Audition de M. François TOULIS,
Président de la
Fédération nationale de Coopératives bétail et
viande
(FNCBV)
(13 décembre 2000)
M.
Gérard Dériot, Président
- Monsieur Toulis, je vous
remercie d'avoir répondu à notre convocation. Je rappelle que
vous êtes président de la fédération nationale des
Coopératives bétail et viande (FNCBV). Vous êtes entendu
dans le cadre d'une commission d'enquête du Sénat. Dans ces
commissions, les auditions sont faites sous serment. C'est pourquoi je vais
être obligé de vous lire le texte rituel. Puis, je vous demanderai
de bien vouloir jurer que vous direz toute la vérité, rien que la
vérité.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Toulis.
M. le Président
- Dans un premier temps, je vais vous laisser la
parole. Vous nous parlerez des conséquences entraînés par
la consommation des farines animales et de la propagation de cette
épidémie chez les bovins. Dans un second temps, je passerai la
parole à mes collègues qui souhaiteront vous poser des questions.
M. François Toulis
- Merci Monsieur le Président. Je vais
commencer par me présenter plus précisément. Je m'appelle
François Toulis. Je suis agriculteur dans l'Ariège et
éleveur de bovins. C'est à ce titre que je préside ma
coopérative «Synergie Bétail et Viande» qui s'occupe de
la mise en marché et du conseil aux éleveurs ainsi que du suivi
des éleveurs au niveau de la production sur les départements du
sud-ouest. En tant que président de cette coopérative, je suis
également président de la FNCBV qui regroupe environ 300
groupements de producteurs bovin, ovin et porcin sur l'ensemble de la France et
27 entreprises d'abattage à statut coopératif. Notre mission au
niveau national est la défense de l'intérêt de nos
adhérents. Nous entretenons beaucoup de relations avec les autres
acteurs de la filière ainsi qu'avec les pouvoirs publics.
Pour nous, 1996 a été le début de la catastrophe pour
l'ensemble de notre filière. En 1996, la crise se limitait au territoire
de la Grande-Bretagne. C'est la raison pour laquelle ce pays avait rapidement
été isolé. La France s'est ainsi trouvée dans une
situation un peu protégée par rapport au reste de l'Europe
puisque notre fédération comme l'ensemble de l'interprofession
nationale avait décidé de mettre en place la
traçabilité sur les produits pour que les consommateurs puissent
disposer de l'ensemble de l'information sur les viandes VBF (Viande Bovine
Française).
Nous travaillions déjà depuis quelques temps au niveau de
l'interprofession sur l'identification de la viande française,
identification qui n'était pas toujours bien vue au niveau communautaire
car elle était considérée comme une mesure protectionniste
par rapport aux autres pays. Lorsque la crise a démarré, nous
travaillions depuis quelques jours sur la recherche de logos. Lorsque la crise
a démarré en 1996, devant l'urgence de la situation, nous nous
sommes mis d'accord sur ces points de détail en dépit de nos
quelques désaccords. Ces mesures nous ont ainsi permis d'isoler la
France. Malheureusement, nous ne pouvions nous douter de ce qui allait se
passer par la suite. En effet, les événements de l'année
2000 sont beaucoup plus dramatiques pour nous puisque cette fois ci la crise
s'est étendue à l'hexagone et la consommation a dramatiquement
chuté.
Au niveau professionnel, nous déplorons que les mesures communautaires
n'aient pas été prises plus tôt. Il a fallu que nous soyons
en pleine crise pour que soit décidé notamment
l'étiquetage des viandes. J'avais été entendu par la
commission d'enquête de l'Assemblée Nationale. La famille
professionnelle s'était plaint du fait que Bruxelles repoussait les
mesures portant sur l'étiquetage à l'année 2001. ce retard
nous a énormément nui. Aujourd'hui, les viandes
identifiées, à savoir les viandes sous label ou sous signe
officiel de qualité, bénéficiant d'une certification d'un
organisme tiers et d'un contrôle de l'Etat et de la DGCCRF, sont les
seules viandes que nous sommes parvenu à vendre ces jours-ci sans une
chute trop importante des cours. Ceci me semble être important car il
faut aller plus loin, à mon sens, dans l'identification et la
traçabilité des produits. Il faut aller dans ce sens afin de
restaurer la confiance et d'assurer un suivi rigoureux.
