre décroissant pour
terminer par les vitamines.
Cependant, l'harmonisation européenne nous a donné deux
possibilités en 1992 : soit continuer à le faire, soit
passer à des catégories définies et réglementaires,
toujours par ordre décroissant. C'est la raison pour laquelle la
catégorie « farines d'animaux terrestres » regroupe
l'ensemble des farines de viande et de volaille- sachant que ces
dernières n'étaient pas concernées jusqu'au 14 novembre-,
les farines de plumes et les cretons, qui sont les farines d'animaux terrestres
provenant d'autres espèces que des bovins ou des porcs.
M. le Président
- Par qui les recommandations nutritionnelles
appliquées par la filière en termes de quantité
d'éléments protéiques et ensuite présents dans
l'alimentation animale sont-ils déterminés ?
M. Yves Montécot
- Vous faites référence à
ce que l'on appelle les tables de l'INRA, qui consistent en un livre important
qui détermine les valeurs nutritionnelles de chaque produit, mais il
peut également être tenu compte d'équations personnelles,
certaines firmes disposant de stations de recherche et pouvant mener leurs
propres recherches. Cependant, les tables de l'INRA représentent la base
de la formulation.
M. le Président
- Des normes existent-elles en matière de
quantité de produits ?
M. Yves Montécot
- C'est ce que l'on appelle le système de
formulation, sachant que les matières premières sont connues et
définies : l'énergie, les protéines, les acides
aminés et les minéraux.
Ensuite, en fonction des espèces et de l'âge, les besoins des
animaux sont également définis dans ce que nous appelons des
« matrices de formulation ». On estime par exemple qu'un jeune
poussin a besoin de 3 200 calories, les protéines étant en
général gérées dans des fourchettes.
Cependant, il existe également des interdits, des bornes étant
fixées pour toutes les matières premières. Elles
s'échelonnent de 0 à 100 quand cela ne présente aucune
difficulté, mais des maximums sont aussi fixés.
Par exemple, en France, l'oeillette sert pour la pharmacie et le tourteau
d'oeillette est un excellent produit en termes nutritionnels, mais les bovins
ne l'aiment pas, raison pour laquelle il est interdit.
Le principe est que des matières premières sont proposées
à l'intérieur de ces bornes, un calcul étant
effectué pour obtenir un résultat qui soit le plus
économique possible. Il nous est indiqué
généralement que nous faisons en sorte d'opter pour le moins
cher, mais c'est faux. L'essentiel est de satisfaire les besoins, étant
entendu que nous reprenons évidemment dans les fourchettes de
satisfaction ce qui est le moins cher. Nous définissons les besoins, le
prix n'intervenant qu'en dernier lieu, alors que le reproche inverse nous est
souvent fait.
Nous procédons informatiquement, mais il y a trente ans c'était
fait à la main et il fallait presque deux ou trois heures pour
équilibrer une formule. C'est un calcul très pointu ; nous
tenons compte en général de 25 à 30
caractéristiques en termes de besoins.
M. le Président
- Qui contrôle votre entreprise à
part vous ? Etes-vous contrôlé par un organisme quelconque
qui vérifie si vos formules et la réalisation sont bien conformes
à ce que vous annoncez ?
M. Yves Montécot
- L'une des caractéristiques de notre
profession est que nous sommes contrôlés, par rapport aux services
de l'Etat, par deux Directions totalement différentes : la DGCCRF
(répression des fraudes) et les services vétérinaires (les
DSV).
Je vous ai indiqué par ailleurs que les cahiers des charges
privés, signe de qualité, étaient nombreux, les labels ou
la certification de conformité étant contrôlés par
des organismes certificateurs accrédités par le COFRAC
(comité français d'accréditation).
Une entreprise de taille moyenne subit à peu près entre 20 et 30
contrôles par des organismes différents par an en dehors des
contrôles officiels, car tous les fabricants ont des cahiers des charges
labels et certifiés.
Nous organisons nos propres auto-contrôles en interne, 60 % de la
profession étant sous certification, notamment à travers des
manuels qualité.
