c) L'absence de véritable séparation entre l'évaluation et la gestion des risques au niveau européen
(1) L'exemple français
Lors de son audition devant la commission d'enquête, M. Jean Glavany, ministre de l'Agriculture, a notamment déclaré :
« Dans une démocratie moderne, transparente et qui se veut efficace, il est indispensable de séparer les fonctions d'évaluation et de gestion du risque. L'évaluation du risque relève de la compétence de l'autorité des scientifiques, si possible indépendants, alors que la gestion du risque ne peut relever que des autorités publiques démocratiquement élues et responsables devant le peuple.
« Le mélange des genres est dommageable à bien des égards, aussi bien quand les responsables politiques et publics se targuent de pouvoir évaluer le risque mieux que les scientifiques que lorsque des scientifiques veulent sortir de leur rôle pour entrer dans la gestion du risque, ce qui n'est pas forcément meilleur, parce qu'ils ne sont pas responsables, eux, devant le peuple et qu'ils ne sont pas forcément non plus détenteurs de ce sens de l'intérêt général qui doit animer tous ceux qui gèrent la chose publique ».
En effet, la séparation entre l'évaluation et la gestion des risques est un principe essentiel. Il garantit à la fois l'indépendance et l'impartialité des experts, d'une part, et la responsabilité de l'autorité politique, d'autre part.
(2) Une confusion au niveau européen
Si ce principe de séparation est reconnu et appliqué en France, il reste encore imparfaitement assuré au niveau communautaire, comme le reconnaît M. Jean Glavany : « il y a eu et il y a toujours des dysfonctionnements au niveau européen entre l'évaluation et la gestion du risque ».
M. Gérard Pascal, actuel directeur du comité scientifique directeur, l'a lui-même reconnu devant la commission d'enquête : « Au mois de juillet 1996, j'ai été nommé dans un comité dont l'existence a été relativement éphémère. Il n'a siégé que jusqu'au mois d'octobre 1997. Il s'agissait d'un comité multidisciplinaire scientifique sur les problèmes d'ESB, directement placé auprès du Secrétariat général de la Commission. L'objectif était de placer ce comité en dehors des directions générales car celles-ci devaient à la fois donner des avis scientifiques en termes d'évaluation des risques et prendre des décisions en termes de réglementation dans le domaine de l'agriculture comme de l'industrie ».
Cette confusion des genres fut également plaisamment illustrée devant la commission d'enquête lors d'un dialogue entre le Rapporteur et M. Gérard Pascal.
M. Jean Bizet : « Quelle est votre analyse sur les derniers propos tenus par le commissaire européen à l'agriculture M. Franz Fischler ? Celui-ci dédouanait quelque peu les farines animales et laissait entendre qu'il existerait une autre approche de cette épidémie au niveau mondial. Disposez-vous de quelques informations scientifiques sur ce point ? Son opinion a fait l'objet, il y a quelques jours, d'un article dans un grand quotidien national. Il considérait qu'il s'agissait davantage d'un problème de mutation génétique ».
M. Gérard Pascal : « Je répondrai à votre question par une boutade. Nous étions en réunion du Comité scientifique directeur lorsque nous avons pris connaissance de cet encart. Nous avons alors dit : « Tiens ! Nous ignorions qu'il y avait un dix-septième membre au comité scientifique directeur ! ».
Ainsi, ce que la France a réussi à faire, il est indispensable de le faire maintenant au plan européen. La création d'une Autorité alimentaire européenne, qui est une proposition d'origine française, paraît plus que jamais nécessaire, pour la commission d'enquête, afin d'assurer une véritable séparation entre l'évaluation et la gestion des risques au niveau européen.