Malheureusement, les événements récents ont
été irrationnels. Dans un abattoir de notre groupe, la SOVIBA, un
cas d'ESB a été décelé. Pourtant, cet
établissement avait mis en place des mesures de
traçabilité jusque dans le magasin au point d'installer une borne
de contrôle où le consommateur pouvait retrouver l'origine de
l'animal. Ce cas prouve que les organismes de contrôle ont correctement
fonctionné. Malheureusement, cet événement s'est
retourné contre nous puisque les conférences de presse qui ont
suivi ont eu un effet désastreux.
M. le Président
- Pouvez-vous nous rappeler
l'événement que vous évoquez ?
M. François Toulis
- Depuis que la crise a
redémarré, nous faisons subir un contrôle des animaux avant
l'abattage. Les vétérinaires contrôle les animaux en
bouverie. Un animal a été incorporé dans une bouverie et a
été détecté positif par le
vétérinaire inspecteur. Cet animal présentait des signes
particuliers de faiblesse. Il a isolé l'animal et l'a testé. Cet
animal n'est pas rentré dans la chaîne alimentaire. Effectivement,
il s'est avéré positif au contrôle du test. Nous testons,
depuis le mois de juillet 2000, soit des animaux morts en exploitation, soit
des animaux à risque détectés par des signes cliniques.
Cet animal est ressorti positif et a été isolé.
Néanmoins aux yeux de la presse et du grand public, il a
été dit qu'un animal malade était entré dans la
chaîne alimentaire. Quelques-uns de ses compagnons d'étable
avaient été tués cinq ou six jours avant et étaient
entrés dans le circuit après avoir passé le
contrôle. Par mesure de précaution et après discussion avec
les services vétérinaires et la DGAL, nous avons
décidé de rechercher cette viande. Nous avons pu grâce au
système de traçabilité rechercher cette viande jusque chez
les distributeurs. Pourtant ces animaux n'étaient pas atteints. Dans
l'état actuel des connaissances, le muscle n'est pas contaminant et les
matériaux à risque sont enlevés. Néanmoins, c'est
cet événement qui a déclenché la crise que nous
vivons actuellement et la médiatisation qui a été faite
autour. C'est cette médiatisation qui a contribué à
l'écroulement de toute notre filière.
J'ai rencontré Laurent Spanghero. Je suppose que celui-ci a dû
tenir le même discours que le mien. Nous enregistrons une baisse de
50 % de notre activité. Notre filière s'est
écroulée au niveau économique. Nous ne savons pas non plus
combien de temps sera nécessaire pour sortir de cette crise. Je crois
que la France avait pris une bonne décision en prenant des mesures
très sécuritaires en décidant de mener
40 000 tests. La France a mis en place cette mécanique
rigoureuse. Aujourd'hui, nous en payons le tribut alors que nous recensons
uniquement 200 cas de vaches malades. Rappelez-vous que l'Angleterre compte 180
000 cas. Elle en déclare 34 par semaine. En France, nous faisons des
contrôles et nous testons notre bétail beaucoup plus que dans
d'autres pays.
Même si nous ne connaissons pas tout. Nous savons que les farines
animales ont été un élément propagateur de la
maladie. Toutefois, la maladie ne vient pas des farines animales. Les farines
animales ont certes permis la propagation de la maladie. Cependant, l'origine
de la maladie ne vient pas des farines. De plus, nous ne connaissons pas
aujourd'hui tous les modes de transmission de la maladie. Des cas nous posent
question. Dans certaines régions ou dans certaines exploitations, nous
n'arrivons pas à comprendre l'origine de la maladie si nous ne remettons
pas en cause la bonne foi de l'exploitant.
Nous ne comprenons pas non plus les mesures d'abattage systématique de
tout le troupeau. Par mesure de sécurité, nous pouvons
décider de tuer tous les animaux. Toutefois, l'abattage
systématique nous enlève le suivi des animaux et l'étude
de la fratrie de l'animal malade. Peut-être que cette position sera revue
par les pouvoirs publics français. Peut-être que lorsque nous
mettrons en place le test systématique, nous ne courrons plus le risque
de laisser passer un animal malade. Cette mesure nous permettra peut-être
de laisser vivre les autres animaux du troupeau et nous permettra d'analyser
d'où vient la maladie et comment elle peut être transmise.