Enfin, sur la base d'une directive européenne, tous les fabricants
devront être agréés dans quelques mois, cette notion
d'agrément européen étant en cours depuis plusieurs
années.
Nous sommes vraisemblablement une des professions où la
traçabilité est la plus grande. Par exemple, si vous me demandez
quels aliments j'ai fabriqués le 23 décembre 1979 à 3
heures du matin, je serai capable de retrouver ceux que nous avons
fabriqués à cette heure-là, les matières
premières que nous avons utilisées et la
traçabilité des formules.
Nous disposons généralement d'une traçabilité
écrite, peu de secteurs pouvant remonter aussi loin, ce qui est suivi
à travers des enregistrements de stocks permanents en matière
d'utilisation, de fabrication et de mise à jour. En effet, soit
manuellement, soit informatiquement, il est aujourd'hui nécessaire de
suivre précisément les utilisations de matières
premières et les stocks. Cela a eu beaucoup d'importance s'agissant des
contrôles effectués par la DGCCRF dans les années 1993,
1994, 1995 et 1996, mais je pense que nous aurons l'occasion d'y revenir dans
la mesure où tous ces éléments ont été
repris.
M. Paul Blanc
- J'ai une série de questions à vous poser.
La première concerne votre accord interprofessionnel d'octobre 1989,
dans le cadre duquel les professionnels se sont engagés à ne plus
utiliser les farines animales pour les aliments pour ruminants. Pouvez-vous
vous engager pour l'ensemble des professionnels de votre syndicat ?
M. Yves Montécot
- C'est une réponse bien entendu
difficile pour un Président, mais je vais spontanément vous dire
oui, en ajoutant néanmoins -ce que j'ai toujours déclaré
depuis que je suis Président- que s'il s'avérait qu'un de nos
adhérents avait fauté ou fraudé, nous nous porterions
partie civile.
Ce n'est d'ailleurs pas resté lettre morte, puisque depuis que je suis
Président, en 1996, le SNIA s'est porté partie civile dans le
cadre de 14 affaires. Il s'agissait non pas d'affaires de farines animales
-sinon je ne pourrais pas vous répondre oui-, mais d'hormones, etc.,
dont certaines sont encore en cours. Je souhaite bien entendu que le chiffre
que je vous ai indiqué reste confidentiel, sachant qu'il m'est
arrivé de me porter partie civile par rapport à un
adhérent que nous avons exclu.
M. Paul Blanc
- Vous nous avez indiqué que vous aviez une
parfaite traçabilité de vos produits : cela signifie donc
que vous pouvez nous indiquer quelle était l'origine des farines
animales que vous incorporiez aux éléments auparavant.
M. Yves Montécot
- C'est un point important, mais j'ai toujours
pour habitude de dire qu'il faut relativiser. Les farines animales valent au
meilleur des cas 1,50 F le kilo. Elles sont importées par bateaux de 2
000 à 3000 tonnes ou arrivent par camions, mais de toute façon
elles ne passent pas inaperçues.
Par ailleurs, l'ouverture du marché commun a un peu modifié la
donne, mais ce n'était pas encore le cas dans les années qui nous
intéressent, et des feuilles de route ainsi que des documents de douane
accompagnaient les produits, chaque camion qui arrive faisant encore
aujourd'hui l'objet d'un accompagnement, la provenance de la matière
première étant indiquée, ainsi que sa dénomination
et ses caractéristiques.
M. Paul Blanc
- Pouvez-vous nous indiquer quel pourcentage de farine
provient d'Angleterre ?
M. Yves Montécot
- Le Royaume-Uni exportait de l'ordre de 10 000
tonnes par an dans les années 1986, mais c'est ridicule en pourcentage.
La France fabrique globalement un million de tonnes et en utilisait dans ces
années-là 600 000, ce qui signifie que 2 % des farines
provenaient d'Angleterre. Je fais référence aux documents des
douanes repris par la mission parlementaire de l'Assemblée Nationale.
