Audition de M. Henri NALLET,
ancien ministre de l'Agriculture et de la
Forêt
(4 avril 2001)
M.
Gérard Dériot, Président
- Monsieur le ministre, merci
d'avoir répondu à notre convocation.
Vous êtes auditionné ce matin dans le cadre de la Commission
d'enquête mise en place par le Sénat à propos du
problème des farines animales, des conséquences sur le
développement de l'ESB, mais aussi sur la santé des
consommateurs.
Compte tenu que vous êtes auditionné comme ancien ministre de
l'Agriculture qui avez eu à vivre ce problème et que dans le
cadre d'une commission d'enquête comme celle-ci, les témoignages
doivent se faire sous serment, je vous lirai le processus et, à la fin,
je vous demanderai de bien vouloir prêter serment.
Il est à noter que vous avez déjà été
auditionné ce matin par l'Assemblée nationale.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Nallet.
M. le Président -
Je vous demanderai de faire un exposé
personnel sur ce que vous avez vécu comme ministre de l'Agriculture sur
ce problème, et ensuite nos collègues vous poseront les questions
qu'ils souhaitent vous poser.
M. Henri Nallet -
Merci, Monsieur le Président.
Mesdames, Messieurs, je suis très heureux de venir apporter ma
contribution à votre travail et votre recherche, ainsi qu'aux questions
que vous vous posez.
Je souhaiterais vous dire que non seulement je vous dirai toute la
vérité comme je m'y suis engagé, mais que j'essayerai de
collaborer au mieux de mes possibilités à votre travail
d'investigation, car il me semble très important pour nos concitoyens de
tout savoir et ce, de la manière la plus transparente possible. C'est en
ne cachant rien que nous pouvons peut-être contribuer à restaurer
une confiance qui aujourd'hui fait défaut, entre une grande
majorité des consommateurs et leur système d'alimentation.
Je formulerai quelques remarques introductives, Monsieur le Président,
qui vous paraîtront bien simples et bien ordinaires mais m'apparaissent
importantes, pour, en quelque sorte, brosser le tableau des conditions dans
lesquelles j'ai eu à faire face, entre 1988 et octobre 1990 à ce
qu'il est convenu d'appeler « la première crise de la vache
folle ».
Bien évidemment, Monsieur le Président, tout cela remonte pour
moi à 11 ans et, comme tout le monde, ma mémoire a fait un tri.
Je tenterai donc, chaque fois que je le pourrai, de vous dire ce qui est
présent dans ma mémoire concernant cette période et ce que
j'ai en revanche reconstitué, soit en interrogeant mes collaborateurs de
l'époque, soit en lisant des textes, des ouvrages ou des articles.
Si je mobilise devant vous ce matin un instant ma mémoire sur cette
période et sur la manière dont j'ai eu à traiter, en tant
que ministre de l'Agriculture, de l'ESB, je voudrais vous dire -comme je
l'avais dit en 1996, devant la commission d'enquête de l'Assemblée
nationale présidée par Mme Guilhem et ensuite par le Professeur
Mattei- que je dois établir deux périodes extrêmement
distinctes.
La première qui va jusqu'en avril-mai 1990 et la deuxième
jusqu'au moment où j'ai quitté le ministère de
l'Agriculture en octobre 1990, sont différentes.
Durant la première période, Monsieur le Président -je vous
le dis sans aucune gêne- je n'ai aucun souvenir que la question de l'ESB
(intitulée à l'époque BSE car l'on ne parlait qu'en
anglais de cette maladie) ait été évoquée de
manière directe auprès de moi ou, si l'on m'en a parlé
-car il est possible que l'on m'en ait parlé-, c'est dans des termes qui
n'appelaient pas de ma part de décision.
Ce n'est qu'à partir d'avril-mai 1990 que je m'empare de ce
problème, non pas parce que tel ou tel collaborateur m'aurait fait une
note impressionnante ou parce que les services vétérinaires
m'auraient prévenu d'une catastrophe imminente, mais parce que
l'attaché agricole de Londres m'envoie directement à mon Cabinet
la photocopie de deux articles de la presse « People » indiquant que
2 chats sont morts d'une maladie étrange dont les manifestations
symptomales rappellent la maladie de la vache folle.
J'ai un souvenir extrêmement précis que je vous livre
d'entrée de jeu : je rentre du Conseil des ministres et à
peine suis-je arrivé dans mon bureau que mon Directeur de cabinet, Jean
Nestor, se précipite et me dit : « Il faut que tu nous
rejoignes à la réunion du Cabinet, il se passe quelque chose de
très grave ».
Je suis à cent lieux d'imaginer ce qui m'attend. Je vois une partie de
mes collaborateurs, ceux qui sont directement au travail avec moi et sont pour
la plupart d'entre eux des ingénieurs agronomes (ce point est important,
ce ne sont pas des énarques), me dire qu'il se passe quelque chose de
grave et me raconter cette histoire. Et ils ajoutent : « Tu
comprends, là nous ne sommes plus dans un problème
vétérinaire. Si des chats peuvent avoir contracté la
maladie de la vache folle, cela signifie que la barrière des
espèces est franchie et cela devient un problème pour toi, le
ministre ».