Certes, des vaches laitières sont contrôlées positives. Ces
animaux sont élevés de façon plus intensive. Nous avons
également des cas sur des vaches allaitantes y compris dans ma
région sur une vache limousine dans l'Aveyron. Des anciens exploitants
affirment qu'autrefois ils voyaient également des vaches trembler.
Toutefois, le suivi n'était pas le même. Il est évident que
l'alimentation a été un vecteur de propagation de la maladie.
Toutefois, nous ne connaissons pas l'origine exacte du mal. De plus, le risque
zéro n'existe pas.
Je pense que très peu d'agriculteurs ne donnent aucun
complémentaire. Dans la mesure où les farines de viande sont
interdites depuis 1990, elles ne doivent plus être donnés. Mais il
existe d'autres aliments complémentaires. En effet, très peu
d'exploitants ne donnent que de l'herbe, de la luzerne et du foin à leur
bétail. Nous réalisons 99 % de l'alimentation avec notre
ensilage de maïs et de la paille. Toutefois, une alimentation
complémentaire de tourteau et de minéraux est également
donnée. Quand une ration complémentaire est construite, il y a
toujours un peu d'aliments en plus utilisés pour faire le lien entre les
tourteaux et les minéraux. Ces éléments
supplémentaires sont issus des céréales. Nous avons la
crainte, compte tenu des contaminations croisées, qu'usine d'aliment
mélange les aliments bovin et avicole. Il était concevable qu'une
telle contamination soit possible. Toutefois, nous ne savons pas si une telle
contamination croisée était suffisante. Nous avons donc de
nombreuses incertitudes.
D'autres éléments nous inquiètent également.
Normalement, depuis 1996, les farines sont traitées correctement. Dans
les faits, elles l'ont peut-être été qu'à partir de
1998. Même dans l'hypothèse d'une contamination croisée
d'aliments, ce ne sont que des aliments sains qui auraient dû se croiser.
Les matériaux à risque ont été retirés. Les
nouvelles normes ont été respectées. Par
conséquent, il n'aurait pas dû y avoir de problèmes. Je ne
peux vous en dire plus. Tout comme vous, je me pose des questions. Je me
demande si seules les farines de viande sont responsables de cette
épidémie.
Aux yeux des scientifiques, il semble clair que les farines ont propagé
le mal. En revanche, l'origine de la maladie n'est pas encore clairement
définie.
Dans notre filière, notre travail est de commercialiser les animaux.
Nous représentons le premier maillon de la chaîne puisque nous les
collectons dans les fermes. Puis, nous les livrons soit à l'abattoir
soit à l'élevage pour être vendu ou exporté. Nos
coopératives abattent et transforment le produit. Notre
fédération a été pionnière sur la
traçabilité et sur la demande de l'étiquetage des viandes.
Nous espérons désormais qu'un suivi se mettra en place au niveau
de toute l'Europe.
Certaines choses nous restent en travers de la gorge. Il y a encore quelques
semaines, nous interdisions l'ensemble des farines animales en France.
Cependant, il n'était pas interdit d'acheter du porc hollandais qui
avait consommé des farines animales. Il existe des incohérences
qu'il est nécessaire de régler au niveau européen. Le
déclenchement de la nouvelle crise aura au moins eu le
bénéfice de faire avancer la réglementation communautaire
puisque toute l'Europe applique désormais la même
réglementation.
A mon sens, je ne suis pas sûr que l'interdiction des farines ait
été une bonne chose pour tous les animaux. Dans un lycée
agricole, le responsable de l'établissement faisait en sorte que tous
les déchets de la cantine aillent nourrir une portée de cochons.
Or on lui interdit désormais de le faire. Les morceaux de viande que les
enfants laissent dans leurs assiettes ne peut être donné aux
cochons ! J'ai l'impression que l'on marche sur la tête. Nous prenons
parfois des mesures trop extrêmes. Certes, sous la pression de l'opinion
publique, les responsables politiques sont dans l'obligation de prendre
certaines mesures. Je regrette néanmoins que nous en arrivions à
prendre des mesures extrêmes qui nous posent de sérieux
problèmes à nous tous. En effet, il faut aussi traiter tous les
sous-produits. Cette destruction induit un coût non négligeable.
