Audition de M. Claude BELLOT,
Président de la
Confédération générale de l'alimentation de
détail
(CGAD)
(28 février 2001)
M.
Gérard Dériot, Président -
Vous êtes M. Claude
Bellot, président de la Confédération
générale de l'alimentation de détail et c'est à ce
titre que vous êtes auditionné aujourd'hui par notre commission
d'enquête parlementaire sur le problème des farines animales et de
la propagation de l'ESB.
Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de
la commission d'enquête et fait prêter serment à M.
Bellot.
M. le Président
- Merci. Dans un premier temps, je vais vous
demander très brièvement de nous dire à votre niveau ce
que vous pensez de ce problème des farines animales par rapport à
votre activité, après quoi nous vous poserons les questions que
nous souhaitons vous poser.
M. Claude Bellot
- Merci, monsieur le Président.
Je tiens tout d'abord à remercier la commission d'enquête sur les
conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux
d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la
santé des consommateurs d'avoir souhaité m'auditionner
aujourd'hui.
Je devais commencer par une brève présentation de la
Confédération générale de l'alimentation de
détail et de ses actions en matière de sécurité
alimentaire et, ensuite, passer la parole à M. Pierre Perrin,
président de la section artisanale de la CGAD et, surtout,
président de la Confédération française de la
boucherie, boucherie-charcuterie et traiteur, qui s'occupe plus
particulièrement de cette question. Malheureusement, son
beau-père est décédé ce matin et il a
été obligé de regagner son domicile précipitamment.
Vous voudrez donc bien nous en excuser.
La Confédération générale de l'alimentation de
détail (CGAD) représente à la fois les entreprises du
commerce indépendant de l'artisanat et de l'alimentation. Si ces deux
secteurs sont juridiquement distincts, sur le plan professionnel, ils forment
un tout car les artisans et les commerçants de l'alimentation exercent
des activités de transformation et de service vraiment très
spécialisées.
Ainsi, la CGAD représente plus de 290 000 entreprises couvrant seize
métiers regroupés au sein de dix-sept
confédérations nationales qui, afin de garder leur
spécificité, sont regroupées en deux sections : une
section commerciale et une section artisanale.
La section artisanale regroupe les bouchers, les charcutiers, les
pâtissiers, les glaciers, etc., et la section commerciale regroupe les
épiciers détaillants, les détaillants en fruits et
légumes, les hôteliers et la restauration, les
crémiers-fromagers et les commerçants sur les marchés,
c'est-à-dire les non-sédentaires.
Au fur et à mesure des années, la CGAD s'est
développée sur le plan local et, aujourd'hui, 500 syndicats
départementaux sont regroupés en sections départementales
et régionales de notre confédération. C'est un organe de
liaison et de représentation de tout un secteur.
La CGAD est un interlocuteur privilégié des pouvoirs publics et
des différents partenaires économiques avec lesquels elle
entretient des rapports constants. En outre, elle travaille à la
création d'outils spécifiques destinés aux professionnels
du secteur.
Soucieuse de répondre aux exigences des consommateurs, d'aider les
entreprises des métiers de bouche et de répondre aux exigences
réglementaires depuis 1992, la CGAD a entrepris, avec l'ensemble de ses
confédérations, de multiples actions en matière
d'hygiène. Elle a notamment engagé la réalisation de
guides de bonnes pratiques d'hygiène. Ces outils, réalisés
en se fondant sur les principes d'une démarche de type "HACCP", sont des
documents collectifs conçus par les professionnels pour des
professionnels et validés, bien sûr, par les administrations qui
proposent des savoir-faire et des méthodes à appliquer pour
atteindre un niveau satisfaisant d'hygiène.
C'est ainsi que dix guides de bonne pratique d'hygiène sont
proposés aujourd'hui aux professionnels : les guides
pâtissiers, glaciers, fromagers, traiteurs, bouchers, restaurateurs,
confiseurs chocolatiers, charcutiers, poissonniers et fruits et légumes.
Parallèlement à l'élaboration de ces guides, et afin
d'apporter un appui concret aux entreprises sur le terrain, la CGAD a mis en
place des mesures d'accompagnement en partenariat avec ses administrations de
tutelle, en particulier avec la DGAS, et ses administrations dites de
contrôle, dont la DGCCRF et la Direction générale de
l'alimentation. Elle a été ainsi à l'initiative de la
création des centres d'action qualité.
Le Centre national d'action qualité (CNAQ) a été
créé en 1994 et les Centres locaux d'action qualité
(CLAQ), créés à l'initiative de chaque CGAD
départementale, se mettent en place progressivement. Leur mission
essentielle est d'assurer dans les départements un véritable
partenariat avec les administrations de contrôle et d'accompagner les
entreprises dans la mise en oeuvre des recommandations des guides de bonnes
pratiques d'hygiène.
A ce jour, soixante-cinq CLAQ ont été homologués par le
CNAQ, ce qui représente quatre-vingt-six départements.