A partir de là, je me trouve dans une toute autre situation, j'ai
beaucoup de souvenirs à vous raconter et vous m'interrogerez sur ce que
vous voudrez. Il est devenu, me concernant, un problème politique,
éthique et, beaucoup plus, de santé humaine que de santé
animale, même s'il n'est qu'une hypothèse.
Pourquoi cette coupure, pourquoi pendant pratiquement 18 mois de ma
responsabilité, ce problème existant au Royaume-Uni est un
problème dormant, se développant, du point de vue de
l'Administration française, en dehors du regard immédiat du
ministre ? Pour les raisons suivantes que vous connaissez, Monsieur le
Président, mais que je rappellerai : jusqu'en mai 1990, pour moi et
mes collaborateurs, l'ESB est une maladie strictement limitée aux bovins
et de plus strictement limitée aux bovins du Royaume-Uni ; cela ne
concerne pas la France et nos élevages.
Limitée aux animaux, elle relève de l'autorité
spécifique des vétérinaires qui ont la
responsabilité de la police sanitaire. A l'époque, il me semble
-et je l'ai reconstitué, Monsieur le Président, que quand on
parle de l'ESB, on se pose beaucoup plus de questions que l'on n'affirme de
certitudes.
J'ai retrouvé quelques documents que je vous indique, mais que vous
possédez ; en mai 1988, j'ai retrouvé le rapport final de la
session annuelle de l'Organisation Internationale des épizooties qui, en
point n° 166, indique : « Qu'une nouvelle maladie est apparue au
Royaume-Uni, qu'elle est dénommée ESB et qu'elle comporte 5 cas
qui ont été rapidement éliminés par abattage de la
totalité du troupeau, et les épreuves sérologiques
effectuées sur 25 000 échantillons prélevés
à ce jour dans le cadre de l'enquête nationale n'ont pas mis en
évidence de cas de cette maladie ».
J'ai retrouvé un deuxième document, peut-être pour vous
encore plus intéressant. Je crois (je dis bien : « Je crois
») que c'est la première note des services
vétérinaires français sur l'encéphalite spongiforme
bovine. C'est une note de service -diffusée au Directeur des services
vétérinaires et, pour information, aux préfets ou aux
Directeurs départementaux de l'Agriculture- qui est une
présentation de la maladie.
Je mettrai cette note à votre disposition si vous ne l'aviez pas. Elle
est très dubitative.
Le signataire, le chef du service, déclare à propos de la
question que vous vous posez : « Ces données, ajoutées
à la faible prévalence de la maladie (455 cas pour un cheptel de
13 millions de bovins), permet de penser que des éléments comme
les facteurs génétiques et l'environnement jouent un rôle
important dans l'apparition de la maladie ».
Au paragraphe suivant : « Certains chercheurs anglo-saxons pensent
que l'utilisation à partir de 1981 de sous produits d'abattoirs bovins
pourrait être à l'origine de l'apparition de la BSE ». En
juin 1998, les vétérinaires français s'interrogent encore
sur la relation à établir entre les farines et la maladie.
La conclusion : « Dans l'attente de plus amples connaissances, des
recommandations ont été faites aux éleveurs et
vétérinaires anglo-saxons pour éliminer les bovins
malades, désinfecter les locaux et assurer la surveillance d'animaux
nés de vaches malades ».
Je me suis interrogé : pourquoi ce décalage ? Pourquoi
les Britanniques commencent-ils à prendre des mesures en 1988 alors que
nous-mêmes, en juin 1988, quand nous en parlons, sommes loin de ces
mesures ? Pourquoi ne prend-on pas une décision (sur laquelle vous
m'interrogerez) d'interdiction des importations de farines britanniques en
août 1989 ?
Je crois qu'à l'époque, non seulement les connaissances sur la
maladie sont faibles, mais nos vétérinaires pensent que notre
troupeau en étant indemne (puisque nous vérifions assez
rapidement que nos pratiques y compris de fabrication des farines, sont
conformes aux exigences techniques et scientifiques). De plus -je le crois et
pense devoir le dire car des documents l'attestent- que les autorités
communautaires -dans tous les cas les autorités
vétérinaires en contact avec leurs collègues britanniques-
mettent en doute un certain nombre de mesures prises par les britanniques.
En particulier, j'ai retrouvé un document -que je mettrai
également à votre disposition- où le
vétérinaire français qui siège au Comité
Vétérinaire bruxellois dit dans une réunion : «
Nos collègues britanniques nous ont dit qu'un certain nombre de mesures
ont été prises, en particulier les mesures d'interdiction
d'utilisation d'un certain nombre de parties des animaux dans les aliments pour
bébés, sont des mesures purement cosmétiques,
destinées à l'opinion publique, qui ne reposent sur aucune
étude scientifique ».
Je pense que les services vétérinaires français, dans la
période 1988-1989 s'interrogent, se posent des questions, tentent de
vérifier, de comprendre ce qui se passe et de voir si les mesures
britanniques sont justifiées.