C'est aussi une perte pour notre filière puisque ces produits
étaient auparavant recyclés. Nous ne pouvons même plus en
donner aux chiens et aux chats. Or devant une telle crise, nous devrions
plutôt garder la tête froide et ne pas en être réduit
à prendre des mesures ridicules. Des tests ont été faits
sur des volailles et sur des porcs pour leur faire ingurgiter de force de la
viande contaminée. Or je crois que les scientifiques n'ont jamais
réussi à le faire. Certes, ils ont réussi à
contaminer le cochon en lui inoculant directement le prion au niveau
cérébral. En revanche, ces tests n'ont jamais fonctionné
sur la poule. C'est pourquoi, à mon sentiment ces mesures sont trop
extrêmes.
M. le Rapporteur -
Quelle est votre approche sur la
généralisation des tests systématiques de
dépistage ? Avez-vous reçu des assurances sur la prise en
charge de ces tests ?
M. François Toulis
- Notre approche est claire. Nous voulons les
tests le plus rapidement possible. Nous souhaitons que vous nous aidiez
à ce que ces tests soient opérationnels dès le 26
décembre. C'est possible et il faut le faire. A partir du
1er janvier 2001, comme l'a décidé la Commission
européenne hier, les viandes de plus de 30 mois non testées
seront interdites à la consommation. Par conséquent, tous les
animaux que nous élevons risquent d'être perdu s'ils ne sont pas
testés, que ces animaux bénéficient d'un label ou non. Le
fleuron des vaches françaises sera perdu à partir du 1er janvier
si les animaux ne sont pas testés. Nous ne pourrons consommer que des
vaches de moins de 30 mois. Cette décision est irraisonnée. Les
animaux élevés dans les meilleures conditions possibles
bénéficiant de labels et respectant de stricts cahiers des
charges seront perdus. J'ai expliqué encore aujourd'hui à Mme
Geslain-Lanéelle, directrice de la DGAL qu'il fallait qu'elle mette tout
en oeuvre pour que les tests commencent dès le 26 décembre
au moins sur une partie du cheptel en particulier sur les animaux de
qualité.
Si nous souhaitons que les viandes soient consommables dès janvier, il
faut entreprendre les tests dès le 26 décembre. De
surcroît, il y a déjà un moment que nous demandons les
tests. Nous ne comprenions pas pourquoi les pouvoirs publics français
n'avançaient pas plus vite. Nous comprenions leur sérieux et
l'importance qu'ils accordaient au fait que tout soit bien en ordre.
Néanmoins, nous avions pris conscience depuis déjà
quelques mois de la nécessité d'avancer sur ces tests. Je pense
que nous ne pourrons sécuriser le consommateur qu'en prenant de telles
mesures.
Aujourd'hui, entre les entreprises privées qui sont
équipées pour réaliser ces tests, plus les 13 laboratoires
agréés par la DGAL au niveau national, en mettant les
bouchées doubles, nous devons pouvoir tester en priorité les
animaux sous signe officiel de qualité et les animaux de race à
viande. Si nous devons perdre des animaux, il est préférable de
perdre la viande de vieilles vaches laitières que de jeter une bonne
bête à viande.
Par ailleurs, nous souhaiterions évidemment que le coût des tests
soit pris en charge. Néanmoins, nous ne savons plus où nous en
sommes. Nous enregistrons une baisse de notre activité de 50 %. Nos
entreprises sont sens dessus dessous. Aucune des mesures gouvernementales ne
est mise en oeuvre. Je ne dis pas qu'on ne travaille pas à leur mise en
oeuvre. Nous vivons notre huitième semaine de crise. Malheureusement,
aucune mesure n'est mise en oeuvre. Toutes les avances de trésorerie
prévues par le gouvernement et toutes les aides au dégagement ne
sont pas mises en oeuvre. En attendant que les pouvoirs publics honorent leurs
engagements, ce sont nos entreprises qui prennent en charge ces frais. Je pense
que cette crise n'est pas uniquement le fait de notre secteur. Cette crise est
globale. Dans la mesure où elle menace la santé publique, il est
normal que la collectivité nous aide à surmonter la crise. Il
faut bien évidemment que les coûts des tests soient pris en
charge. Il faudra également trouver une solution à
l'évacuation et la destruction de tous les produits en cause. Des
millions de francs sont ici en jeu. Avec quoi allons-nous payer ? La taxe
sur l'équarrissage de 850 millions de francs n'est pas suffisante. Comme
je le précisais précédemment, je pense que nous aurions pu
consommer une partie de ces viandes condamnées.
