N° 291

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 25 avril 2001

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (1) sur l' accès au marché du travail de l'Union européenne des ressortissants des pays d'Europe centrale et orientale après leur adhésion,

Par M. Paul MASSON,

Sénateur.

(1) Cette délégation est composée de : M. Hubert Haenel, président ; Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. James Bordas, Claude Estier, Pierre Fauchon, Lucien Lanier, Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; Nicolas About, Hubert Durand-Chastel, Emmanuel Hamel, secrétaires ; MM. Bernard Angels, Robert Badinter, Denis Badré, José Balarello, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Jean Bizet, Maurice Blin, Xavier Darcos, Robert Del Picchia, Marcel Deneux, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Jean-Paul Emin, André Ferrand, Jean-Pierre Fourcade, Philippe François, Yann Gaillard, Daniel Hoeffel, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, Paul Masson, Jacques Oudin, Mme Danièle Pourtaud, MM. Simon Sutour, Xavier de Villepin, Serge Vinçon, Henri Weber.

Union européenne.

INTRODUCTION

Dans le cadre des négociations pour l'élargissement de l'Union européenne, le Conseil est appelé à prendre position dans les prochains mois sur les conditions dans lesquelles se mettra en place la liberté de circulation et d'installation, dans l'Union européenne, des travailleurs des pays candidats.

La liberté de circulation des travailleurs au sein de l'Union européenne est assurée par l'article 39 du traité sur l'Union européenne qui précise que :

" 1. La libre circulation des travailleurs est assurée à l'intérieur de la Communauté.

2. Elle implique l'abolition de toute discrimination, fondée sur la nationalité, entre les travailleurs des Etats membres, en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail.

3. Elle comporte le droit, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique :

a) de répondre à des emplois effectivement offerts,

b) de se déplacer à cet effet librement sur le territoire des Etats membres,

c) de séjourner dans un des Etats membres afin d'y exercer un emploi conformément aux dispositions législatives, réglementaires et administratives régissant l'emploi des travailleurs nationaux,

d) de demeurer, dans des conditions qui feront l'objet de règlements d'application établis par la Commission, sur le territoire d'un Etat membre, après y avoir occupé un emploi.

4. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux emplois dans l'administration publique. "

L'application de ces dispositions a été entièrement réalisée en 1968, dans le cadre de la Communauté européenne, après une première période transitoire. Des arrangements particuliers ont été également appliqués, aussi bien au moment de l'adhésion de la Grèce en 1981, que de l'Espagne et du Portugal en 1986 . Dans les deux cas, la clause de sauvegarde faisait référence à l'existence potentielle de " problèmes économiques sérieux ou persistants dans un secteur ou une région " . Les traités d'adhésion avaient également créé une clause spéciale pour le Luxembourg en cas de rupture sérieuse de l'équilibre du marché du travail dans ce pays. Ces clauses dérogatoires s'appuyaient sur la proximité géographique, les différences de rémunération, le taux élevé de chômage et la propension à l'émigration des populations des pays candidats à l'adhésion . Dans le cas de l'Espagne et du Portugal, la période de transition était de sept ans, éventuellement réduite à six ans en cas d'absence de problèmes sérieux de migration.

Alors que les Etats membres doivent bientôt arrêter une position commune sur ce chapitre de la liberté de circulation des travailleurs pour les pays candidats d'Europe centrale et orientale, le chancelier d'Allemagne fédérale a lancé publiquement ce débat à Weiden, près de la frontière tchèque, le 18 décembre 2000, en annonçant qu'il " proposerait lors des négociations sur l'élargissement de l'Union européenne un délai de transition imposant une limitation de l'accès au marché de l'emploi pendant sept ans " aux nouveaux pays membres. Le Chancelier a justifié sa proposition, dans une autre intervention devant des membres du SPD par " les différences de revenus et de salaires entre les pays d'Europe centrale et de l'Est " . Il a souligné que l'écart était bien plus important que celui qui existait entre la péninsule ibérique et le reste de l'Europe en 1985.

