b) La déficience des contrôles : une conséquence du marché unique
La commission d'enquête a pu constater que la mise en place du marché unique a considérablement modifié la nature des contrôles effectués sur les échanges en matière alimentaire.
La législation communautaire en la matière résulte en particulier de deux directives : la directive 90/425 du 26 juin 1990 et la directive 89/662 du 11 décembre 1989 relatives aux contrôles vétérinaires, qui ont entraîné la suppression des contrôles vétérinaires aux frontières intracommunautaires au profit de contrôles sur le lieu d'origine et de contrôles éventuels sur le lieu de destination.
L'un des considérants de ces directives précise que « cette solution implique une confiance accrue dans les contrôles vétérinaires effectués par l'Etat d'expédition, notamment par la mise en place d'un système rapide d'échange d'informations qu'il importe que l'Etat membre d'expédition veille à effectuer ces contrôles vétérinaires de manière appropriée ». La commission d'enquête n'a pu que constater la volonté de privilégier les contrôles vétérinaires dans l'Etat d'expédition a rapidement trouvé sa limite avec l'affaire de l'ESB.
(1) Des contrôles nationaux défaillants : la nécessité de rétablir une surveillance en frontière intracommunautaire en cas de menace
Comme le note M. Claude Villain, inspecteur général des finances 38 ( * ) , « depuis 1993, les services des douanes sont désarmés en matière d'échanges intracommunautaires (...). Ce n'est que dans le cas d'embargo, comme celui décrété au printemps 1996, sur les produits bovins britanniques que la Douane « récupère » ses moyens d'intervention aux frontières intra-communautaires, en se fondant sur la décision de l'Union européenne.
La procédure des DEB (déclaration d'échanges de biens) n'a pas pour objet le respect de procédures sanitaires ou mêmes douanières : son double objectif est statistique et fiscal. Un contrôle plus efficace des DEB aurait été possible : il aurait permis de déceler plus tôt des erreurs d'imputation d'origine, de volumes ou de nomenclature » .
M. Villain suggère donc, dans son rapport, de restaurer certaines modalités de contrôles intracommunautaires, en cas d'échanges de produits dangereux ou de menaces sur la santé (épidémie, épizooties), ou sur l'ordre public.
En effet, « devant la perspective d'une Union européenne à 25 ou 30 membres, il serait naïf, pour rester modéré, de croire que la qualité, la salubrité ou la santé d'un produit d'un animal, ou son origine, pourra être garantie, sans aucun autre contrôle, par l'autorité du pays dont il émane ».
« L'affaire de l'ESB s'est déroulée en mettant en première ligne deux Etats membres, le Royaume-Uni et l'Irlande dont le sérieux administratif est généralement reconnu. Je laisse le lecteur déterminer la foi qu'il pourrait accorder aux documents émanant de certains Etats que la charité interdit de nommer ».
Les rapports de mission du service d'inspection de la Commission, diffusés au public depuis l'été 1998, offrent un catalogue exhaustif des nombreux dysfonctionnements constatés par les vétérinaires européens dans les systèmes de contrôles nationaux. Ces dysfonctionnements ont entraîné des procédures d'infraction à l'encontre de treize Etats membres.
« Il semble donc absolument nécessaire, dès l'apparition d'une menace, qu'il s'agisse de santé animale, de caractéristiques dangereuses d'un produit, ou de tout autre phénomène analogue, qu'un mécanisme de surveillance en frontière intracommunautaire puisse être rétabli. » , note M. Villain.
Cette idée a été traduite par un nouvel article 38-5 du code des douanes introduit par la loi du 4 janvier 2001, relative à la santé des animaux et à la qualité sanitaire des denrées d'origine animale, qui permet d'effectuer des contrôles plus complets, ce qui faisait défaut auparavant, comme l'ont reconnu les responsables de la Direction générale des douanes et droits indirects devant la commission d'enquête.
* 38 Rapport confidentiel sur les contrôles exercés en matière d'ESB, dont la Commission d'enquête a obtenu la communication.