M. Paul Blanc
- Ne pensez-vous pas, ne serait-ce que sur un plan
scientifique, qu'il serait intéressant de faire un test
systématique sur l'ensemble du troupeau lorsqu'une bête malade a
été décelée ?
M. François Toulis
- Cette mesure a été entreprise
une ou deux fois. Dans un cas, il y a eu une pression forte des organisations
syndicales devant la destruction massive du troupeau de l'exploitant. Il a
alors été décidé de tout tester. Ces tests n'ont
rien donné de plus.
M. Paul Blanc
-
Je pense qu'une telle mesure pourrait être
intéressant du point de vue scientifique.
M. le Président
- L'animal testé est mort.
M. Paul Blanc
- Je veux dire qu'avant d'abattre tout le troupeau il
serait bon de pratiquer des tests afin de savoir si d'autres animaux sont
malades. Pensez-vous que la pratique systématique de ces tests pourrait
être intéressant ?
M. François Toulis
- Oui. Aujourd'hui, avec la nouvelle
procédure, je pense que nous serons dans l'obligation de tout tester. A
ma connaissance, les tests ont une sensibilité qui permet de
détecter les animaux en phase clinique, c'est-à-dire en phase
terminale. Par conséquent, ces tests ne permettent pas de remonter
suffisamment loin. Ainsi, les tests peuvent laisser passer des animaux porteurs
sains.
M. le Rapporteur -
A cet égard, allez-vous communiquer avec le
consommateur ? La généralisation des tests a pour but de
rassurer le consommateur. Mais il est nécessaire de leur dire toute la
vérité. Par conséquent, il faudrait dire aux consommateurs
que ces tests ne détectent la maladie que dans les six derniers mois.
M. François Toulis
- Il faudrait aussi peut-être passer
à un test dont on dit que la sensibilité est 30 fois
supérieure à celle de Prionics. Il serait nécessaire de
choisir le test le plus sensible. J'ai compris deux choses. Quand les animaux
sont jeunes, le temps qu'ils aient une dose suffisante dans l'organisme, il
s'écoule une certaine période de leur vie. Des discussions
scientifiques divergent entre 24 et 30 mois. La période
d'incubation ne semble pas encore complètement déterminée.
Après l'abattage de l'animal, un test peut permettre de revenir plus ou
moins proche de cette période. Les scientifiques qui ont mis au point
Bio-Rad disent que la sensibilité du test arrive à la liaison. Si
c'est vrai, alors il faut employer ce dernier test afin de pouvoir balayer les
risques à 98 %.
Pour rassurer les consommateurs, le plus important est de rappeler deux
choses : le muscle n'est pas contaminant et l'on enlève les
matériaux à risque. Il faut donc finir de régler le
problème de la souillure qu'on peut avoir du muscle par la fente de la
colonne vertébrale. En effet, c'est dans le cerveau et dans la moelle
épinière que se situe le danger. C'est la première
protection. Le test constitue une couverture supplémentaire. Ainsi, nous
serons certains de retirer tous les animaux en phase clinique qui sont à
ce stade le plus infectant. On resserre ainsi l'étau. néanmoins,
le risque zéro existe-t-il ? L'objectif est de rassurer les
consommateurs. D'ailleurs, les gens meurent plus fréquemment de
salmonelle et de listériose que de la nouvelle variante de la maladie de
Creutzfeldt-Jakob.
M. Georges Gruillot -
Jusqu'à aujourd'hui, on admet dans la quasi
totalité des cas que la contamination vient des farines animales. Or il
n'est pas totalement exclu qu'il y ait également d'autres formes de
transmission. J'ai été donc intéressé par votre
exemple de la vache limousine de l'Aveyron. Quel âge avait cette
bête ? Était-elle née sur cette exploitation ?
A-t-on véritablement analysé son alimentation ? Avait-elle
consommé des farines de viande ? Si la réponse est positive,
quand en avait-elle consommé ?
M. François Toulis
- Je ne peux pas vous répondre
précisément sur ces points car je ne dispose pas de
données précises sur cette bête et sur l'élevage. Je
sais uniquement qu'il s'agissait d'une vache limousine d'un élevage sous
label.
M. Georges Gruillot
- Avait-elle consommé des farines ?