J'ai retrouvé -je le mets à votre disposition- un compte rendu de
ce qui me semble être la première grande réunion qui s'est
tenue au ministère de l'Agriculture sur l'ESB, avec l'ensemble des
personnalités concernées, qui datent de septembre 1989. Vous
verrez que l'on s'y interroge sur les farines animales mais sans leur attribuer
de manière certaine le rôle de vecteur de la maladie qu'on leur
attribue aujourd'hui. Dans cette réunion tout le monde est
présent, y compris M. Blandin, et vous verrez les échanges des
uns et des autres. Au fond, ils s'interrogent beaucoup.
En revanche, en mai 1990, il se passe un événement notable et
important et, dès lors, la maladie de l'ESB cesse d'être une
maladie animale limitée au Royaume-Uni et devient potentiellement un
risque, un danger, pour la consommation humaine.
Je réfléchis pendant quelques jours à cette question qui
m'a été posée par l'attaché agricole à
Londres. Nous avons une série de réunions, et celles que mes
collaborateurs organisent pour éclairer ma décision ne m'avancent
pas beaucoup. Je ne peux pas attendre grand-chose à l'époque des
scientifiques, car ils sont divisés et ceux qui pensent qu'il existe un
risque de zoonose, représentent une extrême minorité en
France. Une équipe à Lyon, que je n'ai pas rencontrée
à l'époque, se pose cette question.
Les services vétérinaires pensent que c'est une hypothèse
que rien ne permet d'établir et je me rappelle une réflexion
(j'ai un souvenir précis et je peux décrire le lieu et le type de
lumière qui prévalait à ce moment) d'un responsable
vétérinaire en qui j'ai confiance, à qui j'ai posé
la question et qui m'a répondu : « C'est la tremblante du
mouton, restez tranquille, on connaît cela depuis 2 siècles et
c'est répertorié, cela ne s'est jamais transmis à l'homme.
Aucune chance, c'est la presse, les médias.... »
Je reste avec ma question. Je n'ai pas grand chose à attendre des
responsables britanniques de l'époque.
Monsieur le Président, j'assume et j'essaie d'assumer toutes mes
responsabilités, mais je crois pouvoir dire aujourd'hui (peut-être
plus que je ne l'ai dit en 1996, et peut-être avais-je encore une
attitude trop retenue) que je pense que les autorités publiques
britanniques en 1989-1990 n'ont pas joué le jeu pour plusieurs raisons.
Elles ont retenu l'information. On ne m'a pas prévenu. Mon
collègue ministre ne m'a pas dit : « Je te signale que l'on
vient d'interdire l'utilisation des farines ». J'ai regardé dans
mes notes et j'ai demandé à mes collaborateurs de l'époque
d'essayer de retrouver certains éléments.
Leur attitude, que j'ai reconstituée depuis, me paraît
inadmissible, parce que je crois que les autorités britanniques ont
interdit l'utilisation des farines animales dangereuses dans leur espace
national, mais qu'elles n'ont rien fait pour empêcher leur exportation
et, du point de vue de la responsabilité publique, une telle attitude
est injustifiable.
Rappelez-vous ce qui s'est décidé il y a quelques mois quand la
France a interdit toute utilisation de farines animales : les
autorités communautaires ont bien veillé que ce soit la
même décision partout ou, dans tous les cas, à ce qu'elles
n'exportent jamais ces farines animales. Quand j'ai affronté à la
fin du mois de mai 1990 les autorités britanniques, il m'a
été répondu que tout était sous contrôle et
que l'attitude de la France n'était pas dictée par des
considérations de santé humaine, mais de protection du
marché intérieur.
Je crois qu'un point très net est à marquer. Je savais en 1990
que je n'avais pas grand-chose à attendre de mes collègues
britanniques (même si j'avais de bonnes relations personnelles avec eux)
car, je dois le dire, ils étaient très « Thatcheriens
», totalement et uniquement soucieux d'assurer les relations commerciales
les plus fluides, les plus ouvertes et les plus faciles possible et bien loin
de tous nos systèmes de contrôle qui leur paraissaient totalement
déraisonnables.
Un exemple : j'ai eu un affrontement violent avec mon collègue
britannique quand, en 1989, j'ai changé la position de la France sur la
question des hormones.
En 1986, la France avait adopté une loi sur l'utilisation des hormones
qui autorisait les hormones naturelles et interdisaient les hormones de
synthèse. Cela posait problème aux consommateurs. Le fondement
scientifique de la position française était parfait : «
On peut utiliser des hormones naturelles. Cela n'a aucune conséquence
sur la santé humaine », mais les consommateurs pensaient le
contraire et, pour cette raison, j'ai changé de position. Les
Britanniques ont été d'une violence à notre
égard : « Ce n'est pas scientifique, vous vous conduisez....
»
J'ai donc le souvenir qu'en 1990 j'aurais, face à moi, une attitude
très négative à l'égard des positions que l'on
pouvait prendre pour protéger la santé humaine.
Monsieur le Président, mais vous le savez aussi bien que moi, je savais
en 1990 que je ne pouvais pas compter sur le soutien du commissaire à
l'agriculture Ray Mac Sharry un homme qui avait de grandes qualités mais
extraordinairement soucieux des intérêts commerciaux de
l'élevage bovin irlandais ; l'affrontement a été
très dur à cette période.