Outre ces actions spécifiques, la CGAD suit actuellement, à
travers ses branches ou directement, tous les grands chantiers ouverts en
matière de sécurité sanitaire. Elle participe notamment
aux travaux du Conseil national de l'alimentation sur la
traçabilité, la gestion de crise, le principe de
précaution. Elle suit le dossier OGM au sein du Conseil national de la
consommation ou participe aux travaux du Conseil supérieur d'orientation
et de coordination de l'économie agricole et alimentaire allié de
l'AFNOR.
En dehors de cette participation concrète à tout ce qui peut
concourir à l'amélioration de la qualité des produits,
notre organisation dénonce depuis plusieurs années les
méfaits de l'industrialisation et de l'intensification des productions.
Nous avons notamment souligné à de nombreuses reprises que la
course aux prix bas pouvait avoir des conséquences désastreuses
sur la qualité des produits et, malheureusement, les faits nous ont
donné raison.
Nos métiers de l'alimentation ont subi et subissent encore fortement les
effets des dernières crises alimentaires. Selon les sondages d'opinion
réalisées au dernier trimestre 2000, la sécurité
alimentaire constitue une préoccupation croissante pour les
Français. Plus spécifiquement, si le pic de la crise de l'ESB
semble maintenant dépassé, une forte inquiétude persiste
malgré le moratoire sur les farines animales.
Certes inquiet, le consommateur se tourne plus volontiers vers les
commerçants et les artisans traditionnels mais, parallèlement, il
exige beaucoup plus d'informations et de traçabilité. C'est dans
ce sens que la CGA poursuit ses investigations en matière de
sécurité alimentaire.
M. le Président
- Merci. Avez-vous une idée de l'impact
qu'a eu le problème de cette crise sur les chiffres d'affaires de vos
professions ?
M. Claude Bellot
- En ce qui concerne l'impact immédiat de la
dernière crise liée à l'ESB (je parle de celle de 2000 et
non pas de celle de 1996), dans un premier temps, on a frisé les
40 %, mais cela s'est rétabli relativement vite. Il est vrai que
les consommateurs ont fait confiance à leur boucher traditionnel
où ils retrouvaient une traçabilité. Actuellement, au
moment où je vous parle, on peut dire que les bons bouchers (parce que,
dans une profession, il y a effectivement des spécialistes mais il y a
également un tout) ont retrouvé leur niveau, mais certains
artisans qui se retrouvaient dans des régions où ils ne pouvaient
pas proposer à la clientèle une haute qualité ont perdu
quand même jusqu'à 20 ou 25 % de chiffre d'affaires.
M. le Président
- Qu'est-ce que cela représente
réellement en chiffres ? Vous nous parlez de pourcentages, mais
nous souhaiterions avoir des chiffres. Vous ne les avez peut-être pas ici
mais on vous demandera de nous les faire parvenir.
M. Claude Bellot
- Je suis très ennuyé, monsieur le
Président, mais je suis vraiment incompétent sur ce
problème. C'est en effet le président Perrin qui était
saisi de ce dossier : en tant que président de la boucherie
traditionnelle, c'était son secteur. Je vous propose donc qu'il puisse
répondre par écrit aux demandes que vous pourriez lui formuler.
M. le Président -
Tout à fait. C'est ce que je voulais
vous demander. C'est la meilleure solution.
M. Claude Bellot
- Je vous prie encore une fois de m'excuser de ce
contretemps qui est vraiment indépendant de notre volonté.
M. Paul Blanc
- Quand vous parlez de 25 % de baisse, parlez-vous
d'une baisse globale ou ne concerne-t-elle que la viande bovine ? N'y
a-t-il pas eu une compensation sur autre chose ?
M. Claude Bellot
- Je ne parle que de la race bovine. Cela a
été effectivement compensé sur d'autres produits,
notamment sur la volaille.
M. le Président -
Pour en revenir sur ce problème de
chiffres, que nous comprenons très bien, nous vous demanderons de nous
envoyer le plus rapidement possible le volume que cela a
représenté en viande bovine et le pourcentage, ce qui nous
permettra d'avoir ce que cela représente en francs, et également
les compensations qui ont pu être faites sur d'autres viandes, pour que
nous puissions avoir le montant réel.
M. Claude Bellot
- J'ai en ma possession une étude qui a
peut-être été portée à votre connaissance. En
effet, le Centre d'information de l'industrie laitière (CIDIL) -je suis
personnellement dans les produits laitiers et fromagers- a fait une
étude d'impact sur les consommateurs pour connaître leur position.
Je ne sais pas si elle est arrivée à votre connaissance, mais je
pourrai peut-être vous annexer ce rapport ou, du moins, le demander aux
services du CIDIL. Il s'agit d'une étude qui a porté sur la
listeria de 1988, sur celle de 1992 ou 1993 et, surtout, sur la crise
liée à l'ESB en 1996 et actuellement.
M. le Président
- Vous pourrez en effet nous la faire parvenir.