M. François Toulis -
L'exploitant n'a pas donné de farines
de viande. L'autre question est de savoir si la poudre de lait n'est pas en
cause. Ce n'est pas le lait en lui-même qui serait en cause puisqu'il
n'est pas contaminant. Les farines d'os et les suifs mis dans la composition de
la poudre de lait peuvent aussi être un contaminant.
M. Georges Gruillot
- En règle générale, les
poudres de lait sont peu données au veau des vaches limousine.
M. François Toulis
- En général ce n'est pas le
cas. Il y a peut-être 9 chances sur 10 pour que ce ne soit pas le cas.
Cependant, peut-être qu'il y a eu un cas particulier où
l'exploitant a donné du lait reconstitué. Quel est
l'élevage même allaitant qui ne dispose pas d'un sac de lait pour
faire téter deux veaux que la vache ne peut pas nourrir. Quel est
l'exploitant qui n'a jamais donné une poignée de
complémentaire ? Je ne peux pas vous apporter une réponse
précise sur cet animal en particulier. Je dis que, dans 98 % des
exploitations, il y a pu y avoir un peu de complémentaire ou de poudre
de lait.
M. Jean Bernard
- Nous avons également entendu parler d'une
contagion tellurique. En effet, les farines de viande existent depuis fort
longtemps. Les anciens équarrissages traitaient les carcasses et les
utilisaient comme engrais. Les scientifiques que nous avons auditionnés
ont évoqué la possibilité de transmission par le sol. Le
cas que vous évoquez soulève évidemment de nombreuses
questions dans la mesure où cet animal ne semble pas avoir
été en contact avec les farines.
M. François Toulis
- Si l'hypothèse que vous
évoquez était réellement possible, je pense que la maladie
se serait propagée beaucoup plus rapidement. En effet, de l'engrais se
trouve un peu partout. Certes, nous ne pouvons encore affirmer avec certitude
que la transmission par les engrais est impossible. Cependant, si tel
était le cas, je pense que nous recenserions beaucoup plus d'animaux
malades. Cette hypothèse me semble peu probable.
M. le Président
- Dans l'ensemble de vos coopératives,
vous faites également de la transformation de viande. Par exemple, vous
fabriquez également du steak haché. Pour vous, comment est fait
le steak haché ? A partir de quels ingrédients ?
Assurez-vous une certaine traçabilité dans vos steaks
hachés ?
M. François Toulis
- A partir du moment où le cahier des
charges est respecté, le steak haché doit être
fabriqué avec du muscle. De plus, le steak haché français
est bon par rapport à ce qui peut se faire ailleurs. Cependant, vous ne
pouvez pas empêcher que certaines personnes n'aient pas tout à
fait tout le sérieux professionnel requis. A ma connaissance, nos
entreprises respectent les règles établies dans ce domaine. Il
est certain que dans ce produit il est plus facile de mélanger d'autres
produits. Avant d'enlever tous les matériaux à risque
spécifique, les précautions n'étaient pas les mêmes.
M. le Président
- Aujourd'hui, quelles sont les origines de
viande permettant de faire le steak haché ?
M. François Toulis
- Le steak haché ne pose pas un
problème au niveau de la dangerosité du produit. C'est au niveau
de la traçabilité. Plus vous avez une unité industrielle
importante, plus vous avez des mélanges. Si l'artisan boucher hache la
viande devant vous, à condition que son hachoir respecte les conditions
d'hygiène, vous savez quels morceaux de viande est à l'origine de
ce steak. Dans les usines, les volumes sont différents. Les usines que
nous trouvons aujourd'hui en France sont des usines laboratoires. Dans ces
usines, des conditions strictes d'hygiène sont respectées. Pour
avoir une traçabilité sur le steak hache, il va falloir
surenchérir le coût. C'est un des produits que nous ne tracions
pas dans la filière par rapport à l'origine de la bête car
c'est très compliqué à réaliser. Il va falloir
faire des petits lots de bêtes destinés à faire du steak
haché puis arrêter et passer à un autre lot. Toutes ces
mesures sont faisables. Nous continuerons d'avancer dans ce sens. Certes, c'est
plus difficile à traiter que des céréales puisqu'il s'agit
de morceaux de viande mélangée. Néanmoins cette
traçabilité se fera. Je vous signale que, par rapport à
l'abattage sous test qui va démarrer au mois de janvier, on va faire des
séries d'abattage par lot de façon à ce que si un sujet
réagit nous puissions éliminer tous les abats non
identifiés du lot.