M. Paul Blanc
- Avons-nous la garantie que les farines étaient
saines avant le 14 novembre 2000 ?
M. Yves Montécot
- La date la plus importante avant le 14
novembre 2000 est le 26 juin 1996, quand tous les matériaux à
risque ont été supprimés, ce qui est une
originalité française. Les abats à risque ont
été supprimés et de plus chauffés à
température.
M. Paul Blanc
- Votre syndicat a-t-il agi dans ce cadre auprès du
ministère pour éviter l'interdiction totale de ces farines
animales ?
M. Yves Montécot
- Ma position n'a pas changé depuis 1996,
date à laquelle je suis devenu Président. Je vous laisserai si
vous le souhaitez des articles de presse qui datent de juin 1996 : j'ai
déclaré alors -comme je l'ai fait en novembre- que si les farines
animales présentaient un risque il fallait les interdire.
M. Paul Blanc
- Vous avez fait une déclaration, mais vous
êtes-vous lancé dans une démarche ?
M. Yves Montécot
- Oui, nous avons adressé des courriers.
Notre position est qu'il faut interdire les farines animales si elles
présentent un risque et que si ce n'est pas le cas il faut les
tolérer.
Nous avons fait plusieurs démarches auprès des différents
ministres dans le cadre de l'harmonisation européenne et nous leur avons
écrit dès le départ, dès 1996. Je reprendrai les
courriers avec les dates si vous souhaitez avoir des précisions.
M. le Président
- Pourrez-vous nous laisser ces courriers ?
Nous avons besoin de pièces.
M. Yves Montécot
- Cela ne pose pas de problème, sachant
qu'il s'agit dans certains cas de courriers communs avec le SYNCOPAC.
Nous avons écrit au Directeur général de la Consommation
en avril 1998 pour lui réclamer l'harmonisation, mais nous sommes
même allés plus loin. En effet, les farines étaient
chauffées et séparées en France, mais celles de pays de la
Communauté pouvaient entrer sur le territoire. Nous avons donc pris la
décision professionnelle, à l'époque, de ne pas
procéder à des échanges avec les pays de la
Communauté si les produits n'étaient pas conformes aux
spécifications françaises, en établissant un avenant aux
accords interprofessionnels dans ce cadre.
Les différents courriers que nous avons pu rédiger portaient
toujours sur l'harmonisation et nous demandions aux ministres concernés
qu'ils nous assurent que les farines animales n'étaient pas dangereuses.
Enfin, nous sommes intervenus avant la crise sur la notion de traces et de
tolérance analytique. En effet, nous savons au-dessous de 3 pour
1 000 que quelque chose se passe, mais nous ignorons s'il s'agit de
farines animales et nous ne pouvons pas le quantifier. Nous avions
demandé au ministre de l'Agriculture par un courrier précis de
s'engager sur cette notion.
M. Paul Blanc
- M. Robin nous a indiqué que les graisses animales
avaient parfois été utilisées dans les aliments pour le
bétail : le confirmez-vous ?
M. Yves Montécot
- Notre métier inclut des métiers
différents. Par exemple, les aliments d'allaitement n'en font pas partie.
M. Paul Blanc
- M. Robin nous en a parlé.
M. Yves Montécot
- Nous en commercialisons, mais ils ne font pas
partie de notre activité. Nous commençons avec les aliments
grossiers. Je confirme que des farines animales ont pu être
utilisées dans certain cas, mais à de faibles pourcentages et
beaucoup plus comme adjuvants de fabrication.
M. Paul Blanc
- Selon vous, par quoi les contaminations croisées
ont-elles été rendues possibles ?
M. Yves Montécot
- Je préfère parler de «
mélanges fortuits », les éviter étant l'une des
caractéristiques de notre métier.
Je vais si vous le permettez, pour vous montrer l'importance que nous avons
toujours accordée à cela dans notre profession, prendre un
exemple. Nous utilisons pour certaines volailles des anti-parasitaires à
raison de 10 ppm pour 100 kilos pour un aliment destiné à un
poussin de 50 grammes. Or, si un bovin de 600 kilos avale la même dose,
il ne résiste pas.