M. Claude Bellot
- Je pense qu'elle est intéressante en ce qui
concerne la position des consommateurs.
Je vous signale par ailleurs que la Confédération de la boucherie
a porté plainte, le 16 décembre 1996, avec constitution de partie
civile, et que le dossier est en cours d'instruction. Elle a réagi en
disant que, bien évidemment, c'était un tort causé aux
produits ainsi qu'aux détaillants qui avaient constaté, en 1996,
une forte baisse de consommation, plus difficile à remonter que
l'actuelle et que, bien sûr, il y avait eu des dépôts de
bilan et des fermetures, ce qui a engendré chez le consommateur des
soupçons et des critiques, sans parler du préjudice financier.
Si le président Perrin avait été là, il vous aurait
également parlé de la taxe d'équarrissage.
M. le Président -
D'autres nous en ont parlé...
M. Claude Bellot
- Cela ne m'étonne pas.
M. Paul Blanc
- Vous dites qu'il y a actuellement une certaine reprise.
A votre sens, à quoi est-elle due ? A l'ambiance
générale ou au fait que le consommateur trouve une meilleure
traçabilité ?
M. Claude Bellot
- Honnêtement, je pense que c'est une question de
traçabilité.
M. Paul Blanc
- Bien que le consommateur ne vérifie pas toujours,
il sait que son boucher peut lui fournir une traçabilité. Il
m'arrive assez souvent d'aller chez mon boucher, en particulier le samedi
--c'est souvent moi qui fais les courses--, et je peux dire que, dans le
magasin, les gens savent que l'étiquette existe mais que personne ne la
vérifie. C'est plutôt un sentiment général de
confiance.
M. Claude Bellot
- C'est vrai, mais les artisans ont, depuis 1996,
accordé une attention toute particulière à la
traçabilité et je pense que, vis-à-vis de leurs clients,
la confiance s'est renforcée à partir de cette date. Avec l'ESB,
il y a eu une réticence au départ parce qu'on ne savait pas
où on allait mais cette confiance est revenue.
Je pense que les professions alimentaires, d'une façon
générale, ont mis du temps à pouvoir compter sur la
reprise économique. Nous avons été l'un des derniers
secteurs dans lesquels les choses sont reparties, mais je ne pense pas que
l'impact soit dû à la reprise économique. Il est
sûrement dû à la confiance que les bouchers ont pu redonner
depuis quelques années et à la traçabilité.
M. Jean Bizet, Rapporteur
- Monsieur le Président, la
confédération que vous représentez est très
intéressée par l'origine des viandes que vous commercialisez.
Votre préoccupation, maintenant, va-t-elle jusqu'à rechercher
quelle est l'alimentation des bovins sur le territoire national ? Si oui,
quelles sont vos suggestions en matière de traçabilité,
d'information et d'étiquetage à l'adresse du consommateur ?
M. Claude Bellot
- Vous m'excuserez, mais je suis vraiment
incompétent pour vous répondre sur la viande. Je pense qu'il y a
effectivement une préoccupation de la profession au sujet de la
nécessité d'avoir cette traçabilité et de remonter
en amont le plus haut possible, mais je ne peux pas vous répondre dans
le détail. Cependant, je peux poser la question.
M. le Rapporteur
- Il serait intéressant que vous posiez la
question aux personnes compétentes de votre confédération.
M. Claude Bellot
- Pouvez-vous me la reformuler ?
M. le Rapporteur
- Nous nous doutons de votre préoccupation en
matière d'origine des viandes que vous commercialisez, mais cette
préoccupation va-t-elle maintenant au-delà, c'est-à-dire
sur la problématique de l'alimentation des animaux ? Si oui,
quelles sont les mesures que vous êtes prêts à mettre en
oeuvre pour mieux informer les consommateurs sur ce point ? Est-ce que
vous imaginez aller jusqu'à des contractualisations avec les producteurs
ou des circuits un peu plus courts qu'à l'heure actuelle au niveau de la
grande distribution, pour vous démarquer un peu plus et de façon
à mettre davantage l'accent sur la traçabilité et
l'identification ?
Je suis persuadé que vous devez avoir avec vous des gens qui
réfléchissent à cette problématique et qui ont des
idées et des propositions. Il serait donc intéressant que nous
puissions les avoir.
M. Claude Bellot
- D'accord, monsieur le Sénateur.
M. le Président -
Nous vous avons posé les questions
principales que nous voulions vous poser et nous comprenons bien la situation.
Nous préférons donc que vous nous répondiez par
écrit et que vous nous envoyiez les documents qui correspondent, car il
ne servirait à rien que nous vous posions d'autres questions. Il vaut
mieux faire de cette façon.
M. Claude Bellot
- Très bien, Monsieur le Président.
M. le Président -
Nous vous remercions infiniment d'avoir
été patient, puisque vous étiez arrivé en avance,
et nous vous demandons donc de nous répondre par écrit. Merci
beaucoup.
M. Claude Bellot
- Merci, monsieur le Président.