J'ai essayé d'obtenir la réunion d'un conseil des ministres au
début du mois de mai, lors de plusieurs conversations
téléphoniques avec lui et c'était à chaque fois une
fin de non recevoir extrêmement dure et violente : « Tout est
sous contrôle. La commission a fait ce qu'elle devait faire. Les
Britanniques ont pris des engagements, n'y revenez pas ». Il n'y
avait pour lui aucune raison de réouvrir le dossier à moins
d'avoir des éléments scientifiques nouveaux apportés par
le comité vétérinaire permanent.
Dans cette situation, j'ai considéré -je le dis avec beaucoup de
simplicité en mon âme et conscience- que l'on ne pouvait pas se
satisfaire de cela et qu'il fallait forcer la porte. Je n'ai découvert
qu'une seule façon d'inventer de toute pièce une crise à
l'intérieur de l'Union pour obtenir une réunion du Conseil des
ministres et je l'ai proposé au Premier ministre de l'époque,
Michel Rocard, qui m'a suivi.
Nous avons décidé unilatéralement de fermer les
frontières à toute importation de viande britannique à la
fin du mois de mai, d'où crise violente qui a provoqué un Conseil
des ministres très dur et dramatique (nous l'avons assumé) et
l'obtention d'un certain nombre de mesures que j'ai fait valider par le
comité vétérinaire permanent à Bruxelles et, fort
de cet engagement et de ce qui m'avait été dit, à savoir
que l'ensemble des mesures décidées par les autorités
communautaires étaient de nature à maîtriser
l'épizootie, ou dans tous les cas à la limiter strictement au
Royaume-Uni, nous avons accepté que les frontières soient
réouvertes au début de juin 1990.
Monsieur le Président, quand je réfléchis à cette
période, je me dis qu'il est difficile aujourd'hui de juger ce qui a
été fait 10 ans après. J'en sais beaucoup plus sur ce qui
s'est passé quand j'étais ministre de l'Agriculture. Quand j'ai
pris des décisions que je croyais adaptées, je n'avais aucune
espèce de certitude et les savants, les vétérinaires, ne
m'avaient pas été d'un grand recours ; ils avaient
simplement éclairé ma réflexion. Je crois donc que le
système de décision a été ce que je vous ai
décrit. A-t-il bien fonctionné ? Ce n'est pas à moi
de le dire, mais à vous.
En revanche, le système de contrôle de ces décisions est
à mon sens une question bien différente sur laquelle j'ai
beaucoup découvert par la suite car, concernant toutes ces
décisions prises en 1989-1990, je n'ai su leur efficacité
pratique que des mois et des années plus tard, quand je n'étais
plus ministre. Les premières indications que nous avons pu avoir
étaient très vagues et très floues.
Je crois qu'il faut distinguer -c'est ce que j'ai retenu de cette crise- ce qui
relève du système de décision publique de ce qui
relève du système de contrôle, et autant je pense que le
système de décisions publiques a cherché à
s'adapter, autant je pense que notre système de contrôle qui
heureusement me semble-t-il s'est bien amélioré depuis, s'est
révélé incapable ou peu capable de vérifier que les
décisions étaient appliquées.
Quand je dis « notre système de contrôle » je ne vise
pas notre système de contrôle national mais surtout le
système de contrôle communautaire, car il est manifeste qu'une
partie des décisions prises en mai-juin 1990 n'a pas été
suivie d'effet et tout particulièrement au Royaume-Uni.
M. Jean Bizet, Rapporteur -
Monsieur le ministre, je reviendrai sur la
période 1988-1989, à propos de laquelle vous nous avez dit -et
nous partageons ce sentiment dont nous bien pris conscience lors de notre
déplacement à Londres jeudi et vendredi dernier- que les Anglais
ne vous avaient pas spécialement transmis d'information.
Or, quand nous avons questionné Lord Phillips (c'est notifié dans
son rapport), il dit l'avoir fait, mais nous n'avons pas ressenti un sentiment
de grande franchise. Il a fini par avouer qu'il l'avait dit sans trop
élever la voix et que peut-être au niveau de la Commission
européenne, on n'avait pas spécialement voulu entendre. Vous avez
également souligné qu'à cette époque, Ray Mac
Sharry, avec la sensibilité et les origines qui sont les siennes, n'a
pas voulu transmettre l'information.
Des télégrammes diplomatiques en provenance de l'ambassade de
France seraient-ils arrivés sur votre bureau ou celui de vos
collaborateurs ?
M. Henri Nallet -
Je me suis posé cette question Monsieur le
rapporteur car elle préoccupe. J'ai demandé à tous mes
collaborateurs s'il n'existerait pas une note.
J'ai retrouvé un télégramme du 1er mars 1990
rédigé par l'attaché agricole, mais signée par
l'ambassadeur, M. de Nanteuil, sur l'ESB, qui est, à ma connaissance le
premier télégramme officiel, car je n'ai rien retrouvé
d'antérieur et il est rédigé comme s'il en parlait pour la
première fois : « L'ESB est une maladie qui frappe les
bovins.... ».
C'était un cours sur l'ESB et une description de ce qu'ont entrepris les
Britanniques. Peut-être y a-t-il eu d'autres télégrammes
et, de la part de l'attaché agricole d'autres informations, mais qui
étaient destinées aux services et y ont circulé. Je mets
à votre disposition, Monsieur le rapporteur, le compte rendu de la
réunion de septembre 1989.