Notre profession est justement, par définition, de gérer ce type
de situation par des interdits, des précautions, des ruptures de la
chaîne de fabrication, etc. J'ai toujours considéré en tant
que chef d'entreprise que les risques d'erreur ou de mauvaise manipulation
étaient très graves, l'absence de mélanges fortuits
étant un point important dans notre profession, ce qui se gère
par des lots, des séparations ou des rinçages de circuits.
Cependant, des accidents peuvent se produire. Je vous ai cité l'exemple
des anti-parasitaires chez les bovins pour l'avoir vérifié
personnellement dans mon entreprise sur la base d'un accident, sachant que dans
certains secteurs les accidents peuvent être liés à une
absence de précautions dans la mesure où le risque n'est pas
connu.
A ce sujet, nous avons élaboré en 1996 un guide professionnel de
bonnes pratiques pour éviter les contaminations croisées. Il a
été rapidement mis en place avec des professionnels et nous avons
demandé aux deux administrations que j'ai citées de le valider,
ce qui a été fait en 1997.
M. Paul Blanc
- Vous n'avez pas à ma connaissance rappelé
les sacs de farine, de viande et d'os pour les ruminants qui avaient
été vendus avant juillet 1990, mais les éleveurs ont-ils
été suffisamment informés ? En effet, le syndicat a
décidé de ne plus les utiliser en octobre 1989, mais auparavant
certaines farines avaient été confectionnées.
M. Yves Montécot
- Je dois corriger votre propos : je n'ai
pas à rappeler des sacs de farine et d'os car je n'en vends pas.
M. Paul Blanc
- Avez-vous conseillé aux vendeurs de les
rappeler ?
M. Yves Montécot
- Nous n'avons pas rappelé les aliments
pouvant contenir 1 ou 2 % de farines animales. J'ai le texte du 27
novembre 1989 sous les yeux. Il s'agissait d'une part d'écarter
l'utilisation de toute farine de viande importée ou
métropolitaine dans les formules destinées aux ruminants et
d'éviter dans les usines polyvalentes la fabrication de formules
destinées aux ruminants après des formules comportant des farines
de viande.
M. Paul Blanc
- J'entends bien qu'il n'existait pas d'interdit, mais
vous aviez professionnellement, dès octobre 1989, décidé
qu'il valait mieux ne pas adjoindre de farines animales à la
fabrication, sachant que vous n'aviez si j'ai bien compris aucune raison
d'être inquiet. Vous avez simplement pris une précaution.
M. Yves Montécot
- C'était en effet un principe de
précaution, étant entendu qu'en 1989 il n'était pas du
tout question de contamination. C'était apparenté à la
« tremblante du mouton », qui existait depuis longtemps.
M. Paul Blanc
- Si je ne m'abuse, les importateurs ont été
avisés le 17 juin 1993 que les importations de farines irlandaises
étaient à nouveau autorisées. Votre syndicat avait-il
été consulté ou avait-il émis un avis à ce
sujet ?
M. Yves Montécot
- Je n'étais pas Président
à l'époque et je n'ai pas retrouvé de traces de cela, mais
nous ne sommes en général pas concernés par ce type
d'avis. Il faut préciser que l'embargo avait été mis en
août 1989, en même temps qu'en Angleterre, et qu'ensuite il a
été levé en 1993.
Il a été levé parce qu'à l'époque la
situation en Irlande n'était pas du tout la même qu'en Angleterre,
le process de fabrication de la République d'Irlande étant plus
proche de celui de la France que de celui de l'Angleterre.
Il existe deux cas typiques. Je suis normand et fais du bateau dans les
îles anglo-normandes : à Jersey, 680 cas de vache folle ont
été répertoriés sur 5 000 vaches, soit trois fois
plus qu'en France.
