4. Du principe au syndrome de précaution : de la difficulté de gérer une crise alimentaire
A la décharge du gouvernement, comme de ceux qui l'ont précédé, la gestion d'une crise alimentaire est toujours particulièrement délicate : si les autorités n'appliquent pas le principe de précaution, la réaction de l'opinion sera nécessairement vive, tandis que si elles l'appliquent, elles seront également critiquées pour céder à l'obsession du « risque zéro ». Or, le risque zéro n'existe pas.
A cet égard, la commission estime que le principe de précaution peut répondre aux objectifs suivants :
- ne pas faire courir un risque inutile ;
- privilégier face à une incertitude l'hypothèse la plus pessimiste ;
- minimiser les effets d'un risque inévitable ;
- apprécier le risque d'un acte à l'aune de son bénéfice.
En vertu du principe de précaution, le retrait des matériaux à risques spécifiés, pour prendre l'exemple de l'ESB, doit être fait sans attendre que le risque soit avéré.
La création de l'AFSSA a permis de distinguer de manière efficace l'évaluation de la gestion du risque. Si l'agence est chargée de l'évaluation du risque, la gestion de celui-ci ne doit pas être oubliée. Il ne serait pas sain que le politique se reporte constamment au scientifique pour justifier telle ou telle décision. Le politique doit continuer à disposer de son autonomie.
Pour prendre l'exemple de l'abattage systématique total du troupeau 83 ( * ) dont l'un des membres est atteint d'ESB, il est logique d'avoir demandé son avis à l'AFSSA, compte tenu du développement des tests sur les bovins de plus de 30 mois. Il est probable que l'AFSSA expliquera qu'il n'y a pas de différence -en terme de santé publique- entre l'abattage total et l'abattage sélectif, accompagné de tests, tel qu'il est pratiqué en Suisse.
Si le gouvernement devait arbitrer entre ces deux solutions, il devrait expliquer clairement les raisons de sa décision. A l'heure actuelle, passer de l'abattage total à l'abattage sélectif risque de faire courir à l'éleveur des risques financiers importants : pourrait-il, après avoir eu un cas d'ESB dans son troupeau, écouler son lait et vendre sa viande dans de bonnes conditions ?
Un tel exemple montre que la gestion du risque ne se fonde pas uniquement sur des critères de santé publique.
Encore faut-il l'expliquer clairement : c'est au prix de cette explication qu'une véritable culture de santé publique et qu'une véritable pédagogie du risque se développeront dans notre pays.
* 83 Contrairement à ce qui est souvent affirmé, la politique d'abattage total ne date pas de la création de l'AFSSA (1999). Elle remonte au premier cas découvert en France (1991). Le système d'abattage total est celui utilisé classiquement en France pour les zoonoses.