Elle est très intéressante, car tout le monde est présent
et les informations mises en commun démontrent que nous savons à
peu près tout ce qu'il faut savoir à cette époque, mais je
n'ai pas le souvenir qu'à aucun moment les autorités britanniques
elles-mêmes nous aient avertis comme cela se faisait dans d'autres cas.
Je donnerai un exemple de ce que je vise.
Je me souviens de discussions à cette même époque avec mon
collègue hollandais et mon collègue belge, en raison de
l'existence d'une épizootie de peste porcine dans ces deux pays et qu'il
fallait s'en protéger. En marge du conseil, mon collègue belge
Demersmaeker venait me dire : « Il faut que je te vois et que nous
discutions parce que c'est une catastrophe chez moi. On ferme les
frontières et on a un échange : Que peux-tu faire ?
Combien de temps cela durera-t-il ; je vais avoir des drames et des
manifestations ... ».
Nous en parlions directement et nous avions un sentiment de connivence et de
solidarité : « Qu'est-ce que je peux faire pour t'aider ?
Mais ne me mets pas tes saletés chez moi. ». De même avec le
Hollandais Brax qui était un rude négociateur. Nous avions
ensemble un sentiment de responsabilité commune. Nous étions
responsables à la fois du bon fonctionnement du marché commun
agricole (nous n'étions pas encore en marché unique) et nous
avions le sentiment d'être responsables de ce bon fonctionnement.
Entraver le moins possible mais, en même temps, dès lors qu'il y
avait un problème de santé animale, nous devions prendre des
mesures et nous cherchions à les prendre non seulement en commun, mais
de manière bilatérale.
Avec les Britanniques, jamais. Ni avec John Mac Gregor ni avec John Gamma,
même pas en marge du conseil où nous discutions de tout entre des
personnes qui passent des journées et des nuits ensemble, car cela
crée des liens. Comme disait Claude Cheysson : « Le Conseil
des ministres de l'Agriculture est redoutable car ce sont des voyous et des
marchands de tapis » .
Je n'ai aucun souvenir.
J'ai même demandé à certains de mes collaborateurs, la
D.P.E. dans, l'immédiat : « En as-tu parlé avec
ton homologue ? » en l'occurrence Michael Franklin, un francophile
avec qui nous avions de bons contacts. « Jamais » m'a-t-il
été répondu.
Ils ont pu faire courir des bruits dans certaines commissions et dans des
réunions de travail à Bruxelles. Ils l'ont sûrement fait
mais je n'en ai pas le souvenir -pas même d'une note ou d'un coût
de téléphone. Voilà Monsieur le rapporteur. Je suis, sur
ce point, extrêmement sûr.
M. Paul Blanc -
Vous avez insisté sur le fait que vous avez
été sensibilisé à ce problème au mois
d'avril-mai 1990 avec, en particulier, cette histoire des deux chats et
l'hypothèse émise par certains membres de votre cabinet. Il
semble qu'un rapport de l'Académie de Médecine en 1990,
déclarait disait que l'on ne pouvait pas exclure la possibilité
de transmission de cette maladie à l'espèce humaine. Avez-vous eu
connaissance de ce rapport ?
M. Henri Nallet -
Non. Ni de ce rapport ni de l'article de
Mme Brugère-Picoux. Concernant cette dernière, qui
était en avance dans ses recherches en France, vous pouvez le
vérifier facilement auprès d'elle, j'ai fait sa connaissance il y
a quelques mois sur un plateau de télévision. Je ne l'avais
jamais rencontrée.
M. le Rapporteur -
Au niveau de cette période clé, M.
Blandin, à l'époque Président national des Groupements de
Défense sanitaire dit vous avoir alerté au travers d'un courrier
mi -1989. Ce courrier a été précisément
suffisamment explicite ou pas ?
M. Henri Nallet -
J'ai vu cette déclaration du Président
Blandin. J'ai fait rechercher cette lettre, il semble qu'elle existe. Je ne
suis pas sûr qu'elle ait reçu une réponse écrite,
mais il n'est pas impossible qu'elle en ait eu une. J'ai demandé aux
archives du ministère de l'Agriculture de rechercher la correspondance
de mes collaborateurs. J'étais préoccupé de cette
déclaration, j'ai regardé et j'ai tenté d'en savoir plus.
Sur le fond, la déclaration du Président Blandin n'apportait pas
grand-chose de nouveau, sinon qu'il déclarait que l'épizootie au
Royaume-Uni se développait très rapidement.
Il dit également par ailleurs, ce qui à la fois me trouble ou me
rassure, qu'il considère que toutes les décisions que j'ai prises
en 1990 étaient celles qu'il fallait prendre.