En Irlande, caillou de 5 kilomètres de long sur 3 kilomètres de
large, plus de 200 cas de vache folle ont été
répertoriés, car ce pays a toujours travaillé avec les
Anglais, pour des raisons dont je ne débattrai pas ici, mais le
processus de fabrication de farines animales irlandaises est presque le
même qu'en France.
L'embargo a été levé car l'Irlande n'est pas
considérée comme un pays à haut risque, comme
l'Angleterre.
M. Paul Blanc
- Il subsiste néanmoins des doutes sur le fait que
des farines anglaises soient allées en Irlande et d'Irlande soient
venues chez nous. Quel est votre avis sur la question ?
M. Yves Montécot
- Cela a été vérifié
et contrôlé par les services des douanes et nous-mêmes,
sachant que nous surveillons les importations et les mouvements.
Dans les années 1993, 1995 et 1996, tous les mouvements ont
été étudiés par les services de douanes et
retrouvés, ce qui a permis fin 1996 et début 1997 au ministre de
l'époque, M. Galland, de préciser après
vérification qu'il n'y avait eu ni importations ni utilisations
illicites.
Il est vrai que les volumes ont augmenté, mais c'est normal puisqu'une
source s'est tarie, sachant que le marché anglais fournissait environ 10
000 tonnes par an. Le marché français utilisait des farines
animales et s'est approvisionné à ce moment-là en Belgique
et même dans certains cas au Danemark. Cela faisait partie des
échanges commerciaux normaux.
M. Paul Blanc
- Oui, mais nous n'avons pas de moyens de contrôle
pour savoir si les échanges entre l'Angleterre et l'Irlande ne se sont
pas accélérés. Je pense que vous avez prévu un
voyage en Angleterre, Monsieur le Président, pour que nous en sachions
plus à cet égard.
M. Yves Montécot
- Il faut en effet poser la question à
l'Irlande et aller voir ses services de contrôle. Il a été
indiqué que les importations en provenance de Belgique avaient
été multipliées par cinq, mais il faut savoir que nous
importions 2 000 tonnes et que nous sommes passés à 10
000, à ramener à 600 000 tonnes.
Par ailleurs, des produits d'Angleterre qui valent 1,50 F passent par
l'Irlande, la Belgique et même par le Danemark. Or, il faut qu'il y ait
intérêt pour qu'il y ait fraude, l'accumulation des frais de
transport enlevant tout intérêt aux produits.
Nous entendons souvent dire que dans les années 1989 nous avons en tant
que professionnels acheté des farines animales anglaises parce qu'elles
étaient bon marché. Cependant, j'ai fait établir sur une
période longue -de 1985 à 1995- une courbe pour le prix du soja
et une autre pour celui des farines animales et vous constaterez
vous-mêmes qu'elles sont parallèles. C'est dû au fait que ce
qui fait le prix des protéines dans le monde est le soja et le dollar.
Quand le soja et le dollar augmentent, les autres protéines font de
même, avec les conséquences que cela a eu le 14 novembre.
Dans la période incriminée, qui est la plus critique, en 1989,
les cours du soja étaient au plus bas, ce qui explique qu'il en allait
de même pour les farines animales, les courbes relatives aux farines de
viande et de soja étant parallèles sur une période qui va
de janvier 1986 à juillet 2000.
M. le Président
- Le problème réside dans le fait
que, si les farines de viande disparaissent, plus rien ne limitera ou encadrera
le cours du soja, puisque c'était la compétition de ces deux
produits qui faisait que les cours se maintenaient.
M. Yves Montécot
- Tout à fait. Le soja avait d'ailleurs
déjà augmenté, mais il a connu une nouvelle augmentation
(située entre 15 et 20 %) le 14 novembre. Nous avons diffusé
hier un communiqué à destination de la presse et de
l'environnement indiquant que les aliments et le prix de revient des
productions animales augmentaient de 20 %.
Le soja valait 1 F en juillet 1989 en port rendu contre 1,80 F en
décembre 2000. Ce n'est pas uniquement dû à la
décision du 14 novembre, car le marché était haussier,
mais il s'agit aussi d'un marché d'offres et de demande, de telles
décisions conduisant à une augmentation.