M. Paul Blanc
- On entend beaucoup parler de traçabilité.
Connaît-on la traçabilité des farines ? Savez-vous
d'où elles viennent ?
M. François Toulis
- Il ne faut pas me le demander. Je suis
simple utilisateur. On me livre un sac de farines avec une formule. J'ai
discuté ma formule quoiqu'il faut être exploitant d'une certaine
taille et avoir un certain poids économique sur le fournisseur pour
pouvoir obtenir du fabricant la formule. Nous sommes en GAEC et nous disposons
d'un grand élevage. Par conséquent, s'ils souhaitent que nous
restions leurs clients, ils ont tout intérêt à nous donner
la formule. En revanche, ils me garantissent que j'ai des tourteaux et des
minéraux et du maïs-grain. Toutefois, je ne connais pas le
procédé de fabrication.
M. Paul Blanc
- Par conséquent, vous ne disposez pas de la
traçabilité des farines.
M. François Toulis
- Sur de grosses exploitations, il est encore
possible de refaire des analyses pour vérifier la composition. Nous
n'effectuons pas ces tests pour vérifier l'alimentation mais pour
vérifier le taux de matière azotée et les taux de
tourteaux que nous commandons.
M. le Rapporteur -
Avez-vous reçu des assurances de la part des
pouvoirs publics concernant la prise en charge financière pour
l'abattage des animaux de plus de 30 mois qui n'entreront pas dans la
chaîne alimentaire ?
M. François Toulis
- La Communauté européenne a
pris un engagement hier.
M. le Rapporteur -
A quelle hauteur se fera cet engagement ? Il y a
quelques temps, la Communauté parlait de prendre en charge 70 ou
80 % des frais sans cependant préciser sur quelle assiette.
M. François Toulis
- J'ai un document un anglais si vous
souhaitez l'obtenir. Nous l'avons reçu ce matin. Deux décisions
ont été prises par la Commission. Nous disposons du
règlement de la Commission. Nous avons un autre document stipulant que
l'on nous reprendrait le prix d'achat des animaux en tenant compte de la valeur
par rapport à la qualification. Il nous faut savoir quelle valeur la
Commission va accorder à ces animaux. Certes, nous ne nous faisons pas
beaucoup d'illusion par rapport à ce qui s'est déjà
passé en Grande-Bretagne. Une partie va être payée par la
Commission. Une autre partie va être payé par l'Etat
français. Apparemment, le partage sera de 70 % pour la Commission
et 30 % pour la France. La destruction des animaux reste encore à
la charge de l'Etat. Les chiffres qui sont donnés concernent l'achat des
animaux par la Commission. Vous pouvez si vous le souhaitez faire une copie de
ce document. Pour une vieille vache frisonne laitière qui arrive en fin
de carrière, je suis certain qu'ils nous accorderont tout au plus 4 000
francs. Cette vache sera amortie. Par conséquent, ce n'est pas sur ce
type de vache que ce sera difficile pour nous. En revanche, pour des vaches
allaitantes ou pour des vaches sous label que nous vendions 10 000 francs, la
perte risque s'être douloureuse.
M. le Rapporteur -
Suite à la crise de l'ESB, allez-vous
réfléchir à une nouvelle approche de votre mode de
contractualisation avec la grande distribution.
M. François Toulis
- Nous plaidons pour une révision de
notre contractualisation. Nous demandons aux pouvoirs publics qu'ils utilisent
l'enveloppe de flexibilité. Lors de la réforme de l'OCM
(organisation commune des marchés) de viande bovine à Bruxelles,
il existait des aides à la vache allaitante et des aides au bovin
mâle. Une partie de cette enveloppe a été laissée
à discrétion des États membres pour distribuer un
complément de primes. Nous avons demandé au ministre, qui nous a
d'ailleurs donné un accord sur le principe sans pour autant mettre ce
principe en application, que nous aurions une aide pour les animaux sous signe
officiel de qualité, c'est-à-dire pour les animaux sous cahier
des charges. Concernant les vaches allaitantes, il existe de grosses
différences entre des charolaises ou des limousines
élevées naturellement. Lorsque vous les mettez sous signe
officiel de qualité, en tant qu'exploitant, vous signez un cahier des
charges alimentaire. Vous êtes sous contrôle d'un organisme
certificateur. Vous êtes sous contrôle de la DGCCRF. Vous
êtes donc obligés de suivre un protocole. Ces animaux sont ceux
qui ont résisté le mieux à la crise.