Cela nous aurait-il échappé (et non pas été
caché, mes collaborateurs étant loyaux) ? Je crois que je
peux rassurer votre commission : le ministère de l'Agriculture
-à cette époque- n'a pas été autiste. Il n'a pas
fermé l'oreille à des informations qui lui auraient
été données, car vous le retrouverez dans le compte rendu
de la réunion qui s'est tenue en septembre 1989 au ministère,
où se retrouvent tous les partenaires concernés par cette
question, depuis les services vétérinaires, jusqu'à l'ENV
avec Mme Brugère-Picoux, la Fédération Nationale
Bovine, le Syndicat National des Vétérinaires Praticiens, le
Service Vétérinaire de la D.G.A.L. et les différents
services de la D.P.E. le CNEVA, et autres et la représentante de la
Fédération des Groupements de Défense sanitaire du
bétail, Mme Dufour, qui représente M. Blandin excusé. J'ai
retrouvé dans les déclarations des uns et des autres les
informations. Je suis assuré que les informations de M. Blandin ont
été prises en considération puisqu'au cours de cette
réunion sa représentante a pu faire part des observations de M.
Blandin.
Je souhaite que la lettre de M. Blandin ait reçu une réponse,
mais je n'ai pas le souvenir qu'à une occasion ou à une autre M.
Blandin m'ait parlé de cet situation. Il est possible qu'il m'en ait
parlé, mais quand je regroupe mes souvenirs, c'est une chambre
complètement obscure jusqu'au mois d'avril 1990.
M. le Rapporteur -
Je reviendrai sur l'embargo de mai-juin 1990 qui a
duré 15 jours, 3 semaines pendant lesquelles vous avez subi des
pressions de la Commission européenne. La France a levé cet
embargo sous réserve de pouvoir récupérer des viandes
désossées (de mémoire) provenant de cheptels indemnes.
Or, n'avez-vous pas été troublé de savoir qu'à
cette époque il n'existait pas d'identification du cheptel bovin
anglais ? L'assurance que voulaient bien vous donner les Anglo-saxons
devait être relativement légère.
M. Henri Nallet -
C'est même plus compliqué encore, puisque
nous avions demandé que non seulement les Anglo-saxons donnent
l'assurance mais que le comité vétérinaire vérifie
la faisabilité des décisions prises et que la commission nous
assure que des contrôles seraient opérés auprès des
autorités britanniques.
Peut-être de manière naïve et sûrement avec une
information incomplète nous avons accepté ces garanties et les
avons considérées comme fiables.
A l'époque, je n'avais pas la conscience que j'ai aujourd'hui de
l'état de déliquescence ou de quasi disparition des services
vétérinaires britanniques.
M. le Rapporteur -
Nous l'avons constaté, il y a 48 heures.
M. Henri Nallet -
Je me suis posé la question et
interrogé. Aujourd'hui, nous en savons tellement. Si j'avais su en 1990
que les Britanniques étaient en fait incapables d'assurer l'ensemble des
contrôles, qu'aurais-je fait ?
Peut-être aurais-je maintenu une position totalement fermée, parce
que dans cette période qui a été très difficile
pour moi (c'est sûrement la crise la plus violente que j'ai eu à
assumer même si elle a été brève), à
côté de ce que j'ai vu, les « engueulades » classiques
avec la F.N.S.E.A. et M. Souplet n'étaient rien du tout.
Nous avions renforcé notre position à partir du moment où
à la moitié du Conseil, quand la situation devenait très
difficile en raison de notre isolement, j'ai été rejoint par le
ministre allemand de l'Agriculture. Je suis devant des responsables politiques
je veux témoigner que là encore, si la relation
particulière, privilégiée entre la France et l'Allemagne
n'avait pas fonctionné, nous n'aurions pas tenu. Tous les Etats membres
étaient hostiles aux décisions, y compris les amis traditionnels.
M. le Rapporteur -
Etait-ce une approche personnelle de chaque Etat
membre ou du lobbying très fort des Anglo-saxons ?
M. Henri Nallet -
Monsieur le rapporteur, à cette époque,
le vent souffle dans un sens : il faut libéraliser, ouvrir,
qu'est-ce que ces Français .... c'est tout juste si l'on ne nous
demandait pas de supprimer les services vétérinaires. Nous
étions des personnes qui avions toujours trop de bureaucratie et trop de
contrôle. On préparait le marché unique et il fallait faire
tomber toutes les barrières ; ce n'était pas la mode.
Le grand objectif était de produire le moins cher possible dans les plus
grandes quantités possible, y compris vers l'exportation, le grand
large. Et nos amis britanniques de l'époque étaient, sur cette
ligne, totalement acharnés. Derrière eux venaient
immédiatement la Hollande, et nous étions
considérés comme les derniers des étatistes.
Sur ces questions comme sur d'autres, nous étions isolés
politiquement à l'intérieur du conseil. Fort heureusement, la
relation avec les Allemands et le fait que les Allemands avaient une conception
plus réservée sur le développement de l'agriculture, ont
fait que nous avons pu résister aux déchaînements des
Britanniques et des Irlandais.
M. le Rapporteur -
Lors de l'interdiction des farines animales dans
l'alimentation des bovins en 1990, cela s'est-il accompagné de mesures
de renforcement et de contrôle à l'adresse des industries
d'aliments de bétail ? Avez-vous imaginé dès cette
époque la possibilité de contaminations croisées ?
M. Henri Nallet -
Nous avons procédé sur les farines en
deux temps. Fin 1988, début 1989 : beaucoup d'interrogations.