M. Jean-François Humbert
- Par rapport à ce que vous nous
avez indiqué il y a un instant concernant les statistiques
douanières, à partir du moment où l'on est dans le cadre
d'un marché unique européen, quelles sont les douanes qui
fournissent les informations, les douanes françaises ou les douanes
belges ?
En effet, la libre circulation des biens et des personnes fait que par exemple
je ne suis pas certain qu'il existe des vérifications douanières
entre la Belgique et la France.
M. Yves Montécot
- Un suivi documentaire est effectué,
mais les services des douanes peuvent aussi procéder à des
vérifications dans les pays concernés sous forme de
contrôles. En tout cas, notre traçabilité est documentaire,
à travers des documents d'accompagnement systématiques.
M. Jean-François Humbert
- Quelle est la force probante de ces
documents ?
M. Radet
- Les documents font l'objet d'un étiquetage
particulier, notamment les déclarations d'échanges de biens quand
ils changent de pays, comme pour tout document commercial.
Ils ont d'ailleurs fait l'objet de vérifications par le biais d'une
réquisition, donc d'une procédure judiciaire. Dans le cadre des
éléments de traçabilité évoqués par
M. Montécot, les fabricants ont dû donner différents
documents par rapport à leur comptabilité interne s'agissant de
ce qui entrait et était utilisé dans l'entreprise, les
déclarations d'échanges de biens indiquant l'origine des produits.
M. Yves Montécot
- Cette réquisition du Juge Boizette a eu
lieu en 1997. L'ensemble des fabricants français ont fourni des
déclarations d'échanges camion par camion, toute transaction
correspondant à un mouvement, nonobstant tous les contrôles
aléatoires que peuvent effectuer les services.
Je dois compléter la réponse faite sur les utilisations en
évoquant les contrôles effectués dans les entreprises par
les services des fraudes, qui ont concerné presque tous les fabricants,
étant entendu qu'il ne s'agissait pas de contrôles de routine. Ils
ont duré presque un mois, avec 2 ou 3 fonctionnaires, toutes les
entrées et sorties de l'entreprise ayant été reprises,
avec vérification des documents correspondants.
M. Jean-François Humbert
- Parmi vos 200 adhérents,
combien ont une taille européenne, à savoir des
établissements dans plusieurs états de l'Union Européenne,
et quels sont-ils ?
M. Yves Montécot
- Un certain nombre d'entre eux ont une taille
européenne. Il s'agit dans l'ordre de Glon-Sanders, de Guyomarc'h, du
Groupe Trouw Nutrition, de fabricants comme Verzel-Laga, qui sont
implantés en France et dans d'autres pays, d'Agribands, adhérent
américain, et de Central Soya, puis nous passons à de grandes
entreprises de taille régionale, comme Univor et Huttepain, qui
produisent 500 000 tonnes par an.
Suivent les petites entreprises, comme l'une des miennes, qui travaillent sur
4 ou 5 cantons.
Je tiens néanmoins à préciser que la
sécurité et la fiabilité des entreprises n'a pas de lien
avec la taille. C'est mon privilège à la fois de Président
et de chef d'entreprise. Il n'existe pas de corrélation entre ces deux
éléments.
M. Jean-François Humbert
- Ma question n'avait pas pour but
d'établir une corrélation. Je souhaitais simplement savoir s'il
existait des possibilités de passage au sein d'un même groupe
entre différents pays européens.
M. Yves Montécot
- L'aliment ne voyage pas, contrairement aux
matières premières, notamment le soja, qui est le plus cher.
M. François Marc
- La question de l'importation des
matières dangereuses est intéressante, mais je voudrais surtout
évoquer l'application par les entreprises des dispositions interdisant
les farines animales pour les bovins depuis déjà un certain
nombre d'années. Malgré cette interdiction, il semble que de
nombreux bovins aient consommé des aliments comportant des farines
animales.