Le Chancelier n'a cependant pas exclu une certaine flexibilité dans l'application de cette mesure qui permettrait un raccourcissement du délai de transition pour certains Etats. Il s'est également prononcé pour un examen obligatoire de la situation dans chaque nouvel Etat membre après cinq ans. Pendant la période de sept ans, en cas de pénurie de main-d'oeuvre, générale ou particulière, des possibilités d'accès contrôlé au marché de l'emploi dans les actuels Etats membres pourraient être mises en oeuvre selon les droits nationaux de chaque Etat. Cette position, qui est partagée par l'Autriche, a provoqué un certain mécontentement des Etats candidats, notamment de la Pologne, qui estime que l'ouverture de son marché du travail doit commencer dès son entrée dans l'Union européenne.

Sur la base d'une note interne du 6 mars 2001, la Commission européenne a mandaté, le 14 mars 2001, le commissaire allemand Günther Verheugen pour élaborer une proposition de position de négociation. Le Collège des Commissaires en a discuté le 20 mars et le 11 avril 2001. Le Conseil des Ministres Affaires générales n'est pas encore saisi d'une proposition officielle de la Commission.

I. LA POSITION GERMANO-AUTRICHIENNE

L'Allemagne a déjà, dans un passé récent, évoqué la nécessité de périodes de transition sur le chapitre de la libre circulation des travailleurs, qui pourraient être de l'ordre de 14 à 20 ans. La proximité géographique des pays candidats, où les conditions de rémunération sont beaucoup plus faibles, explique essentiellement l'hostilité des populations allemande et autrichienne à la liberté de circulation des travailleurs des pays candidats. La question est particulièrement sensible dans les nouveaux Länder où le taux de chômage atteint 17,5 % de la population. Il n'est donc pas surprenant que la plupart des études disponibles aient été réalisées en Allemagne et en Autriche, mais aussi à la demande de la Commission européenne.

A. LES TRAVAUX DE SIMULATION MACRO-ÉCONOMIQUES

Différents instituts de recherche ont étudié attentivement les conséquences de l'ouverture des frontières aux travailleurs d'Europe centrale , comme, par exemple, l'Institut autrichien de recherche régionale qui a publié dès 1997 une étude sur la structure et la modification de l'immigration potentielle en provenance de Pologne, de Slovaquie, de République tchèque et de Hongrie.

L'Institut autrichien de recherche économique de Vienne a publié pour sa part, en avril 1998, un document sur les effets de l'élargissement de l'Union européenne à l'Est sur le marché du travail en Autriche. L'Institut de recherche économique de Munich a publié cette année un rapport sur l'émigration des travailleurs dans le cadre de l'élargissement et sur les étapes d'un rapprochement progressif des marchés du travail.

Les instituts de recherche économique de Vienne, Dresde et Trieste ont réalisé, en décembre 2000, un projet transnational pour la préparation à l'élargissement de l'Allemagne, de l'Italie et de l'Autriche, en particulier dans le domaine de la liberté de circulation des travailleurs.

D'autres travaux ont été menés dans le cadre de l'OCDE en février 2000 et de l'ONU en mars 2000. Le ministère de l'éducation et de l'emploi britannique a effectué en juillet 1999 une autre recherche ainsi que l'Office européen de statistiques Eurostat tandis que la direction générale de l'emploi et des affaires sociales de la Commission européenne en 2000 chargeait un consortium germano-italien d'analyser l'impact de l'élargissement à l'Est sur l'emploi et le marché du travail des pays membres.

La direction générale pour la politique régionale de la Commission a également publié, en janvier 2001, un deuxième rapport sur la cohésion économique et sociale, qui fait notamment apparaître les problèmes de migrations liés à l'élargissement. La direction générale Justice et Affaires intérieures a commandé au consultant " Ecotech Research and Consulting Limited " , l'année dernière, une étude - actuellement non publiée - sur les effets de l'admission de nouveaux Etats membres au regard de l'emploi.

La note interne du 6 mars 2001 de la Commission européenne, qui a été transmise au collège des Commissaires ainsi qu'aux Etats membres, s'appuie largement sur les travaux menés dans les directions générales de la Commission. On peut cependant s'étonner que cette note ne fasse aucune référence à des travaux d'origine française .

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