Ensuite nos vétérinaires français se convainquent que
très vraisemblablement les farines britanniques, insuffisamment
chauffées, sont porteuses de l'agent de transmission et qu'il faut les
interdire, et les services vétérinaires français, dans le
cadre de leur pouvoir propre, préparent cet avis aux exportateurs
d'août 1989 : interdiction d'acheter des farines britanniques (sauf
dérogation pour des monogastriques ou d'autres usages mais, pour les
ruminants, c'est interdit.
Peu de temps après -la réunion de septembre 1989 ans en
témoigne- les importations de farines en provenance du Royaume-Uni
augmentent. Les services vétérinaires redonnent donc
l'information aux différents services vétérinaires
départementaux et j'ai reconstitué que la manière de
travailler à l'époque, mais qui prévaut encore, associait
largement les opérateurs. Les services vétérinaires
parlaient avec les fabricants de farines. Ils mettaient l'information à
leur disposition, leur signalaient l'existence d'un avis aux importateurs, leur
disaient qu'ils étaient prêts à discuter d'une
dérogation éventuelle.
Cela se faisait dans un tissu de coopération qui a bien
fonctionné jusque là. Peut-être n'avons-nous pas
été suffisamment informés et suffisamment alertés
que l'on enregistrait déjà, en 1989, des volumes d'importation
non conformes à l'habitude.
Je n'ai jamais été prévenu.
M. le Rapporteur -
Vous n'avez jamais été
informé ?
M. Henri Nallet -
Jamais personne n'est venu me dire : Monsieur le
ministre, il existe un avis aux importateurs interdisant l'importation des
farines animales.
Quelques informations ont été données à mes
collaborateurs, en particulier une lettre a été envoyée au
Directeur de cabinet lui faisant part (le Syndicat des Industries de
récupération animale avait signalé cette situation), et
l'un de mes collaborateurs (qui possède cette lettre que je peux mettre
à votre disposition) a répondu qu'il était demandé
aux services vétérinaires d'y veiller particulièrement.
Mais je crois qu'à partir de ce moment, un certain nombre
d'irrégularités ont eu lieu, voire de détournements de
trafics, et je pense que nous aurions dû nous préoccuper de la
contamination croisée, car l'arrêté pris en juillet 1990
interdisait toute utilisation de farine pour les ruminants. On laisse,
malheureusement, la porte ouverte à l'utilisation des farines pour les
porcs et les volailles.
Malheureusement, ceux qui préparaient l'aliment du bétail mais
peut-être aussi les utilisateurs, ont mis des farines contaminées
à disposition des animaux qui ne devaient pas les consommer.
M. le Rapporteur -
Etes-vous allé, vous-même ou votre
ministère, jusqu'à imaginer de prévenir les
éleveurs (et dans ce cas par quel canaux spécifiques) en les
tenant informés, juste avant la prise de décision de
l'interdiction de l'importation de farines animales ?
M. Henri Nallet -
Non. Il n'y a pas eu de travail spécifique sur
cette question. Tout le monde était informé et au courant. Et,
là encore, vous trouverez la liste des participants. Le Président
de la Fédération Nationale Bovine était présent
à cette réunion.
Je crois que nous avons été assez long, en France, à
penser que notre troupeau pouvait être concerné rapidement.
Peut-être tous, collectivement, avons-nous fait preuve de trop de
certitude. Il me semble que ce n'est qu'à partir de la crise d'avril-mai
1990 que nous suivons la situation de beaucoup plus près avec beaucoup
plus de rapidité de réaction. Jusque là, je pense que tout
le monde croit que cette maladie nous sera épargnée et que les
mesures prises étaient suffisantes.
Ce n'est qu'avec le recul que l'on constate que les contrôles n'ont pas
fonctionné correctement et que la traçabilité, même
si nous avions obtenu ce que nous pensions être un début de
traçabilité dans les décisions de mai 1990, n'était
pas rentrée dans les pratiques administratives et commerciales.
Je ne sais pas, Monsieur le Président et Monsieur le rapporteur, si vous
parviendrez à reconstituer à titre d'exemple quelques mouvements,
mais quand je réfléchis à ce qui s'est certainement
passé à l'époque : des farines animales britanniques
qui ont quitté le Royaume-Uni dans des navires, qui se sont
promenées dans la Manche et la Mer du Nord, ne sont pas toutes
allées à Roscoff ou à Brest, mais à Rotterdam et
ailleurs ou à Anvers et qui ensuite passent dans des camions avec une
plaque minéralogique belge vers les Vosges ou le Maine-et-Loire.
Le marché unique est déjà là pour partie, les
camions circulent facilement et pas toujours avec des pièces d'origine.
De plus, des pratiques industrielles et commerciales (dont on me dit qu'elles
existent encore mais je n'en suis pas sûr) n'indiquaient pas la
provenance des produits figurant dans les sacs vendus aux éleveurs. Ceci
n'explique pas cela, Monsieur le rapporteur, mais je crois que ces produits
dangereux ont dû circuler dans toutes les directions dans l'espace
européen.
M. Georges Gruillot -
Monsieur le ministre, je voudrais deux
précisions d'ordre différent. La première concerne les
importations en France de cervelles anglaises.
Pouvez-vous nous donner la date d'interdiction d'importation de ces cervelles,
car nous avons tout entendu dans cette commission, des dates qui, dans la
majorité d'entre elles citent 1992. On nous a également
cité 1990. Etes-vous capable de nous donner votre sentiment sur ce point
si vous le savez ?