Les techniciens d'élevage des entreprises, qui passent chez les
producteurs, leur donnent un certain nombre de conseils et leur vendent des
produits, ont-ils été conduits au cours des dernières
années à conseiller parfois aux agriculteurs de donner de
l'aliment porc à des bovins parce que cela faisait mieux grandir les
veaux ? C'est une question précise qui fait écho à un
certain nombre de propos entendus par des agriculteurs.
Je sais que la prise de conscience n'était pas la même il y a dix
ans, mais les conseils qui ont été donnés aux
éleveurs n'ont-ils pas parfois été empreints d'un certain
laxisme ?
M. Yves Montécot
- Votre question est importante et je vais y
répondre sur deux points. Des méthodes permettent depuis 1998 de
savoir ce qui est mélangé ou pas, ce qui fait
référence aux fameux « 3 pour 1000 ».
Les derniers chiffres de la DGCCRF, qui datent d'avant la crise et concernent
la période du 1er janvier au 30 juin 2000, indiquent que, sur 280
contrôles effectués en entreprise, aucun n'était en dehors
de la limite, alors qu'en 1999 une dizaine d'entreprises frôlaient
celle-ci.
Quant au fait qu'un technicien préconise à un éleveur de
donner à des bovins des aliments volaille, je n'y crois personnellement
pas, car je suis un homme de terrain, sachant qu'ils sont
généralement plus chers que les aliments bovin et porc. De plus,
ils sont mauvais nutritionnellement. Cela a pu se passer à certaines
périodes, quand les éleveurs n'étaient pas
sensibilisés au problème, mais je ne pense pas que cela ait
été fréquent.
J'ai beaucoup entendu dire qu'il peut arriver, quand un éleveur produit
de la volaille à côté d'un cheptel de bovins, qu'en fin de
bande, s'il reste une tonne, 500 ou 100 kilos dans le silo, des aliments
volaille soient donnés, mais je n'y crois pas, car nutritionnellement
les besoins ne sont pas du tout les mêmes. De plus, ce n'est pas
économiquement judicieux.
M. François Marc
- Pouvez-vous nous préciser si, dans un
granulé pour bovin, il peut exister une dose suffisante pour le
contaminer ? En effet, 1 cm3 de cervelle étant
considéré comme contaminant, nous pouvons penser qu'un seul
granulé contient une dose suffisamment forte.
M. Yves Montécot
- J'avoue qu'il vaut mieux que vous posiez cette
question aux scientifiques, mais il faut savoir que les farines
françaises étaient sécurisées, les abats à
risque ayant été supprimés.
Si un ou des granulés sont contaminants, à une dose que les
scientifiques ne connaissent pas encore, cela signifie que les farines
françaises sont très contaminées.
La méthode d'analyse est la suivante pour les fameux « 3 pour 1 000
» : quand on trouve 1 pour 1 000 d'os, on en déduit que la
viande contient 3 pour 1 000 de farines animales. On recherche en fait les
fragments d'os. Le niveau de la recherche et de l'analyse est donc bien 1 pour
1 000 et non 3 pour 1 000, mais la viande est considérée comme
conforme jusqu'à 3 pour 1 000, car on ne peut pas quantifier.
M. Michel Souplet
- 200 cas de vache folle ont été
répertoriés en France jusqu'à présent : il
serait intéressant de savoir pour ceux-ci chez qui les éleveurs
de ces animaux se fournissaient en farines. En effet, logiquement, on n'aurait
pas dû trouver de cas -à une bavure près- chez tous ceux
qui se fournissent en farines chez les adhérents du SNIA, puisque depuis
1989 il ne se fabrique plus d'aliments pour bovins contenant des farines
animales. Il serait intéressant de pouvoir se dire qu'après tout
cela provient de l'étranger ou d'autres éleveurs qui
étaient moins sérieux.
M. Yves Montécot
- Je vais vous répondre, mais sans vous
suivre forcément dans votre raisonnement, car je n'ai pas pour habitude
de dire : « Ce n'est pas nous, ce sont les autres » ; je
pense qu'il existe d'autres explications.
