(2) Le principe de précaution : un principe introuvable au niveau européen
Une lacune majeure du droit communautaire originaire reste l'absence d'une reconnaissance explicite du principe de précaution en matière de protection de la santé.
En effet, si le principe de précaution a été intégré à l'article 130 du traité (article 153 nouveau) par le traité de Maastricht, cette reconnaissance ne concerne que le domaine de l'environnement.
La Cour de justice des Communautés européennes a, d'ailleurs, comblé partiellement cette lacune en élargissant la portée du principe de précaution au champ de la santé, en particulier en matière d'ESB, dans son arrêt « Royaume-Uni contre Commission », en date du 5 mai 1998 (Affaire C-180/96, Recueil p. I-2265), où elle s'est fondée sur ce principe pour débouter les autorités britanniques de leur recours à l'encontre de l'embargo (décision 96/239/CE).
En effet, la Cour de Luxembourg, après avoir souligné qu'au moment de l'adoption de la décision 96/239/CE il existait une grande incertitude quant aux risques que supposaient les exportations des animaux vivants, de la viande de boeuf ou des produits dérivés, a affirmé que, selon ce qui est prévu dans l'article 130 (153 nouveau), on devait « admettre que, lorsque des incertitudes subsistent quant à l'existence ou à la portée de risques pour la santé des personnes, les institutions peuvent adopter des mesures de protection sans avoir à attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées. »
Cette jurisprudence a été confirmée par l'arrêt « Bergaderm », rendu par le Tribunal de première instance des Communautés européennes du 16 juillet 1998 (affaire T-199/96).
La position réticente de la Commission européenne semble également avoir évolué sur la reconnaissance de ce principe depuis sa communication de février 2000.
Le Conseil européen, qui rassemble les chefs d'Etat et de gouvernement des Quinze, réuni à Nice les 7 et 8 décembre 2000, a pris note de la résolution adoptée par le Conseil sur le principe de précaution. Ce texte non contraignant, mais politiquement important énonce que « le principe de précaution est applicable à la santé humaine » et qu'« il pourrait être utile d'examiner (...) la nécessité et la possibilité d'ancrer formellement le principe de précaution, (...), également dans d'autres dispositions du Traité, en lien en particulier avec la santé et la protection des consommateurs ».
Des obstacles demeurent, toutefois, à la reconnaissance pleine et entière du principe de précaution, tant du point de vue des engagements internationaux, avec en particulier les contraintes liées à l'OMC, qu'au niveau du principe de la libre circulation des marchandises.
La commission d'enquête considère, en dépit de ces obstacles, que la pleine reconnaissance du principe de précaution au niveau européen s'impose comme une nécessité incontournable.