M. le Rapporteur -
Avez-vous une idée du montant de cette
enveloppe de flexibilité pour la France ?
M. François Toulis
- Je ne l'ai pas en mémoire.
M. le Rapporteur -
Pourriez-vous nous la faire parvenir rapidement ?
M. François Toulis
- Oui. Cette enveloppe peut permettre
d'accorder une surprime aux animaux sous signe officiel de qualité.
Cette prime inciterait les producteurs à entrer dans ce schéma et
d'accorder davantage d'attention à la qualité des produits. Par
exemple, dans notre région Midi-Pyrénées, nous avons
demandé que dans le cadre du contrat de plan nous ayons avec l'objectif
2 au niveau de Bruxelles des aides pour le reste de la filière
c'est-à-dire aussi bien au niveau du boucher que du chevillard. Nous
avons demandé ceci avant que ne survienne cette crise. Quand on dispose
d'un circuit label, le boucher ne peut distribuer que de la viande label.
Lorsqu'une grande surface installe un rayon label, il faut que nous suivions
toute la chaîne et la grande surface ne peut distribuer d'autres produits
que du label. Nous risquons donc de tourner en rond si nous ne disposons pas
suffisamment de production label. Des crédits venant de ce contrat de
plan ou de l'enveloppe de flexibilité peuvent aider la filière
à aller dans ce sens. Nous avons également demandé que les
CTE soient allégés ou simplifiés pour inciter les
exploitants à se tourner vers les schémas qualité avec une
ou deux mesures économiques liées à
l'identification-qualité du produit ainsi qu'une ou deux mesures
environnementales simples. Aujourd'hui, le système CTE est trop
complexe. Le ministre pensait disposer de 50 000 CTE alors que nous ne
disposons de rien. Nous souhaiterions plutôt avancer vers des
schémas simples.
M. le Rapporteur -
Vous n'avez pas évoqué la notion de
propriété du cahier des charges. Je sais que c'est un sujet
relativement conflictuel. Personnellement, je trouve assez éhonté
que la grande distribution veule se l'approprier.
M. François Toulis
- Il ne faut surtout pas laisser faire cela.
M. le Rapporteur -
Je trouve que la profession ne s'est pas
peut-être suffisamment battue dans ce sens. Je le dis clairement. Le jour
où vous abandonnerez cette propriété du cahier des
charges, vous aurez encore perdu une marge de valeur ajoutée.
M. François Toulis
- Nous nous sommes quand même battu car
la CNLC (Commission Nationale des Labels) a bloqué sur ce point.
Heureusement, les pouvoirs publics nous ont suivi. Les labels sont
propriétés de l'Etat. Ils n'appartiennent pas à un
distributeur. Il faut garder la propriété des marques
certifiées au niveau des groupements qualité et ne pas le laisser
à une enseigne. Tout ce que vous pourrez faire dans ce sens sera le
bienvenu. Les distributeurs ne cessent de se concentrer. Il ne reste plus que
cinq grandes enseignes de distribution aujourd'hui. Ils risquent encore de
continuer leur course à la grandeur au niveau européen. Nous n'en
aurons alors plus que cinq au niveau européen. Le rapport de force
devient complètement disproportionné par rapport à la
production ou aux outils d'abattage. Ils affirment pressurer les prix pour le
bien du consommateur. Cependant vue la part des dépenses alimentaires
dans le budget familial, il serait préférable de
privilégier la qualité. Nous demandons à élever des
animaux plus naturellement et de façon moins intensive. Mais force est
de constater que nous sommes pressurés. Ces excès doivent cesser.
Les assises de l'alimentation que le Premier ministre a présidées
et le colloque sur les régulations économiques peuvent nous aider
à réguler sans pour autant tout régenter.
M. le Président
- Je pense que nous avons fait le tour du
problème en ce qui vous concerne. Je vous remercie des informations que
vous nous avez apportées. Sachez de plus que vous pouvez aussi compter
sur nous pour vous aider à faire avancer un certain nombre de sujets que
vous nous avez signalés. Nous ferons le maximum. Je vous remercie.