Jeudi, nous étions reçus à l'ambassade de France à
Londres et nous avons interrogé l'ambassadeur pour savoir comment se
transmettaient les informations anglaises au Gouvernement.
Nous appris que cela se passait par télégramme signé de
l'ambassadeur mais que ce télégramme était toujours
systématiquement envoyé au ministère des Affaires
étrangères. En 1988-1989, quand a lieu ce problème, est-ce
que le ministère de l'Agriculture a bien été
informé de ce que l'on devait logiquement apprendre aux Affaires
étrangères, de notre ambassadeur ?
M. Henri Nallet -
Je pourrais répondre plus
précisément à ces deux questions mais je crois que c'est
en février 1990 que l'on étend l'interdiction de consommation
à un certain nombre de matériels à risques, dont les
cervelles, et à ce moment, que nous collons aux décisions
britanniques. Nous les prenons directement après eux. Il y a eu
interdiction d'utilisation à partir de ce moment.
M. Georges Gruillot -
Nous avons appris qu'à Rungis, pendant
cette période 1990-1992, des montagnes de cervelles ont
été importées.
M. Henri Nallet -
Je ne peux pas répondre à cette
question. Je me réfère seulement -et ce n'est sans doute pas le
côté le plus positif de notre réflexion- au rapport de
l'inspecteur général Villain, de l'inspection des finances, sur
la manière dont ont fonctionné les contrôles et vous avez
la réponse. Son jugement est sévère. Je ne veux surtout
pas en rajouter, car je ne voudrais pas donner le sentiment... je renvoie aux
propos de Claude Vilain qui peuvent expliquer un certain nombre de
dérapages.
Si je poursuis un peu plus, et certains d'entre vous connaissent ma position
sur ce point, car je me suis entretenu avec eux dans d'autres temps, ce que
révèlent ces dysfonctionnements : essentiellement l'absence
de système de contrôle efficace au niveau communautaire, parce que
toutes ces décisions, à partir de 1990, sont communautaires.
Elles auraient dû être vérifiées. C'est un
système de contrôle communautaire qui aurait dû être
vérifié. Tant qu'ils sont laissés à des
systèmes nationaux... les Britanniques avaient un intérêt
commercial à vendre leurs produits. Nous ne sommes pas toujours en
état de vérifier correctement.
Je crois que cette situation que vous décrivez, que je connais et que
j'ai appris à connaître, pointe cette insuffisance. Tant que nous
n'aurons pas un système de contrôle communautaire de
qualité avec des possibilités d'intervention, nous pourrons nous
attendre à des situations de ce type.
Sur le système d'information entre nos pays et nos ambassades (je vous
ai dit que je le mettais à votre disposition), j'ai retrouvé un
premier télégramme général sur l'ESB, datant de
mars 1990. Y en a-t-il eu d'autres ? C'est tout à fait possible,
mais je ne les connais pas.
Le système du télégramme diplomatique fait que lorsqu'un
télégramme est envoyé par l'une de nos ambassades à
l'Administration centrale, à savoir l'Administration du Quai d'Orsay, il
est automatiquement réparti dans les ministères techniques
concernés par la question dont il traite.
Si l'ambassadeur de France à Londres a envoyé à sa
centrale un télégramme préparé par l'attaché
agricole sur n'importe quel aspect de l'agriculture britannique, à un
moment ou à un autre, il a été expédié
quasiment en même temps à la Direction de la Production et des
Echanges du ministère de l'Agriculture. Il ne peut y avoir, par
construction, d'informations qui auraient été retenues
ministère des Affaires étrangères et n'auraient pas
été signalées au ministère de l'Agriculture.
M. le Président
- Ce qui voudrait peut-être dire que ce
serait à l'intérieur de votre propre ministère que des
informations auraient pu être retenues.
M. Henri Nallet -
Non. Nous pouvons le retrouver très facilement.
Il faut demander les télégrammes.
M. le Président -
Nous avons fait la demande. Cela étant,
il est vrai qu'à l'époque la maladie n'était pas
considérée comme un élément aussi important.
Peut-être la situation est-elle restée en l'état.
M. le Rapporteur -
De la prospective : il est évident que,
dans ce rapport, nous devrons écrire un chapitre concernant la
réorientation de la Politique Agricole Commune.
Je pense qu'il serait intéressant -vous connaissant, vous devez
déjà y réfléchir- que vous nous fassiez passer une
note sur l'état de vos réflexions et de la prospective en
matière de réorientation de la politique agricole commune. La
question est simple et la réponse est difficile.
M. Henri Nallet -
Je suis heureux de cette demande. Elle me fait
plaisir, si elle ne me flatte bas. Je vous promets de vous envoyer mes
réflexions simples. Je suis très préoccupé de cette
situation.
M. le Rapporteur -
Pour aller plus loin, forts de ce que nous avons
retenu en 48 heures de passage à Londres, nous ne voudrions pas voir
notre agriculture française et la ruralité française dans
l'état de déliquescence où se trouvent l'agriculture et la
ruralité anglo-saxonnes.
M. Henri Nallet -
C'est une réflexion encourageante.
M. le Président -
Monsieur le ministre, merci.