Premièrement, nous avons connaissance de tous les cas, mais nous ne
savons pas forcément qui était le fournisseur, certains
éleveurs en ayant très souvent plusieurs. Par ailleurs, certains
éleveurs n'ont jamais utilisé de tels aliments.
Deuxièmement, la contamination par les farines animales n'est pour
l'instant que l'hypothèse la plus probable.
J'ai alerté l'Administration au plus haut niveau, car j'ai toujours
été surpris qu'il soit considéré qu'en Angleterre
12,5 des cas sont liés à la transmission parentale alors qu'en
France celle-ci n'est pas reconnue, la reproduction des vaches en Angleterre et
en France me paraissant assez semblable.
Enfin, il faut savoir que le premier cas de vache folle qui ait
été diagnostiqué et retrouvé date de 1833, à
Bordeaux ; c'est ce que nous appelons « les cas
sporadiques ».
Cependant, je précise que la situation en France n'est pas la même
qu'au Royaume-Uni. Nous savons ce qui s'est passé au Royaume-Uni :
à partir d'un brevet américain, le produit a été
chauffé à 80 degrés au lieu de 130, sachant que ce
procédé n'a jamais été utilisé en France.
Je pense que vous avez remarqué que je ne fais pas de commentaires dans
la presse depuis la décision du 14 novembre sur la suppression des
farines animales, même si j'en fais sur les conséquences et les
coûts que cela entraîne.
En revanche, j'interviens fortement -j'ai encore donné une interview
à la télévision hier- quand on dit que les fabricants ont
importé illégalement et que nous avons empoisonné.
En effet, nous savons comment se terminera cette affaire. Soit les personnes
qui avancent cela ont des preuves, auquel cas il appartiendra à la
justice d'agir, soit elles n'en ont pas et il ne faudra pas les laisser faire,
car cela porte un discrédit sur l'ensemble de la profession.
3 cas concernent des animaux nés en 1996. Cependant, si des animaux
nés après le 26 juin 1996 sont atteints, il faudra trouver
d'autres explications que les farines animales.
M. le Président
- Les conséquences sont financières
pour vos entreprises, car le coût des matières premières
est plus élevé, mais cela vous pose-t-il également des
problèmes sur le plan technique ?
M. Yves Montécot
- J'ai toujours déclaré que l'on
pouvait agir rapidement, en quelques jours, voire en quelques heures, ce qui a
été fait. Quand nous avons donné des explications, nous
pensions beaucoup plus aux conséquences pour l'élevage en France
(par rapport à la perte de valorisation des cinquièmes quartiers,
etc.), aux problèmes d'environnement et au coût de la destruction
qu'à notre profession.
Les conséquences pour nous résident dans le fait que la
décision prise entraîne sur le marché mondial du soja un
besoin supplémentaire de 3 millions de tonnes en Europe, qui en importe
30 millions.
Cela représente un très fort bénéfice pour les
Etats-Unis et pour le Brésil, le prix des graines ayant remonté
de la même façon, la France s'approvisionnant plutôt au
Brésil qu'aux Etats-Unis, même si c'est plutôt l'inverse en
Europe.
Les protéines françaises (soja, colza et tournesol) ont aussi
beaucoup augmenté, la différence entre les protéines
françaises ou européennes et américaines résidant
dans le fait que nous n'avons pas de disponibilité en Europe.
Cela signifie que les 3 millions d'appels qui seront faits vont aller vers le
soja, ce qui nécessite que des décisions soient prises pour que
la culture des protéines puisse être développée et
encouragée en Europe.
Les conséquences économiques sont donc très fortes,
80 % de notre prix de vente provenant des matières
premières. Si celles-ci augmentent de 20 % alors que la marge de la
moyenne de la profession est de l'ordre de 1 %, nous ne pourrons que
répercuter et augmenter les prix, ce qui renchérira d'autant ceux
des productions et des viandes qui se trouvent sur le marché .
M. le Président
- Il nous reste à vous remercier
infiniment.